Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du jeudi 17 décembre 2020 à 9h30
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Amélie de Montchalin, ministre :

Le suivi personnalisé des situations de violence conjugale est traité par les services sociaux des directions des ressources humaines, qu'elles remontent soit par le signalement des cellules que nous activons et élargissons, soit par un entretien informel. Les demandes de mutation sont suivies de façon personnalisée. Je n'ai pas de chiffres à communiquer, car il n'existe pas sur ce sujet de procédure fixée par circulaire. Nous essayons d'agir de la façon la plus circonstanciée possible.

Toute suspension temporaire ou durable liée à une situation de violence est accompagnée d'une pénalité financière. Le déclenchement de la machine judiciaire, le plus souvent à l'encontre de l'homme, génère pour lui des frais supplémentaires. Quant à réserver la jouissance du logement de fonction à des femmes avec enfants en situation de violence conjugale, nous n'avons pas d'outil de cette nature, mais c'est un point que nous regarderons.

En revanche, j'ai demandé à la DGAFP un examen des conditions d'accès au logement par le comité interministériel consultatif d'action sociale des administrations de l'État (CIAS). Comme nous conduisons notre politique de logement avec ce comité, nous pourrions réserver des logements à des femmes agents publics en situation de détresse. Ce champ d'action me paraît plus activable à court terme qu'un changement de la grande politique de logements de fonction. À partir du CIAS et du suivi individualisé assuré par les services sociaux des ressources humaines, nous examinerons s'il convient de mettre en place des dispositifs de mise à l'abri de femmes et de leurs enfants.

S'agissant de l'accès aux concours de la haute fonction publique, vaste sujet avec un fort enjeu de diversification des profils, vous avez voté, dans le cadre du budget pour 2021, deux dispositions importantes.

La première est l'augmentation significative du nombre de places des classes préparatoires intégrées, réparties sur l'ensemble du territoire, que vous avez porté de 700 à 1 700, soit 1 000 nouvelles places. Les classes préparatoires intégrées, qui comptent 68 % de femmes, présentent un intérêt particulier en matière d'accès à la préparation, puisque 60 % des élèves réussissent au bout d'une année les concours d'accès aux fonctions d'encadrement de la fonction publique – IRA, direction de la pénitentiaire, des hôpitaux, cours régionales des comptes, ENA, magistrature, etc. La présence de 68 % de femmes dans les classes préparatoires intégrées montre qu'en élargissant le nombre de femmes et d'hommes ayant accès à ces classes, on active un mécanisme de féminisation intéressant. Un tutorat et un mentorat forts accompagnent la préparation aux concours, notamment aux oraux.

Seconde disposition, grâce à votre soutien, j'ai fait passer le montant de la bourse ou de la sur-bourse – ces classes sont aussi ouvertes à des demandeurs d'emploi en reconversion – de 2 000 à 4 000 euros par an. L'État finance donc le dispositif de préparation aux concours moyennant un certain nombre de critères, notamment un accompagnement par tutorat.

Nous cherchons également à faire mieux connaître ces dispositifs, à les rendre plus lisibles, pour puiser dans le vivier de toutes les filières universitaires. C'est un chantier majeur de diversification et de féminisation, car il s'agit davantage de lutter contre l'autocensure que contre la discrimination. Ce genre de mécanisme contribue à inciter les femmes à passer ces concours.

Madame la députée de l'Essonne, vous serez heureuse d'apprendre que, grâce au soutien de l'ENA, une classe préparatoire aux concours de la haute fonction publique vient d'être créé à l'université d'Évry. C'est aussi un enjeu social. La diversité est territoriale, sociale, et répond aux critères de parité hommes/femmes. Ce sont pour moi autant de leviers d'attractivité des concours de la fonction publique. Nous allons là où se trouvent les gens qui peuvent les préparer, c'est-à-dire à l'université, et sur tout le territoire – pas uniquement au cœur de la métropole parisienne.

Concernant l'organisation des concours, nous nous interrogeons sur les jurys, leur formation et leur formation aux biais. La nouvelle promotion de l'ENA, par exemple, compte 37 % de femmes, soit la même proportion que de candidates admissibles. Cela signifie qu'il n'y a pas trop de biais, mais il faut aller plus loin et faire tourner les jurys. Je réfléchis avec les écoles de service public à la manière d'organiser des jurys capables de dépasser les biais conscients ou inconscients. J'ai néanmoins le sentiment que l'enjeu aujourd'hui est plus celui de l'autocensure que de la discrimination systématique. Or les outils pour y répondre sont différents. Bien sûr, il faut être attentif à la discrimination, mais combien de fois n'ai-je entendu des jeunes dire, bien avant le concours : « ce n'est pas pour moi ». C'est pourquoi, avec Jean‑Michel Blanquer et Frédérique Vidal, nous travaillons à la manière de trouver à l'université des talents pour les amener vers la haute fonction publique.

Les 40 % de la loi Sauvadet ne peuvent être strictement comparés aux quotas de 40 % des conseils d'administration, car les fonctions ne sont pas identiques. Nous nommons des femmes à des équivalents de comex, puisqu'elles gèrent des budgets, des équipes et de l'opérationnel. Dans le public, le conseil d'administration, c'est le Gouvernement et il est paritaire, et le conseil de surveillance, c'est le Parlement où le groupe majoritaire est paritaire. Nos 40 % de primo-nominées, nos directrices d'administration centrale, nos préfètes, nos rectrices sont des équivalents de membres de comex, car leurs fonctions sont opérationnelles.

Concernant les concours internes et la progression dans la carrière, depuis la rentrée de novembre, nous avons pris avec l'ENA une disposition visant à maintenir l'intégralité de la rémunération aux candidats préparant le concours interne, notamment avec l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), puis élèves hauts fonctionnaires. C'est un changement important car la progression par le concours interne était ralentie par la perte de 30 à 40 % de la rémunération, surtout pour les candidats ou candidates ayant une famille.

Mais en matière d'accès aux écoles et aux concours, notre vision doit dépasser le cadre strict de l'ENA. N'oublions pas que l'École nationale de la magistrature (ENM) est très féminisée, que les Instituts régionaux d'administration (IRA) comptent 55 % de femmes. Notre réseau d'écoles de service public comprend plus d'une vingtaine d'établissements. Il faut dépasser la vision totémique de l'ENA pour considérer toutes les possibilités d'accès des femmes aux responsabilités publiques et à l'encadrement supérieur public, dans des fonctions très différentes. Je tiens ainsi à féminiser le corps des administrateurs territoriaux. Je pourrai vous donner les chiffres de la féminisation de toutes les écoles de service public.

Je ne suis pas compétente en matière de filières sportives, mais je vais m'y intéresser. J'examinerai avec Roxana Maracineanu, elle-même concernée par la diversité et la mixité, ce qu'il est possible de faire.

Les chiffres des amendes sont publics et figurent sur le site fonction-publique.gouv.fr, dans un rapport intitulé « Bilan de la mise en œuvre du dispositif des nominations équilibrées au cours de l'année 2018 ». Il a été publié très tardivement pour des raisons que je vais essayer de résoudre, puisque je m'engage à vous livrer les données de 2019 en mars 2021. Vous aurez ainsi les données de 2018 en décembre 2020 et celles de 2019 au printemps prochain. Nous allons accélérer le rythme de publication pour coller davantage à la réalité.

Les pénalités s'établissent à 2 millions d'euros pour 2018 pour la fonction publique territoriale et 1,9 million d'euros pour la fonction publique de l'État. Ces crédits non affectables sont versés au budget général mais, au-delà de l'action propre et continue des ministères, un fonds de soutien aux initiatives pour l'égalité hommes/femmes, doté d'un million d'euros chaque année, complète les dépenses engagées pour des actions de soutien, d'accompagnement et de formation. Ce million d'euros, à notre main tous les ans, nous permet d'activer ce qui mérite de l'être.

Je reprendrai votre question écrite de 2019, qui doit être arrivée chez Mme Moreno. La publication même des documents montre que nous n'avons rien à cacher.

La loi de transformation de la fonction publique prévoit la définition de lignes directrices de gestion visant à modifier l'organisation des promotions, des avancements et de la mobilité. Auparavant, les décisions étaient prises dans le cadre des fameuses commissions administratives paritaires (CAP) auxquelles participaient les organisations syndicales. Le 1er janvier 2021, nous allons migrer vers un mécanisme plus transparent qui permettra d'annoncer les règles de mutation et d'avancement avant que les décisions ne soient prises. Dans chaque ministère et dans chaque collectivité sont négociées ces lignes directrices de gestion qui poseront un certain nombre de principes explicites sur l'organisation de l'avancement, la promotion, la mutation, la mobilité, et les critères sur la base desquels les décisions seront prises.

La différence entre couples mariés, pacsés, concubinage ou femme en situation monoparentale est résolue et ne donne plus lieu à discrimination. Nous mettons à jour notre droit en fonction de la vie réelle. Le fait d'avoir des lignes directrices de gestion, à la conception desquelles les syndicats sont attentifs, permet de s'assurer que la promotion des femmes est traitée en tant que telle. À la suite des nominations, les ministères devront publier les ratios nominables/nommés, promouvables/promus, pour vérifier l'absence de biais de sur-promotion des uns par rapport aux autres. Je fonde beaucoup d'espoir dans ce système qui sera mis en œuvre au 1er janvier 2021. Il faudra l'évaluer, le suivre, le piloter, voire le corriger. En termes de transparence et de capacité à évaluer les uns et les autres en fonction de leurs compétences ou de leur engagement, il représente un progrès.

Sur la revalorisation des filières féminines, des actions comme le rendez-vous salarial de la fonction publique ou le Ségur de la santé ont mis un coup de projecteur sur les salaires perçus pour certaines activités. Certes, on cherche à attirer des hommes et des femmes dans toutes les filières, mais la réalité oblige à constater que la revalorisation indemnitaire ou la progression indiciaire de celles qui sont féminisées, ont été oubliées. Les plans d'action des ministères intégreront l'enjeu des inégalités salariales, ce qui conduira à réviser les barèmes des filières féminisées qui n'auraient pas bénéficié des mêmes coups de pouce au fil du temps. Des entreprises ont mis de côté des poches financières pour rattraper le décalage de certaines filières. En outre, le dialogue social permettra de maintenir la vigilance.

Je peux confirmer que le baromètre que je publierai le 6 janvier mentionnera des éléments à la maille départementale sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce sera un important élément de transparence, de suivi et de pilotage de la politique publique. Je tiens beaucoup à ce baromètre. En effet, les lois que vous votez et les annonces du Gouvernement doivent pouvoir être suivies quantitativement à la maille territoriale. Ces politiques doivent s'incarner. Enfin, l'opposition et la majorité doivent disposer de faits pour que vous puissiez faire votre travail d'évaluation de terrain. S'agissant d'une grande cause du quinquennat, c'est un dossier que nous suivons avec grande attention. Les données seront rendues disponibles de manière innovante et inédite.

La protection sociale complémentaire est un chantier majeur que la loi du 6 août 2019 a permis d'accélérer, en demandant le dépôt d'une ordonnance avant le 7 mars 2021. Ce travail a demandé beaucoup de négociations avec les employeurs territoriaux, les employeurs hospitaliers et tous les employeurs publics de l'État. Je ferai donc cet après-midi des annonces, au terme d'une réunion conclusive de ces travaux avec les organisations syndicales avec lesquelles nous avons activement travaillé. L'accès à la santé est aussi un enjeu d'égalité entre les hommes et les femmes. La prise en charge des mutuelles de maladie et de prévoyance par l'employeur, comme dans le secteur privé, était pour moi une priorité. Je réserve mes annonces pour la réunion destinée à les acter mais je peux vous dire que nous avons réalisé d'importantes avancées, notamment pour les femmes.

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