Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 15h00
Délégation aux outre-mer

Sébastien Lecornu, ministre :

Les questions de Mme Bassire et M. Lorion sur le taux de chômage et les difficultés sociales et structurelles importantes de La Réunion se font écho. Face aux chiffres, il y a les objectifs que nous nous donnons et les outils dont nous nous dotons, que nous partageons avec les collectivités territoriales et les entreprises – parcours emploi compétences (PEC), contrat unique d'insertion (CUI), parfois argent. Nous devons trouver une méthodologie tous ensemble.

Lors de mon déplacement au mois d'août pour engager la concertation et le travail sur le plan de relance, de nombreux élus m'ont parlé des PEC. Le maire de Saint-Pierre, Michel Fontaine, notamment, les a longuement évoqués. Avec Élisabeth Borne, nous avons débloqué des moyens : d'importantes enveloppes sont consacrées à ces dispositifs dans le cadre du plan de relance ainsi que du plan priorités et rassemblement pour l'emploi local (PETREL). Nous continuerons aussi de développer les emplois francs.

S'agissant des taux de prise en charge, j'ai entendu votre remarque sur la nécessaire souplesse à accorder. Nous permettrons aux préfets de moduler ces taux, notamment en fonction de la situation de la collectivité qui emploie – entre une commune de 6 000 habitants et un conseil régional, l'un a plus de facilités que l'autre. Nous resterons naturellement dans l'enveloppe – nous ne pouvons pas faire de miracle –, mais celle-ci ayant été réabondée, tout devrait bien se passer. Ces taux, qui étaient déjà plus élevés pour les outre-mer, avaient été rehaussés du fait de la crise et pourront être modulés. Avec cela, nous aurons un dispositif qui devrait bien fonctionner.

L'extension des PEC aux personnes de plus de 26 ans mérite d'être examinée. Comme je l'ai dit au président Serva lors de la discussion du PLF, les dispositions spécifiques pour la jeunesse sont faites pour éviter à celle-ci de payer les pots cassés. Ce n'est pas une question de jeunisme ; la misère n'est pas plus grave chez les jeunes que chez leurs aînés. Seulement, si un jeune se retrouve au chômage à la sortie de son cycle scolaire ou de formation, il est pris dans une spirale infernale. Les PEC créent un effet de levier, qui permet de poursuivre l'encadrement et la formation, d'où leur importance. Pour les plus de 26 ans, les dispositifs de droit commun se poursuivent. Je suis en train d'étudier avec Mme Borne la possibilité d'adapter des dispositifs spécifiquement à l'outre-mer, notamment l'extension des PEC au-delà de 26 ans – il ne s'agit pas d'une annonce, je ne fais qu'y travailler.

Monsieur Serville, le calendrier électoral prévoit la tenue des élections au mois de mars. À la suite du rapport de Jean-Louis Debré, une concertation est en cours avec les différentes formations politiques pour un éventuel report en juin, principalement pour assurer le bon déroulement de la campagne électorale. Le ministre de l'intérieur proposera, le cas échéant, un projet de loi en ce sens. En l'état, je ne souhaite pas distinguer les calendriers électoraux de l'outre-mer et de l'hexagone : si un report est prévu au mois de juin, je souhaite qu'il en soit de même pour la collectivité territoriale de Guyane.

À ce jour, il n'est pas possible d'appréhender la possibilité d'une deuxième ou d'une troisième vague de l'épidémie et, donc, d'envisager de reporter pour reporter. Pourrait-on, en revanche, maintenir l'élection territoriale en Guyane au mois de mars si elle était reportée ailleurs au mois de juin ? Je suis d'avis, en l'état, de privilégier un report d'ensemble pour des raisons de lisibilité et parce que je trouve bienvenu que les outre-mer s'inscrivent dans un calendrier électoral national. Il est bon que le vote de la collectivité territoriale de Guyane se déroule en même temps que les élections régionales et départementales dans l'Eure, car c'est aussi comme cela que s'exprime le sentiment national : en partageant le même temps démocratique.

Je peux néanmoins entendre que les élections soient maintenues au mois de mars dans les départements et régions d'outre-mer parce que le virus circulerait très peu et que tout le monde aurait fait campagne, mais nous devrons en parler ; je ne saurais, à ce jour, m'engager. Je reste prudent, car la situation épidémique évolue rapidement, comme du reste l'avis des élus : lors des dernières élections municipales, ceux qui ne voulaient pas entendre parler de report ne comprenaient pas ensuite que le second tour ait lieu en juin ! Quoi qu'il en soit, je salue la façon dont les choses se sont passées en Guyane, où le calendrier électoral a été décalé, au point que certaines communes ont dû réorganiser tout le cycle électoral, qui vient d'ailleurs de se clore. Je remercie les Guyanaises et les Guyanais d'avoir compris la nécessité d'une telle adaptation.

Monsieur Lorion, je ne vous cacherai pas que je consacre beaucoup de temps à la gestion de crise. J'essaie d'être attentif à chaque territoire, comme le sont mon cabinet et la direction générale des outre-mer, en lien avec les préfectures et les ARS. Nous constatons une forme de banalisation de l'épidémie à la suite de la publication de meilleurs chiffres, mais il convient toutefois de rester vigilant : les chiffres étaient également meilleurs dans l'hexagone au mois de septembre et vous connaissez la situation dans laquelle nous sommes... Nous devons donc tous rester mobilisés, d'autant plus que le préfet de La Réunion m'a confié avoir du mal à coordonner efficacement les forces de sécurité intérieure et les polices municipales pour faire respecter le port du masque dans l'espace public. Bref, je ne serai pas forcément heureux d'avoir bien géré ces problèmes, en revanche, je serai malheureux de les avoir mal gérés.

Depuis le début du quinquennat, nous avons lancé de grands chantiers structurants pour les outre-mer. Lors du sommet « Choose La Réunion », j'ai rencontré des acteurs des filières numérique et écologique qui vivent l'arme au pied. Des data centers pourraient-ils être installés ailleurs ? Ce territoire est un bijou de l'Océan indien : La Réunion est un pôle de stabilité ; avec plus de 800 000 habitants, le marché endogène bénéficie d'un effet de seuil très satisfaisant ; la jeunesse a envie de faire des choses ; l'université présente des dynamiques intéressantes ; l'innovation est au rendez-vous. Il en est de même dans le domaine agricole. Ce fut un plaisir, lors de l'installation du comité interministériel de transformation agricole, il y a quelques jours, de commencer par l'exemple réunionnais.

Lorsque je partirai – mettons, à la fin du quinquennat, quelles que soient les incertitudes –, je serais heureux si les différentes adaptations que nous avons proposées ont favorisé la création de richesses, de valeur et d'emplois dans les outre-mer, qui plus est avec une approche écologique intelligente. Le covid ne doit pas nous faire abandonner nos objectifs. Il a d'ailleurs eu du bon, le confinement ayant favorisé les circuits courts et la consommation locale.

Nous continuons à nous mobiliser autour du POSEI mais, pour rester sur la question des objectifs, je pense qu'il importe de maintenir un tel cap. La Réunion, de ce point de vue, est un laboratoire intéressant, car suffisamment important pour absorber des transformations et des innovations dans les domaines du numérique, de la transition écologique et énergétique, et de l'agriculture.

Je suis un élu local, ancien maire et président de département, et j'aimerais également que nous soyons jugés à partir des exécutions budgétaires. Autorisations d'engagement et crédits de paiement ne parlent à personne ; en revanche, le nombre de constructions de logements dans les dix-huit mois à venir parlera aux Réunionnaises et aux Réunionnais, à tous les habitants des outre-mer. Je me suis battu pour que le budget de mon ministère augmente ; le plan de relance consacre 1,5 milliard aux outre-mer. Je serais assez malheureux si, dans un an et demi, on s'apercevait que nous ne sommes pas parvenus à dépenser cet argent et que l'on s'est heurté aux mêmes difficultés de gouvernance et d'ingénierie.

Grâce à La Réunion, des lignes peuvent bouger dans l'océan Indien. Nous ne devons pas lâcher le morceau ! C'est d'ailleurs pourquoi je me suis déplacé lors de l'incendie du Maïdo. Au regard du classement par l'UNESCO, on ne peut pas parler tous les quatre matins de transition écologique sans que l'État apporte à un tel drame des réponses régaliennes fortes : à travers la justice, par la prise en charge du suspect, à travers l'engagement de la solidarité nationale par le déploiement des pompiers et la sauvegarde de la biodiversité. C'est aussi cela, notre action à La Réunion !

Si vous jugez que mes réponses sont insuffisamment techniques, n'hésitez pas à me demander une réponse écrite, car j'assume de tenir un propos politique lors des auditions : je n'ai pas souhaité être directeur général des outre-mer ni diriger un cabinet ministériel !

Jeune secrétaire d'État chargé de l'écologie, au début du quinquennat, je me suis occupé des questions liées au photovoltaïque. J'ai toujours dit aux acteurs de cette filière qu'il faudrait adapter les tarifs de rachat en fonction du niveau de productivité et des courbes d'amortissement des coûts de la transition énergétique. Les premiers panneaux demandaient un investissement initial important, donc, les taux de rachat étaient élevés. Depuis, la production d'électricité coûte moins cher, ce qui est une bonne nouvelle.

Pourquoi le contribuable rachète-t-il de l'électricité à un tarif fixé administrativement ? Pour contribuer à créer une économie de marché, pour faire des économies d'échelle, pour amorcer la mise en place d'installations innovantes. Plus le mix énergétique progresse, notamment grâce aux choix que nous avons faits encore récemment, plus le coût de l'électricité verte diminue. Il en est d'ailleurs de même avec la méthanisation, activité désormais plus capitalistique que le photovoltaïque – moins que les énergies marines renouvelables mais plus que l'éolien et le solaire.

Les coûts étant peu à peu amortis, il convient donc de revoir les tarifs d'achat. Les parlementaires ne doivent pas remettre en cause le principe d'une renégociation, même si cela ne fait pas plaisir aux porteurs de projets, que j'ai beaucoup soutenus et accompagnés : cet argent est tout de même prélevé sur les factures payées par nos concitoyens et il permettra de répondre à d'autres objectifs, à d'autres appels d'offres.

Les zones non interconnectées sont particulières, car elles obéissent à des programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) spécifiques – je salue à ce propos Akuo, dont j'ai visité les installations à La Réunion. Nous continuons de travailler avec le ministère de la transition écologique aux adaptations en outre-mer. Je ne peux pas vous donner une réponse plus précise, car les arbitrages ne sont pas encore rendus et, de surcroît, cela relève de l'autorité de Mme Pompili. Quoi qu'il en soit, la spécificité ultramarine est reconnue et sera au cœur des discussions au Sénat.

Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit lors de la discussion du PLF sur l'inscription des entreprises de construction et de travaux publics dans le secteur de compétitivité renforcée LODEOM et sur les exonérations. Je crois davantage au soutien du BTP par les carnets de commandes : c'est en assouplissant les règles de la commande publique et à travers l'enveloppe exceptionnelle de la DSIL et du FEI, et les crédits sur les infrastructures routières et autres que nous parviendrons à maintenir ce secteur. Politiquement, nous préférons qu'un euro bénéficie à des commandes réelles plutôt que de le soustraire à des charges par une exonération. Sans doute une évaluation de ces dispositifs sera-t-elle nécessaire et je serai à votre disposition pour ce faire.

Les règles d'avis de la CDPENAF en outre-mer sont alignées sur celles en vigueur en métropole, avec un avis simple. Les maires demandent une plus grande souplesse, mais toutes les ONG, les associations environnementales, une partie des élus du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) sont beaucoup plus vigilants. Le monde agricole l'est également, car l'artificialisation des terres n'est pas une mince affaire. Et on sait bien que, au final, c'est le préfet que l'on viendra chercher. Je fais confiance aux stratégies d'urbanisation des maires, mais force est de constater que tous ne se comportent pas de la même manière : si tous les plans locaux d'urbanisme (PLU) et si toutes les délivrances de permis de construire se ressemblaient, cela se saurait. Je comprends que les avis de la CDPENAF cassent un peu les pieds des élus et des porteurs de projets, mais il faut faire attention à ce que l'on fait. Quoi qu'il en soit, je reste disponible pour continuer de travailler à cette question avec le ministre de l'agriculture et la ministre de la transition écologique.

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