Intervention de Elisabeth Moreno

Réunion du mardi 28 septembre 2021 à 17h20
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Elisabeth Moreno, ministre déléguée :

Monsieur Gouffier-Cha, j'ai compris que votre question concernait la prise en charge globale des victimes. C'est la meilleure manière de sortir des violences et de se reconstruire rapidement. À l'occasion du premier anniversaire du Grenelle des violences, le Premier ministre avait annoncé un financement de 5 millions d'euros pour permettre de consolider et de développer les lieux de prise en charge unique adossés à des structures hospitalières, regroupant tous les acteurs concernés afin de faciliter la prise en charge des femmes victimes de violences conjugales ainsi que de leurs enfants. Les acteurs sont nombreux, et les réunir en un seul lieu, c'est permettre à ces femmes qui parfois n'iraient pas jusqu'au bout de leur démarche d'être complètement prises en charge.

En 2020, nous avons financé six premières structures permettant aux victimes de bénéficier de cet accompagnement complet et, à l'image du Grenelle, de nombreuses synergies ont vu le jour. Des partenariats ont été noués avec des commissariats, des cabinets d'avocats, des associations et bien d'autres. En 2021, afin de mailler l'ensemble du territoire, nous avons décidé de tripler le nombre de ces structures. À ce jour, nous en avons financé vingt‑deux pour aider des milliers de femmes et leurs enfants. Ces parcours de prise en charge médicale ont permis d'offrir un accès groupé à des services de médecine légale, chirurgicale, psychologique, sexologique, psychocorporelle ainsi qu'à des services sociaux, juridiques ou encore policiers. L'objectif, d'ici à la fin de l'année 2022, est de retrouver ces structures partout sur le territoire parce que, malheureusement, les violences ne connaissent pas les limites géographiques.

J'entends ce que vous dites des femmes qui ne sollicitent pas l'ARIPA par peur de représailles. Les pensions alimentaires représentent 18 % du budget d'une famille monoparentale. Or 30 % de ces pensions alimentaires ne sont pas payées, ou payées de manière irrégulière. C'est la raison pour laquelle, suite à l'annonce du Président de la République, Olivier Véran, Adrien Taquet et moi‑même avons installé ce service public des pensions alimentaires. Cette réforme vise à sécuriser le versement des pensions alimentaires et à protéger les familles monoparentales qui se retrouvent parfois en situation d'extrême précarité, puisque 700 000 d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté. Très souvent, les chefs de famille sont des femmes.

L'objectif est également de simplifier le quotidien de ces parents séparés afin qu'ils puissent se concentrer sur l'éducation et le développement de leurs enfants. Depuis le 1er janvier 2021, 45 000 demandes ont été déposées auprès des caisses d'allocations familiales. Quelque 17 500 pensions ont été intermédiées et 11 500 chefs de famille reçoivent l'allocation de soutien familial.

Pour éviter cette peur dont certaines de ces femmes vous ont parlé, nous souhaitons que ce processus devienne systématique et soit simplifié. Un travail est déjà engagé. Dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous étudierons comment rendre ce processus systématique pour faciliter la vie des victimes.

Derrière le droit à l'interruption volontaire de grossesse, Madame Battistel, c'est le droit des femmes à disposer de leur corps dont nous parlons. Or, vous le savez, depuis la loi Veil, la France n'a cessé de renforcer sa législation en matière de droit sexuel et reproductif. Elle l'a fait de plusieurs manières mais, pour répondre à votre question très précise, il y a sur ce droit à l'IVG un débat de société qui divise et j'ai été la première surprise de voir l'ampleur de cette division.

Les associations nous remontent très souvent le besoin d'allongement du délai. Ce sujet a été soutenu par nombre de députés à l'Assemblée nationale, et je vous fais confiance pour trancher dans le bon sens, comme vous l'avez déjà fait une première fois. Le Comité national d'éthique a été saisi de cette question. Il a rendu une opinion controversée sur l'allongement du délai, considérant que l'IVG était un acte médical singulier qui justifie le maintien de la clause de conscience spécifique pour les professionnels de santé.

Vous le savez, je suis favorable à tous les dispositifs allant dans le sens d'une amélioration du droit des femmes à disposer de leur corps. Néanmoins, vous le savez également, la décision doit être collective. Quoi qu'il en soit, nous partageons toutes et tous le même objectif : assurer partout et sur tout le territoire l'accès réel des femmes à l'IVG.

S'agissant de la situation des femmes afghanes, Mme la Présidente disait que vous recevriez cette semaine l'ambassadeur David Martinon. J'ai également fait cette démarche et j'ai également rencontré Mme Zarifa Ghafari, l'une des rares maires afghanes, aujourd'hui réfugiée en Allemagne. Mon objectif était de comprendre parfaitement la situation et de savoir de quelle manière aider ces femmes qui sont en grande souffrance. Comme vous tous, je suis consciente du travail réalisé par la France avant bien d'autres pays. La France s'est fortement mobilisée pour évacuer les populations à risque en Afghanistan. Sur les plus de 2 800 personnes rapatriées en France, le pourcentage de femmes et d'hommes était quasiment identique. Je suis très attentive à la situation des femmes afghanes. J'ai également rencontré M. Atiq Rahimi. J'ai donc beaucoup consulté sur ces sujets.

Je travaille, bien évidemment, avec les ministères des affaires étrangères et de l'intérieur, et je rencontrerai prochainement des femmes afghanes réfugiées dans notre pays, pour m'entretenir avec elles de leur situation et de leur avenir dans notre pays. Nous travaillerons avec des associations qui se sont mobilisées sur ces questions. Je pense à la Fondation des femmes, mais elle n'est pas la seule.

Bien entendu, nous devons aider ces femmes et leurs familles. Au niveau international, j'ai participé au premier G20 organisé par la présidence italienne sur les questions de l'égalité entre les femmes et les hommes. Lors de cette rencontre, nous avons inscrit à l'ordre du jour le sujet des femmes afghanes. Je me suis également entretenu avec la directrice exécutive d'ONU Femmes. Tout ce que nous pouvons faire, nous le ferons !

Je voudrais seulement partager avec vous ce que la maire Ghafari m'a dit lorsque je lui ai demandé ce que nous pouvions faire pour les aider efficacement. Elle m'a répondu qu'aucun pays au monde, y compris l'Afghanistan, ne pouvait rester isolé et qu'il importait donc que, dans les discussions et les négociations que nous aurions avec l'Afghanistan, nous mettions les droits fondamentaux des êtres humains – nous parlions alors des femmes, mais aussi des personnes LGBT+ – dans toutes les négociations. J'ai rapporté ses propos à notre ministre des affaires étrangères qui, vous le savez, mène toutes ces discussions.

En ce qui concerne l'invisibilisation des femmes migrantes, je ne peux que vous rejoindre sur les chiffres que vous avez cités. La France a historiquement une politique d'accueil très forte, notamment pour les personnes en difficulté. Malheureusement, très souvent, ces personnes sont des femmes. Le travail d'intégration pour que toutes les personnes qui vivent en France aient les mêmes chances reste au cœur de notre projet républicain. Ces actions d'intégration sont menées par de nombreux services de l'État : ministère de l'intérieur, emploi, logement ou santé. Sur tous ces sujets, tous les ministères travaillent sur de multiples dimensions, en particulier avec les associations que l'État soutient financièrement pour accompagner ces femmes au quotidien. Vous avez raison de dire qu'il reste un travail important à faire.

Monsieur Viry, j'ai été très touchée par vos mots. S'il est une chose que je salue, et que je continuerai de saluer, c'est cette intelligence collective que vous avez su déployer au sein de cette Délégation. Je l'ai constatée dès le premier jour, dès mon arrivée au Gouvernement. Je ne résoudrai pas seule les sujets qui intéressent mon ministère. Ces sujets sont transpartisans et je tiens à vous remercier de l'intelligence que vous mettez dans votre travail. Si vous avez eu le sentiment que je ne saluais que les députés de la majorité, je vous prie de m'en excuser. J'ai cru avoir salué le travail de tous les députés mais, si vous faites cette remarque, c'est que je n'ai sans doute pas été aussi précise que je l'aurais souhaité. Vous me donnez donc l'occasion de dire que je salue le travail de tous les députés de cette Délégation. Vous êtes un magnifique exemple de ce que, lorsque nous mettons de côté les egos et les intérêts personnels, il est possible de travailler en bonne intelligence dans l'intérêt collectif et général de notre pays.

Votre question sur la prostitution me permet de rappeler la position abolitionniste très forte de la France, que peu de pays – je n'ai à l'esprit que la Suède – ont assumée, qui rappelle que les femmes sont de véritables victimes du système prostitutionnel et qu'il n'existe pas de prostitution volontaire et heureuse, comme certains voudraient nous le faire croire.

Les priorités du Gouvernement en la matière sont importantes. Nous avons déployé la loi de 2016 contre les systèmes prostitutionnels. Dans chaque département, une commission départementale portant sur la lutte contre la prostitution se réunit régulièrement. Nous avons proposé un meilleur accompagnement des femmes sur le terrain, pour faciliter leur sortie de la prostitution au travers des parcours qui leur sont proposés. Dans ce cadre, nous soutenons de nombreuses associations. Moi-même, j'ai passé du temps à comprendre la manière dont elles travaillaient et les difficultés auxquelles elles étaient confrontées. Aux niveaux national et local, nous avons signé plusieurs conventions pluriannuelles, pour un montant de près de 600 000 euros en 2021. Nous avons travaillé avec Agir pour le lien social et la citoyenneté (ALC), avec l'Amicale du Nid, le Comité contre l'esclavage moderne (CCEM) et le Mouvement du Nid. Nous finançons également l'allocation financière d'insertion sociale et professionnelle (FISP) à hauteur de 1,4 million d'euros inscrit dans la programmation budgétaire. Au niveau local, plus de 2 millions d'euros permettent de soutenir les associations qui travaillent avec les personnes en situation de prostitution pour que ces dernières puissent accéder aux parcours de sortie.

Un comité national de suivi s'est réuni le 15 février 2021, car je souhaitais échanger avec tous les acteurs concernés. Il comprenait l'ensemble des directions d'administration centrale concernées par la loi ainsi que les associations spécialisées sur ces sujets. Une circulaire interministérielle est en cours de finalisation avec le ministre de l'intérieur pour harmoniser les critères d'octroi des parcours de sortie. Nous avons, en effet, constaté que si cela fonctionnait bien dans certains départements, dans d'autres, cela n'avait même pas commencé. Il faut donc veiller à créer une bonne dynamique autour de cette question.

À cela s'ajoute l'important travail que conduit Adrien Taquet sur la prostitution des mineurs de plus en plus jeunes, de plus en plus cachée parce que les réseaux sociaux autorisent certaines pratiques, impossibles jusqu'il y a peu. Adrien Taquet publiera dans les prochains mois un plan très ambitieux en la matière.

J'en viens à l'égalité dans les quartiers. Vous le savez probablement, j'ai grandi dans ces quartiers populaires, je suis donc très sensible à ce que vous évoquez. L'égalité entre les femmes et les hommes doit irriguer toutes les politiques publiques mais également tous les territoires, sans exception. Nous finançons, soutenons et continuerons de soutenir les actions menées par des associations féministes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville pour développer l'accès au droit et à l'égalité entre les femmes et les hommes et l'autonomisation économique. Nous essayons d'aller au plus loin et au plus près possible de ces femmes. Je puis vous assurer qu'il existe une dynamique, une envie, une motivation extrêmement fortes. Mais, parfois, les croyances et certaines idéologies font que ces femmes ont besoin de plus d'aide qu'ailleurs.

Présente à Creil il y a une dizaine de jours, j'ai pu échanger avec des associations qui réalisent un travail absolument remarquable, que ce soit sur l'autonomisation économique, la culture, le sport et autres. Les femmes, partout dans notre pays, ont le droit d'atteindre cette égalité, et je puis vous assurer que nous y œuvrons d'arrache‑pied.

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