Le Gouvernement est très attentif aux problématiques de l'outre-mer liées à la gestion de l'épidémie : l'éloignement, l'acheminement des matériels et des équipements sanitaires et médicaux peuvent être source d'inquiétudes supplémentaires. Les outre-mer ont été soumis aux mêmes mesures que la métropole, et au même moment, ce qui a permis de freiner fortement l'épidémie. Le confinement a pris fin en Nouvelle-Calédonie et dans une partie de la Polynésie ; la réflexion est en cours à Saint-Pierre-et-Miquelon.
L'activité est réduite dans l'ensemble des réseaux du ministère de la justice, suivant le plan de continuité d'activité (PCA). La gestion a été adaptée pour tenir compte des spécificités ultramarines, et la même logique préside à l'élaboration des dispositifs de sortie de crise.
Les tribunaux ont été fermés au public, mais les ordonnances ont permis la poursuite de l'activité judiciaire d'urgence, notamment pour les contentieux liés aux violences intrafamiliales, sans audience physique mais dans le respect des droits des parties et de la défense. Des ultraportables sont livrés dans les services pour faciliter le télétravail.
Dans les établissements pénitentiaires, les mesures sanitaires consistent en la réduction des contacts entre les détenus et les personnes extérieures – familles et intervenants socio-culturels ou cultuels – et en la sécurisation des conditions de travail de l'ensemble du personnel pénitentiaire. Dès le 28 mars, j'ai décidé de doter de masques les agents en contact étroit et prolongé avec les personnes placées sous main de justice, ainsi que de gel hydroalcoolique en quantité suffisante. Les libérations anticipées et le ralentissement des juridictions ont permis une diminution importante de la population carcérale : depuis la date de référence du 16 mars, il y a 10 000 détenus en moins sur l'ensemble du territoire ; outre-mer, leur nombre est passé de 5 179 à 4 657, soit une diminution de 10,2 %. La combinaison avec les mesures visant à apaiser les détenus – gratuité de forfaits téléphoniques et de la télévision, aide aux plus démunis – a permis de limiter les mouvements de protestation ; celui qui s'est produit à Rémire-Montjoly, en Guyane, a été rapidement maîtrisé.
La protection judiciaire de la jeunesse fait également l'objet d'un suivi attentif. Avec l'accord des magistrats, certains mineurs sont rentrés dans leur famille, avec un suivi éducatif par téléphone ; l'accueil en urgence et en sortie de détention est assuré et les foyers fonctionnent.
Je salue l'ensemble du personnel de la justice, qui s'est mobilisé, aux côtés de nos compatriotes ultramarins pour limiter la propagation du virus ; nous lui devons beaucoup. Les parquets généraux m'indiquent que, globalement, les mesures de confinement sont respectées par la population. Cette mobilisation permet d'entrevoir la sortie de crise, même si des inquiétudes demeurent quant à un risque d'aggravation outre-mer. Les directions de mon ministère demeurent pleinement mobilisées et poursuivent leur travail sur les hypothèses de reprise, en liaison avec les réseaux et les chefs de cour outre-mer, mais aussi de manière interministérielle et en tenant compte des spécificités locales. Dans l'attente de la sortie de crise, tous les services peuvent faire évoluer leur PCA et élargir leurs activités si les conditions de sécurité sanitaire et les effectifs le permettent.
J'en viens à l'état d'avancement du plan de rénovation de l'immobilier en Guadeloupe. Pour le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, où le taux d'occupation est de 133 %, l'étude d'impact sur l'extension de 300 places se poursuit normalement. Elle sera soumise à une concertation préalable. Le marché de conception-réalisation a été notifié en juillet 2019 ; les travaux devraient débuter mi-2021 et durer environ quatre ans.
Pour la maison d'arrêt de Basse-Terre, le marché de conception-réalisation pour la création d'un quartier de semi-liberté de 200 places a été notifié en avril 2019 et le permis de démolir a été obtenu en octobre. Les travaux de dépollution et de démolition de certains bâtiments, commencés en février, ont été suspendus en raison de la crise ; ils devraient reprendre fin avril et s'achever en septembre. À la suite d'un diagnostic archéologique, la construction débutera au premier trimestre 2021 ; elle se terminera au quatrième trimestre 2022. La livraison définitive aura lieu en 2024, après la démolition d'autres bâtiments.
Dans le palais de justice de Pointe-à-Pitre, la Chancellerie a confirmé l'implantation du tribunal d'instance, du conseil de prud'hommes (CPH) et du tribunal de commerce. Une analyse approfondie a été engagée en juillet 2019, au regard des évolutions découlant de la loi de programmation de la justice. Sur cette base, l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) lancera une étude de programmation. À la suite du désamiantage, les travaux de rénovation pourront débuter cet été, si la situation sanitaire le permet.
S'agissant du palais de justice de Basse-Terre, l'APIJ assure la maîtrise d'œuvre des travaux, dont le montant s'élève à 60 millions. En janvier, j'avais retenu le regroupement de toutes les juridictions sur un même site. L'acquisition de parcelles a été engagée. Nous avons validé en mars le principe d'une première tranche de travaux, à hauteur de 40 millions, comprenant l'extension neuve, la démolition des bâtiments non historiques, les études de maîtrise d'œuvre pour les bâtiments classés. La livraison est prévue en 2025.
Dans la lutte contre la pandémie, notre approche est fondée avant tout sur les gestes barrières et la distanciation sociale ; les masques ne sont qu'un complément, sauf pour les personnels soignants, pour qui ils sont impératifs. Dès le début, nous avons toutefois jugé nécessaire d'équiper de masques les agents pénitentiaires en contact direct avec des détenus malades ou suspectés de l'être. Le 28 mars, j'ai élargi la mesure à l'ensemble des personnels pénitentiaires en contact étroit et prolongé avec les personnes placées sous main de justice ; 33 200 masques ont été livrés, entre le 3 et le 4 avril, aux établissements pénitentiaires outre-mer et le réapprovisionnement sera régulier. Le stock est suffisant jusqu'au 5 juin à Baie-Mahault et jusqu'au 23 mai à Basse-Terre.
Nous augmenterons progressivement la dotation des établissements, y compris après le déconfinement, en leur livrant des masques grand public, lavables et réutilisables jusqu'à vingt fois et garantissant un très haut niveau de protection. Nos établissements pénitentiaires en produisent 8 000 par semaine. Quant au gel hydroalcoolique, les envois sont réguliers et normaux ; il n'y a pas de rupture de stock dans les établissements pénitentiaires de Guadeloupe.
Le Gouvernement a inscrit les avocats dans le mécanisme d'aide global aux très petites entreprises, ce qui leur permet de bénéficier des dispositifs d'aide à la prise en charge des loyers et de report des cotisations sociales, et du fonds de solidarité à hauteur de 1 500 euros par mois pour un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros et un bénéfice de 60 000 euros par associé.
À la demande de la profession, le ministère de la justice va également instaurer un dispositif d'avance, remboursable jusqu'au 31 décembre 2021, pour les dossiers d'aide juridictionnelle que les avocats n'ont pas pu prendre en charge. En contrepartie de cet effort budgétaire de 50 millions d'euros, je leur demande de participer à la remise en route complète des juridictions, pour résorber les stocks accumulés du fait des deux mois de grève des avocats et de l'épidémie.