Délégation aux outre-mer

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • mayotte
  • outre-mer

La réunion

Source

La réunion, en visioconférence, débute à 15 heures (heure de Paris)

Présidence de M. Olivier Serva, président

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

http://assnat.fr/e5jnoh

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Monsieur le ministre Sébastien Lecornu, c'est la première fois depuis votre nomination que nous vous auditionnons ; c'est peu de dire que cette audition est attendue avec impatience. Nous avons bien compris que le référendum du 4 octobre en Nouvelle-Calédonie a mobilisé toute votre attention et une grande partie de votre énergie. Je n'oublie pas non plus le grave incendie du Maïdo, à La Réunion, qui vous a pleinement mobilisé, ni la situation particulière de Mayotte, où vous vous rendrez prochainement. Les problèmes auxquels sont confrontés les outre-mer sont nombreux et variés et votre parole est donc attendue avec beaucoup d'intérêt en cette période particulièrement troublée sur les plans sanitaire et économique.

Vous avez effectué un séjour inédit et particulièrement long en Nouvelle Calédonie, il y a peu. De ce séjour, nous savons peu de choses si ce n'est ce qu'en a rapporté la presse. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce sujet lourd et qui engage sur la durée ? Quel est l'état d'esprit des responsables politiques locaux ? Quelles chances les Calédoniens ont-ils de combler le fossé qui s'est creusé entre les différentes communautés ? En quelques mots, comment voyez-vous l'avenir du territoire ?

Je souhaite également vous interroger sur les deux crises épouvantables que traversent en ce moment les outre-mer : la crise sanitaire et la crise sociale.

La deuxième vague de covid semble plus virulente que la première en Europe. Qu'en est-il dans les outre-mer ? Les structures hospitalières vont-elles pouvoir faire face ? Quelle aide l'Hexagone peut-il apporter à ces structures ?

Cette vague prolonge la crise économique, en retardant notamment la reprise des activités touristiques. Nous avons entendu, il y a quelques jours, les responsables des compagnies aériennes nous dresser un portrait particulièrement sombre de la situation. Comment concilier la protection sanitaire nécessaire et un redémarrage indispensable de l'activité économique ?

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Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

Je suis heureux de vous retrouver pour cette audition. Je vous remercie, monsieur le président, d'avoir accepté par deux fois son report. Vous avez fait preuve de beaucoup de compréhension et je vous en suis reconnaissant. Cette audition a du sens après le vote des crédits de la mission « Outre-mer » à l'Assemblée nationale, la discussion se poursuivant au Sénat. M. le président était rapporteur budgétaire et le débat a été calme, riche et intéressant.

Je commencerai par la Nouvelle-Calédonie – je salue la présence du député Philippe Dunoyer. Mon déplacement s'est effectué au lendemain du deuxième référendum prévu par l'accord de Nouméa. J'ai écouté et passé du temps avec tous les acteurs politiques, mais aussi les acteurs économiques, coutumiers et ceux de la société civile.

L'accord de Nouméa est, schématiquement, un accord à trois, entre ceux qui souhaitent l'indépendance, ceux qui ne la souhaitent pas et l'État. Mon déplacement s'inscrivait dans ce cadre et dans la perspective de la tenue d'un éventuel troisième référendum. Ce cas de figure est prévu si le Congrès de Nouvelle-Calédonie le demande dans un délai de six mois. Ce serait donc l'ultime étape de l'accord de Nouméa et elle se déroulerait dans des circonstances économiques et sanitaires graves, mais également des circonstances institutionnelles plus lourdes de conséquences puisqu'après ce troisième référendum, quoi qu'il arrive, nous devrons imaginer quelque chose de nouveau.

Des initiatives politiques volontairement informelles et discrètes ont été prises. Au cours de l'histoire des accords de Matignon du 26 juin 1988 ou de l'accord de Nouméa de 1998, les négociations ont souvent avancé en toute discrétion, mais aussi en toute transparence vis-à-vis du Parlement. Ainsi, j'ai répondu il y a quelques jours aux questions de la mission d'information de l'Assemblée nationale sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle‑Calédonie, en présence de son président, Christian Jacob, et de sa rapporteure, Mme Braun‑Pivet, présidente de la commission des lois.

Nous allons poursuivre le dialogue au cours des cinq prochains mois et tenter de répondre à différentes questions : que veut dire le « oui » ? Que veut dire le « non » ? Qu'est‑ce qu'être Français en 2020 ? Quelles seront les relations entre la France et la Nouvelle-Calédonie à l'avenir, que le « oui » ou le « non » l'emporte ? Que signifient souveraineté et indépendance en 2020 ? Ces termes puisent leur source dans des processus de décolonisation anciens, datant des années 1980. L'accord vieillit et on mesure parfois mal ses effets en matière de rééquilibrage économique et social ainsi que sur le corps électoral.

Je répondrai volontiers à vos questions précises, car il est quasiment impossible de dresser l'état des lieux de la situation en Nouvelle-Calédonie en deux ou trois minutes. Le nickel semble à nouveau s'imposer dans le débat public calédonien, alors qu'il en a très peu été question pendant mes trois semaines de présence sur le Caillou. Peut-être que le député Dunoyer voudra y revenir.

La question calédonienne doit intéresser tous les parlementaires ultramarins, et plus largement tous les parlementaires. On aurait tort, en effet, de considérer que la Nouvelle‑Calédonie est un dossier à part : il pose la question de la présence de la France dans le Pacifique et intéresse donc très directement les parlementaires de Wallis-et-Futuna ou de Polynésie française.

C'est également un dossier institutionnel qui mobilise du temps et de l'énergie. Les parlementaires sont de bons connaisseurs en la matière, et j'aurai besoin d'eux sur des questions ayant trait à la citoyenneté, à la nationalité et à autant de sujets qui, quel que soit le résultat du processus institutionnel en Nouvelle Calédonie, intéressent le législateur. Au fil du temps, celui-ci est intervenu pour adapter la Constitution à la Nouvelle-Calédonie, pour adopter des lois organiques importantes, et il continue de le faire à travers les lois de finances. De même, j'ai trouve que nous avons eu un échange franc et utile dans le cadre de la mission d'information.

Venons-en à la crise sanitaire. Celle-ci concerne évidemment tous les territoires, mais le moment est curieux, car ce qui se passe dans l'Hexagone ne correspond en rien à ce qui peut se passer dans les différents territoires. Et pour cause, la circulation d'un virus est liée au contexte local. Pour ne parler que du climat et de la météo, les températures ne sont pas les mêmes dans la plupart de nos territoires d'outre-mer et à Paris !

Les cycles épidémiologiques sont distincts. En mars, la réaction face à l'urgence a consisté à confiner toute la nation française, mais cela n'a pas empêché la reprise épidémique à Mayotte et en Guyane, où un confinement adapté a ensuite été mis en place. Dans ces deux territoires, les taux d'incidence sont désormais très faibles. Parallèlement, la reprise épidémique est importante en Martinique, d'où la mise en œuvre de mesures de confinement au même moment que dans l'hexagone, alors qu'en Guadeloupe, la situation était inquiétante il y a un mois et demi et les taux sont aujourd'hui plus bas. Cela signifie qu'il ne saurait y avoir une gestion de l'épidémie globale pour l'outre-mer et que nous privilégions une approche territoriale. D'où l'importance de la transparence sur les statistiques et de leur déclinaison territoire par territoire. Sur cette base, je me fais fort de proposer des solutions au Président de la République et au Premier ministre, dans le cadre du conseil de défense et du conseil des ministres. Ensuite, c'est aux préfets, en lien avec les agences régionales de santé (ARS), de prendre des dispositions adaptées.

En Martinique, le taux d'incidence reste élevé. Néanmoins, les effets du confinement sont visibles et ce taux diminue fortement, ce qui nous rend plus optimistes. Toutefois, lever trop rapidement les mesures de confinement pourrait réduire à néant nos efforts. Sans préjuger des annonces à venir, nous allons chercher à adapter les mesures de protection sanitaire à la réalité de la Martinique, sans forcément suivre ce qui sera mis en place à Paris. J'entends souvent dire que la Martinique va encore subir ce qui se passe dans l'hexagone. Ce n'est pas du tout le cas : les mesures de sortie de confinement seront progressives et précisées dans les prochains jours, afin de permettre à une partie de l'économie de redémarrer, tout en s'adaptant à la réalité sanitaire.

Je prends un autre exemple, celui de la Polynésie française : certaines situations sont difficiles, mais le territoire est aussi grand que l'Europe. Les taux d'incidence sont analysés par atoll ou archipel. En outre, la compétence sanitaire n'est pas exercée par le gouvernement de la République française, mais par celui de la Polynésie.

Dans les autres territoires d'outre-mer, la situation est meilleure que dans l'hexagone. En conséquence, nous n'avons pas pris de mesures de confinement.

Je m'arrête quelques instants sur la situation à La Réunion, où j'ai pu échanger avec les parlementaires qui m'ont accueilli lors de ma visite rapide de la semaine dernière, liée à l'incendie. L'île compte plus de 800 000 habitants et des communes de taille importante. J'ai demandé au préfet de région de prendre des mesures adaptées, commune par commune, car les taux d'incidence y sont particulièrement variables : une mesure générale concernant l'ensemble de l'île n'aurait pas de sens dès lors qu'il est possible d'isoler les zones concernées. Cette différenciation infraterritoriale est originale.

Je tiens à transmettre un message de reconnaissance à tous les personnels soignants des structures sanitaires, mais aussi aux forces de l'ordre qui doivent faire appliquer les mesures de confinement ou de port du masque dans les lieux publics. Ce n'est pas toujours évident… Ainsi, à La Réunion, il a fallu prendre des mesures de couvre-feu dans certaines communes où les règles n'étaient pas respectées. Je regrette d'avoir à souligner ce problème de citoyenneté.

Le système sanitaire tient bon même si, dans certains territoires, l'épidémie de dengue s'ajoute à celle du covid, diminuant d'autant les marges de manœuvre sanitaires et mettant en lumière la fragilité spécifique de certaines institutions, comme l'hôpital de La Trinité à la Martinique, sur lequel nous avons déjà échangé et qu'il faudra traiter le moment venu.

Le service de santé des armées est particulièrement engagé outre-mer : il a porté secours à Mayotte, puis en Guyane, en Guadeloupe et désormais en Polynésie. Les armées jouent pleinement leur rôle dans la solidarité nationale et en matière d'acheminement logistique des tests, comme ce fut le cas pour les masques dans la première partie de la crise.

En résumé, la situation est meilleure que dans l'hexagone et les mesures sont prises territoire par territoire, voire au niveau infraterritorial dans certains cas.

Même si je vois que M. Stéphane Claireaux est connecté, je n'évoque pas la situation des territoires de la République covid-free, en mauvais français, comme Saint‑Pierre‑et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie ou Wallis-et-Futuna. Dans le premier territoire, un dispositif de septaine a été mis en place, alors qu'une quatorzaine s'applique en Nouvelle-Calédonie.

Où en est-on de la crise économique et sociale ? Nous allons devoir quantifier les conséquences de la crise sanitaire, car tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne : certains ont repris leurs activités touristiques, d'autres pas, d'autres uniquement pour la clientèle locale ; certaines zones n'ont pas connu d'interruption de la commande publique pour le bâtiment et les travaux publics (BTP) alors que d'autres ont pris beaucoup de retards. Ainsi, à la Martinique, on est encore dans le soutien d'urgence à l'économie plus que dans la relance, puisque les commerces, les restaurants, les bars sont fermés. À l'inverse, dans d'autres territoires, on a commencé à bâtir une véritable relance. Je répondrai bien volontiers à vos questions sur le sujet.

Il faut bien différencier les outils de la sauvegarde économique tant que le virus continue de circuler, de ceux de la relance. Ainsi, dans le quartier de Saint-Gilles à La Réunion, nous avons pris des mesures d'accompagnement spécifiques du fait de la fermeture des activités. Les outils de la relance sont différents et il est complexe de faire cohabiter les deux. Si je peux rassurer les parlementaires d'outre-mer, les territoires ultramarins vont être en avance sur l'hexagone concernant la déclinaison du plan de relance, nos échanges avec les différentes collectivités le laissent présager. Je l'ai déjà dit publiquement et le répète ici.

Je suis donc assez optimiste, d'autant que notre budget est en hausse et traduit cette volonté et notre efficacité. L'enjeu, désormais, est d'être capable de dépenser rapidement l'argent, tout en réglant les difficultés d'ingénierie et en s'assurant que le calendrier électoral ne viendra pas perturber les efforts de relance du gouvernement et du Parlement.

Enfin, les compagnies aériennes font aussi l'objet d'un accompagnement sur mesure, car elles ne sont pas toutes dans la même situation et sont plus ou moins fragiles structurellement. Sur ce sujet, comme sur les autres, je suis à votre disposition pour répondre à vos questions – sous réserve du respect du secret des affaires, des discussions étant en cours avec les différents actionnaires.

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Les premières assises de la sécurité et de la citoyenneté de Mayotte ont eu lieu il y a une dizaine de jours à Mamoudzou, en présence du préfet, du président du conseil départemental, de tous les élus et de toutes les forces vives du territoire. Plusieurs thèmes ont été abordés : l'éducation et la prévention, la répression et l'exécution des sanctions – atelier que j'ai eu l'honneur de présider et dont sont sorties nombre de propositions –, la maîtrise des frontières et la lutte contre l'immigration illégale et, enfin, la responsabilité parentale, la participation citoyenne et la médiation.

Ces assises ont été une belle réussite. Elles ont été l'occasion de dresser le constat unanime de manques en matière d'infrastructures, d'encadrement et de répression dans le champ de la jeunesse. L'urgence à agir a été soulignée pour apporter une réponse forte et coordonnée face à la délinquance juvénile. Mayotte est dépassée.

Entre 2018 et 2020, des appels à projets ont permis à plusieurs départements, dont la Guyane, d'accéder à la création de centres éducatifs fermés (CEF). Avec pour objet de réprimer, mais aussi d'encadrer et d'accompagner, la nouvelle génération de centres pourrait être une solution pour ralentir l'escalade de la violence à Mayotte. Monsieur le ministre, pourriez-vous nous accompagner afin qu'un tel centre puisse voir le jour très rapidement ? Plus largement, comment prendre en charge efficacement la jeunesse délinquante à Mayotte ?

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Monsieur le ministre, je vous remercie, ainsi que votre cabinet, pour votre écoute et la mise en place de la mesure préventive de septaine obligatoire à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le plan de relance tel qu'il est décliné dans les territoires ultramarins, et notamment dans les collectivités d'outre-mer (COM), semble plutôt mettre l'accent sur l'action régalienne de l'État. Que peuvent attendre les collectivités et les différents acteurs économiques ou associatifs de Saint-Pierre-et-Miquelon ? Quel mandat est donné au préfet dans ses discussions avec les partenaires locaux ? Comment chaque territoire peut-il disposer d'une meilleure visibilité en termes financiers ?

Le plan de relance semble fonctionner sous forme d'appels à projets alors que les territoires ont plutôt l'habitude de recevoir des dotations financières. Dans quelle enveloppe financière Saint-Pierre-et-Miquelon pourrait-il faire remonter certains projets ?

Une clarification entre crédits du plan de relance et crédits du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) s'avère nécessaire. Certains dossiers que j'avais présentés en espérant des crédits additionnels du plan de relance ont été réorientés vers le FEI, dont les crédits sont déjà acquis.

J'insiste sur la nécessité d'activer le soutien en ingénierie, en faveur duquel je suis déjà intervenu lors d'une réunion au ministère des outre-mer, compte tenu des difficultés de nos petites collectivités à appréhender le plan de relance. Vous avez doublé l'enveloppe de l'Agence française de développement (AFD) allouée à l'accompagnement des collectivités. Pourtant, l'an dernier déjà, elle disposait de 15 millions d'euros et je n'ai pas constaté qu'elle a apporté une aide particulière en termes d'ingénierie, notamment à la commune de Miquelon, qui en aurait pourtant grand besoin.

D'une mesure à l'autre du plan de relance, les modalités de mise en œuvre sont différentes et assez complexes. Le ministère des outre-mer devrait apporter un appui et un suivi à chaque territoire.

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Je souhaite officiellement la bienvenue au sein de la délégation aux outre-mer à M. Vuilletet. Nous comptons sur vous, votre expertise et votre engagement

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J'essaierai d'être digne de votre confiance, monsieur le président.

La crise du covid, et la désorganisation sociale et économique qu'elle induit, frappent en particulier les plus fragiles d'entre nous. L'outre-mer compte une centaine de milliers de logements indignes – certains parlent même de 200 000. Le plan logement outre‑mer (PLOM) prévoit un programme ambitieux de destruction, de résorption, de reconstruction, de relogement et d'hébergement, avec le soutien de la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Que peut proposer utilement le plan de relance pour atteindre l'objectif ?

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Sébastien Lecornu, ministre

Vous le savez, je vais bientôt me déplacer à Mayotte. J'aurais donc l'occasion d'échanger sur les conclusions des assises de la sécurité, dont j'avais encouragé la tenue. Elles se sont convenablement déroulées et ont permis de tracer quelques pistes et de définir les responsabilités des uns et des autres.

La jeunesse est un sujet central à Mayotte. Avec le garde des sceaux, nous étudions la demande de centre éducatif fermé. Sans vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué, je peux dire que la demande ne manque pas de sens. Toutefois, l'efficacité ne peut passer que par une réponse globale incluant la problématique de la scolarité – l'État continue à engager des moyens pour construire des écoles à Mayotte, parfois sous sa propre maîtrise d'ouvrage, comme en Guyane–, et celle des compétences de l'aide sociale à l'enfance (ASE). Mon collègue Adrien Taquet est venu à Mayotte évoquer cette compétence décentralisée, relevant de la responsabilité du conseil départemental, après décision de placement de l'autorité judiciaire. Sa bonne exécution, en lien avec le monde associatif, est fondamentale.

Pour ces enfants, ces jeunes de moins de 18 ans, il va sans dire, et cela sans naïveté aucune, que la prévention et l'éducation comptent tout autant que la réponse répressive. Qu'elle soit mise en œuvre à travers une mesure pénale, de privation de liberté, d'accompagnement ou de prévention, la réponse doit avant tout être éducative. Je suis le dossier de près, et je vous propose de réserver ce débat avec tous les acteurs lors de ma venue à Mayotte. En tout cas, je vous remercie, madame Ali, pour votre mobilisation permanente – vous ne manquez jamais une occasion de nous solliciter, le ministre de l'intérieur, le garde des sceaux ou moi-même.

S'agissant de l'adaptation territoriale du plan de relance, les mandats de négociation des préfets sont en cours de validation pour les départements et régions d'outre‑mer (DROM), et il en sera de même prochainement pour les COM.

Effectivement, le plan de relance apporte des crédits supplémentaires. Il n'est pas question d'essayer de « revendre » les crédits du FEI, de la dotation de soutien à l'investissement (DSIL), de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ou autre ligne budgétaire unique (LBU), qui sont sanctuarisés. Le plan de relance, couplé avec la mesure introduite dans le PLF sur proposition du président Cazeneuve, offre un accompagnement pour les collectivités territoriales. Toutes les communes, qu'elles appartiennent à une COM ou non, sont éligibles au premier appel à projets, étant entendu que c'est à la commune de se mobiliser.

La capacité à relancer passe aussi par la maîtrise d'ouvrage de l'État, souvent saisi de l'état de commissariats, de casernes de gendarmerie ou encore de prisons – nous nous mobilisons, avec le garde des sceaux, sur la question des bâtiments de l'administration pénitentiaire en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. C'est un niveau de réponse auquel je crois beaucoup, car il permet à la fois de faire vivre le BTP local et de faire en sorte que l'État s'acquitte de ses obligations en matière de foncier.

Je l'ai évoqué, un mandat de négociation sera adressé aux préfets dans les COM pour éviter les effets de trappe, par défaut d'ingénierie ou en raison des difficultés à conjuguer les différents outils d'accompagnement à l'investissement. On procédera par projet. Sur un territoire à taille humaine comme Saint-Pierre-et-Miquelon, les choses devraient se faire assez facilement. Pour avancer convenablement sur des sujets comme les déchets, l'amélioration des réseaux d'assainissement, l'internat de réussite éducative, il faut mener la concertation avec la collectivité territoriale, la commune de Saint-Pierre et celle de Miquelon, l'ingénierie étant mobilisée par l'AFD.

Monsieur Vuilletet, la situation en matière d'hébergement d'urgence est très disparate. On compte en tout 1 200 places outre-mer, ce qui est insuffisant. Nous essaierons, dans le cadre du plan de relance, de soutenir les associations et de créer de nouveaux centres – à ce stade, 6 millions d'euros sont fléchés. Comme je l'ai dit lors de l'examen du PLF, les crédits sont fongibles et des sommes sont disponibles au titre du logement dans mon budget ministériel. Nous accompagnerons les projets, en lien avec les collectivités territoriales. L'enjeu est d'amorcer le volet immobilier avant que l'opérateur social n'arme les hébergements par un accompagnement personnalisé. Ces hébergements ont du sens, notamment dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales, car il faut pouvoir isoler rapidement les femmes et leurs enfants. Les dispositifs sont connus et robustes mais, dans certains territoires, les besoins sont malheureusement exacerbés et il faut apporter le bon niveau de réponse.

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Je ne rappellerai pas les chiffres outre-mer du chômage, de la précarité et de la pauvreté, encore aggravés par la crise sanitaire. Je concentrerai mon propos sur la préparation du projet de loi 4D, pour « décentralisation, déconcentration, différenciation et décomplexification ». Votre prédécesseure avait l'ambition d'une trajectoire 5.0, mais c'est un 0/5 que nous pouvons attribuer, en espérant que le titre « Outre-mer » n'ajoutera pas un cinquième D, pour « déconfiture ».

N'aurait-il pas fallu parler de l'acte IV de la loi de décentralisation ? Je vous sais gré d'avoir réussi à convaincre la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales de consacrer un volet entier du texte aux outre-mer. Pouvez-vous exposer votre vision de ces 4D ? Vous engagez-vous à examiner l'ensemble de nos propositions et de nous faire un retour ?

Pourquoi ne pas avoir laissé la possibilité d'une loi organique ? Une loi de programmation pour l'outre-mer, tenant compte des spécificités de chacun des territoires, n'aurait-elle pas été préférable ? Mais peut-être n'est-ce pas incompatible ?

Enfin, que pensez-vous d'un cinquième D, pour « déconfinement économique, social et de bien-être des outre-mer » ?

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Je souhaite également officiellement la bienvenue au sein de notre délégation à notre collègue Karine Lebon.

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Avec la crise sanitaire, un nombre important de néo-bacheliers de l'académie de La Réunion a préféré s'inscrire à l'Université de La Réunion. On dénombre plus de 1 300 inscrits supplémentaires, ce qui représente quatre années d'augmentation des effectifs – du jamais vu ! L'université doit accueillir un effectif record de 18 500 étudiants. Cette augmentation exige des moyens correspondants, si l'on veut éviter le décrochage universitaire et ne pas amplifier un taux d'échec déjà élevé en licence. Selon l'indicateur qui mesure le taux de passage de la L1 à la L2, moins de 8 étudiants sur 10 accèdent en un an à la deuxième année.

Par ailleurs, comment les étudiants ultramarins inscrits dans les universités de l'hexagone pourront-ils retourner dans leur foyer pour les vacances de fin d'année ? Pourront-ils bénéficier de la dérogation pour motif familial impérieux ? Les périodes de fête sont des moments délicats pour ceux qui sont loin de leur famille, et des répercussions en santé mentale sont à craindre. Il serait judicieux de leur permettre de retrouver leurs proches.

Je me réjouis que l'État finance intégralement le nouveau CHU de Guadeloupe, mais je m'interroge sur les surcoûts de fonctionnement liés aux spécificités géographiques et salariales. Depuis la mise en place de la tarification à l'activité en 2006, ils sont pris en compte à travers l'application de coefficients géographiques. Toutefois, ces coefficients ne sont plus corrélés et celui de La Réunion n'a été augmenté que de 1 point en treize ans. Plusieurs études ont montré les risques liés à ce décrochage, qui alimente un déficit structurel et finit par mettre à mal l'égalité d'accès aux soins. La crise sanitaire rend plus urgente encore cette revalorisation, qui n'a pourtant pas été inscrite à l'ordre du jour du Ségur de la santé. Un courrier en ce sens de l'ensemble des directeurs des CHU d'outre-mer demeure sans réponse. Êtes-vous prêt à impulser une déclinaison ultramarine du Ségur de la santé ?

En ces temps de crise où les sensibilités et les tensions s'exacerbent, les cas de violence conjugale et intrafamiliale se multiplient. Nous souhaiterions développer des antennes locales du 3919 et du 119, les numéros d'urgence pour les femmes et les enfants victimes, afin qu'ils puissent être accueillis en créole, leur langue maternelle.

Enfin, les dirigeants de la compagnie aérienne régionale Air Austral, que j'ai rencontrés hier, sont inquiets pour l'avenir de la compagnie ; ils demandent une exonération des charges sociales et un soutien fort du gouvernement.

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Lors du colloque national sur l'emploi maritime, que j'ai organisé le 8 octobre, j'ai eu le plaisir de recevoir Olivier Pelvoizin, directeur régional de Pôle emploi Guadeloupe et Îles du Nord, et Abdoul-Karime Bamana, chef de mission attractivité territoriale au sein de la représentation à Paris du conseil départemental de Mayotte. Ils m'ont fait part de la nécessité d'un meilleur accompagnement des centres de formation qui s'installent dans les territoires ultramarins et du besoin d'aides en faveur des créateurs d'entreprise pour lancer leur activité liée à l'économie bleue.

Vous n'êtes pas sans savoir que l'économie de la mer est une composante importante dans le cadre de la relance. D'ailleurs, le plan prévoit un effort exceptionnel pour l'emploi et la formation à destination des territoires ultramarins de 500 millions d'euros. Un volet spécifique est-il consacré aux formations et aux différents secteurs de l'économie de la mer ? Si oui, comment pourrait-il être décliné ?

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Sébastien Lecornu, ministre

Monsieur Ratenon, la décentralisation est l'un des piliers de la loi 4D. Elle concerne tous les territoires, y compris La Réunion, en dépit des spécificités constitutionnelles de l'île. J'aurai l'occasion de revenir sur les mesures de simplification, sans évidemment dévoiler le contenu du texte que Jacqueline Gourault est en train de préparer.

J'ai souhaité que ce projet de loi comporte un titre « Outre-mer ». Il sera élaboré en concertation avec l'ensemble des acteurs, élus locaux, monde économique et social, parlementaires, auxquels je viens de demander leurs contributions. Toutes ne figureront pas dans le texte, mais je m'engage à en prendre connaissance d'où qu'elles viennent, et à faire un retour. C'est la même démarche de co-production qui est à l'origine de la loi engagement et proximité ; je compte suivre cette méthodologie. J'ai la faiblesse de penser que ces sujets ne créent pas de clivages politiques – même s'il faut faire attention à l'influence des échéances régionales et départementales – et que les mesures de simplification sont très attendues sur les territoires.

Ainsi, en réponse à Serge Letchimy qui m'interrogeait, lors des questions au gouvernement, sur les risques naturels majeurs, j'ai précisé que ce texte serait l'occasion de traiter un certain nombre de recommandations qui figurent dans les rapports. Il y a, pour certains territoires, des correctifs, des mises au gabarit de certaines normes qui sont de vrais casse-têtes : ce sera l'occasion de les traiter. J'imagine que le président de votre délégation souhaitera organiser une audition spécifique sur ce projet de loi.

En revanche, l'agenda parlementaire ne permettra pas, d'ici à la fin du quinquennat, d'examiner une loi organique outre-mer. Lorsque j'étais ministre chargé des collectivités territoriales, j'avais lancé une réflexion sur les régions d'outre-mer, indiquant que je serais prêt à considérer, à la demande des parlementaires, l'opportunité de modifier la mise en œuvre de la subsidiarité dans les régions monodépartementales, comme La Réunion ou la Guadeloupe, afin d'améliorer la répartition et la lisibilité des compétences entre département et région. Il est possible de faire des adaptations outre-mer, mais il appartient aux territoires de se mobiliser – je n'agis pas en jacobin.

Un cinquième D pour « déconfinement et bien-être » ? J'ai la faiblesse de penser que les mesures contenues dans le projet de loi de finances et le plan de relance peuvent agir sur la vie quotidienne, mais je ne reprendrai pas le débat que nous avons eu les 4 et 5 novembre.

Madame Lebon, l'augmentation du nombre d'étudiants à La Réunion ne date pas d'aujourd'hui, et c'est plutôt une bonne nouvelle. Ils étaient, d'ailleurs, nombreux à être revenus après la première vague. Lors de mes déplacements sur l'île, on ne m'a jamais parlé des conséquences de cette hausse sur le budget de l'université ou des difficultés pour encadrer les cours. Je demanderai à Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, de se pencher sur cette question.

Le problème du retour de métropole des étudiants ultramarins est identifié. Il est entendu que la définition du « motif familial impérieux » sera adaptée à la situation, et dans l'hexagone et à La Réunion.

Le Ségur de la santé a permis de débloquer près de 26 millions d'euros pour La Réunion. Par ailleurs, les décisions prises dans ce cadre s'appliquent outre-mer, et il me semble que les mesures de revalorisation salariale correspondent aux attentes exprimées par les représentants des personnels des centres hospitaliers. Sans vouloir opposer la situation du personnel soignant, toutes fonctions confondues, et l'état des équipements, je veux souligner que le délabrement du patrimoine bâti hospitalier outre-mer constitue une urgence et que nous devons poursuivre nos efforts dans ce domaine. Si vous voulez la préciser, je transmettrai votre question sur les surcoûts de fonctionnement au ministère de la santé.

Élisabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, suit le dossier du 3919. Dans le cadre de la discussion budgétaire, Raphaël Gérard m'a interpellé sur la situation des associations de lutte contre les violences faites aux femmes et de lutte contre l'homophobie. Je retiens votre proposition sur l'usage de la langue créole lors des appels d'urgence, à même de libérer la parole.

Nous continuons à accompagner Air Austral, avec des PGE (prêts garantis par l'État) – la BPI participe pour 10 millions d'euros – et des prêts bancaires complémentaires. Nous devons adapter nos aides à la réalité du trafic – les flux aériens dépendent de l'application ou non des mesures de quatorzaine ou de septaine, et de la possibilité de dérogation pour motif familial impérieux. Avec Bruno Lemaire, Agnès Pannier-Runacher et Jean-Baptiste Djebbari, nous cherchons à accompagner chaque compagnie, en relation avec les actionnaires que sont les collectivités territoriales. Je ne peux pas entrer dans le détail, car les discussions avec les actionnaires privés demeurent confidentielles.

Madame Panonacle, je vous suis reconnaissant de n'avoir jamais oublié les outre-mer dans votre travail sur les questions maritimes. Près de 650 millions d'euros sont consacrés aux activités maritimes et portuaires dans le cadre de la relance, dont 50 millions pour valoriser les métiers maritimes. Je n'empièterai pas sur les plates-bandes d'Annick Girardin, doublement mobilisée sur le sujet, car originaire de Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et ministre de la mer.

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Monsieur le ministre, je tiens d'abord à vous remercier pour votre investissement et le temps passé en Nouvelle-Calédonie. Vous avez réussi à obtenir ce qui paraissait très compliqué mais nécessaire, la relance du dialogue, dans le cadre du groupe Leprédour.

La semaine qui vient de s'écouler illustre, avec le dossier de la reprise de l'usine du Sud, l'enjeu politique majeur que représente le nickel et offre un condensé des risques que comporte ce sujet pour l'avenir. Ce n'est pas nouveau : à chaque fois que la Nouvelle‑Calédonie s'est trouvée à un carrefour de son histoire institutionnelle, la thématique du nickel a cheminé en parallèle.

La reprise de l'usine du Sud a suscité des manifestations et des troubles à l'ordre public. Le calme est revenu depuis, mais il convient de condamner les entraves à la liberté de circulation et le blocage de l'activité économique, notamment portuaire.

Sans vouloir minimiser l'importance de ce dossier, j'insisterai sur ses déclinaisons politiques. Dans une lettre ouverte aux Calédoniens, le président de l'Union calédonienne a indiqué vouloir se désengager du format de dialogue que vous aviez réinitié. Nous le regrettons, car cela constitue un risque majeur pour la reprise des discussions et la construction d'une solution institutionnelle consensuelle. L'organisation qui pilote la mobilisation sur le terrain a suspendu aujourd'hui les blocages et demandé une table ronde pour échanger sur le dossier de reprise de l'usine du Sud.

Vous êtes le représentant du gouvernement, plus largement de l'État, et vous êtes désormais partie prenante des discussions. Que pensez-vous de la déclaration du président de l'Union calédonienne ? Celui-ci a prévu de demander dans une lettre au Président de la République que des gestes soient accomplis afin que le dialogue reprenne. On peut donc penser que cette déclaration n'est pas définitive. Les choses se sont beaucoup accélérées depuis votre départ : comment envisagez-vous la situation, alors que nous sommes à une semaine du rendez-vous que vous aviez fixé, de façon assez prémonitoire, sur le nickel ?

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Le buget 2021 pour les outre-mer, avec 20 milliards d'euros, est en hausse de 6 %. La Guadeloupe et la Martinique subissent une double peine, car, outre la crise sanitaire et économique qu'elles affrontent, elles viennent d'être frappées par de fortes intempéries. Je veux vous remercier pour votre efficacité sur ce dossier. Vous avez annoncé que l'état de catastrophe naturelle serait décrété pour plusieurs communes. Pourriez-vous donner la liste des communes concernées en Guadeloupe ?

Les négociations sur la politique agricole commune (PAC) 2021-2027 sont toujours en cours à Bruxelles. Où en sont les débats sur le maintien du programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (POSEI), sujet sur lequel les agriculteurs nous interrogent ?

Hier, le Président de la République a annoncé des mesures d'accompagnement pour le monde sportif amateur. J'espère que leur déclinaison se fera rapidement en Guadeloupe, car les inquiétudes sur l'avenir du sport sont plus vives encore dans les territoires insulaires.

Enfin, le projet de loi 4D représente une réelle opportunité pour faire avancer certains dossiers dans nos territoires. Nous savons que vous avez à cœur d'associer les parlementaires à l'élaboration du titre « outre-mer » ; j'ai adressé en ce sens une première contribution à votre cabinet. Nous aurions tout intérêt à proposer des mesures de différenciation dans certains domaines – je pense à la demande de la présidente du conseil départemental d'expérimenter une recentralisation du revenu de solidarité active (RSA).

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Chaque année, le conseil départemental de Guadeloupe consacre, en effet, une part de plus en plus importante de ses fonds propres pour financer le RSA. Le reste à charge, après remboursement de l'État, était l'an dernier de 71,6 millions d'euros ; il devrait être cette année de 90 millions d'euros. L'État octroiera-t-il cette année, pour la première fois depuis 2004, une dotation de compensation au département de la Guadeloupe ?

Le ministre de l'économie n'a pas retenu le secteur du transport maritime de passagers dans le plan de relance. Avec l'arrêt du tourisme, ces entreprises, comme l'Express des îles, sont dans une situation très préoccupante. Le secteur demande donc une compensation, qui pourrait prendre la forme d'une annulation partielle ou totale des loyers ou redevances d'occupation du domaine public. Qu'en pensez-vous ?

Enfin, lors de la dernière réunion avec votre cabinet sur le projet de loi 4D, j'ai demandé qu'un cadrage nous soit proposé : je crains qu'en l'absence de critères, le titre « Outre-mer » ne devienne un inventaire à la Prévert de propositions.

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Sébastien Lecornu, ministre

L'outre-mer a ouvert la voie à des expérimentations sur la recentralisation du RSA, qui s'avèrent plutôt concluantes. C'est du moins ce qui ressort de mes échanges avec le président Cyrille Melchior à La Réunion, à Mayotte et en Guyane, avec le président Rodolphe Alexandre, avec lequel j'ai échangé il y a quelque temps. Je le dis aux élus de la Guadeloupe, notamment aux conseillers départementaux, la parole de l'État est constante sur ce sujet : nous sommes toujours disponibles pour discuter, envisager, voire négocier, les perspectives d'une recentralisation du RSA.

M. Mathiasin a rappelé l'enjeu important du reste à charge, que je connais bien pour avoir présidé le conseil départemental de l'Eure. S'agissant des prestations, la recentralisation du RSA a du sens pour les territoires d'outre-mer. Bien sûr, l'accompagnement social, les travailleurs sociaux et les différents chantiers d'insertion resteraient au conseil départemental, en lien avec la Caisse d'allocations familiales (CAF) et les travailleurs sociaux des autres collectivités.

Nous disposons déjà d'une méthodologie sur laquelle nous fonder, avec des références par année et par période de recentralisation pour différents territoires. Le modèle fonctionne bien. Je n'ai entendu aucun élu, ni de Mayotte, ni de La Réunion, ni de Guyane, se plaindre de la manière dont la recentralisation s'est déroulée. J'indique aux élus de Guadeloupe et de la Martinique et autres DROM ma disponibilité sur ce sujet.

Les acteurs du transport maritime des passagers ont accès aux PGE. L'examen des demandes s'effectue au niveau local. Je vous propose de faire examiner la situation particulière que vous soulevez à Bercy, par les services de Mme Girardin, qui sont compétents sur le sujet. Nous leur transmettrons votre question, accompagnée de données du territoire, car je n'ai pas d'information précise sur la compagnie en question. Quant à l'exonération, vous l'avez compris, nous adaptons nos mesures d'accompagnement à la durée de la crise et à la situation de chaque entreprise.

Pour ce qui concerne le projet de loi 4D, vous avez dû recevoir mon courrier. Dans le cas contraire, je le ferai expédier à nouveau à vos secrétariats. J'ai commencé à définir le cadrage et ce que nous pouvions faire.

Sans faire une réponse de Normand, sachant que de nombreux sujets concernant l'outre-mer nécessitent une loi organique, je peux d'ores et déjà vous dire que, puisqu'il s'agit d'une loi ordinaire, tout ce qui relève d'une loi de même nature peut être traité. Les correctifs ne seront peut-être pas spectaculaires, mais, vous le savez mieux que quiconque, ils sont attendus par des acteurs engagés sur le terrain, en particulier du monde économique ou des collectivités territoriales. Je m'engage, en tout cas, à faire un retour sur chacune des propositions qui seront faites.

Les annonces sur le monde sportif s'appliquent évidemment dans les DROM. Si vous avez un doute, des préoccupations ou des interrogations, madame Benin, nous pouvons les transmettre au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports, Jean‑Michel Blanquer, ainsi qu'à la ministre déléguée chargée des sports, Roxana Maracineanu. Du moins, ces questions sont suivies. Nous en avons pris bonne note.

S'agissant des intempéries, j'ai énoncé des mesures concernant la Martinique, car j'ai été interrogé sur ce sujet dans l'hémicycle, mais les mêmes procédures sont déclenchées pour la Guadeloupe. J'adresse, à cet égard, un message de solidarité aux populations touchées, à nos concitoyens qui ont parfois perdu leur maison. Je tiens aussi à rendre hommage aux forces de sécurité civile et aux forces de sécurité intérieure, qui sont intervenues dans des conditions très difficiles. Le meilleur moyen de le faire, c'est aussi de déclencher la solidarité nationale le plus rapidement possible. C'est ce que nous avons fait, en décrétant l'état de catastrophe naturelle pour plusieurs communes de Guadeloupe – je rappelle que c'est aux collectivités de déposer un dossier.

Pour l'instant, nous avons reçu les dossiers de Baie-Mahault, Capesterre-Belle-Eau, Lamentin, Petit-Bourg, Les Abymes, Le Gosier, Morne-à-l'Eau, Sainte-Anne et Sainte‑Rose. D'autres sont à venir, selon le préfet. La commission qui les examine a commencé à travailler : ceux de Baie-Mahault, des Abymes, de Petit-Bourg et de Sainte-Rose ont déjà été instruits. Nous allons très vite pour que les procédures puissent être enclenchées très rapidement et, qu'ensuite, les assureurs puissent faire leur travail. Mon ministère, avec son fonds d'urgence, se tient à la disposition des collectivités pour les biens non assurables dont elles peuvent avoir la charge. Là aussi, n'hésitez pas à relayer les difficultés que vous pourriez rencontrer. Nous avons des relations régulières avec la Fédération française de l'assurance : depuis Irma et Maria à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, les protocoles sont désormais assez robustes. N'hésitez pas à me faire connaître les éventuelles difficultés avec les réponses des assureurs.

Il est difficile de traiter du nickel en Nouvelle-Calédonie en quelques minutes. Au moins cette audition me permet-elle de prendre la parole publiquement sur les derniers événements. J'ai fait preuve d'une grande liberté de parole et de beaucoup de franchise sur place ; je continuerai pendant cette audition.

Durant mes trois semaines de présence en Nouvelle-Calédonie, on ne m'a pratiquement pas parlé du nickel lors des auditions et des différents rendez-vous. Sans trahir les négociations que nous menons dans le cadre du format Leprédour, je peux dire que nous n'en avons pas parlé ; à peine avons-nous évoqué l'idée de travailler sur ce sujet.

Si j'ai bien lu la lettre et les déclarations du président Goa dans la presse, il souhaite se désengager des questions institutionnelles abordées dans le format Leprédour tant que la question du nickel ne serait pas évoquée. Je l'entends et cela tombe bien : vu l'actualité et la place historique du nickel, j'avais l'intention de traiter de la question lors de la prochaine réunion du format Leprédour, qui aura lieu la semaine prochaine. J'ai envoyé un courrier d'invitation indiquant que nous parlerons du nickel – vous devriez le recevoir dans quelques heures. Je souhaite donc que le président Goa puisse participer à ces échanges, car il a fait du dossier du nickel une forme de préalable à toute discussion. D'ailleurs, il ne s'agit pas pour moi de répondre précisément à la demande de l'Union calédonienne ; j'estime que commencer par ce dossier tombe sous le sens. L'actualité le commande et je le fais.

L'idée d'un préalable ne me pose pas de problème : cela signifie qu'il y a une disponibilité pour parler ensuite. J'ai beau être loin, j'ai suivi les congrès avec beaucoup d'attention et de précision. Je lis pratiquement tout. Faire du nickel un préalable à quelque chose m'intéresse, moi aussi. Quel est le rôle de l'État ? Qu'attend-on de lui dans le dossier du nickel ? J'ai envie d'avoir cet échange avec vous la semaine prochaine.

Dans le cadre de la reprise de l'usine Vale, une offre est connue des services de l'État ; elle a été transmise au comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) et a fait l'objet de communications variées de la part de la province Sud, d'élus et d'acteurs économiques. Une autre offre de reprise, dite Sofinor-Korea Zinc, a été évoquée et formalisée en avril, mais je n'en ai jamais été destinataire. Il a fallu une audience avec le groupe de M. Mapou pour que j'en entende parler. Sans cet homme intelligent et construit, qui a bien voulu jouer le rôle d'intermédiaire, ce dont je le remercie publiquement, l'État n'aurait jamais été destinataire de la seconde offre. C'est grâce à lui que j'ai pu en avoir connaissance et que j'ai pu la transmettre au CIRI. Or elle m'a été communiquée quelques heures seulement avant la fin du délai de négociation entre Vale et les éventuels repreneurs.

Il est intéressant que, la semaine prochaine, nous puissions parler franchement du rôle de l'État. Ce rôle, n'est pas seulement tenu par le gouvernement car, mesdames, messieurs les députés, en discutant le projet de loi de finances, vous êtes amenés à prendre des décisions importantes en termes de garanties financières et de défiscalisation. Le sujet intéresse donc aussi le Parlement. La question du rôle de l'État, je veux la poser dans l'éventualité du « oui » comme du « non », mais je veux aussi l'envisager à court terme. Je l'ai indiqué publiquement, dans le cadre du dossier Vale, outre la légalité des choses, seuls deux critères comptent : l'impact social des décisions, en particulier la préservation de l'emploi, et l'impact environnemental. Le projet Lucy, que M. Dunoyer connaît bien, porte une promesse environnementale. Il a reçu le soutien de l'État et du contribuable français depuis des années ; il ne doit pas être abandonné.

Je ne suis pas là pour interférer dans une reprise entre acteurs privés. Seulement, je constate, parce que je mets les pieds dans le plat, d'importants troubles à l'ordre public et des manifestations demandant à l'État d'intervenir alors que, pendant des mois, celui-ci a été tenu à l'écart de l'offre de reprise. Il n'est certes pas obligatoire de tenir l'État au courant quand une entreprise privée veut en racheter une autre – sachant, tout de même, que l'opération comporte des aspects de défiscalisation et de garanties. Je trouve cependant bizarre d'en appeler à celui-ci une fois que je suis parti, alors que nous avions eu trois semaines pour parler de ces sujets et que jamais cette offre ne nous été communiquée.

Des remarques ont été formulées sur la qualité de transparence que présente le cahier des charges de reprise. Je suis prêt à tout entendre et à discuter de tout. J'ai toujours dit publiquement, sur place, et je le redis ici, que s'il existe le moindre doute sur la loyauté et la légalité des procédures, il faut que les tribunaux puissent être saisis. Le doute ne doit pas subsister.

Je serai heureux d'échanger davantage sur ce sujet, avec vous, monsieur Dunoyer, ainsi qu'avec votre collègue Philippe Gomès et les sénateurs du territoire. Si j'ai une suggestion à faire, je crois que nous gagnerions à ce que les offres soient connues de tous, pour celles et ceux qui s'inquiètent de l'avenir de l'usine, qu'ils y travaillent ou non, pour les familles, pour celles et ceux qui manifestent – ils en ont le droit, dès lors qu'il n'y a ni trouble à l'ordre public, ni blocage.

Les destructions commises sur le port de Nouméa ne sont pas de belles images, et j'ai donné des instructions de grande fermeté au Haut-commissaire. Il importe aussi que les propriétaires concernés fassent les demandes de réquisition qui s'imposent devant l'autorité judiciaire. Je n'aime pas le bazar et je ferai tout pour qu'il n'y en ait pas. L'État sera fort dans sa réponse aux troubles à l'ordre public, que personne ne se fasse d'illusion là-dessus. Je ne laisserai pas faire n'importe quoi.

En même temps, le moment est peut-être venu que l'on connaisse le contenu des offres, de sorte que chacun – la presse, les élus, le Parlement, les membres de la délégation aux outre-mer – puisse se faire une opinion. Le niveau de participation financière et le degré de solidité financière des uns et des autres, sont des questions qui méritent d'être posées. J'en parlerai la semaine prochaine dans le format Leprédour. J'envoie dix invitations et je souhaite que tout le monde soit présent. Je le dis et j'en prends l'engagement devant les députés de la Nation : l'État est de retour dans ce dossier – il n'a, d'ailleurs, jamais été absent. Le gouvernement de la République prend des initiatives politiques en Nouvelle-Calédonie. Je dialoguerai, car je le dois à ses habitants et à l'ensemble des habitants de notre pays qui s'inquiètent de ce qui se passe dans cette partie du Pacifique.

Alors, oui aux manifestations et grèves légales, mais non aux troubles et blocages. Si sont assurés le respect des salariés et des conditions sociales et environnementales, ainsi que la transparence sur les contenus des offres, on est capable de reprendre le chemin d'une discussion politique intéressante dans le format Leprédour. Je forme le vœu que le président Goa soit présent, puisque j'accède à sa demande en parlant de nickel.

J'ai été un peu long, monsieur le président, mais je me sens écouté avec beaucoup d'attention à quelques milliers de kilomètres d'ici.

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Le taux de chômage des outre-mer français est le plus élevé d'Europe. La crise sanitaire de 2020 a des conséquences économiques encore plus marquantes dans nos territoires éloignés. Malgré les plans successifs pour favoriser l'emploi, l'inexorable évolution du fort taux de chômage continue d'en dégrader la situation économique et sociale.

Depuis des années, les pères et les mères de famille ont recours aux dispositifs d'insertion professionnelle, en particulier aux contrats aidés, afin de reprendre pied dans le monde du travail. Les employeurs du secteur associatif ou les collectivités territoriales, notamment les petites communes, ont autant besoin des jeunes de moins de 26 ans que des personnes plus âgées et expérimentées, en fonction des missions qu'elles ont à confier.

Serait-il possible, d'une part, d'harmoniser le taux des aides d'État fixé par décret pour tous les contrats visés à l'article L. 5134-30 du code du travail, et, d'autre part, pour donner de la visibilité aux acteurs de nos territoires, de fixer un taux national de prise en charge de 60 % minimum ? Il s'agit de mettre sur un pied d'égalité jeunes de moins de 26 ans et personnes plus âgées pour accéder à un emploi aidé, qui est parfois la seule chance de trouver un emploi outre-mer.

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Dans le contexte exceptionnellement grave de crise sanitaire que nous connaissons, le Président de la République a confié à Jean-Louis Debré la mission d'étudier les conditions dans lesquelles le scrutin prévu en mars 2021 pourrait être maintenu. La question a recueilli un large consensus auprès des différents partis politiques au niveau national. Le rapport de M. Debré fait toutefois mention d'une exception pour la collectivité territoriale de Guyane, dont le président aurait allégué une hypothétique deuxième vague attendue sur le territoire pour le mois de juin 2021.

Je ne peux que me satisfaire de la capacité du gouvernement à prendre le pouls au niveau local, avant de décider au niveau national. Concernant la Guyane, à ce jour, les autorités préfectorales et sanitaires invitent les habitants à beaucoup de prudence, car elles observent des indices qui laisseraient penser à une résurgence de circulation du coronavirus sur le territoire. Dès lors, j'ai du mal à comprendre comment, à la mi-novembre 2020, on peut envisager une nouvelle vague pour juin 2021.

En tant que ministre, vous devez disposer de nombreux éléments d'information. Ceux-ci vous donnent-ils une vue assez précise de la manière dont la situation épidémique pourrait évoluer sur le territoire de la Guyane ?

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Je souhaite rappeler quelques chiffres, pour rendre conscient de la difficulté de vivre à La Réunion. Sur l'île, 118 000 foyers, soit 280 000 personnes, sont couverts par le RSA, c'est-à-dire 30 % de la population, contre 8 % au niveau national. Le taux de chômage est de 24 % à La Réunion, contre 10 % en métropole ; le taux de pauvreté de 40 %, contre 14 %; le taux d'illettrisme de 23 %, contre 7 %. La situation sociale est très préoccupante ; elle finira par se révéler sous forme de tensions et de révoltes.

Il vous reste un an et quelques mois pour agir en tant que ministre des outre-mer. Comment imaginez-vous les objectifs à atteindre en 2021 ? Que souhaitez-vous construire à partir des chiffres que j'ai donnés ? Quelle serait votre réussite personnelle ou en travaillant avec nous ? Comment vous aider à améliorer ces chiffres ?

J'ajoute des questions qui appellent des réponses plus précises que celles que vous nous apportez parfois, même si elles sont intelligentes. Concernant les zones insulaires non interconnectées (ZNI), nous avons été nombreux à vous interroger sur votre soutien au photovoltaïque. Pouvons-nous calmer l'angoisse, au moins des petits producteurs, qui se demandent s'ils vont être rémunérés ? Comptez-vous revenir sur les amendements qui ont été votés au Sénat relatifs au secteur du BTP ? Nous répondrez-vous sur la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) ?

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Sébastien Lecornu, ministre

Les questions de Mme Bassire et M. Lorion sur le taux de chômage et les difficultés sociales et structurelles importantes de La Réunion se font écho. Face aux chiffres, il y a les objectifs que nous nous donnons et les outils dont nous nous dotons, que nous partageons avec les collectivités territoriales et les entreprises – parcours emploi compétences (PEC), contrat unique d'insertion (CUI), parfois argent. Nous devons trouver une méthodologie tous ensemble.

Lors de mon déplacement au mois d'août pour engager la concertation et le travail sur le plan de relance, de nombreux élus m'ont parlé des PEC. Le maire de Saint-Pierre, Michel Fontaine, notamment, les a longuement évoqués. Avec Élisabeth Borne, nous avons débloqué des moyens : d'importantes enveloppes sont consacrées à ces dispositifs dans le cadre du plan de relance ainsi que du plan priorités et rassemblement pour l'emploi local (PETREL). Nous continuerons aussi de développer les emplois francs.

S'agissant des taux de prise en charge, j'ai entendu votre remarque sur la nécessaire souplesse à accorder. Nous permettrons aux préfets de moduler ces taux, notamment en fonction de la situation de la collectivité qui emploie – entre une commune de 6 000 habitants et un conseil régional, l'un a plus de facilités que l'autre. Nous resterons naturellement dans l'enveloppe – nous ne pouvons pas faire de miracle –, mais celle-ci ayant été réabondée, tout devrait bien se passer. Ces taux, qui étaient déjà plus élevés pour les outre-mer, avaient été rehaussés du fait de la crise et pourront être modulés. Avec cela, nous aurons un dispositif qui devrait bien fonctionner.

L'extension des PEC aux personnes de plus de 26 ans mérite d'être examinée. Comme je l'ai dit au président Serva lors de la discussion du PLF, les dispositions spécifiques pour la jeunesse sont faites pour éviter à celle-ci de payer les pots cassés. Ce n'est pas une question de jeunisme ; la misère n'est pas plus grave chez les jeunes que chez leurs aînés. Seulement, si un jeune se retrouve au chômage à la sortie de son cycle scolaire ou de formation, il est pris dans une spirale infernale. Les PEC créent un effet de levier, qui permet de poursuivre l'encadrement et la formation, d'où leur importance. Pour les plus de 26 ans, les dispositifs de droit commun se poursuivent. Je suis en train d'étudier avec Mme Borne la possibilité d'adapter des dispositifs spécifiquement à l'outre-mer, notamment l'extension des PEC au-delà de 26 ans – il ne s'agit pas d'une annonce, je ne fais qu'y travailler.

Monsieur Serville, le calendrier électoral prévoit la tenue des élections au mois de mars. À la suite du rapport de Jean-Louis Debré, une concertation est en cours avec les différentes formations politiques pour un éventuel report en juin, principalement pour assurer le bon déroulement de la campagne électorale. Le ministre de l'intérieur proposera, le cas échéant, un projet de loi en ce sens. En l'état, je ne souhaite pas distinguer les calendriers électoraux de l'outre-mer et de l'hexagone : si un report est prévu au mois de juin, je souhaite qu'il en soit de même pour la collectivité territoriale de Guyane.

À ce jour, il n'est pas possible d'appréhender la possibilité d'une deuxième ou d'une troisième vague de l'épidémie et, donc, d'envisager de reporter pour reporter. Pourrait-on, en revanche, maintenir l'élection territoriale en Guyane au mois de mars si elle était reportée ailleurs au mois de juin ? Je suis d'avis, en l'état, de privilégier un report d'ensemble pour des raisons de lisibilité et parce que je trouve bienvenu que les outre-mer s'inscrivent dans un calendrier électoral national. Il est bon que le vote de la collectivité territoriale de Guyane se déroule en même temps que les élections régionales et départementales dans l'Eure, car c'est aussi comme cela que s'exprime le sentiment national : en partageant le même temps démocratique.

Je peux néanmoins entendre que les élections soient maintenues au mois de mars dans les départements et régions d'outre-mer parce que le virus circulerait très peu et que tout le monde aurait fait campagne, mais nous devrons en parler ; je ne saurais, à ce jour, m'engager. Je reste prudent, car la situation épidémique évolue rapidement, comme du reste l'avis des élus : lors des dernières élections municipales, ceux qui ne voulaient pas entendre parler de report ne comprenaient pas ensuite que le second tour ait lieu en juin ! Quoi qu'il en soit, je salue la façon dont les choses se sont passées en Guyane, où le calendrier électoral a été décalé, au point que certaines communes ont dû réorganiser tout le cycle électoral, qui vient d'ailleurs de se clore. Je remercie les Guyanaises et les Guyanais d'avoir compris la nécessité d'une telle adaptation.

Monsieur Lorion, je ne vous cacherai pas que je consacre beaucoup de temps à la gestion de crise. J'essaie d'être attentif à chaque territoire, comme le sont mon cabinet et la direction générale des outre-mer, en lien avec les préfectures et les ARS. Nous constatons une forme de banalisation de l'épidémie à la suite de la publication de meilleurs chiffres, mais il convient toutefois de rester vigilant : les chiffres étaient également meilleurs dans l'hexagone au mois de septembre et vous connaissez la situation dans laquelle nous sommes... Nous devons donc tous rester mobilisés, d'autant plus que le préfet de La Réunion m'a confié avoir du mal à coordonner efficacement les forces de sécurité intérieure et les polices municipales pour faire respecter le port du masque dans l'espace public. Bref, je ne serai pas forcément heureux d'avoir bien géré ces problèmes, en revanche, je serai malheureux de les avoir mal gérés.

Depuis le début du quinquennat, nous avons lancé de grands chantiers structurants pour les outre-mer. Lors du sommet « Choose La Réunion », j'ai rencontré des acteurs des filières numérique et écologique qui vivent l'arme au pied. Des data centers pourraient-ils être installés ailleurs ? Ce territoire est un bijou de l'Océan indien : La Réunion est un pôle de stabilité ; avec plus de 800 000 habitants, le marché endogène bénéficie d'un effet de seuil très satisfaisant ; la jeunesse a envie de faire des choses ; l'université présente des dynamiques intéressantes ; l'innovation est au rendez-vous. Il en est de même dans le domaine agricole. Ce fut un plaisir, lors de l'installation du comité interministériel de transformation agricole, il y a quelques jours, de commencer par l'exemple réunionnais.

Lorsque je partirai – mettons, à la fin du quinquennat, quelles que soient les incertitudes –, je serais heureux si les différentes adaptations que nous avons proposées ont favorisé la création de richesses, de valeur et d'emplois dans les outre-mer, qui plus est avec une approche écologique intelligente. Le covid ne doit pas nous faire abandonner nos objectifs. Il a d'ailleurs eu du bon, le confinement ayant favorisé les circuits courts et la consommation locale.

Nous continuons à nous mobiliser autour du POSEI mais, pour rester sur la question des objectifs, je pense qu'il importe de maintenir un tel cap. La Réunion, de ce point de vue, est un laboratoire intéressant, car suffisamment important pour absorber des transformations et des innovations dans les domaines du numérique, de la transition écologique et énergétique, et de l'agriculture.

Je suis un élu local, ancien maire et président de département, et j'aimerais également que nous soyons jugés à partir des exécutions budgétaires. Autorisations d'engagement et crédits de paiement ne parlent à personne ; en revanche, le nombre de constructions de logements dans les dix-huit mois à venir parlera aux Réunionnaises et aux Réunionnais, à tous les habitants des outre-mer. Je me suis battu pour que le budget de mon ministère augmente ; le plan de relance consacre 1,5 milliard aux outre-mer. Je serais assez malheureux si, dans un an et demi, on s'apercevait que nous ne sommes pas parvenus à dépenser cet argent et que l'on s'est heurté aux mêmes difficultés de gouvernance et d'ingénierie.

Grâce à La Réunion, des lignes peuvent bouger dans l'océan Indien. Nous ne devons pas lâcher le morceau ! C'est d'ailleurs pourquoi je me suis déplacé lors de l'incendie du Maïdo. Au regard du classement par l'UNESCO, on ne peut pas parler tous les quatre matins de transition écologique sans que l'État apporte à un tel drame des réponses régaliennes fortes : à travers la justice, par la prise en charge du suspect, à travers l'engagement de la solidarité nationale par le déploiement des pompiers et la sauvegarde de la biodiversité. C'est aussi cela, notre action à La Réunion !

Si vous jugez que mes réponses sont insuffisamment techniques, n'hésitez pas à me demander une réponse écrite, car j'assume de tenir un propos politique lors des auditions : je n'ai pas souhaité être directeur général des outre-mer ni diriger un cabinet ministériel !

Jeune secrétaire d'État chargé de l'écologie, au début du quinquennat, je me suis occupé des questions liées au photovoltaïque. J'ai toujours dit aux acteurs de cette filière qu'il faudrait adapter les tarifs de rachat en fonction du niveau de productivité et des courbes d'amortissement des coûts de la transition énergétique. Les premiers panneaux demandaient un investissement initial important, donc, les taux de rachat étaient élevés. Depuis, la production d'électricité coûte moins cher, ce qui est une bonne nouvelle.

Pourquoi le contribuable rachète-t-il de l'électricité à un tarif fixé administrativement ? Pour contribuer à créer une économie de marché, pour faire des économies d'échelle, pour amorcer la mise en place d'installations innovantes. Plus le mix énergétique progresse, notamment grâce aux choix que nous avons faits encore récemment, plus le coût de l'électricité verte diminue. Il en est d'ailleurs de même avec la méthanisation, activité désormais plus capitalistique que le photovoltaïque – moins que les énergies marines renouvelables mais plus que l'éolien et le solaire.

Les coûts étant peu à peu amortis, il convient donc de revoir les tarifs d'achat. Les parlementaires ne doivent pas remettre en cause le principe d'une renégociation, même si cela ne fait pas plaisir aux porteurs de projets, que j'ai beaucoup soutenus et accompagnés : cet argent est tout de même prélevé sur les factures payées par nos concitoyens et il permettra de répondre à d'autres objectifs, à d'autres appels d'offres.

Les zones non interconnectées sont particulières, car elles obéissent à des programmations pluriannuelles de l'énergie (PPE) spécifiques – je salue à ce propos Akuo, dont j'ai visité les installations à La Réunion. Nous continuons de travailler avec le ministère de la transition écologique aux adaptations en outre-mer. Je ne peux pas vous donner une réponse plus précise, car les arbitrages ne sont pas encore rendus et, de surcroît, cela relève de l'autorité de Mme Pompili. Quoi qu'il en soit, la spécificité ultramarine est reconnue et sera au cœur des discussions au Sénat.

Je ne reviens pas sur ce que j'ai dit lors de la discussion du PLF sur l'inscription des entreprises de construction et de travaux publics dans le secteur de compétitivité renforcée LODEOM et sur les exonérations. Je crois davantage au soutien du BTP par les carnets de commandes : c'est en assouplissant les règles de la commande publique et à travers l'enveloppe exceptionnelle de la DSIL et du FEI, et les crédits sur les infrastructures routières et autres que nous parviendrons à maintenir ce secteur. Politiquement, nous préférons qu'un euro bénéficie à des commandes réelles plutôt que de le soustraire à des charges par une exonération. Sans doute une évaluation de ces dispositifs sera-t-elle nécessaire et je serai à votre disposition pour ce faire.

Les règles d'avis de la CDPENAF en outre-mer sont alignées sur celles en vigueur en métropole, avec un avis simple. Les maires demandent une plus grande souplesse, mais toutes les ONG, les associations environnementales, une partie des élus du Conseil économique, social et environnemental régional (CESER) sont beaucoup plus vigilants. Le monde agricole l'est également, car l'artificialisation des terres n'est pas une mince affaire. Et on sait bien que, au final, c'est le préfet que l'on viendra chercher. Je fais confiance aux stratégies d'urbanisation des maires, mais force est de constater que tous ne se comportent pas de la même manière : si tous les plans locaux d'urbanisme (PLU) et si toutes les délivrances de permis de construire se ressemblaient, cela se saurait. Je comprends que les avis de la CDPENAF cassent un peu les pieds des élus et des porteurs de projets, mais il faut faire attention à ce que l'on fait. Quoi qu'il en soit, je reste disponible pour continuer de travailler à cette question avec le ministre de l'agriculture et la ministre de la transition écologique.

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Je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, pour les réponses très précises et concrètes que vous nous avez apportées jeudi dernier dans le cadre de la mission sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.

Vous vous rendrez, au début du mois de décembre, dans notre cent‑unième département, Mayotte. Pouvez-vous faire un bilan de la lutte contre l'immigration clandestine venue des trois Comores, en particulier d'Anjouan ?

Avec notre ancien collègue René Dosière, je me suis beaucoup occupé ces dernières années de ce que nous avions appelé la CREC, la commission de régularisation de l'état-civil à Mayotte. Des progrès ont certes été réalisés mais quelques failles doivent encore être comblées.

Quel plan de soutien spécifique le Gouvernement entend-il déployer pour notre département de Mayotte ?

Enfin, je m'associe aux questions de David Lorion. Si nous cherchons à faire votre bonheur, monsieur le ministre, nous nous interrogeons sur ce que vous comptez faire pour lutter contre la covid-19 à La Réunion, où le taux d'incidence est redescendu sous le seuil fixé par le préfet, mais également contre la dengue qui, probablement pour des raisons liées à la saisonnalité, a réapparu.

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Mayotte est, par excellence, le département des différenciations, le territoire de tous les records : d'abandon, d'immigration, de violence, de chômage, de pauvreté. Nous avons besoin de réponses précises et d'engagements.

Les élus de Mayotte vous ont exprimé leurs souhaits, à la fin du mois de septembre, en matière de différenciations. Un collègue a ainsi souhaité la renationalisation du RSA. De leur côté, le ministère de la transition écologique et le ministre délégué chargé des transports brûlent de nous refiler la compétence en matière de routes nationales, tout comme le ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation celle de la gestion des lycées. Or, sachant que nous ne sommes même pas fichus de faire face à nos obligations en matière de RSA, je vois mal qu'on puisse encore étendre nos compétences dans le cadre de la décentralisation. Je considère que, de ce point de vue, Mayotte est d'ores et déjà suffisamment différenciée. Nous voulons donc éviter, comme cela se voit trop souvent avec les outre-mer, que lorsque le gouvernement pose des questions auxquelles il n'entend pas répondre, il vienne nous titiller sur les questions institutionnelles, auxquelles nous avons déjà répondu et sur lesquelles nous n'entendons pas revenir.

Différents programmes et actions octroient beaucoup d'argent et de moyens pour accompagner le développement des outre-mer. Vous avez dit que la création d'emplois devait passer essentiellement par les carnets de commandes. Or, à Mayotte, l'État, qui est compétent en matière de route nationale, n'est même pas fichu d'élargir un pont de 2 mètres de large ! De tels propos sont difficiles à entendre…

Les moyens pour accompagner le développement de Mayotte existent donc mais, pour redresser les finances publiques, l'État s'appuie sur les collectivités les plus en retard pour faire des économies et en financer d'autres – je fais allusion, en particulier, aux questions liées à la dotation destinée à Mayotte au titre des fonds européens. Le gouvernement est-il déterminé à nous allouer cette dotation ?

Mme Le Pen a provoqué un débat sur la question de la captation des investissements qui doivent avoir lieu dans l'Est africain. Je me réjouis du positionnement qui a été choisi en faveur de Mayotte. Toutefois, Mayotte demeure inquiète. Le projet de loi 4D présente sans doute des dispositions intéressantes, je pense notamment à la réforme de la loi relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi littoral, qui nous empêche de développer le tourisme. Sans doute les compétences du préfet devront-elle être élargies mais, pour l'essentiel, nous considérons que l'avenir de ce territoire repose d'abord sur le rattrapage économique et social, et la réforme des codes de la santé publique, de la sécurité sociale, du travail, de l'aide sociale et des familles. Nous vous attendons sur ces questions avec beaucoup d'impatience.

Comme je tiens, à ce stade, à vous faire confiance, je m'associe aux vœux de bonheur formulés par nos collègues Lorion et Quentin. Sans doute votre bonheur passe-t-il également par l'adhésion des Mahorais à la politique du Gouvernement !

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La situation sanitaire s'améliorant à la Martinique, il est hautement souhaitable que l'île sorte du dispositif national en vigueur et que des adaptations soient trouvées, en concertation avec le préfet et les élus. Je tenais à relayer cette demande.

Comme vous le savez, les intempéries ont causé des dégâts importants en Martinique. Je vous remercie pour la reconnaissance rapide de l'état de catastrophe naturelle, mais je souhaite appeler votre attention sur la situation des familles, dont certaines sont prises en charge par les centres communaux d'action sociale (CCAS) ou par d'autres dispositifs de solidarité installés par les communes et la collectivité territoriale de Martinique. J'ai rencontré une famille avec des enfants, qui a deux crédits en cours – pour la voiture et la maison – à qui un relogement a été proposé mais le père de famille, les larmes aux yeux, m'a dit qu'il était incapable d'en payer le loyer. De telles situations contribuent à expliquer notre appel au fonds de solidarité.

Je vous demande d'accorder une attention particulière au dossier de l'hôpital de La Trinité, que vous connaissez bien, tant du point de vue de sa reconstruction que des conditions de son fonctionnement, le projet médical devant, quant à lui, être élaboré afin que nous puissions nous prononcer sur les financements. Le bâtiment est dégradé et les conditions d'hospitalisation des patients et d'exercice des professionnels de santé sont problématiques. Quel engagement financier pourriez-vous prendre ? Même si le ministère des solidarités et de la santé est évidemment partie prenante, c'est vous qui êtes notre ministre, et c'est avec vous que nous échangeons beaucoup plus régulièrement.

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Je souhaite également la bienvenue au sein de la délégation à M. le député Philippe Naillet et je salue d'ores et déjà son engagement en faveur des outre-mer.

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Le dossier de presse du Gouvernement de mai 2020 consacré aux mesures d'urgence en faveur des collectivités territoriales souligne que : « Pour la première fois, l'État financera intégralement une clause de sauvegarde pour les principales recettes du bloc communal. » Vous y annoncez la création d'une garantie de l'État estimée à 750 millions. Or vous savez que les conséquences financières liées à la crise sanitaire ne sont pas les mêmes pour toutes les collectivités et, en particulier, celles des outre-mer, dont les recettes sont essentiellement assises sur la fiscalité indirecte.

À La Réunion, nous escomptions que l'octroi de mer rapporterait 336 millions de recettes pour 2020 ; ce sera probablement autour de 280 millions. De même, les recettes de la taxe sur les carburants devraient baisser en raison du premier confinement.

L'Association des maires du département de La Réunion vous a alerté sur le mode de calcul résultant du PLFR3, qui fonde la compensation des pertes sur la moyenne de 2017-2018-2019. Or l'octroi de mer est une recette dynamique, et une telle moyenne revient à se fonder sur la recette de 2018, au lieu de compenser les pertes de recettes une à une. En conséquence, les pertes seront certes neutralisées mais nous nous attendions plutôt à une évolution dynamique des recettes. De même, selon les modalités de calcul prévues, la ville de Saint-Denis perdra environ 10 % des recettes de 2020. Tiendrez-vous l'engagement gouvernemental de soutenir pleinement les collectivités locales d'outre-mer ?

Ma deuxième question concerne le Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) : soutenez-vous le mode de calcul que nous proposons visant à passer d'une péréquation locale à une péréquation nationale ?

Enfin, je vous ai adressé un courrier sur le statut des citoyens qui participent aux travaux de l'Observatoire des prix, des marges et des revenus (OPMR). Il importe de tenir l'engagement de votre prédécesseure, Mme Girardin car, chacun peut en convenir, une telle participation est nécessaire et pertinente.

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Sébastien Lecornu, ministre

Monsieur Naillet, nous travaillons aux décrets d'application du PLFR3 concernant le filet de secours des recettes. C'est la première fois qu'un tel dispositif est proposé. Sans vouloir « vendre » l'action du gouvernement et des parlementaires de la majorité, je vous renvoie aux choix qui avaient été faits à la suite de la crise économique et financière de 2008 de faire jouer le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), etc. En l'occurrence, nous avons imaginé un truc dont la générosité peut d'ailleurs susciter des interrogations chez certains contribuables : l'État se substitue à une fiscalité qui n'a pas été prélevée sur de la richesse qui n'a pas été créée – ce n'est pas banal ! Le Président de la République et Édouard Philippe m'avaient demandé de travailler à un tel dispositif ; je l'avais mis en œuvre sans oublier les collectivités d'outre-mer.

Je vous rassure, l'octroi de mer, comme le Fonds régional pour le développement et l'emploi (FRDE), est intégré dans le calcul du filet de secours pour les recettes. Nous n'avons pas oublié cette particularité des outre-mer.

Il s'agit d'une compensation moyenne par rapport à une perte. Si la collectivité se porte bien, le calcul ne sera pas le même que si la perte est brutale. Vous avez donné un chiffre concernant Saint-Denis. Je n'ai pas ici le détail mais, lorsque les calculs seront effectifs, nous devrons prendre le temps, avec les parlementaires, pour expliquer leur élaboration et pour que vous, qui avez voté la loi, puissiez expliquer ce qu'il en est aux collectivités territoriales concernées dans vos circonscriptions. Personne n'a jamais voulu une compensation à l'euro près : il a toujours été question d'une moyenne.

Le sénateur Georges Patient est un bon connaisseur des questions concernant le FPIC. Je demande aux parlementaires et aux élus locaux d'outre-mer de faire le calcul pour savoir si le passage d'un FPIC local à un FPIC national serait vraiment intéressant. Le FPIC dispose d'une dotation nationale de 1 milliard. Vous savez que nombre de situations sont figées, que nombre d'élus locaux souhaiteraient des évolutions, comme pour le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ou pour les règles de calcul de la Dotation globale de fonctionnement (DGF). Or, à chaque fois que l'on assure vouloir bouger, que l'on réunit tout le monde autour de la table, on s'aperçoit que les perdants sont si nombreux que personne ne veut plus rien faire. C'est un sujet sur lequel le Comité des finances locales (CFL) doit travailler.

De surcroît, tout cela emporterait des conséquences pour des communes dont les recettes liées aux FPIC ou à la DGF ont déjà varié parce que le périmètre des intercommunalités ou le champ des compétences ont varié. Nous devons donc prendre garde. Si des parlementaires souhaitent s'investir sur ces sujets, sur les contrats Patient-Cazeneuve, ils recevront de ma part un accueil favorable.

S'agissant du statut des citoyens participant à l'OPMR, je n'ai pas de réponse mais je vérifierai ce qu'il en est. Le ministère des outre-mer est l'un des rares où il faut être bon en tout et connaître aussi bien les questions régaliennes qu'environnementales ou économiques ! Je vous apporterai donc une réponse écrite.

Madame Kéclard-Mondésir, j'ai longuement évoqué votre territoire dans mon propos introductif : dengue, covid, graves intempéries, nous pouvons avoir une pensée particulière pour les Martiniquaises et les Martiniquais.

J'ai déjà vendu la mèche sur la sortie du confinement : je souhaite une progressivité et une adaptation à la situation sanitaire locale. Nous le devons aux acteurs économiques, aux maires, à ceux qui ont organisé le confinement. Le préfet de la Martinique apportera des précisions très bientôt. Je me suis moi-même invité hier soir à une réunion de maires en visio-conférence pour prendre la température. Il faut faire de la pédagogie sur le taux d'incidence, commune par commune, et être intraitable sur le port du masque, enjeu d'autant plus important que les fêtes de fin d'année approchent.

Je crois, madame Kéclard-Mondésir, que vous serez bientôt reçue par les services du ministre de la solidarité et de la santé pour évoquer la situation de l'hôpital de La Trinité. Des discussions sont en cours entre nos deux ministères. Les enjeux sanitaires sont, en effet, importants pour le nord de la Martinique et nous devrons reparler des outils et des financements qui peuvent être mobilisés pour les volets sanitaire et immobilier. Le plan « Séisme Antilles » bénéficiant de nouveaux fonds à travers le plan de relance, ces derniers peuvent également servir à l'adaptation de la structure du bâti hospitalier. Nous devrons rapidement faire un tour de table sur le volet financier.

Le directeur général de l'ARS a reçu pour instruction de finaliser dans les meilleurs délais le projet médical autour du centre hospitalier. Mon ministère observe la situation de très près.

À Mayotte, les résultats de l'opération dite Shikandra ont été plus qu'encourageants en 2019 : mobilisation des services de l'État en mer, des forces armées, des forces de sécurité intérieure, augmentation des effectifs depuis cinq ans, organisation de la police en directions territoriales afin de réorienter ses missions autour des reconduites à la frontière et des mesures d'éloignement. Les manœuvres diplomatiques sont également importantes avec le voisin, comme le sait le député Kamardine, qui suit ces questions de très près.

L'épidémie de covid a cassé l'élan de la fin 2019. L'enjeu, à mes yeux, est donc de relancer très vite la dynamique de Shikandra, modèle qui fonctionne bien et, le cas échéant, de la compléter avec l'utilisation des forces en fonction des besoins – il en a été question lors des assises de la sécurité à Mayotte et il en sera encore question à l'occasion de notre déplacement avec le ministre de l'intérieur et, peut-être, ultérieurement, de celui du garde des sceaux. Les enjeux sont importants en matière pénale et judiciaire mais, aussi, d'octroi de la nationalité. Plusieurs évolutions ont d'ores et déjà eu lieu pendant ce quinquennat mais le ministre de l'intérieur et moi-même restons ouverts à d'autres initiatives de différenciations sur le territoire de Mayotte. Notre visite, monsieur Kamardine, monsieur Quentin, sera l'occasion d'y travailler plus précisément.

Les derniers chiffres de l'opération Shikandra sont connus ; au besoin, nous pourrons à nouveau les publier. Cela participe à l'indispensable durcissement de la réponse de l'État. Je ne banalise pas les questions migratoires à Mayotte : elles sont difficiles à traiter, mais j'entends bien les traiter en apportant une réponse du plus haut niveau de l'État – c'est la commande du Premier ministre et du Président de la République.

L'interpellation du député Kamardine est la bonne : qui doit exercer quelle compétence ? Les questions d'ingénierie sont parfois redoutablement complexes. Les collectivités territoriales doivent-elles récupérer certaines compétences au moment où d'autres sont recentralisées, comme le paiement du RSA ? Il faut partir du citoyen contribuable, usager des services publics, et se référer au principe de subsidiarité pour répondre à la question « qui est le mieux placé pour lui rendre le service ? ».

Il faut évaluer les compétences déjà transférées : quelles sont celles convenablement exercées par le conseil départemental ? Quelles sont celles pour lesquelles le conseil départemental nécessite un coup de main ou un accompagnement ? À l'inverse, quelles sont celles qui n'auraient pas dû être transférées, comme le paiement du RSA ? Nous avons échangé avec le député Kamardine dans la perspective des dix ans de la départementalisation. Je suis d'accord avec lui, se relancer dans des conversations institutionnelles n'aurait pas de sens au moment où nous devons parler d'ordre public, de sécurité publique, d'éducation, de développement économique, de transition écologique... Si le territoire le demande, évidemment, je serai à son écoute, mais ce serait une perte de temps.

Vous avez pris votre plume pour répondre à mon courrier. Des différenciations sont possibles, mais pas uniquement sur le plan institutionnel ; on peut en trouver dans l'organisation des pouvoirs publics – par exemple, la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) a été transformée en direction territoriale de la police nationale (DTPN). Je ne veux pas dévoiler les annonces que nous pourrions faire lorsque nous nous rendrons à Mayotte, mais on voit bien également que l'organisation des forces de gendarmerie peut être revue par simple voie d'instruction plutôt qu'institutionnelle, comme celle de l'aide sociale à l'enfance. La position géographique particulière de Mayotte, les phénomènes migratoires complexes et singuliers qui y ont cours permettraient de l'envisager.

Sur les fonds européens, l'État ne fait pas de d'économie à Mayotte, monsieur Kamardine. Du reste, en tant que ministre en charge des collectivités territoriales, j'avais pris la décision d'augmenter la solidarité entre les communes de sorte que la DGF augmente pour toutes les communes de Mayotte. C'est bien le signe que la solidarité nationale produit ses effets.

Parle-t-on des crédits de paiement ou des éléments de programmation ? Il est compliqué de vous transmettre un montant définitif puisque l'enveloppe globale est toujours en cours de négociation. Deux chiffres sont intéressants : entre 2014 et 2020, nous avons réussi à dépenser 229 millions d'euros ; pour la programmation 2021-2027, on parle de 450 millions d'euros, soit une hausse de 110 %. On peut certes ne raisonner qu'en autorisations d'engagement, mais je pense que c'est l'argent effectivement dépensé qui intéresse le monde économique local et nos concitoyens. Nous pourrons l'évoquer lors de mon déplacement.

À ces crédits s'ajoutent ceux du plan de relance européen REACT-EU. Il va donc falloir analyser les deux enveloppes mais surtout prendre tous les projets, un par un, et construire des plans de financement afin de vérifier comment les sommes sont ventilées. Les différents degrés de maturité des projets devraient le permettre. Je l'appelle de mes vœux.

S'agissant des routes, faut-il envisager des différenciations, territoire par territoire, voire tronçon par tronçon ? Pour être honnête, je n'ai pas d'avis.

Monsieur Quentin, la différence entre la dengue et le covid, c'est que les autorités sanitaires, les élus locaux et la population vivent avec la dengue depuis plusieurs années. Les gestes de protection, les insecticides à utiliser et les bons réflexes sont connus. C'est moins vrai avec le covid. Comment l'a-t-on intégré ? En Martinique, la décision de reconfinement a été prise après analyse des statistiques relatives au covid, mais également projection des malades potentiels de la dengue, en répondant à la question suivante : comment le système hospitalier peut-il tenir bon en tenant compte de ces derniers, en plus de ceux du covid ?

Je retiens votre remarque sur l'état-civil ; le sujet sera également au menu de mon déplacement avec le garde des sceaux.

Messieurs Quentin et Kamardine, sur Mayotte, j'espère que vous m'excuserez de ne pas être rentré plus dans les détails, mais je n'en ai plus le temps.

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Serait-il envisageable que le ministère des outre-mer conçoive un vade-mecum recensant toutes les aides allouées par l'État, comme il en existe sur le site du ministère de l'économie ? Cela permettrait à nos concitoyens de savoir, par exemple, que les caisses de retraite complémentaires peuvent allouer une aide de 2 000 euros aux sinistrés de catastrophes naturelles ou aux branches professionnelles. Il est beaucoup plus facile pour un ministère que pour un député de réaliser ce recensement, qui nous serait très utile et que nous pourrions diffuser auprès des collectivités et de nos concitoyens en circonscription.

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Sébastien Lecornu, ministre

Je ne suis pas contre, mais il faut être attentif à ne pas être redondant et produire des documents numériques facilement modifiables – à chaque fois que vous adoptez un amendement, les mécanismes des aides peuvent évoluer et c'est beaucoup plus fréquent qu'on ne le croit ! Nous pourrions éventuellement envisager un partenariat avec les différentes chambres consulaires afin de produire un document vivant et répondant aux besoins.

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Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Je retiens que la déclinaison du plan de relance est en avance dans les outre-mer ; j'en suis très satisfait. Autre point appréciable, vous êtes allé bien plus rapidement qu'en 2017 concernant l'état de catastrophe naturelle. Cela facilitera l'indemnisation.

Je note également que le projet de loi 4D sera le dernier véhicule législatif permettant de disposer d'un espace « dodu » pour les outre-mer. C'est aussi la dernière loi évaluable avant la fin du quinquennat : chacun des membres de la délégation mesure l'importance d'y consacrer des mesures significatives.

Je relève votre sensibilité naturelle pour les zones non interconnectées et vous veillerez à ce qu'il n'y ait pas de rupture d'égalité en matière de transition écologique.

Enfin, nous prenons bonne note de votre ouverture pour recentraliser la gestion du RSA en Guadeloupe, dans la mesure où le territoire en ferait la demande.

La réunion s'est achevée à 17 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Ramlati Ali, Mme Stéphanie Atger, Mme Nathalie Bassire, Mme Justine Benin, M. Moetai Brotherson, Mme Annie Chapelier, M. Stéphane Claireaux, M. Philippe Dunoyer, M. Hubert Julien-Laferrière, M. Mansour Kamardine, Mme Manuéla Kéclard-Mondésir, Mme Karine Lebon , M. Serge Letchimy, M. David Lorion, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, Mme Sophie Panonacle, M. Didier Quentin, M. Alain Ramadier, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Olivier Serva, M. Gabriel Serville, Mme Laurence Trastourt-Isnart, M. Guillaume Vuilletet.

Excusés. – Mme Françoise Dumas.