La séance est ouverte à 9 heures 30
Présidence de Mme Marie-Pierre Rixain, présidente.
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes auditionne en visioconférence de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques.
Mes chers collègues, je me réjouis de vous retrouver pour cette nouvelle audition organisée dans le cadre de notre mission d'information « Travailler, entreprendre, gouverner : accélérer l'égalité économique et professionnelle ». Nous avons le plaisir de recevoir aujourd'hui Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, que je remercie vivement pour sa disponibilité.
Madame la ministre, notre mission d'information s'attache à déconstruire les mécanismes à l'œuvre derrière les inégalités économiques et professionnelles, à partir de trois grands axes : l'accès au marché du travail, la gouvernance économique et l'entreprenariat.
Dans le contexte actuel, nous avons également souhaité nous intéresser à l'incidence de la crise sanitaire et économique sur la situation professionnelle des femmes.
Notre mission entend dresser un panorama général, assorti de propositions très concrètes, de nature à permettre à notre pays de franchir un nouveau cap en matière d'égalité économique, sujet qui mobilise les membres de notre Délégation et que nous avons à cœur d'explorer.
Vous le savez, nous avons consacré notre traditionnel colloque du 25 novembre au thème des violences économiques dans le couple. Les violences conjugales ont un effet direct sur la situation professionnelle des femmes, affectant bien souvent leur productivité et leurs perspectives de carrière. Nous avons, par ailleurs, échangé sur le rôle des employeurs, y compris des employeurs publics, dans l'identification des situations de violences conjugales dont leurs agents pourraient être victimes, et les moyens de les accompagner. J'en profite pour rappeler qu'au 1er mai, toutes les administrations ont dû instaurer un dispositif de recueil des signalements des agents qui s'estiment victimes d'un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral, sexuel ou d'agissements sexistes.
Votre audition, Madame la ministre, intervient dans la première phase de nos travaux. Elle va nous permettre d'échanger sur la place des femmes dans les fonctions publiques, sur le bilan des dispositions votées par le législateur ces dix dernières années, sur celui des actions conduites par votre ministère, mais également d'évoquer les grands axes de votre politique en matière d'égalité entre les femmes et les hommes, que je sais volontaire et déterminée.
Depuis 2012, le cadre législatif et réglementaire en faveur d'une meilleure égalité dans la fonction publique a été considérablement renforcé. La loi du 12 mars 2012, dite loi Sauvadet, et la loi du 4 août 2014 sur l'égalité réelle entre les hommes et les femmes ont permis des avancées incontestables, notamment grâce à la définition d'une proportion minimale de personnalités de chaque sexe, fixée à 40 %, dans les conseils d'administration et de surveillance des établissements publics, dans les instances consultatives de la fonction publique ou encore dans les commissions administratives paritaires. Le législateur a également prévu un quota similaire de 40 % dans les nominations aux emplois de direction de l'État, des régions, départements, communes et EPCI de plus de 80 000 habitants, ainsi que dans la fonction publique hospitalière, mesure que nous avons corrigée en 2019 en dispensant de pénalités les employeurs qui nomment trop d'hommes ou de femmes si cela n'aboutit pas à un déséquilibre parmi les emplois concernés. La Ville de Paris, qui doit s'acquitter d'une amende au titre de 2018, n'en aura donc plus à payer, rassurons-nous.
Le ministère des armées, comme l'a montré le travail de nos collègues Bérangère Couillard et Bénédicte Taurine, grâce à ces obligations, a vu son taux de primo-nominations pour les postes de haut encadrement s'élever à 42 % en 2017. Un très bon chiffre qui cache pourtant, comme le soulignait la ministre des armées, un problème de vivier, puisque trop peu de femmes sont en mesure d'être promues.
Je le disais, en 2019, nous adoptions la loi de transformation de la fonction publique transposant les dispositions de l'accord du 30 novembre 2018 relatif à l'égalité professionnelle dans la fonction publique. L'État, ses établissements publics administratifs, les hôpitaux publics, les collectivités locales et les EPCI de plus de 20 000 habitants doivent élaborer, d'ici au 31 décembre 2020, un plan d'action pluriannuel pour l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Ce plan doit comporter au moins des mesures visant à : évaluer, prévenir et traiter les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ; garantir leur égal accès aux corps, cadres d'emplois, grades et emplois de la fonction publique ; favoriser l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale ; prévenir et traiter les discriminations, les actes de violence, de harcèlement moral ou sexuel, ainsi que les agissements sexistes. Sans doute pourrez-vous nous en dire quelques mots ?
De même, nous sommes preneurs d'éléments concernant l'application des autres dispositifs prévus par la loi de 2019. Je rappelle que notre Délégation, grâce au travail de notre collègue Laurence Gayte, avait fait adopter des dispositifs cruciaux lors de l'examen du texte. Je citerai l'amélioration du dispositif de signalement des violences, la précision du cahier des charges des plans d'actions, l'évolution et la publication systématique des rapports de situation comparée (RSC).
Si nous ne pouvons que nous féliciter de ces avancées, elles doivent encore être complétées. La place des femmes dans le haut de la pyramide est sans rapport avec leur nombre dans les effectifs de la fonction publique, puisqu'on compte 17 % de préfètes et 24 % d'ambassadrices. La répartition des femmes dans la fonction publique reste très liée aux stéréotypes de genre : 83 % des professeurs des écoles sont des femmes, tandis qu'elles ne représentent que 29 % des agents du ministère de l'intérieur. De même, nous observons un écart de rémunération persistant – 2 400 euros dans la fonction publique d'État en moyenne, contre 2 800 euros pour les hommes –, qui traduit une surreprésentation des femmes dans les emplois les plus précaires.
Le dispositif relatif aux primo-nominations a permis des avancées, et les derniers chiffres sont à saluer, mais ne doit-il pas être complété par une approche de moyen terme ? En se limitant aux premières nominations, on occulte les enjeux de construction de carrière. Il ne faut pas se concentrer sur les échelons précédant immédiatement les emplois supérieurs mais bien agir sur l'ensemble des parcours, comme l'avaient montré nos collègues Bérangère Couillard et Bénédicte Taurine dans leur rapport sur les femmes et les forces armées, pointant les dispositifs favorisant l'évolution de carrière, mis en place par le ministère. Je pense à l'évolution des limites d'âge pour l'accès à l'école de guerre, qui avait permis aux femmes en situation de maternité de passer le concours d'entrée et prétendre à des emplois supérieurs. À ce titre, ne convient-il pas d'introduire une seconde obligation portant, au-delà du flux de nominations équilibrées, c'est-à-dire les primo-nominations, sur la mixité des fonctions en stock ? De même, quelles actions de formation entendez-vous conduire pour mieux accompagner les femmes durant l'ensemble de leur parcours professionnel, même si, à titre personnel, je me demande pourquoi les femmes auraient davantage besoin d'être accompagnées que les hommes ?
Madame la ministre, quel regard portez-vous sur ce constat ? Quels sont les points communs et les divergences entre les trois fonctions publiques ? Quels sont les actions et les objectifs du Gouvernement d'ici à 2022 ? Comment favoriser le développement des carrières des femmes et leur permettre de mieux concilier vie professionnelle et vie personnelle, notamment au regard de la maternité ?
Avant de vous entendre, je cède la parole à Mme Laurence Trastour-Isnart, corapporteure de notre mission d'information.
Je me réjouis de cette audition qui nous permettra d'examiner en détail la situation des femmes dans les fonctions publiques et les moyens d'améliorer leur position économique et professionnelle.
Comme l'a souligné notre Présidente, de grands progrès ont été accomplis pour renforcer les obligations en matière de nomination dans la fonction publique. De fait, la récente loi de transformation de la fonction publique de 2019 s'inscrit dans cette filiation, en étendant les règles de nomination équilibrées aux emplois dirigeants des établissements publics de l'État et aux membres de jurys des concours de la fonction publique.
Cependant, l'écart entre les intentions du législateur et la réalité reste trop important. Ainsi, au dernier concours d'entrée à l'École nationale d'administration (ENA), qui forme les futurs dirigeants d'administration, préfets ou ambassadeurs, seulement trente et une femmes ont été admises, contre cinquante-deux hommes, écart quasi constant d'année en année. Les positions dirigeantes dans la fonction publique semblent encore devoir être occupées, pour les années à venir, en majorité par des hommes. À l'inverse, les femmes sont plus touchées que les hommes par les situations précaires et les emplois à temps partiel. D'après les derniers chiffres publiés par la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), en 2017, 15 % des femmes fonctionnaires étaient à temps partiel contre 4 % des hommes, et 62 % des contractuels étaient des femmes. Ces quelques chiffres, très parlants, montrent le chemin qu'il nous reste à parcourir vers l'égalité.
J'ai évoqué les derniers résultats de l'ENA – les plus éloquents –, mais je pourrais citer aussi d'autres concours de recrutement – à la fonction de commissaire de police, au ministère des armées, au poste d'administrateur civil au ministère de l'intérieur, etc. –, ou même les concours d'accès aux autres fonctions publiques, aux postes d'administrateur territorial et de directeur d'hôpital, par exemple. Ne croyez-vous pas que ces concours comportent des biais en défaveur des femmes, notamment en ce qui concerne les épreuves orales ? Comment encourager la parité dans la fonction publique, alors que la grande majorité des ministères régaliens sont encore tenus par des hommes ? S'agissant de la place des femmes dans les emplois dirigeants et supérieurs de la fonction publique, comment améliorer la proportion de primo-nominations et nominations féminines ?
Alors que le Gouvernement entend favoriser la contractualisation dans la fonction publique, notamment pour les catégories B et C, ce genre de dispositif n'est-il pas de nature à favoriser la précarisation des femmes, plus fortement représentées parmi les contractuels ?
La récente discussion dans notre hémicycle sur l'allongement de la durée du congé de paternité a souligné la nécessité de réduire les temps partiels subis par la femme et de mieux concilier vie professionnelle et vie privée. Comment votre ministère entend-il agir en ce sens ?
Il était important pour moi de vous rencontrer s'agissant d'un sujet sur lequel j'essaie, depuis le 6 juillet dernier, de conduire une action précise et résolue en vue de passer des textes aux résultats, d'une phase de travail statistique sur la place des femmes, les raisons et les causes, à une phase d'action. Le fait que les ministères proposent des plans d'action montre bien le changement de doctrine.
La loi du 6 août 2019 marque une nouvelle étape dans le processus de parité, de mixité et d'égalité, auxquelles nous sommes tous et toutes très attachés. Mon rôle n'est pas d'inventer de nouveaux mécanismes, de créer de nouveaux dispositifs ou de rédiger de nouvelles circulaires, mais de faire intensivement fonctionner les outils du corpus législatif afin qu'ils produisent des résultats. Le travail que vous menez va dans ce sens et votre mission l'illustre. Parlons du concret, de la réalité et sortons d'une vision purement légistique car, dans la vie quotidienne, les enjeux sont ceux de la réalité.
La fonction publique est le premier employeur du pays, puisqu'elle représente 20 % des emplois, et 62 % des agents publics, contractuels ou titulaires, sont des femmes. Nous sommes donc probablement l'employeur le plus féminisé du pays. Cette féminisation est cependant différenciée selon les versants de la fonction publique. Elle est de 78 % dans la fonction publique hospitalière, 61 % dans la fonction publique territoriale et 56 % dans la fonction publique de l'État. Toutefois, les femmes restent sous-représentées dans les emplois d'encadrement supérieur : elles sont 40 % dans la fonction publique d'État, 51 % dans la fonction publique territoriale et 49 % dans la fonction publique hospitalière. L'égalité professionnelle reste donc un enjeu. Si nous fixons des objectifs au secteur privé, l'employeur public doit être exemplaire pour assurer l'équité dans le recrutement, le parcours, la rémunération des agents. Cette exemplarité vaut à la fois pour l'extérieur et pour nos propres fonctionnements.
Depuis trois ans, sous l'impulsion politique du Président de la République, très attaché à l'obtention de progrès réels et tangibles, nous avons progressé. Des chantiers doivent nous permettre de traiter à la racine les inégalités qui entretiennent le sentiment d'un manque de viviers, ce qui n'est pas globalement le cas.
Si les carrières féminines doivent être mieux prises en compte à tous les niveaux de la fonction publique, il convient également de constituer un vivier régulièrement entretenu, afin d'assurer à toutes les femmes des parcours correspondant à leurs compétences. Ce vivier doit être connu et activé, afin qu'on ne puisse plus arguer de l'absence de femmes, les chiffres montrant qu'elles sont en grand nombre. Nous devons nous interroger sur les parcours de carrière que nous leur proposons, l'identification des talents et l'accompagnement, et mettre en mouvement un mécanisme pour progresser.
Pour le premier semestre de 2020, grâce à notre volonté politique et à un effort constant, nous avons enfin réussi à briser le plafond de verre, puisque, entre le 1er janvier et le 1er juillet 2020, le conseil des ministres a procédé à 43 % de primo-nominations de femmes. Ce niveau, jamais atteint, mérite d'être souligné. Je rappelle qu'avant 2017, nous butions toujours sur la barre des 30 %. Nous avons depuis franchi ce plafond de verre, en passant de 37 % en 2019 à 43 %, pour les six premiers mois de 2020. Je tiens à y insiste, parce que c'est la première fois que nous dépassons l'objectif de 40 % fixé par loi Sauvadet de 2012.
Ces progrès attestent d'une véritable volonté politique et d'un effort constant, mais nous ne saurions nous en satisfaire. Il faut rendre durable cette capacité à nommer des femmes au niveau prévu par la loi, et cela dans tous les périmètres, car s'il y a 40 % de femmes dans l'encadrement supérieur, 33 % seulement sont directrices d'administration centrale. Il reste à concentrer nos efforts sur des cercles de nominations.
Le Président de la République m'a confié pour mission d'agir en amont, d'attirer les femmes à haut potentiel dans l'administration – j'y reviendrai au sujet des concours de la haute fonction publique –, d'identifier les talents présents dans la fonction publique de l'État, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, d'assurer un brassage et une plus grande mobilité interministérielle, autrement dit, de pérenniser le vivier de femmes pouvant être nommées aux plus hautes responsabilités. J'entends non seulement tenir ce rythme pendant notre quinquennat, mais aussi faire en sorte que nos actions rendent, dans un an, cinq ans, dix ans, ce mouvement inexorable. C'est pourquoi, dans chaque ministère, le sujet doit être considéré, non comme une obligation ponctuelle, parce que tel ministre ou tel président en a fait un objectif prioritaire, mais comme un objectif durable, garanti par des mécanismes et des processus interdisant tout retour en arrière. Nous devons fixer dans les habitudes l'identification, l'accompagnement, la formation et le suivi des femmes dans leurs parcours vers les responsabilités de l'État et de notre haute fonction publique.
Les plans d'action sont destinés à enclencher ce mécanisme inexorable. Il s'agit de créer une vision pluriannuelle d'actions opposables. Pour ce faire, vous avez, vous parlementaires, un immense rôle à jour. Nous avons demandé aux ministères, non pas de rédiger des rapports sociaux et statistiques pour décrire avec finesse pourquoi il y a x % d'écart de salaire ou que 30 % de femmes ont été nommées à tel endroit, mais de présenter, face à un diagnostic bien posé, les actions qu'ils entendent engager dans une vision pluriannuelle. Une fois pris, ces engagements deviendront opposables. Telle est l'intention que vous avez exprimée, mesdames et messieurs, dans la loi du 6 août 2019. C'est une véritable révolution.
Ces plans d'action seront précisés dans les treize prochains jours, puisqu'ils doivent être finalisés le 31 décembre. Nous devons examiner non plus seulement leur seule existence mais aussi leur contenu pour nous assurer qu'ils correspondent aux progrès à réaliser dans tel ou tel ministère, du caractère opérationnel des engagements et des moyens qui leur sont consacrés. Il ne s'agit pas d'annoncer que tout va être réglé sans préciser par quelle méthode.
Le législateur a prévu une amende particulièrement importante – et donc efficace. En effet, 1% de la masse salariale brute globale du ministère est en jeu si les plans ne sont pas rendus ou si les mesures proposées ne répondent pas aux besoins. Cela va bien au-delà des amendes symboliques. Mais mon but est de ne plus avoir à faire payer d'amendes parce que des femmes auront été nommées.
Ces plans doivent évaluer les écarts de rémunération, pour les prévenir ou les corriger, favoriser l'accès des femmes aux emplois de responsabilité, ainsi que l'articulation entre vie professionnelle et familiale – je reviendrai sur la maternité. Ils doivent prévenir la discrimination, le harcèlement, les violences et tout ce qui empêche les femmes d'exercer dans une stricte égalité leur métier, leurs compétences et leurs fonctions.
Nous allons accompagner ces plans, les coordonner et nous assurer qu'ils conduisent bien à la création durable de viviers de talents, non seulement pour les nominations des ministères, mais aussi pour les nominations interministérielles, qu'il s'agisse de femmes jeunes pour des postes de sous-directrice ou de directrice, ou de femmes expérimentées pouvant prétendre à des postes de directrice d'administration centrale ou des postes à discrétion du Gouvernement. Nous procéderons à un suivi très rigoureux des plans, par des points réguliers sur leur mise en œuvre. Je souhaite vous associer à ce travail, parce que votre rôle d'évaluation et de contrôle du Gouvernement est majeur. Je rendrai publics et disponibles les éléments nécessaires pour ce faire.
Nous avons la capacité d'atteindre, en 2021, le fameux objectif des 40 % de nominations dans la totalité des ministères. En nombre, le déficit de nomination est souvent de quatre, cinq ou six femmes. Qu'on ne me dise pas que l'on manque dans notre pays de quatre, cinq ou six femmes pour traiter des sujets économiques ou juridiques ! Nous devons assurer un suivi et un accompagnement tels qu'en 2021, plus aucun ministère ne paie d'amende.
Les collectivités territoriales sont également concernées. J'ai eu des échanges avec l'organisation France urbaine au sujet des avancées à réaliser dans les grandes collectivités, désormais concernées par la loi Sauvadet, qui a élargi le périmètre aux EPCI d'au moins 40 000 habitants, contre 80 000 précédemment.
Concernant le vivier interministériel de dirigeants, une étude de la Mission Cadres Dirigeants (MCD), rattachée au secrétariat général du Gouvernement, a identifié 500 personnes, dont 200 femmes, dotées de compétences, de parcours, d'expériences les rendant aptes à prendre des postes de responsabilité. Pour ces 200 femmes, nous mettrons en œuvre des programmes de formation, d'accompagnement et de marrainage pour nous assurer qu'elles soient « sponsorées », que leur CV arrive bien sur la table des ministres, qu'il n'y ait pas de barrière administrative à leur candidature. C'est le fruit de l'engagement du Premier ministre et du Président de conforter ce vivier, de le renouveler pour faire évoluer les profils, de renforcer le programme, de mentorat, de coaching, de formation, de mise en visibilité pour améliorer le leadership. Ce programme, plébiscité par toutes celles qui l'ont suivi, n'a malheureusement concerné que trop peu de femmes de ce vivier et doit être élargi. Je veux également veiller à ce que les programmes mixtes de formation n'oublient pas les femmes et que celles qui souhaitent un accompagnement personnalisé puissent y accéder en vue de prendre les responsabilités auxquelles elles aspirent et auxquelles nous souhaitons les préparer.
Derrière l'enjeu du coaching, du mentorat et de la formation, se profile celui des rôles modèles, des réseaux féminins, afin que les femmes se connaissent. Les hommes ont des réseaux et il est dommage que les femmes en aient parfois un peu moins. Pendant les six premiers mois de l'année 2020, j'ai voulu que les primo-nominées se rencontrent. J'ai réuni autour d'une table, certes virtuelle pour des raisons sanitaires, une ambassadrice, une préfète, une responsable du ministère des armées, une rectrice, toutes nouvellement nommées, afin qu'elles partagent leurs expériences et soutiennent la mobilisation des générations montantes. Nommer la première femme secrétaire générale du Gouvernement ou la première femme patronne des CRS est un signal fort envoyé aux plus jeunes, pour leur dire que c'est possible.
Un autre point d'action porte sur l'écart de salaire. D'environ 12 % dans la fonction publique, il est certes inférieur à celui du privé, mais ce n'est pas parce qu'on se compare qu'on doit se satisfaire. Il doit être de nouveau mesuré et traité. Nous avons harmonisé l'outil de calcul entre ministères. En effet, il était trop simple pour certains de dire qu'ils n'étaient pas comparables ou, pour d'autres, d'affirmer que l'écart n'était pas celui qu'il fallait comprendre. Notre outil s'apparente à l'index de l'égalité professionnelle, mais les éléments d'écarts de salaire du secteur public sont d'une tout autre nature que ceux du secteur privé, les carrières progressant de manière différente. Beaucoup de primes sont liées à la fonction exercée et ne sont pas négociées. Il y a bien moins d'enjeux de négociation salariale que de parcours de carrière, ce qui explique une part importante de l'écart que nous devons réduire.
Le rapport social unique (RSU), proposé par la loi du 6 août 2019 et dont le décret d'application est paru au début du mois de décembre, précise que les ministères doivent communiquer sur les écarts et fournir des études statistiques sur leurs causes. Lors du rendez-vous salarial de juillet 2020, j'ai annoncé des mesures visant à revaloriser de nombreuses filières qui recevaient peu de primes, notamment la filière médico-sociale très féminisée, et la filière des bibliothèques, qui avait été mise de côté pour beaucoup de revalorisations indemnitaires, ce qui explique, à la lumière de grands agrégats et de grandes moyennes, une partie des écarts.
J'en viens à notre arsenal de prévention et de lutte contre le harcèlement, les violences sexuelles et sexistes et les discriminations. Nous sommes dans la dernière ligne droite de mise en œuvre dans toutes les administrations de cellules de signalement indépendantes de la hiérarchie. On connaît, en effet, la limite des signalements par la seule voie hiérarchique : nombre de faits de harcèlement ou de violence ne sont pas signalés. Le dispositif mis en place dans la majorité des ministères est tantôt interne, tantôt externalisé, tantôt conçu en lien avec des associations. Ces différentes formes d'organisation nous permettront de comparer les manières dont les unes et les autres s'en saisissent. Il prévoit une obligation d'écoute, mais aussi d'orientation et d'accompagnement du traitement des faits remontés. Il ne s'agit pas de cellules d'écoute psychologique mais de cellules de signalement et d'action afin que les faits soient traités, suivis et aboutissent à des plaintes.
En outre, ces dispositifs doivent être mieux connus. Pour le sixième comité de suivi de l'accord égalité professionnelle femmes/hommes que je tiendrai au printemps 2021, dans le prolongement de celui que j'ai tenu la semaine dernière, je demanderai à la DGAFP d'établir, au terme de la phase de mise en œuvre au cours de l'année 2020 et en accord avec les organisations syndicales, un bilan chiffré de la connaissance par les femmes des différents ministères de ces cellules de signalement, de leur utilisation, des types d'événements remontés.
S'agissant plus largement du harcèlement et des violences sexuelles et sexistes, les employeurs, en particulier publics, ont la responsabilité de constituer un lieu d'écoute et de traitement d'événements se produisant en dehors du lieu de travail. Pour les femmes qui vivent des violences conjugales, les signalements permettront d'activer la vigilance collective et de mettre nos moyens au service de celles qui ne trouvent pas l'écoute et l'accompagnement nécessaires. Nous avons fait en sorte que ces cellules de signalement soient activées à propos d'événements de la vie personnelle, survenant hors du lieu de travail.
La protection fonctionnelle des agents publics dépasse le cadre strict de la protection contre les violences sexuelles et sexistes. Elle concerne le harcèlement parce qu'on est une femme ou parce qu'on est une femme enceinte, discrimination que vous aviez ajoutée parmi celles pouvant être rapportées dans ces cellules. La protection fonctionnelle permet aux agents publics de s'engager pleinement dans leur métier, en sentant leur action tangiblement soutenue par la hiérarchie. Cela concerne la défense des principes républicains, toutes les menaces, toutes les atteintes à l'intégrité physique, toutes les violences. Nous le savons, les femmes agents sont plus victimes de ce genre d'événements venant de l'extérieur ou de l'intérieur.
Le 2 novembre, nous avons pris, avec le garde des Sceaux, le ministre de l'intérieur et la ministre déléguée chargée de la citoyenneté, une circulaire diffusée à tous les préfets, tous les secrétaires généraux de ministères et tout l'écosystème de l'État, indiquant clairement que la protection fonctionnelle doit être attribuée à tous les agents, à titre conservatoire, de manière rapide et urgente, dans les situations de menace ou d'atteinte à l'intégrité de la part des usagers. Il importe de prendre en compte cette dimension de la vie quotidienne mise un peu de côté, de signaler systématiquement les faits aux procureurs conformément aux dispositions de l'article 40, et de signaler systématiquement à la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) toute menace venant des réseaux sociaux à l'encontre d'un agent public. Je rappelle que l'article 18 du projet de loi confortant les principes républicains augmente l'échelle des peines lorsque les faits sont commis au préjudice d'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Cette circulaire prévoit enfin que les forces de l'ordre soient prévenues en cas de danger grave et imminent. C'est un sujet de protection générale mais les femmes agents doivent être particulièrement protégées, car la société en fait malheureusement plus souvent des cibles de menaces et d'atteintes.
Sur tous ces sujets, un changement de culture doit être opéré. Face à la difficulté de tenir leur rôle de rempart contre les atteintes aux valeurs de la République, à l'égalité de traitement ou à la neutralité, les agents éprouvent trop souvent un sentiment de solitude. En déplacement à Évreux et à Cergy-Pontoise, j'ai entendu chez les agents des trois versants de la fonction publique que cela pouvait conduire, de façon diffuse, à ne pas faire de vagues. Les agents qui constatent qu'ils sont empêchés de faire leur métier comme ils devraient, ne sont pas toujours certains d'être soutenus par leur hiérarchie. Nous avons effectué un sondage montrant que 40 % des agents ne disent pas de façon spontanée qu'ils se sentent soutenus par leur hiérarchie en cas de relations difficiles avec les usagers. Un changement majeur de culture doit être opéré. Les réseaux de femmes sont pleinement conscients de la nécessité de faire connaître et vivre ces nouveaux mécanismes.
S'agissant de la mairie de Paris, je tiens à dénoncer clairement le dispositif visant à pénaliser une institution qui nommerait plus de femmes que d'hommes, en l'occurrence 60 %, en raison du déséquilibre de son vivier initial. Dans la loi du 6 août 2019, vous avez supprimé cette disposition. La rétroactivité n'existe pas dans la loi française mais, à partir de la promulgation de cette loi, toute institution ayant un vivier initial très féminisé pourra nommer des femmes dans la même proportion. La mairie de Paris ne sera donc plus concernée par cette absurdité. J'ai invité la maire de Paris à indiquer au ministère comment elle voudrait que les 90 000 euros payés au titre de 2018 soient mis au service de l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Je vous rappelle qu'un fonds, dédié à ces enjeux, permet de financer des projets très appréciés. Lors de l'examen de la loi Sauvadet, personne n'envisageait que puisse être nommée une proportion aussi importante de femmes. Je tiens à ce que cet argent soit utile aux femmes : tel est le message que j'ai adressé à la maire de Paris. Les plans d'action de la mairie de Paris seront intéressants à observer, car d'autres enjeux doivent continuer à être traités. Elle pourra faire figure d'aiguillon pour d'autres collectivités. Je serai très contente d'échanger avec Mme Hidalgo, en dehors de toute politique politicienne. Je rappelle que le gouvernement de François Hollande qu'elle soutenait n'a pas été capable de dépasser le fameux plafond de verre.
Concernant la précarisation d'un certain nombre de postes de catégories B et C, nous avons acté, au mois de juillet dernier, la création de la prime de fin de contrat de moins d'un an. Ce mécanisme, en vigueur depuis longtemps dans le secteur privé, vise à inciter les employeurs publics à adopter des pratiques de recrutement, d'embauche et de contractualisation de nature à réduire la précarisation. Cette prime, versée pour tous les contrats de moins d'un an, est destinée à limiter les rotations et à offrir plus de visibilité aux agents contractuels qui travaillent pour nous.
Enfin, j'aurai aujourd'hui une réunion avec les organisations syndicales des trois versants de la fonction publique sur un sujet majeur pour les femmes, la protection sociale complémentaire, l'accès à une couverture santé, l'accès à une prévoyance. Là aussi, les employeurs publics agissent très différemment des employeurs privés. C'est un chantier ambitieux que nous avons engagé avec les employeurs territoriaux et les employeurs hospitaliers. Je ferai cet après-midi des annonces sur ce chantier utile aux femmes, notamment en donnant accès à une couverture santé aux familles monoparentales. De même, à partir d'un certain âge, les femmes étant plus exposées à certaines maladies chroniques, je souhaite leur permettre d'accéder à une couverture santé de qualité. Je ferai des annonces en ce sens, cet après-midi.
En réponse aux questions, je pourrais revenir sur l'accès des jeunes femmes aux concours de la haute fonction publique, la valorisation des métiers de la fonction publique et leur préparation sur le territoire, afin que le service de l'intérêt général ne soit pas le monopole de certains, et surtout pas des hommes, ce qui représenterait un grand retour en arrière.
Les violences économiques étaient au cœur de notre colloque du 25 novembre. Le signalement de violences conjugales est-il un critère prioritaire de mutation pour échapper à cette situation ? Existe-t-il un accompagnement financier de l'État, à l'instar de certaines entreprises, auprès d'agents victimes de violences conjugales ? Lorsque l'auteur de telles violences est un agent public disposant d'un logement de fonction, la victime peut-elle continuer à en bénéficier, ne serait-ce que le temps de lui permettre de s'organiser ?
S'agissant de l'ENA, 35 à 37 % des candidats au concours d'entrée sont des femmes et elles représentent 36 à 38 % des élèves. On peine à atteindre les fameux 40 % et encore moins la parité. Un certain nombre d'éléments expliquant cette situation ont été identifiés, parmi lesquels les classes préparatoires. En effet, la question du vivier ne se pose pas, puisque 60 % des diplômés âgés de 25 à 34 ans sont des femmes. Pourquoi donc ne sont-elles pas plus nombreuses à se présenter au concours d'entrée ? Quelle est votre analyse ? Je suis convaincue que le concours d'entrée à l'école des hautes études en santé publique (EHESP) de Rennes est bien plus féminisé. Aux stéréotypes et aux biais s'ajoutent les conditions de formation. La promotion Molière avait dénoncé un certain nombre d'agissements sexistes à l'intérieur de l'école : les habitus envers les élèves femmes n'étaient pas les mêmes qu'envers les élèves hommes, l'idéal type du candidat et de l'élève énarque correspondait à des normes masculines, les attendus des maîtres de stage étaient différents à l'égards des femmes et la vie personnelle n'était pas prise en considération. Pour la fonction publique comme pour beaucoup d'autres secteurs sur lesquels nous travaillons, le frein est moins l'autocensure – je ne vois pas pourquoi les femmes seraient moins candidates à l'ENA – que les conditions d'enseignement. Les classements de sortie sont révélateurs des différenciations. Les attributions des postes restent stéréotypées.
Je vous sais gré de nous faire part des évolutions intervenues ces dernières années. Les chiffres du premier semestre 2020 sont en effet inédits et nous ne doutons pas de votre volonté d'aboutir à des résultats. Mais il faut noter aussi qu'il a fallu la loi Sauvadet pour que les 40 % soient atteints. Cela montre l'efficacité des quotas.
À concours d'entrée équivalents, la maternité ne nuit-elle pas à la carrière des femmes ? Dans la fonction publique territoriale, j'ai constaté qu'à partir du même concours de rédacteur, l'évolution des hommes était souvent plus rapide que celle des femmes.
Des actions sont-elles engagées pour les filières sportives, dans lesquelles beaucoup moins de femmes que d'hommes participent aux concours administratifs ?
Si des cas d'amendes absurdes comme celle infligée à la mairie de Paris ne doivent plus se reproduire, avez-vous eu connaissance de situations analogues ?
À la suite d'un rapport de la délégation aux droits des femmes, nous avons voté, dans le cadre de la loi de finances pour 2018 un amendement que j'avais déposé, tendant au suivi des sommes perçues par l'État au titre du dispositif de sanctions prévu par la loi Sauvadet. Malgré mes demandes réitérées à des membres du Gouvernement lors d'auditions et une question écrite enregistrée en juillet 2019, je n'ai pu avoir connaissance du montant global de ces amendes. Je voudrais donc m'assurer du fonctionnement de ce dispositif adopté par le Parlement il y a trois ans et que des chiffres seront publiés.
Une administrée de ma circonscription m'a indiquée que les critères d'obtention de points de nature à faciliter la mutation des enseignants étaient discriminants à l'encontre des parents isolés. Pouvez-vous le confirmer ?
Je mettrai l'accent sur la discrimination salariale à l'encontre des métiers à prédominance féminine, comme ceux relatifs au soin ou à l'éducation. Dans le milieu du soin, grandement mis à contribution cette année, cette discrimination pénalise autant les hommes que les femmes. Ces métiers sont dévalorisés pour les raisons historiques et sociologiques que nous connaissons et sur lesquelles je ne reviendrai pas. Une évolution est‑elle possible ?
Au Canada, on s'était aperçu que des fonctions d'État à faible responsabilité, pénibilité, compétences et prise de risque étaient mieux rémunérées que des professions du soin, parce qu'à prédominance masculine, elles parvenaient à obtenir de meilleurs salaires. Sous l'impulsion de la ministre libérale Monique Jérôme-Forget, les Québécois ont mené une vaste enquête qui a permis une mise à plat et le remplacement de l'approche « à travail égal, salaire égal », par celle de « travail à valeur égale, salaire égal ». La revalorisation de salaires qui s'en est suivie, certes coûteuse mais aussi vertueuse, a finalement profité à toute la société. En France, nous avons obéi à une logique inverse puisque le décret du 19 septembre pris après le Ségur de la santé couvre tous les agents hospitaliers, quelle que soit leur profession, et pas seulement les soignants à majorité féminine. Ainsi, des jardiniers, des directeurs d'hôpital, des secrétaires, des cuisiniers, des électriciens bénéficient d'une augmentation de salaire. Parce que le critère retenu est celui du périmètre géographique de la fonction hospitalière et des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), tous les secteurs médico-sociaux ne sont pas inclus et d'autres infirmières et aides-soignantes ne bénéficient pas de l'augmentation.
Plutôt qu'une approche fine de l'évolution de certaines professions, la France a retenu une approche très administrative de périmètre strict. Monique Jérôme-Forget disait que la volonté politique d'un ministre pouvait changer les choses. Quand aurons-nous la volonté politique de remédier à cette injustice par une remise à plat afin de rémunérer certaines professions pour la valeur de leur travail ?
Je tiens à saluer l'effort engagé pour dépasser la proportion de 40 % de femmes nommées en conseil des ministres, afin non seulement de rattraper le retard mais aussi de contribuer à la construction de rôles modèles pour les jeunes générations.
Le baromètre des résultats de l'action publique dont vous avez annoncé la publication le 6 janvier permettra-t-il un suivi des dispositifs destinés à contribuer à l'égalité entre les femmes et les hommes ?
Qu'en est-il des mesures destinées à faciliter l'accès aux concours internes, notamment par la prise en charge du maintien du niveau de rémunération durant les années de formation, qui peuvent être un frein pour les femmes au cours de leur carrière ?
Le chantier de la protection sociale complémentaire (PSC) a été engagé à la suite de l'adoption de la loi de transformation de la fonction publique. Quel est le calendrier de mise en place des mesures dans les différents versants de la fonction publique ? En quoi seront-elles favorables aux femmes ?
Enfin, l'accès au logement et son coût constituent une difficulté en Île-de-France et dans toutes les autres zones à forte densité. C'est particulièrement compliqué pour certains fonctionnaires qui peuvent être amenés à changer de région. Une réflexion est-elle engagée sur ce sujet ?
Le suivi personnalisé des situations de violence conjugale est traité par les services sociaux des directions des ressources humaines, qu'elles remontent soit par le signalement des cellules que nous activons et élargissons, soit par un entretien informel. Les demandes de mutation sont suivies de façon personnalisée. Je n'ai pas de chiffres à communiquer, car il n'existe pas sur ce sujet de procédure fixée par circulaire. Nous essayons d'agir de la façon la plus circonstanciée possible.
Toute suspension temporaire ou durable liée à une situation de violence est accompagnée d'une pénalité financière. Le déclenchement de la machine judiciaire, le plus souvent à l'encontre de l'homme, génère pour lui des frais supplémentaires. Quant à réserver la jouissance du logement de fonction à des femmes avec enfants en situation de violence conjugale, nous n'avons pas d'outil de cette nature, mais c'est un point que nous regarderons.
En revanche, j'ai demandé à la DGAFP un examen des conditions d'accès au logement par le comité interministériel consultatif d'action sociale des administrations de l'État (CIAS). Comme nous conduisons notre politique de logement avec ce comité, nous pourrions réserver des logements à des femmes agents publics en situation de détresse. Ce champ d'action me paraît plus activable à court terme qu'un changement de la grande politique de logements de fonction. À partir du CIAS et du suivi individualisé assuré par les services sociaux des ressources humaines, nous examinerons s'il convient de mettre en place des dispositifs de mise à l'abri de femmes et de leurs enfants.
S'agissant de l'accès aux concours de la haute fonction publique, vaste sujet avec un fort enjeu de diversification des profils, vous avez voté, dans le cadre du budget pour 2021, deux dispositions importantes.
La première est l'augmentation significative du nombre de places des classes préparatoires intégrées, réparties sur l'ensemble du territoire, que vous avez porté de 700 à 1 700, soit 1 000 nouvelles places. Les classes préparatoires intégrées, qui comptent 68 % de femmes, présentent un intérêt particulier en matière d'accès à la préparation, puisque 60 % des élèves réussissent au bout d'une année les concours d'accès aux fonctions d'encadrement de la fonction publique – IRA, direction de la pénitentiaire, des hôpitaux, cours régionales des comptes, ENA, magistrature, etc. La présence de 68 % de femmes dans les classes préparatoires intégrées montre qu'en élargissant le nombre de femmes et d'hommes ayant accès à ces classes, on active un mécanisme de féminisation intéressant. Un tutorat et un mentorat forts accompagnent la préparation aux concours, notamment aux oraux.
Seconde disposition, grâce à votre soutien, j'ai fait passer le montant de la bourse ou de la sur-bourse – ces classes sont aussi ouvertes à des demandeurs d'emploi en reconversion – de 2 000 à 4 000 euros par an. L'État finance donc le dispositif de préparation aux concours moyennant un certain nombre de critères, notamment un accompagnement par tutorat.
Nous cherchons également à faire mieux connaître ces dispositifs, à les rendre plus lisibles, pour puiser dans le vivier de toutes les filières universitaires. C'est un chantier majeur de diversification et de féminisation, car il s'agit davantage de lutter contre l'autocensure que contre la discrimination. Ce genre de mécanisme contribue à inciter les femmes à passer ces concours.
Madame la députée de l'Essonne, vous serez heureuse d'apprendre que, grâce au soutien de l'ENA, une classe préparatoire aux concours de la haute fonction publique vient d'être créé à l'université d'Évry. C'est aussi un enjeu social. La diversité est territoriale, sociale, et répond aux critères de parité hommes/femmes. Ce sont pour moi autant de leviers d'attractivité des concours de la fonction publique. Nous allons là où se trouvent les gens qui peuvent les préparer, c'est-à-dire à l'université, et sur tout le territoire – pas uniquement au cœur de la métropole parisienne.
Concernant l'organisation des concours, nous nous interrogeons sur les jurys, leur formation et leur formation aux biais. La nouvelle promotion de l'ENA, par exemple, compte 37 % de femmes, soit la même proportion que de candidates admissibles. Cela signifie qu'il n'y a pas trop de biais, mais il faut aller plus loin et faire tourner les jurys. Je réfléchis avec les écoles de service public à la manière d'organiser des jurys capables de dépasser les biais conscients ou inconscients. J'ai néanmoins le sentiment que l'enjeu aujourd'hui est plus celui de l'autocensure que de la discrimination systématique. Or les outils pour y répondre sont différents. Bien sûr, il faut être attentif à la discrimination, mais combien de fois n'ai-je entendu des jeunes dire, bien avant le concours : « ce n'est pas pour moi ». C'est pourquoi, avec Jean‑Michel Blanquer et Frédérique Vidal, nous travaillons à la manière de trouver à l'université des talents pour les amener vers la haute fonction publique.
Les 40 % de la loi Sauvadet ne peuvent être strictement comparés aux quotas de 40 % des conseils d'administration, car les fonctions ne sont pas identiques. Nous nommons des femmes à des équivalents de comex, puisqu'elles gèrent des budgets, des équipes et de l'opérationnel. Dans le public, le conseil d'administration, c'est le Gouvernement et il est paritaire, et le conseil de surveillance, c'est le Parlement où le groupe majoritaire est paritaire. Nos 40 % de primo-nominées, nos directrices d'administration centrale, nos préfètes, nos rectrices sont des équivalents de membres de comex, car leurs fonctions sont opérationnelles.
Concernant les concours internes et la progression dans la carrière, depuis la rentrée de novembre, nous avons pris avec l'ENA une disposition visant à maintenir l'intégralité de la rémunération aux candidats préparant le concours interne, notamment avec l'Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE), puis élèves hauts fonctionnaires. C'est un changement important car la progression par le concours interne était ralentie par la perte de 30 à 40 % de la rémunération, surtout pour les candidats ou candidates ayant une famille.
Mais en matière d'accès aux écoles et aux concours, notre vision doit dépasser le cadre strict de l'ENA. N'oublions pas que l'École nationale de la magistrature (ENM) est très féminisée, que les Instituts régionaux d'administration (IRA) comptent 55 % de femmes. Notre réseau d'écoles de service public comprend plus d'une vingtaine d'établissements. Il faut dépasser la vision totémique de l'ENA pour considérer toutes les possibilités d'accès des femmes aux responsabilités publiques et à l'encadrement supérieur public, dans des fonctions très différentes. Je tiens ainsi à féminiser le corps des administrateurs territoriaux. Je pourrai vous donner les chiffres de la féminisation de toutes les écoles de service public.
Je ne suis pas compétente en matière de filières sportives, mais je vais m'y intéresser. J'examinerai avec Roxana Maracineanu, elle-même concernée par la diversité et la mixité, ce qu'il est possible de faire.
Les chiffres des amendes sont publics et figurent sur le site fonction-publique.gouv.fr, dans un rapport intitulé « Bilan de la mise en œuvre du dispositif des nominations équilibrées au cours de l'année 2018 ». Il a été publié très tardivement pour des raisons que je vais essayer de résoudre, puisque je m'engage à vous livrer les données de 2019 en mars 2021. Vous aurez ainsi les données de 2018 en décembre 2020 et celles de 2019 au printemps prochain. Nous allons accélérer le rythme de publication pour coller davantage à la réalité.
Les pénalités s'établissent à 2 millions d'euros pour 2018 pour la fonction publique territoriale et 1,9 million d'euros pour la fonction publique de l'État. Ces crédits non affectables sont versés au budget général mais, au-delà de l'action propre et continue des ministères, un fonds de soutien aux initiatives pour l'égalité hommes/femmes, doté d'un million d'euros chaque année, complète les dépenses engagées pour des actions de soutien, d'accompagnement et de formation. Ce million d'euros, à notre main tous les ans, nous permet d'activer ce qui mérite de l'être.
Je reprendrai votre question écrite de 2019, qui doit être arrivée chez Mme Moreno. La publication même des documents montre que nous n'avons rien à cacher.
La loi de transformation de la fonction publique prévoit la définition de lignes directrices de gestion visant à modifier l'organisation des promotions, des avancements et de la mobilité. Auparavant, les décisions étaient prises dans le cadre des fameuses commissions administratives paritaires (CAP) auxquelles participaient les organisations syndicales. Le 1er janvier 2021, nous allons migrer vers un mécanisme plus transparent qui permettra d'annoncer les règles de mutation et d'avancement avant que les décisions ne soient prises. Dans chaque ministère et dans chaque collectivité sont négociées ces lignes directrices de gestion qui poseront un certain nombre de principes explicites sur l'organisation de l'avancement, la promotion, la mutation, la mobilité, et les critères sur la base desquels les décisions seront prises.
La différence entre couples mariés, pacsés, concubinage ou femme en situation monoparentale est résolue et ne donne plus lieu à discrimination. Nous mettons à jour notre droit en fonction de la vie réelle. Le fait d'avoir des lignes directrices de gestion, à la conception desquelles les syndicats sont attentifs, permet de s'assurer que la promotion des femmes est traitée en tant que telle. À la suite des nominations, les ministères devront publier les ratios nominables/nommés, promouvables/promus, pour vérifier l'absence de biais de sur-promotion des uns par rapport aux autres. Je fonde beaucoup d'espoir dans ce système qui sera mis en œuvre au 1er janvier 2021. Il faudra l'évaluer, le suivre, le piloter, voire le corriger. En termes de transparence et de capacité à évaluer les uns et les autres en fonction de leurs compétences ou de leur engagement, il représente un progrès.
Sur la revalorisation des filières féminines, des actions comme le rendez-vous salarial de la fonction publique ou le Ségur de la santé ont mis un coup de projecteur sur les salaires perçus pour certaines activités. Certes, on cherche à attirer des hommes et des femmes dans toutes les filières, mais la réalité oblige à constater que la revalorisation indemnitaire ou la progression indiciaire de celles qui sont féminisées, ont été oubliées. Les plans d'action des ministères intégreront l'enjeu des inégalités salariales, ce qui conduira à réviser les barèmes des filières féminisées qui n'auraient pas bénéficié des mêmes coups de pouce au fil du temps. Des entreprises ont mis de côté des poches financières pour rattraper le décalage de certaines filières. En outre, le dialogue social permettra de maintenir la vigilance.
Je peux confirmer que le baromètre que je publierai le 6 janvier mentionnera des éléments à la maille départementale sur la lutte contre les violences faites aux femmes. Ce sera un important élément de transparence, de suivi et de pilotage de la politique publique. Je tiens beaucoup à ce baromètre. En effet, les lois que vous votez et les annonces du Gouvernement doivent pouvoir être suivies quantitativement à la maille territoriale. Ces politiques doivent s'incarner. Enfin, l'opposition et la majorité doivent disposer de faits pour que vous puissiez faire votre travail d'évaluation de terrain. S'agissant d'une grande cause du quinquennat, c'est un dossier que nous suivons avec grande attention. Les données seront rendues disponibles de manière innovante et inédite.
La protection sociale complémentaire est un chantier majeur que la loi du 6 août 2019 a permis d'accélérer, en demandant le dépôt d'une ordonnance avant le 7 mars 2021. Ce travail a demandé beaucoup de négociations avec les employeurs territoriaux, les employeurs hospitaliers et tous les employeurs publics de l'État. Je ferai donc cet après-midi des annonces, au terme d'une réunion conclusive de ces travaux avec les organisations syndicales avec lesquelles nous avons activement travaillé. L'accès à la santé est aussi un enjeu d'égalité entre les hommes et les femmes. La prise en charge des mutuelles de maladie et de prévoyance par l'employeur, comme dans le secteur privé, était pour moi une priorité. Je réserve mes annonces pour la réunion destinée à les acter mais je peux vous dire que nous avons réalisé d'importantes avancées, notamment pour les femmes.
Merci, Madame la ministre. En effet, je veux bien que nous retravaillions ensemble sur les violences conjugales, l'accompagnement des agents par les services de l'État et le logement. Il serait bon que la situation de violence conjugale soit un critère prioritaire de mutation.
Notre échange, ce matin, a permis de faire le point sur les travaux de la Délégation effectués dans le cadre du rapport de notre collègue Laurence Gayte et il alimentera la réflexion de notre mission d'information.
Je vous remercie toutes et tous pour votre travail sur ce sujet qui, au-delà des femmes, concerne toute la société. Si mon action permet aux 5,5 millions d'agents publics de s'emparer de l'égalité comme un enjeu de progrès et non comme un enjeu de contrainte, de division ou de mise en danger des uns contre les autres, nous aurons aidé l'ensemble de la société à progresser.
Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l'Assemblée à l'adresse suivante :
La réunion s'achève à 11 heures 05.
Membres présents ou excusés
En raison de la crise sanitaire, les relevés de présence sont suspendus.