Madame la ministre, c'est un plaisir de vous retrouver aujourd'hui lors de notre audition de rentrée. Je salue mes collègues de la délégation aux droits des femmes et remercie les équipes pour avoir permis que cette audition se déroule en format mixte, avec une participation de tous les députés, y compris depuis les Outre-mer.
Je souhaite aborder un thème très sensible qui m'a été soumis à travers un cas concret dont j'ai reçu les dernières nouvelles aujourd'hui : je ne pouvais pas faire l'impasse.
En dehors de ma fonction de députée, je suis membre active d'une association qui accompagne les femmes victimes de violences, dont certaines poussent ma porte lorsque les violences ne les concernent pas directement, mais touchent leurs enfants.
Dernièrement, une mère est arrivée à ma permanence pour dénoncer des faits d'inceste sur sa fille de quatre ans commis par le père. Quatre ans ! L'enfant parle, dénonce, mime, y compris devant les forces de l'ordre. Mais sa parole n'est pas prise en compte, car il existe un conflit parental sévère, la mère ayant précédemment porté plainte pour violences conjugales. La justice la soupçonne donc de mentir, car prouver des violences conjugales reste ardu. Le syndrome d'aliénation parentale est évoqué, comme très souvent en cas de séparation. Or les faits sont là, têtus : le week-end dernier, l'enfant est revenue de chez son père, qui en a toujours la garde, avec une infection sexuellement transmissible. Je rappelle qu'elle n'a que quatre ans ! Et l'on refuse encore d'entendre la possibilité d'abus sexuels !
Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur cette notion controversée qu'est le syndrome d'aliénation parentale, qui consisterait au formatage d'un enfant par un parent visant à dénigrer l'autre. Fortement contesté dans de nombreux pays, il l'est également en France.
En 2017, la ministre Laurence Rossignol avait demandé l'inscription d'une fiche d'information sur le site du ministère de la justice afin d'interdire l'utilisation de ce concept dans le cadre judiciaire. À la suite de cette demande, le ministère de la justice avait publié au Journal officiel une réponse qu'une note d'information a été mise en ligne sur le site intranet de la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la justice pour informer les magistrats du caractère controversé et non reconnu du syndrome d'aliénation parentale, les inciter à regarder avec prudence ce moyen lorsqu'il est soulevé en défense et leur rappeler que d'autres outils sont à leur disposition en matière civile pour faire face aux situations parfois réelles d'un parent qui tenterait d'éloigner progressivement l'enfant de l'autre parent. Cette initiative a été annoncée en 2017 dans l'action 58 du 5e Plan de mobilisation et de lutte contre toutes les violences faites aux femmes aux termes duquel : « Dans les cas de violences conjugales ou de violences faites aux enfants, l'allégation de ‟ syndrome d'aliénation parentale ” soulève de réelles difficultés. Elle conduit à décrédibiliser la parole de la mère, exceptionnellement du père ou de l'enfant, et par conséquent à en nier le statut de victime en inversant les responsabilités. »
Or force est de constater que cette notion est encore utilisée à ce jour et que la famille que je suis en fait les frais. Alors, que faire, madame la ministre ?