Je suis perturbée par le témoignage de Mme Lebon, mais j'y reviendrai. Je commence en répondant à Mme Panonacle.
En ce qui concerne la prise en charge des enfants dans le contexte de violences conjugales, il faut reconnaître que, longtemps, les enfants ont été invisibilisés alors qu'ils en sont des victimes collatérales directes – ou indirectes mais, de toute façon, ils sont des victimes. Je partage totalement votre avis : dans ces situations dramatiques de violences intrafamiliales, il est indispensable de garantir aux enfants une prise en charge et un accompagnement adaptés à leurs besoins afin qu'ils puissent dépasser le traumatisme et se reconstruire. Lorsque l'on est jeune, même si le traumatisme est important, il est possible de se reconstruire.
Le Gouvernement, au travers du Plan de lutte contre les violences faites aux enfants conduit par Adrien Taquet, insiste sur l'impact traumatique pour l'enfant de toute forme de violence et sur la nécessité de lui offrir un espace de soins et d'accompagnement. Les enfants de victimes de féminicide, comme tout enfant victime de violences, peuvent d'ores et déjà être orientés et pris en charge au sein des unités d'accueil pédiatrique « Enfants en danger », présentes sur tout le territoire national et dont les moyens ont été renforcés pour répondre de façon encore plus rapide et efficace aux demandes de tous les enfants victimes de violences. Ces unités pédiatriques permettent de dresser un bilan de l'état de santé de l'enfant et de ses besoins et d'instaurer un suivi et un parcours de soins adaptés. L'objectif est d'en avoir un par département d'ici à la fin de l'année 2022.
De plus, Adrien Taquet a désiré accroître le nombre des centres de ressources en psychotraumatisme sur l'ensemble du territoire national. Ces centres permettront de compléter l'offre de soins proposée aux enfants victimes de traumatismes.
Enfin, lors du Grenelle des violences conjugales, vous avez affirmé votre volonté de modifier les règles de l'exercice de l'autorité parentale en cas de violences conjugales. C'est maintenant chose faite grâce aux lois du 28 décembre 2019 et du 30 juillet 2020. Ainsi, l'exercice de l'autorité parentale et du droit de visite et d'hébergement du parent poursuivi ou condamné, même non définitivement, pour un crime commis sur la personne de l'autre parent, sont suspendus de plein droit, à charge pour le Procureur de la République de saisir le juge aux affaires familiales très rapidement, car un homme qui commet des violences sur une femme ne peut pas être un bon père.
Ce sujet me tient particulièrement à cœur et je suis tout à fait disponible pour que nous échangions à ce propos, comme j'ai eu l'occasion de le faire avec Marie Tamarelle-Verhaeghe. Mon cabinet et moi-même nous tenons à votre disposition pour approfondir tout ce qui peut l'être dans l'intérêt les enfants.
S'agissant de la lutte contre les stéréotypes, il ne faut pas minimiser les stéréotypes de genre. Ils constituent un obstacle certain à la réalisation d'une véritable égalité entre les femmes et les hommes. En outre, ils favorisent la discrimination fondée sur le genre et les idées préconçues qui assignent de manière totalement arbitraire et subjective aux femmes et aux hommes un rôle déterminé, qui les borne à leur sexe.
Je partage votre opinion, monsieur le député, : pour atteindre une culture de l'égalité entre les filles et les garçons, la déconstruction des stéréotypes doit commencer dès le plus jeune âge. Un important travail est conduit par le ministère de l'éducation nationale pour que l'ensemble des enseignants soient formés à l'égalité entre les jeunes filles et les jeunes garçons et prennent également conscience des questions de violence.
Il est prévu de prendre en charge un module obligatoire de formation initiale et continue sur l'égalité à destination des personnels de l'éducation nationale. Dorénavant, chaque année, les 20 000 élèves qui aspirent à devenir enseignants, sont formés dix-huit heures, contre trois auparavant, à l'égalité entre les filles et les garçons.
Se tiennent également désormais un conseil de la vie collégienne et un conseil de la vie lycéenne dédiés à la réalisation d'un diagnostic annuel sur l'égalité entre les filles et les garçons en milieu scolaire.
À cela s'ajoutera la mise en œuvre de la Convention interministérielle, réunissant tous les ministères ayant la responsabilité de politique éducative. Cette convention sera déclinée dans tout le territoire afin de mieux répondre aux besoins sociétaux, en matière tant de mixité des métiers, de respect mutuel et d'éducation à la sexualité que de lutte contre les violences sexistes et sexuelles et contre les cyberviolences qui touchent de plus en plus cette jeune génération.
La diffusion de la culture de l'égalité s'inscrit aussi dans le cadre de l'expérimentation du service national universel et des cités éducatives, l'introduction de la thématique de l'égalité entre les femmes et les hommes étant un axe transversal de tous les projets.
La question du jeune âge est absolument cruciale. Je suis d'accord avec vous sur le besoin de renforcer la formation à l'égalité entre les filles et les garçons ainsi que l'éducation à la sexualité. Avec Jean-Michel Blanquer et Adrien Taquet, nous avons lancé une mission d'évaluation de l'éducation à la sexualité, du cours préparatoire au lycée. Ces séances sont encore bien trop peu organisées. Cela tient souvent à la bonne volonté du chef d'établissement. De nombreux outils et dispositifs existent, qui ne sont absolument pas valorisés.
Enfin, un travail sera engagé pour améliorer la remontée de l'ensemble des actions menées sur le terrain et promouvoir la visibilité des outils existants, les sites internet comme onsexprime.fr ou les vidéos. Nous savons le temps que les jeunes passent sur les écrans. Nous disposons de vidéos de sensibilisation diffusées par Adrien Taquet et son ministère, dont la série Sexotuto que nous avons soutenue et qui est maintenant disponible sur Lumni et Salto.
Je vous confirme que je viendrai à Redon le 11 octobre prochain, me semble-t-il. Je serai ravie d'échanger sur ces questions avec vous. Si l'on n'a pas trouvé écrit « ce plan de relance concerne les femmes », c'est d'une telle évidence ! Quand on décide d'investir 100 milliards d'euros pour relancer notre économie et sauver les emplois, cela concerne bien évidemment les emplois des hommes... et ceux des femmes !
Vous avez raison toutefois de le souligner, l'invisibilisation est encore bien trop présente. Certains métiers, on le sait, sont beaucoup moins considérés que d'autres, et beaucoup moins valorisés. En vous parlant, je pense à la revalorisation des salaires décidée par Olivier Véran. À 90 %, ce ne sont quasiment que des femmes qui en bénéficieront : avec près de 200 euros qu'elles percevront avec leurs salaires.
Ce travail doit bénéficier à tous, et doit également responsabiliser les entreprises. Des chefs d'entreprise ont signé une tribune pour dire qu'ils ne voulaient pas oublier les femmes dans le plan de relance. Je sais combien vous êtes attaché aux budgets genrés. Que ce plan de relance doive bénéficier à tous est une évidence. Nous sommes malheureusement encore un peu loin du compte, mais je puis vous assurer que je serai très vigilante sur cette question.
Nous continuerons à publier les index de l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous nous sommes déjà fixés, avec Élisabeth Borne, un objectif de progression de tous les sous‑indicateurs afin qu'aucun arbre ne vienne cacher la forêt.
Les budgets genrés sont un sujet qui me tient à cœur, complémentaire de ce que je viens d'exposer. Ils sont un moyen très important de promouvoir l'égalité à travers le processus budgétaire et les dépenses publiques. C'est en prenant conscience des déséquilibres dans l'action publique que nous améliorerons la situation.
Vous avez repris une formule que le collectif Sista utilise beaucoup : il faut compter les femmes pour que les femmes comptent ! C'est la raison pour laquelle une première expérimentation a été menée en 2019 sur le budget intégrant l'égalité avec quatre ministères que je tiens à citer pour les remercier de s'être engagé sur ce sujet : agriculture, culture, cohésion des territoires et affaires sociales.
Une nouvelle étape sera engagée, toujours pilotée par la direction du budget et le service des droits des femmes et de l'égalité de la direction générale de la cohésion sociale, prévoyant un groupe pilote interministériel qui permettra d'étendre le périmètre de la démarche engagée en 2019. Il est désormais proposé de travailler à l'échelle de plusieurs programmes budgétaires sélectionnés dans le cadre du PLF pour 2023. L'objectif est de prendre en compte les enjeux de l'égalité entre les femmes et les hommes lors des choix budgétaires et d'analyser l'impact de toutes les actions publiques sur chacun des sexes grâce à des indicateurs de performance améliorés et genrés lorsqu'ils visent des publics déterminés. Il sera dès lors possible de mesurer l'impact réel de l'action publique sur l'avancée, ou le recul parfois, de l'égalité entre les femmes et les hommes grâce à ce nouvel outil d'évaluation et de pilotage des politiques publiques, outil transversal qui est développé avec beaucoup de volontarisme par le Gouvernement. Je vous sais gré de garder un regard attentif sur ces questions.
Je partage le souci d'Isabelle Rauch d'identifier et d'aider les structures qui portent notre cause sur tout le territoire, y compris les petites associations qui sont trop souvent invisibilisées. Nous finançons de petits projets qui peuvent avoir un fort impact au niveau local. Ainsi, nous recourons aux appels à projets sans formalisme excessif, afin que les petites structures puissent y participer. Vous le savez, j'ai fait partie de ces petites associations, qui ont des idées, de la volonté et travaillent d'arrache-pied, mais qui ne sont pas formées et ne disposent pas forcément des expertises nécessaires pour répondre à des appels à projets parfois complexes. Nous essayons d'en faire la plus grande publicité possible pour qu'ils touchent le plus grand nombre d'associations, et pas seulement les plus importantes.
Cet été, mon ministère a débloqué 500 000 euros pour les associations qui œuvrent en faveur de l'égalité professionnelle. Ce sont souvent de petites associations qui agissent localement. Nous avions envie de les encourager dans leur travail.
Je vous rassure donc : nous prenons bien en compte la diversité des projets et la taille des associations, d'autant que la France est l'un des pays dans lequel l'engagement associatif est le plus large. Si nous n'encourageons pas ces associations et si nous les étouffons par la complexité de nos appels à projets ou à manifestations d'intérêt, nous perdrons leur engagement et leur motivation. Croyez que nous sommes très sensibles à ces questions.
Karine Lebon m'a interrogées sur l'inceste. L'exemple qu'elle nous a donné est troublant, pour ne pas dire bouleversant. C'est un sujet qu'Adrien Taquet porte à bras-le-corps avec beaucoup de volontarisme. Cela fait plusieurs années qu'il est mobilisé sur ces questions de violences sexuelles envers les enfants. Une commission spéciale, conduite par Édouard Durand et Nicole Mathieu, vise à mieux connaître le phénomène de syndrome d'aliénation parentale que vous évoquiez, mais pas seulement. Cela ne peut se faire qu'en observant une écoute attentive et sans remettre en question la parole des victimes. Si l'on doit respecter la présomption d'innocence dans notre pays, on doit, avec la même volonté, respecter la parole des victimes, les entendre et comprendre toutes les souffrances qu'elles ont eu à subir. Une ligne d'écoute dédiée a été ouverte cette semaine pour entendre tous les témoignages et apporter un soutien à ces victimes, qui sont nombreuses. Je vous encourage à partager cette information, car plus nous recevrons de témoignages, plus nous réajusterons nos politiques publiques en ces matières. Cette commission remettra d'ici à la fin de cette année des recommandations que nous étudierons avec une grande attention.
Je salue également l'adoption de la loi d'avril dernier qui a tout de même renforcé la législation en la matière. Le fait de porter le seuil de non-consentement à quinze ans et d'augmenter les peines pour agression sexuelle et pour inceste est une manière dissuasive, je l'espère, de rappeler que nous sommes de plus en plus sensibles à ces questions qui ne seront plus invisibilisées.
J'en reviens à la formation, qui paraît essentielle face à l'exemple que vous citiez et à la remise en question assez brutale de la parole de la victime – que je ne peux commenter, bien évidemment. C'est la raison pour laquelle tous les témoignages que nous recevons sur cette ligne seront extrêmement précieux ; ils permettront de traiter ces questions de violences, d'inceste et de syndrome d'aliénation parentale, qui sont absolument terribles.