Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Réunion du mardi 26 janvier 2021 à 17h15
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée :

S'agissant de l'index de l'égalité à l'école, je suis favorable, par principe, à tout ce qui se mesure et ajoute de la transparence. Cela permet de dégonfler les fantasmes et de construire des plans d'action. L'élaboration d'un tel index devra porter non seulement sur le corps enseignant, mais aussi sur les orientations des élèves, en particulier des jeunes filles. Il reste trop de stéréotypes. Nous devons également nous interroger sur les écarts observés entre les jeunes garçons et les jeunes filles, selon les disciplines, dans les études réalisées par le programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). Je ne crois pas une minute au fait que ces inégalités soient innées. Selon que le système est exigeant ou non avec l'enfant, et suivant l'ambition que ce dernier projette sur une matière, ses résultats sont très différents. Aux États-Unis, des études sociologiques ont démontré qu'en attribuant des bonnes notes aux mauvais élèves et des notes plus basses aux bons élèves, le professeur pouvait inverser la tendance : les mauvais élèves reprenaient confiance en eux et se mettaient à travailler alors que les bons élèves doutaient. En somme, le regard porté par l'adulte et l'environnement de travail peuvent orienter une destinée. Il faudrait commencer par une phase de formation, car nous partons de très loin.

Monsieur Le Bohec, vous avez cité un exemple illustrant la perception par les entreprises des congés de maternité. J'ai moi aussi connu des entreprises où il était établi qu'une femme en congé de maternité ne devait pas bénéficier d'une augmentation, puisqu'elle ne travaillait pas ; cette pratique était tellement ancrée dans la culture des entreprises qu'elle ne suscitait pas d'interrogation. Nous devons rendre visibles ces biais de genre. Lorsque nous avons rédigé la charte pour une représentation mixte des jouets, nous nous attendions à une certaine résistance. Nous nous sommes en effet heurtés à une résistance culturelle et à un tombereau d'insultes sur les réseaux sociaux ; en revanche, les acteurs que nous avons réunis autour de la table ont adhéré à la démarche beaucoup plus rapidement que nous ne nous y attendions. Le changement des catalogues de jouets d'une année sur l'autre est assez saisissant.

Il y a donc une certaine attente. Le moment est plutôt favorable. Cependant, je le répète, nous devons d'abord nous concentrer sur la formation et rendre ces biais de genre visibles afin que les acteurs prennent conscience de l'importance du changement. Beaucoup de professeurs sont prêts à s'engager, et nous devons leur donner des outils ; ils perçoivent certaines choses mais n'ont pas forcément les bons réflexes ou n'adoptent pas naturellement les bonnes attitudes.

Plus généralement, il est important d'analyser les statistiques d'orientation en seconde, première et terminale, notamment pour les spécialités scientifiques, de veiller à ce que les conseils d'orientation ou les conseils de classe ne reproduisent pas certains stéréotypes, et de prendre le temps d'accompagner les jeunes filles dont les professeurs estiment qu'elles ont des aptitudes pour les métiers scientifiques.

Dans l'enseignement supérieur, un travail a été mené, à la demande de Frédérique Vidal, sur la question de la diversité. Il serait intéressant de se pencher sur la composition des jurys et de produire certaines statistiques – combien de candidats et de candidates participent au concours, combien réussissent l'écrit, combien réussissent l'oral… On observe parfois qu'un grand nombre de candidates passent la barre de l'écrit mais échouent à l'oral ; or nous avons du mal à penser que les filles sont à ce point meilleures à l'écrit qu'à l'oral. Il est important de donner de la visibilité à tous ces sujets afin de créer une habitude de travail.

Nous devons susciter chez les jeunes filles l'envie de s'orienter vers des filières scientifiques. Il s'agit d'un sujet auquel Jean-Michel Blanquer est très attaché : il est important de proposer aux élèves des orientations qui ouvrent le maximum de perspectives et de leur offrir un accompagnement par les professeurs, qui sont des prescripteurs.

S'agissant de la parité en politique, nous avons vu, aux dernières élections législatives, qu'il était possible de faire émerger une génération de femmes politiques. Dans une vie antérieure, j'étais membre de la commission nationale d'investiture de La République en marche : nous nous efforcions de faire remonter des CV des femmes, mais une fois que nous en disposions, nous pouvions procéder à un choix ouvert et non par défaut. Par ailleurs – mais il s'agit là d'une opinion personnelle –, il serait certes intéressant de durcir les sanctions financières prononcées à l'encontre des partis politiques, mais nous devrions aussi dénoncer, en toute transparence, ceux qui ne respectent pas la parité. Le name and shame est également un levier d'action très efficace.

Je rappelle que la sanction prévue par la loi Copé-Zimmermann était la perte des jetons de présence pour le dernier rentré au conseil d'administration qui ne respectait pas la parité. Cette sanction relativement mesurée a été modifiée par la loi PACTE : désormais, le non-respect des règles peut entraîner la nullité des délibérations du conseil d'administration. Jusqu'en 2019, le respect de la parité a été garanti par une logique réputationnelle : pour de nombreuses entreprises publiant un rapport d'activité, il était difficilement acceptable de montrer à l'Autorité des marchés financiers (AMF) et au grand public qu'elles n'avançaient pas au rythme de la loi Copé-Zimmermann. La parité est alors devenue une règle de place : les entreprises se sont adaptées, ont cherché des femmes et se sont aperçues qu'il y en avait plein ! Cela a d'ailleurs permis de rajeunir les conseils d'administration, de les ouvrir à l'international et à des profils différents.

Concernant les filières STEM, nous travaillons, par exemple, avec l'UIMM sur le sujet de l'accès des femmes aux carrières scientifiques, en présentant des modèles de jeunes femmes ayant réussi et en utilisant notre réseau d'écoles. Nous avons la chance de disposer des écoles du réseau Mines-Télécom, réparties sur l'ensemble du territoire et orientées vers la transformation numérique ; ces écoles d'excellence, reconnues à l'international, fournissent des contingents importants d'ingénieurs. Utilisons d'abord ce levier, plutôt que de nous attaquer d'emblée à l'ensemble de l'enseignement supérieur, ce qui demanderait beaucoup d'énergie et d'accompagnement. J'ai fixé à Odile Gauthier, la nouvelle directrice générale de l'Institut Mines-Télécom – première femme nommée à ce poste –, et au patron de Télécom Paris, qui est étranger, des objectifs en la matière. Nous pourrions ainsi fixer de tels objectifs à tous les directeurs d'école, comme nous pourrions d'ailleurs en fixer à tous les niveaux de responsabilité. Aujourd'hui, près de 37 % des dirigeants du STOXX Europe 600 poursuivent des objectifs de parité au sein de leur conseil d'administration. Vous n'êtes pas forcément obligés d'inscrire ces principes dans la loi : s'ils sont rappelés dans le code Afep-Medef ou dans des codes équivalents, ou si vous faites en sorte que le respect de ces règles soit exigé par les grands investisseurs pour approuver une nomination ou une rémunération, l'effet est assuré : le marché ne mettra que deux ans à s'adapter.

S'agissant du niveau d'exigence des écoles et des quotas, l'accompagnement des élèves, quel que soit leur profil, doit être une priorité. Lorsque j'ai passé le concours d'entrée à l'École nationale d'administration (ENA), les candidats qui se présentaient au concours interne bénéficiaient d'une année de préparation, pendant laquelle ils étaient accompagnés par leur administration. Ils pouvaient suivre des cours de grande qualité et consacrer un temps substantiel à la préparation du concours tout en étant rémunérés. Des dispositifs de cette nature pourraient être envisagés – mais je ne veux pas m'avancer, car il faudrait évaluer leur coût. C'est, toutes proportions gardées, ce que propose Jean-Michel Blanquer avec l'opération « vacances apprenantes ».

Albert Camus a eu un parcours d'excellence grâce à son instituteur qui l'a fait travailler tous les soirs. C'est ce cadeau que nous devons offrir aux jeunes filles et, plus généralement, à tous les jeunes qui n'ont pas les mêmes chances que d'autres. En revanche, je ne recommande pas de baisser le niveau d'exigence. Regardez ce qui s'est passé pour le baccalauréat !

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