Délégation aux outre-mer

Réunion du jeudi 23 avril 2020 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La réunion, en visioconférence, débute à 17 heures (heure de Paris)

- à 5 heures en Polynésie, à 11 heures aux Antilles, à 12 heures en Guyane, à 13 heures à Saint-Pierre-et-Miquelon, à 18 heures à Mayotte, à 19 heures à La Réunion, à 2 heures (vendredi) en Nouvelle-Calédonie et à 3 heures (vendredi) à Wallis et Futuna -

Présidence de M. Olivier Serva, président

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

http://assnat.fr/E3Thby

La Délégation procède à l'audition de Mme Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice.

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Chers collègues, c'est Mme la Garde des Sceaux elle‑même qui a demandé à être auditionnée par notre délégation.

Les dispositions prises pour le monde judiciaire et carcéral afin d'endiguer la circulation du Covid-19 concernent également les outre-mer. Je les salue, mais des interrogations subsistent quant à la situation spécifique de nos territoires.

S'agissant de la Guadeloupe, le personnel pénitentiaire s'inquiétait au sujet de la livraison de masques et de gants ; il a été entendu. La crise a remis en lumière le problème de la surpopulation carcérale. Où en est le plan de rénovation de l'immobilier judiciaire – maison d'arrêt et palais de justice de Basse-Terre, centre pénitentiaire de Baie-Mahault, palais de justice de Pointe-à-Pitre ? Comment l'ensemble du personnel judiciaire sera-t-il équipé pour éviter tout risque sanitaire ?

Les avocats de Guadeloupe les plus fragiles rencontrent des difficultés : on pourrait envisager la revalorisation de l'unité de valeur (UV) de l'aide juridictionnelle au regard de l'insularité, l'augmentation du nombre d'UV sur le même fondement, le versement anticipé d'une fraction de cette aide ou encore l'annulation des charges sociales et fiscales. Les moyens et services de la justice numérique doivent être améliorés, dans le respect des droits fondamentaux des citoyens, pour permettre une reprise plus rapide et efficiente des activités.

Madame Nicole Sanquer, excusée ce jour, voudrait savoir combien de personnes en fin de peine seront concernées par les libérations conditionnelles en Polynésie. Quid des mesures sanitaires pour éviter la contamination dans les centres pénitentiaires ?

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Nicole Belloubet, Garde des Sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement est très attentif aux problématiques de l'outre-mer liées à la gestion de l'épidémie : l'éloignement, l'acheminement des matériels et des équipements sanitaires et médicaux peuvent être source d'inquiétudes supplémentaires. Les outre-mer ont été soumis aux mêmes mesures que la métropole, et au même moment, ce qui a permis de freiner fortement l'épidémie. Le confinement a pris fin en Nouvelle-Calédonie et dans une partie de la Polynésie ; la réflexion est en cours à Saint-Pierre-et-Miquelon.

L'activité est réduite dans l'ensemble des réseaux du ministère de la justice, suivant le plan de continuité d'activité (PCA). La gestion a été adaptée pour tenir compte des spécificités ultramarines, et la même logique préside à l'élaboration des dispositifs de sortie de crise.

Les tribunaux ont été fermés au public, mais les ordonnances ont permis la poursuite de l'activité judiciaire d'urgence, notamment pour les contentieux liés aux violences intrafamiliales, sans audience physique mais dans le respect des droits des parties et de la défense. Des ultraportables sont livrés dans les services pour faciliter le télétravail.

Dans les établissements pénitentiaires, les mesures sanitaires consistent en la réduction des contacts entre les détenus et les personnes extérieures – familles et intervenants socio-culturels ou cultuels – et en la sécurisation des conditions de travail de l'ensemble du personnel pénitentiaire. Dès le 28 mars, j'ai décidé de doter de masques les agents en contact étroit et prolongé avec les personnes placées sous main de justice, ainsi que de gel hydroalcoolique en quantité suffisante. Les libérations anticipées et le ralentissement des juridictions ont permis une diminution importante de la population carcérale : depuis la date de référence du 16 mars, il y a 10 000 détenus en moins sur l'ensemble du territoire ; outre-mer, leur nombre est passé de 5 179 à 4 657, soit une diminution de 10,2 %. La combinaison avec les mesures visant à apaiser les détenus – gratuité de forfaits téléphoniques et de la télévision, aide aux plus démunis – a permis de limiter les mouvements de protestation ; celui qui s'est produit à Rémire-Montjoly, en Guyane, a été rapidement maîtrisé.

La protection judiciaire de la jeunesse fait également l'objet d'un suivi attentif. Avec l'accord des magistrats, certains mineurs sont rentrés dans leur famille, avec un suivi éducatif par téléphone ; l'accueil en urgence et en sortie de détention est assuré et les foyers fonctionnent.

Je salue l'ensemble du personnel de la justice, qui s'est mobilisé, aux côtés de nos compatriotes ultramarins pour limiter la propagation du virus ; nous lui devons beaucoup. Les parquets généraux m'indiquent que, globalement, les mesures de confinement sont respectées par la population. Cette mobilisation permet d'entrevoir la sortie de crise, même si des inquiétudes demeurent quant à un risque d'aggravation outre-mer. Les directions de mon ministère demeurent pleinement mobilisées et poursuivent leur travail sur les hypothèses de reprise, en liaison avec les réseaux et les chefs de cour outre-mer, mais aussi de manière interministérielle et en tenant compte des spécificités locales. Dans l'attente de la sortie de crise, tous les services peuvent faire évoluer leur PCA et élargir leurs activités si les conditions de sécurité sanitaire et les effectifs le permettent.

J'en viens à l'état d'avancement du plan de rénovation de l'immobilier en Guadeloupe. Pour le centre pénitentiaire de Baie-Mahault, où le taux d'occupation est de 133 %, l'étude d'impact sur l'extension de 300 places se poursuit normalement. Elle sera soumise à une concertation préalable. Le marché de conception-réalisation a été notifié en juillet 2019 ; les travaux devraient débuter mi-2021 et durer environ quatre ans.

Pour la maison d'arrêt de Basse-Terre, le marché de conception-réalisation pour la création d'un quartier de semi-liberté de 200 places a été notifié en avril 2019 et le permis de démolir a été obtenu en octobre. Les travaux de dépollution et de démolition de certains bâtiments, commencés en février, ont été suspendus en raison de la crise ; ils devraient reprendre fin avril et s'achever en septembre. À la suite d'un diagnostic archéologique, la construction débutera au premier trimestre 2021 ; elle se terminera au quatrième trimestre 2022. La livraison définitive aura lieu en 2024, après la démolition d'autres bâtiments.

Dans le palais de justice de Pointe-à-Pitre, la Chancellerie a confirmé l'implantation du tribunal d'instance, du conseil de prud'hommes (CPH) et du tribunal de commerce. Une analyse approfondie a été engagée en juillet 2019, au regard des évolutions découlant de la loi de programmation de la justice. Sur cette base, l'Agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) lancera une étude de programmation. À la suite du désamiantage, les travaux de rénovation pourront débuter cet été, si la situation sanitaire le permet.

S'agissant du palais de justice de Basse-Terre, l'APIJ assure la maîtrise d'œuvre des travaux, dont le montant s'élève à 60 millions. En janvier, j'avais retenu le regroupement de toutes les juridictions sur un même site. L'acquisition de parcelles a été engagée. Nous avons validé en mars le principe d'une première tranche de travaux, à hauteur de 40 millions, comprenant l'extension neuve, la démolition des bâtiments non historiques, les études de maîtrise d'œuvre pour les bâtiments classés. La livraison est prévue en 2025.

Dans la lutte contre la pandémie, notre approche est fondée avant tout sur les gestes barrières et la distanciation sociale ; les masques ne sont qu'un complément, sauf pour les personnels soignants, pour qui ils sont impératifs. Dès le début, nous avons toutefois jugé nécessaire d'équiper de masques les agents pénitentiaires en contact direct avec des détenus malades ou suspectés de l'être. Le 28 mars, j'ai élargi la mesure à l'ensemble des personnels pénitentiaires en contact étroit et prolongé avec les personnes placées sous main de justice ; 33 200 masques ont été livrés, entre le 3 et le 4 avril, aux établissements pénitentiaires outre-mer et le réapprovisionnement sera régulier. Le stock est suffisant jusqu'au 5 juin à Baie-Mahault et jusqu'au 23 mai à Basse-Terre.

Nous augmenterons progressivement la dotation des établissements, y compris après le déconfinement, en leur livrant des masques grand public, lavables et réutilisables jusqu'à vingt fois et garantissant un très haut niveau de protection. Nos établissements pénitentiaires en produisent 8 000 par semaine. Quant au gel hydroalcoolique, les envois sont réguliers et normaux ; il n'y a pas de rupture de stock dans les établissements pénitentiaires de Guadeloupe.

Le Gouvernement a inscrit les avocats dans le mécanisme d'aide global aux très petites entreprises, ce qui leur permet de bénéficier des dispositifs d'aide à la prise en charge des loyers et de report des cotisations sociales, et du fonds de solidarité à hauteur de 1 500 euros par mois pour un chiffre d'affaires inférieur à 1 million d'euros et un bénéfice de 60 000 euros par associé.

À la demande de la profession, le ministère de la justice va également instaurer un dispositif d'avance, remboursable jusqu'au 31 décembre 2021, pour les dossiers d'aide juridictionnelle que les avocats n'ont pas pu prendre en charge. En contrepartie de cet effort budgétaire de 50 millions d'euros, je leur demande de participer à la remise en route complète des juridictions, pour résorber les stocks accumulés du fait des deux mois de grève des avocats et de l'épidémie.

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Le Covid-19 complique l'accueil des enfants en danger sous mesure de placement d'urgence. Un simple certificat médical ne suffit pas à rassurer les familles, angoissées par le caractère asymptomatique des jeunes. Les blocages se multipliant, est-il possible d'assortir la décision de placement d'un dépistage systématique ?

En ces temps de confinement, est-il possible de faire en sorte que la notification écrite d'un jugement de séparation soit communiquée rapidement aux deux parties ? En cas de non-présentation d'enfant, le parent qui a obtenu la garde est dans l'impossibilité de faire valoir son droit s'il n'a pas ce document en sa possession.

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Combien de détenus guadeloupéens l'ordonnance permettant la libération des détenus en fin de peine a-t-elle concerné ? L'effet de cette mesure serait limité par l'allongement de la durée des détentions provisoires. Avez-vous des chiffres sur l'évolution du taux de la surpopulation carcérale depuis le début du confinement ?

Avez-vous adressé une circulaire aux différents chefs de service de l'administration pénitentiaire afin que la prime exceptionnelle soit versée de manière équitable et uniforme partout dans les territoires ?

Selon les syndicats, les personnels des maisons d'arrêt qui ne sont pas au contact des détenus ne disposeraient pas de masques.

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Nicole Belloubet, Garde des Sceaux

Les dépistages ne sont prévus que pour les soignants, dans les EHPAD et les établissements pénitentiaires. Je ne peux me prononcer sur le cas des enfants placés avant qu'une doctrine nationale d'utilisation des tests soit instaurée pour le 11 mai.

Nous avons clairement indiqué par circulaire que, compte tenu de la fermeture des greffes, les jugements pouvaient être notifiés par tout moyen, en attendant d'être authentifiés.

En Guadeloupe, les mesures de libération de certains détenus ont eu un réel effet. Depuis le 16 mars, le centre pénitentiaire de Baie-Mahault compte cinquante-six détenus de moins, dont vingt-cinq étaient en détention provisoire. Le taux d'occupation est ainsi passé de 133 % à 117 %. À la maison d'arrêt de Basse-Terre, le taux d'occupation est passé de 135 % à 123 %, seize détenus, dont quinze qui étaient en détention provisoire, ayant été libérés.

La loi de finances rectificative prévoit l'octroi d'une prime exceptionnelle défiscalisée et désocialisée pouvant aller jusqu'à 1 000 euros et modulée en fonction de la participation des agents publics. Son versement interviendra dès la publication du décret d'application.

Je confirme que seuls les personnels en contact étroit et rapproché avec les détenus disposent de masques. Si la doctrine nationale évolue, nous les déploierons plus largement.

En Polynésie, la densité carcérale du centre pénitentiaire de Faa'a a baissé de 190 % à 163 %. La plupart des quarante-cinq détenus qui l'ont quitté ont été transférés à la prison neuve de Papeari dont le taux d'occupation est stable, à 85 %, et dix-neuf libérations sont consécutives aux dispositifs de l'ordonnance pénale, l'efficacité de ceux-ci étant toutefois amoindrie par les nombreuses détentions provisoires. À Faa'a, plusieurs détenus sont suspectés d'être porteurs du Covid-19. Conformément à la procédure établie au niveau national, ils ont été confinés et seul a été testé celui présentant des symptômes ; les résultats sont attendus. Dans les deux centres pénitentiaires, le port du masque est généralisé pour les personnels en contact avec les détenus. Il y a des stocks, ainsi que du gel hydroalcoolique.

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En Nouvelle-Calédonie, quels effets a eu l'ordonnance du 25 mars en matière d'aménagement de peine et de libération anticipée ? La faculté d'aménager les peines inférieures à six mois d'emprisonnement en travaux d'intérêt général ou jours-amende y a-t-elle été utilisée ? Les autorités locales ont-elles été informées des libérations au titre de l'ordonnance ? La sortie du confinement met-elle fin à ces dispositifs ?

Avez-vous des chiffres sur l'aggravation des faits de violence intrafamiliale ou conjugale ? Le nombre d'appels signalant des enfants en danger a fortement augmenté. Quelles sont les conséquences sur l'activité de la justice ?

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Le droit fondamental à un nom n'est pas totalement garanti à Mayotte, où le service d'état civil, qui n'a qu'une vingtaine d'années d'existence, est totalement dépassé : il n'y a qu'un seul magistrat pour traiter 2 000 demandes en attente depuis 2016 ; nous attendons toujours l'arrivée imminente des six greffiers annoncés par le Président de la République – et votre visite, Madame la Garde des Sceaux.

En raison de la crise, nous ne pouvons plus reconduire aux frontières les étrangers en situation irrégulière libérés par effet de l'ordonnance sur la réduction des peines. Les Comores n'ont pas encore ratifié la convention d'entraide judiciaire avec la France ; comment procéder aux reconduites à la frontière et assurer la paix et la sécurité civile à Mayotte ?

En l'absence de moyens de protection, les avocats, soit se mettent en danger lors des comparutions devant le juge, soit invoquent leur droit de retrait et n'assument pas leur mission au titre de l'aide juridictionnelle, ce qui rend l'accès au droit problématique.

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« La Cayenne », le centre pénitentiaire de Saint-Pierre, à La Réunion, date de la fin du XVIIIe siècle. Des travaux sont-ils projetés pour y améliorer les conditions de détention et de travail, rudimentaires ?

Beaucoup des 300 avocats de La Réunion ont des difficultés financières importantes. Peuvent-ils espérer une aide financière, afin de réduire leurs cotisations dans une période sans revenus, ainsi qu'une aide en matériels de protection, qu'ils sont réduits à mendier auprès des collectivités ?

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Nicole Belloubet, Garde des Sceaux

À Camp-Est, la baisse du nombre de détenus, 123 prisonniers en moins, résulte des dispositions de l'ordonnance – 56 libérations –, des sorties déjà prévues et du moindre nombre d'entrées. La pression carcérale existe encore puisque l'on compte 450 détenus pour 414 places. Il est à noter que l'assignation à résidence peut être assortie d'autres obligations dont le non-respect est susceptible d'entraîner la réincarcération du condamné. La directrice de la mission des services pénitentiaires de l'outre-mer (MOM) est en contact avec les autorités locales pour expliquer cette politique.

L'annonce du déconfinement en Nouvelle-Calédonie nous a pris de court. Les parloirs devraient rouvrir le 27 avril, dans des conditions régulées, bien sûr. Nous réfléchissons à la façon d'accompagner les juridictions pendant cette période, qui verra évoluer les ordonnances puisque les assignations à résidence perdront leur sens avec la fin du confinement.

Les circulaires en lien avec l'ordonnance du 25 mars invitent les procureurs à donner instruction aux forces de l'ordre d'exercer une vigilance accrue quant aux violences intrafamiliales et d'interpeller les suspects à domicile. Les tribunaux restent ouverts pour la distribution de dispositifs de protection ou pour les comparutions immédiates. Les personnes condamnées pour violences sont exclues du dispositif de libération anticipée.

Hormis en Nouvelle-Calédonie, les juridictions ultramarines n'ont pas noté d'augmentation des signalements durant la première quinzaine du confinement. Mais nous sommes lucides et savons qu'après sa levée, les tribunaux seront saisis d'un nombre important de cas. Je signale aussi que nous avons élaboré de nouveaux dispositifs pour faciliter les signalements durant cette période. Pour ce qui est des violences conjugales, nous avons mis en place une plateforme d'éviction du conjoint violent. Un des premiers cas a été traité à Papeete.

Les mesures prises pendant le confinement ont eu un effet à Mayotte puisque le surencombrement à Majicavo a diminué, passant de 190 % à 163 % – trente-six détenus ont été libérés, dont onze au titre des dispositions de l'ordonnance. Cependant, ces remises en liberté n'ont pas vocation à faire échec à des mesures de reconduite à la frontière. Les services d'éloignement peuvent anticiper la sortie des détenus et prévoir les dispositifs de reconduite, lorsque cela s'avère possible.

Je ne dispose pas de tous les éléments concernant l'état de droit et l'état civil, je vous ferai donc parvenir ma réponse par écrit, monsieur Kamardine.

Je mesure les difficultés rencontrées par les avocats à Mayotte et à La Réunion. Le Conseil d'État, saisi en référé, a estimé le 20 avril que l'État devait aider les avocats à se procurer des masques en leur facilitant l'accès aux circuits d'approvisionnement. Je leur donnerai la liste des fournisseurs auxquels nous nous adressons.

On compte à la maison d'arrêt de Saint-Pierre vingt-sept détenus en moins, dont vingt et un libérés au titre des dispositions de l'ordonnance. Le taux d'occupation est passé de 110 % à 96 %. En dehors de quelques travaux de rénovation et de téléphonie en cellule, il n'y a pas de projet immobilier à court terme, mais la MOM réalise une étude de restructuration de l'établissement. Celle-ci pourrait prendre la forme d'une rénovation-extension qui engloberait éventuellement les locaux voisins que la gendarmerie quittera en 2023.

Nous apportons aux avocats un appui économique dans le cadre des mesures prises à l'échelle nationale, comme le fonds de solidarité, l'aide au paiement des loyers et des factures, les prêts exceptionnels. Le décret du 16 avril devrait permettre à davantage de cabinets d'accéder au fonds de solidarité.

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Il semble qu'aucune visite de prison par les parlementaires ou par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté ne soit possible. Comment remédier à cette situation, alors que l'inspection de la justice n'intervient pas ?

Il y a eu un début d'émeute le 1er avril au centre pénitentiaire de Guyane, qui compte 656 détenus pour 616 places. Malgré les libérations anticipées, cette situation de surpopulation ne devrait pas évoluer du fait de la prolongation automatique des détentions provisoires. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la situation à Rémire-Montjoly ?

Il convient de réviser la doctrine sur le port des masques. Les représentants des personnels pénitentiaires de Baie-Mahault et de Basse-Terre nous indiquent que la distribution y est aléatoire et que seuls les surveillants en contact avec les détenus y ont droit. S'agissant de la prime, ils rappellent qu'avec le gel des salaires ces dix dernières années, c'est une revalorisation qu'il faudrait.

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Dans les DOM, les tribunaux et les prisons sont structurellement défavorisés et en retard sur l'hexagone. En 2014, le contrôleur général des lieux de privation de liberté a indiqué que les établissements de La Réunion ne respectaient pas le droit fondamental d'être placé en cellule individuelle, droit d'autant plus pertinent en période d'épidémie. Il a aussi indiqué que les salles de consultation du quartier des femmes ne pouvaient recevoir de matériel médical.

Notre collègue Ugo Bernalicis a dû saisir le tribunal administratif pour exercer son droit de visite parlementaire. Pouvez-vous nous assurer que tout a été mis en œuvre pour permettre aux parlementaires de visiter les prisons dans les conditions de sécurité sanitaire requises ?

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Outre-mer, les dysfonctionnements importants en matière d'accès au droit sont amplifiés par la crise du Covid-19. J'ai bien noté que le dispositif d'avances permettrait de sécuriser la situation des avocats, mais je souhaite rappeler la nécessité de revaloriser l'aide juridictionnelle. À Wallis-et-Futuna, les justiciables sont défendus devant la cour d'assises par des citoyens, car l'État refuse de prendre en charge les frais de déplacement et de séjour des avocats au barreau de Nouméa. La crise risque d'aggraver ces situations.

Je viens de réveiller le ministre polynésien de la santé, alertée par le cas dont vous avez parlé au centre pénitentiaire de Faa'a Nuutania. Il précise qu'il s'agit d'une personne travaillant à la prison, mais qu'aucun détenu n'a contracté le virus.

Je voudrais ouvrir le débat sur l'après-Covid-19 et la lutte contre les nouveaux types de délinquance et d'incivilité. Comment la justice s'organise-t-elle pour lutter contre la cybercriminalité, dont les entreprises et les citoyens sont de plus en plus victimes ?

Prévoyez-vous outre-mer des réouvertures échelonnées, selon les territoires ?

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Nicole Belloubet, Garde des Sceaux

Je veux être claire : il n'a jamais été question d'interdire l'accès des lieux de privation de liberté aux parlementaires et à la contrôleure générale. Il va de soi que tous peuvent s'y rendre, en respectant naturellement les consignes de sécurité sanitaire, c'est-à-dire munis d'un masque et sans être suivis par une cohorte de journalistes.

Un député s'est récemment rendu dans une prison du Nord de la France. Il l'a fait avec un journaliste, en étant masqué et il n'y a eu aucune difficulté. Il est impossible et impensable dans mon esprit d'interdire aux Représentants de la Nation l'accès à un lieu de privation de liberté.

Par ailleurs, dans le cadre d'un nouveau protocole, la contrôleure générale peut effectuer des visites téléphoniques.

À la suite de la mutinerie survenue à Rémire-Montjoly, nous avons effectué des travaux sur les deux bâtiments endommagés. Ils devraient être opérationnels cette semaine.

Par mesure d'ordre, des transferts sont en cours d'instruction contre les instigateurs de la mutinerie. Ils font aussi l'objet de poursuites pénales, les jugements devant intervenir le 28 avril. D'autres ont été transférés au quartier disciplinaire de la prison.

Le centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly peut accueillir 616 détenus. Au 16 mars, il y en avait 721, et au 20 avril, 649.

La prolongation des délais de reconduction de la détention provisoire est une conséquence de plein droit des mesures gouvernementales et du confinement, mais elle est temporaire. Les magistrats n'étant pas physiquement au tribunal, il s'agit d'éviter des remises en liberté automatiques lorsque les débats ne peuvent se tenir. Je précise que sont mises en détention provisoire des personnes considérées comme dangereuses : sur les 15 000 placées sous ce régime, 10 000 le sont pour des faits criminels et 5 000 pour des faits correctionnels. Nous préparons une ordonnance pour mettre fin à ces mesures, à l'issue du confinement.

La distribution de masques est-elle aléatoire au centre pénitentiaire de Baie-Mahault ? Je n'en ai pas connaissance. La mission des services pénitentiaires de l'outre-mer (MSPOM) va se rapprocher du chef d'établissement. La règle est la même partout : la distribution de masques est régulière pour les agents en contact étroit avec les détenus.

La prime exceptionnelle sera attribuée aux personnels qui font face à des sujétions particulières. Un décret est en cours de préparation. Je ne peux vous en dire davantage, car c'est une question interministérielle.

La direction des services judiciaires et la direction de l'administration pénitentiaire sont très attentives à traiter équitablement les juridictions, en prenant en compte leurs spécificités.

Je le dis, la justice a besoin des avocats pour fonctionner. Plutôt que d'être, de part et d'autre, dans la recherche constante de griefs, mieux vaut adopter une attitude constructive. Nous prenons des mesures économiques importantes, avec l'avance de 50 millions d'euros pour l'aide juridictionnelle et les mesures gouvernementales de soutien. Nous travaillons avec la profession à la réouverture des juridictions à partir du 11 mai.

Nous nous adaptons au développement des nouvelles formes de criminalité. Grâce au concours du Parlement, les dispositions de la proposition de loi Avia visant à lutter contre la haine sur internet, nous permettront de mieux venir à bout des propos haineux. Nous utilisons également les dispositifs existants de lutte contre la cybercriminalité : la plateforme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS), le téléservice Perceval pour signaler les fraudes à la carte bancaire. Une section du parquet de Paris, doté d'effectifs spécifiques, se consacre également à la cybercriminalité.

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Le 1er avril, à Rémire-Montjoly, une nouvelle mutinerie est venue s'ajouter à une liste déjà longue mais, heureusement, elle n'a causé que des dégâts matériels. Une enquête interne doit permettre de déterminer les causes exactes de cet incident, mais on peut penser que la suspension, depuis le 18 mars, de l'accès aux parloirs dans le cadre de la prévention contre le coronavirus a fait monter la frustration et l'animosité parmi les détenus dans cet établissement surpeuplé.

Le centre pénitentiaire de Guyane n'est pas le seul à déplorer une mutinerie, Nice et Écrouves ayant vécu les mêmes événements, malgré votre décision de réserver la détention provisoire aux faits les plus graves et l'ordonnance facilitant les libérations anticipées.

Quel est le taux actualisé d'occupation du centre pénitentiaire de Guyane ? Combien de détenus ont bénéficié de l'ordonnance ? Où en est le chantier de la maison d'arrêt de Saint-Laurent-du-Maroni ?

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Pouvez-vous faire parvenir par écrit à chaque parlementaire guadeloupéen les éléments que vous avez donnés concernant le centre pénitentiaire de Baie‑Mahault et la maison d'arrêt de Basse-Terre, ainsi que les tribunaux ?

Confirmez-vous les bruits concernant des cas de coronavirus parmi les personnels de surveillance de la prison de Baie-Mahault ? Si oui, combien et ont-ils été mis en quarantaine ?

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Nicole Belloubet, Garde des Sceaux

À Rémire-Montjoly, nous sommes passés de 117 % à 105 % de surpopulation. La prison compte soixante-douze détenus en moins depuis le 16 mars, dont trente-trois libérations liées à l'ordonnance. Nous restons vigilants, car le nombre de personnes placées en détention augmentera lorsque l'activité juridictionnelle reprendra, même si la loi de réforme pour la justice du 23 mars 2019 permet d'éviter les courtes peines.

Les travaux liés aux incidents sont terminés et les détenus vont être réaffectés dans les locaux rénovés. Les projets de Saint-Laurent-du-Maroni se poursuivent, conformément au calendrier prévu. Les études sont en cours pour la juridiction et l'établissement pénitentiaire, pour une ouverture en 2024 ou 2025. Si vous le souhaitez, je vous apporterai des précisions par écrit.

Nous ferons également un point écrit à tous les députés de Guadeloupe concernant les travaux dans les différents centres pénitentiaires et palais de justice.

Un surveillant du centre pénitentiaire de Baie-Mahault a effectivement été testé positif au Covid-19. Il est guéri et a repris le travail. Il n'a pas été en contact avec ses collègues ou avec les détenus, car il était en vacances au moment où il a été testé.

Au 20 avril, 33 détenus sur les 62 000 en France ont été testés positifs. Notre stratégie de confinement et de suspension des parloirs était donc la bonne. Outre-mer, au 23 avril, trois personnes – une à Basse-Terre et deux à Saint-Denis de la Réunion – ont été confinées pour suspicion de Covid-19, et une est hospitalisée.

Nous allons doter la juridiction de Mamoudzou de deux postes en sortie d'école en septembre. Nous allons également ouvrir un poste de juge placé auprès du premier président de Saint-Denis, en remplacement d'un magistrat partant.

Je précise que j'ai demandé à être entendue par votre délégation car les décisions que nous prenons concernent la France dans toute sa diversité.

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Madame la Garde des Sceaux, je vous remercie pour cette initiative, rare de la part d'un ministre. Nous y sommes très sensibles, car elle souligne l'intérêt que vous portez à la France archipélagique.

La réunion s'est achevée à 19 heures 15.

Informations relatives à la Délégation

Le Président de la Délégation aux Outre-Mer a annoncé sa volonté d'organiser, pendant la semaine du 27 avril, des auditions d'acteurs du monde économique ultra-marin pour évoquer, notamment, les activités liées au tourisme. A la demande de plusieurs députés, des contacts seront également pris avec le ministre des solidarités et de la santé pour une éventuelle audition de M. Olivier Véran.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Nathalie Bassire, Mme Huguette Bello, Mme Justine Benin, M. Moetai Brotherson, Mme Annie Chapelier, M. Stéphane Claireaux, M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, M. Mansour Kamardine, M. Rodrigue Kokouendo, M. Mohamed Laqhila, M. David Lorion, M. Max Mathiasin, Mme Danièle Obono, M. Jean‑Hugues Ratenon, Mme Cécile Rilhac, Mme Maina Sage, M. Olivier Serva, M. Gabriel Serville.

Excusés. – Mme Stéphanie Atger, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Monica Michel, Mme Nicole Sanquer.