Intervention de Julien Denormandie

Réunion du mercredi 19 janvier 2022 à 16h45
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Julien Denormandie, ministre :

S'agissant des congés paternité, il existe déjà des possibilités de fractionnement, mais j'entends bien la question de Mme Dubois et nous allons regarder de près si des progrès peuvent encore être accomplis.

Je partage tout ce qu'a dit Mme Lebon quant à la lutte contre les inégalités et les préjugés sexistes. J'en profite pour rendre hommage à la présidente Huguette Bello, qui a toujours fait de ces sujets le fer de lance de son action. Cette question nous concerne tous, tous partis politiques et tous secteurs économiques et sociaux confondus. Il faut se battre contre toutes ces entraves au pacte républicain et ces comportements inacceptables, avec une tolérance zéro. Cela passe notamment par la question de l'éducation, sur laquelle je reviendrai.

Pour ce qui est de la représentation des femmes dans les organisations professionnelles et dans les syndicats, j'ai bien en tête la proposition de loi que vous évoquiez, mais je ne suis pas maître de l'agenda parlementaire. Pardon de cette réponse, mais la séparation des pouvoirs est ce qu'elle est. En tout état de cause, je constate que des efforts ont été accomplis, qui doivent se prolonger. Je pense notamment à la représentativité dans les chambres d'agricultures. Je le disais, le premier syndicat de France, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) a élu une femme à sa tête, comme il le faisait au niveau régional depuis les années 1970. Dans ce syndicat ou dans d'autres existent depuis des décennies des cellules ou des organes dédiés à la question. Ayant été convié à intervenir devant la commission « agricultrices » de la FNSEA, en présence de sa présidente, j'ai pu prendre la mesure de toute la détermination syndicale sur ce sujet et je la salue : les acteurs de terrain sont parfois nettement en avance sur la loi, et je trouve cela positif.

Reste que le combat sur la représentativité doit se poursuivre partout, dans le monde agricole comme ailleurs. Il faut prendre des mesures, je n'ai à titre personnel aucune espèce de doute en la matière. Je sais que le sujet a été mis sur la table par un candidat à la présidence de la République, qui a tenu des propos extrêmes que je condamne très fermement.

Pour répondre à Gaël Le Bohec, oui, les agricultrices ont un rôle évident à jouer comme rôles modèles. Ces dernières années ont été marquées de moments forts, comme lorsqu'en pleine crise sanitaire, alors que le Salon de l'agriculture ne pouvait pas se tenir, une grande chaîne du service public a diffusé le documentaire Nous paysans que j'ai évoqué tout à l'heure, mettant à l'honneur le monde agricole et en particulier les agricultrices. Il est certain que les métiers et les réalités de l'agriculture doivent être enseignés à nos enfants dans les écoles. C'est pour moi un sujet crucial, et il en va de même de la nutrition. Nous avons déjà fait des choses en la matière avec Jean-Michel Blanquer, mais il faut encore aller plus loin. Jean-Michel Blanquer reste un appui indéfectible, et vous pouvez compter sur moi pour continuer à travailler sur ce sujet.

Mais il n'y a pas que l'éducation : il faut aussi se soucier de marketing. Les publicités des grandes marques alimentaires, lorsqu'elles représentent une laitière, montrent une agricultrice du début du XXe siècle qui ne doit pas ressembler beaucoup à Mme Durand, l'éleveuse que vous évoquiez, que je ne connais pas mais que je salue et que je remercie pour ce qu'elle fait. Il y a matière à évolution. L'image de l'agriculture qu'on conçoit en allant faire ses courses dans les grandes surfaces est à des années-lumière de ce que sont ces métiers profondément innovants, qui doivent résoudre des questions incroyablement complexes et qui s'apprennent à la fois par la transmission du savoir-faire et par des formations sur les nouveaux défis et les nouvelles technologies. Tant dans l'éducation que dans le marketing, il faut donner à voir cette agriculture-là.

Pour répondre à Louise, que je salue, je dirai d'abord que la question pour moi essentielle est celle de l'orientation, qui se joue en classe de troisième. À mon arrivée au ministère, j'ai commandé à mes services une étude sur la perception de l'enseignement agricole par le public. Il apparaît que les Français le considèrent comme un très bon enseignement, mais qui ne permet de devenir qu'agriculteur. Cela en écarte de nombreux élèves de troisième, qui ne souhaitent pas devenir agriculteurs.

Mais l'enseignement agricole mène à bien d'autres métiers ! Il assure plus de 200 formations. Nous n'en parlons pas assez : l'enseignement agricole est l'enseignement du vivant, de la terre, de l'environnement, de la production alimentaire. Il forme des agriculteurs, mais aussi des spécialistes des données ou de la météo, des vétérinaires, des botanistes spécialisés dans la protection de l'environnement ou des data scientists. C'est vrai tant pour l'enseignement technique que pour l'enseignement supérieur. S'il est bon que nos concitoyens connaissent la qualité de notre enseignement agricole, il faut maintenant les informer sur toutes les possibilités qu'il ouvre. C'est fondamental. Nous avons beaucoup travaillé avec Jean-Michel Blanquer à renforcer l'information en troisième sur ce point.

Je dois aussi dire à Louise que ce travail sur la perception des métiers de l'agriculture et de l'alimentation ne doit pas se faire qu'au moment de l'orientation. La réalité de ces métiers doit être présentée à tous les autres stades du parcours éducatif. Tous les jours, je reçois des messages qui s'indignent de la manière dont a été présentée l'agriculture en telle ou telle occasion. Cela démontre en creux que le reste du temps, tout se passe bien, mais cela pousse quand même à mieux représenter la réalité du monde agricole. C'est un défi pour les programmes scolaires, que nous avons saisi à bras-le-corps avec Jean-Michel Blanquer. Nous devrons continuer à avancer sur ces sujets.

J'en viens à la question de M. Damaisin. C'est sur la base de son excellent rapport que nous avons établi notre feuille de route sur la lutte contre les détresses agricoles. L'aide au répit en est un des éléments forts. Nous avons proposé des financements supplémentaires, que vous avez votés. Reste la question cruciale du recrutement des personnes assurant le service de remplacement, qui est posée dans le rapport et qui figure sur cette feuille de route que nous mettrons en œuvre collégialement.

Enfin, s'agissant de la ville, je pense qu'il ne faut pas nier les clivages ou en tout cas la distance qui peuvent se créer dans notre société entre le monde urbain et le monde rural, voire parfois entre le monde néorural et le monde rural. Cela en devient ubuesque : certains ont été traduits en justice pour avoir possédé un coq qui chantait un peu trop tôt le matin, au sens de leurs voisins… Mais enfin, faire taire un coq au lever du soleil, ce n'est possible que dans les livres pour enfants ! Quoi qu'il en soit, c'est une réalité, qui a mené le Parlement à légiférer pour éviter ce genre de cas – ce qui en dit long en soi sur la société. Cela ramène encore à ce que nous disions sur l'éducation et l'acceptation sociétale de la réalité de nos territoires – de ce qui en fait la beauté et l'identité.

Plus nous introduirons l'agriculture urbaine en ville, plus nous participerons à ce renforcement. En tant que ministre de la ville, n'abandonnant jamais mes amours pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, j'ai lancé un grand plan très ambitieux sur l'agriculture en ville. Avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, nous avions lancé de nombreux projets de fermes urbaines et d'agriculture en ville – des initiatives allant de l'espace de maraîchage sur le toit d'un supermarché jusqu'à la création d'une chèvrerie dans un quartier. Cela permet de renforcer la présence du végétal en ville, mais aussi le lien social – notamment grâce aux jardins partagés, sur lesquels nous avons beaucoup échangé. Surtout, cela renforce le parcours éducatif, car beaucoup de ces projets se prêtent à accueillir des sorties scolaires. Ce projet a été encore renforcé par ma collègue Nadia Hai. J'ai profité aussi du plan France relance pour financer, de mémoire, plus de 100 projets de fermes urbaines et plus de 1 000 projets de jardins partagés. J'y crois beaucoup, et nous ne relâcherons pas nos efforts en la matière.

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