Intervention de Cédric O

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 16h00
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Cédric O, secrétaire d'État chargé de la Transition numérique et des communications électroniques :

Merci. En premier lieu, je voudrais revenir sur l'importance de la place des femmes, qui constitue un sujet d'égalité évident. Deux autres sujets me semblent absolument indispensables.

Tout d'abord, un grand nombre de décisions (relatives au recrutement, à l'attribution de bourses scolaires, etc.) sont aujourd'hui prises par des algorithmes. Or, il a été historiquement démontré que des algorithmes conçus par des hommes reproduisent des biais masculins. Les conséquences du faible nombre de femmes dans le secteur de la tech s'étendent donc à l'ensemble de la société.

Par ailleurs, une question d'intérêt général émerge, même pour les entreprises du secteur. Les études indiquent la plupart du temps que les équipes mixtes – mais également plus diverses – sont plus performantes. Être composée d'une diversité de profils est dans l'intérêt même de la French Tech.

La photographie est contrastée. Indéniablement, la représentation féminine est extrêmement faible au sein de la tech, et du numérique en particulier. Les start-ups comptent environ 30 % de femmes parmi leurs salariés. Néanmoins, les postes techniques occupés par des femmes sont de l'ordre de 10 %. La tendance n'est pas à l'amélioration. En outre, les postes à responsabilité sont, eux aussi, assez faiblement féminisés. Un baromètre intéressant, publié par l'initiative Sista au cours de l'année dernière, indiquait que 10 % des fonds distribués par les fonds de capital-risque français revenaient à des équipes mixtes et seulement 2 % revenaient à des équipes exclusivement féminines. Le système est notamment entretenu par la surreprésentation des hommes dans les équipes des fonds d'investissement.

Néanmoins, il existe un effet de génération. Par exemple, grâce à l'initiative du Parental Act, des entreprises ont volontairement financé un mois de congé parental aux deux parents. En outre, parmi les startuppers des dernières générations, l'approche de cette question est extrêmement différente.

Notons également que la situation française semble meilleure – ou plutôt moins terrible – que celle des écosystèmes américains, européens, etc. Depuis plusieurs années, sous ce gouvernement, la question des femmes dans l'écosystème occupe une place extrêmement importante dans l'agenda du secrétariat d'État au numérique.

Je dénombre trois sujets particulièrement importants relatifs à la place des femmes dans l'écosystème. Le premier sujet est l'éducation car l'éloignement des femmes des métiers du numérique débute extrêmement tôt, dans les esprits des parents comme dans ceux des professeurs. Une feuille de route très importante concernant l'enseignement numérique est pilotée par Jean-Michel Blanquer. Elle s'incarne par le fait que, depuis 2019, une heure et demie d'enseignement technique et numérique est dispensée à tous les élèves de seconde. La feuille de route de Jean-Michel Blanquer concerne la sensibilisation à ces biais genrés, dans le cadre de la formation des professeurs. Cette sensibilisation prendra du temps, mais elle est indispensable. Par ailleurs, des mesures peuvent être prises localement, dans la lignée du travail de Sophie Vigier à l'École 42. Néanmoins, ces mesures ne sont pas généralisables dans un monde où les petites filles se détournent très tôt du numérique. Les actions doivent être menées à la fois en aval et en amont.

Le deuxième sujet d'une grande importance est relatif aux role models. Nous projetons la réussite dans le secteur du numérique sur des personnages masculins. Avec la mission French Tech, nous nous attachons à mettre en avant des modèles féminins de réussite. Il est indispensable que nous mettions ces role models en avant afin que des petites filles et des petits garçons se projettent dans une réussite féminine.

Le troisième sujet que nous portons concerne nos schémas de fonctionnement et une forme de contrainte que nous devons exercer, de manière incitative ou coercitive. Pouvoir forcer l'accélération du système semble absolument indispensable. L'initiative Sista est excellente, soutenue par Bpifrance et par le secrétariat d'État au numérique. L'objectif est d'accroître le pourcentage de fonds alloués à des équipes mixtes ou exclusivement féminines à 25 % d'ici 2025 et 30 % d'ici 2030. Cette évolution sera progressive. Les fonds doivent s'engager, avec un relevé de compteur chaque année. L'engagement de l'État était très important. En effet, Bpifrance, engagée dans l'initiative, est investisseur dans la plupart des fonds d'investissement. La réussite des objectifs ne signerait pas la fin des efforts, mais serait déjà une excellente progression.

En dix ans, l'Allemagne est parvenue à doubler la proportion de femmes dans les formations techniques. Il n'existe pas de fatalité quant à la place des femmes dans les sciences. Néanmoins, ce sujet doit faire l'objet d'une attention constante. La chancelière allemande Angela Merkel a elle-même porté et suivi ce sujet.

Un début de progression est déjà visible selon les chiffres de Sista. En un an, la part de start-ups fondées par des équipes féminines ou mixtes a augmenté de quatre points, passant de 17 % à 21 %. L'écart moyen de financement s'est réduit de huit points entre les équipes fondatrices masculines et féminines. En outre, en 2019, les fonds ayant signé la charte Sista étaient trois fois plus nombreux à prendre en compte le genre dans les dossiers d'investissement qu'ils reçoivent.

L'augmentation du nombre de start-ups fondées par des équipes féminines et mixtes ne marque évidemment pas la fin du chemin. Néanmoins, si ces progrès se confirment et se répètent, cette évolution sera non négligeable. Ces efforts doivent être poursuivis sur plusieurs années. Je remarque un réel changement en deux ans. L'absence ou le faible nombre de femmes sur les photos des startuppers réalisant des levées de fonds est aujourd'hui une source de gêne, ce qui n'était pas le cas il y a deux ans. Je suis plus inquiet quant à la diversité des origines sociales que sur la mixité.

À titre personnel, je suis plutôt favorable à des mesures coercitives. Il faut compter les femmes pour que les femmes comptent. La loi Copé-Zimmermann a prouvé que ce type de mesures fonctionnent. Des débats peuvent avoir lieu sur les temps de mise à niveau et les entreprises concernées.

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