Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 15h00
Délégation aux outre-mer

Sébastien Lecornu, ministre :

Monsieur Naillet, nous travaillons aux décrets d'application du PLFR3 concernant le filet de secours des recettes. C'est la première fois qu'un tel dispositif est proposé. Sans vouloir « vendre » l'action du gouvernement et des parlementaires de la majorité, je vous renvoie aux choix qui avaient été faits à la suite de la crise économique et financière de 2008 de faire jouer le Fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), etc. En l'occurrence, nous avons imaginé un truc dont la générosité peut d'ailleurs susciter des interrogations chez certains contribuables : l'État se substitue à une fiscalité qui n'a pas été prélevée sur de la richesse qui n'a pas été créée – ce n'est pas banal ! Le Président de la République et Édouard Philippe m'avaient demandé de travailler à un tel dispositif ; je l'avais mis en œuvre sans oublier les collectivités d'outre-mer.

Je vous rassure, l'octroi de mer, comme le Fonds régional pour le développement et l'emploi (FRDE), est intégré dans le calcul du filet de secours pour les recettes. Nous n'avons pas oublié cette particularité des outre-mer.

Il s'agit d'une compensation moyenne par rapport à une perte. Si la collectivité se porte bien, le calcul ne sera pas le même que si la perte est brutale. Vous avez donné un chiffre concernant Saint-Denis. Je n'ai pas ici le détail mais, lorsque les calculs seront effectifs, nous devrons prendre le temps, avec les parlementaires, pour expliquer leur élaboration et pour que vous, qui avez voté la loi, puissiez expliquer ce qu'il en est aux collectivités territoriales concernées dans vos circonscriptions. Personne n'a jamais voulu une compensation à l'euro près : il a toujours été question d'une moyenne.

Le sénateur Georges Patient est un bon connaisseur des questions concernant le FPIC. Je demande aux parlementaires et aux élus locaux d'outre-mer de faire le calcul pour savoir si le passage d'un FPIC local à un FPIC national serait vraiment intéressant. Le FPIC dispose d'une dotation nationale de 1 milliard. Vous savez que nombre de situations sont figées, que nombre d'élus locaux souhaiteraient des évolutions, comme pour le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) ou pour les règles de calcul de la Dotation globale de fonctionnement (DGF). Or, à chaque fois que l'on assure vouloir bouger, que l'on réunit tout le monde autour de la table, on s'aperçoit que les perdants sont si nombreux que personne ne veut plus rien faire. C'est un sujet sur lequel le Comité des finances locales (CFL) doit travailler.

De surcroît, tout cela emporterait des conséquences pour des communes dont les recettes liées aux FPIC ou à la DGF ont déjà varié parce que le périmètre des intercommunalités ou le champ des compétences ont varié. Nous devons donc prendre garde. Si des parlementaires souhaitent s'investir sur ces sujets, sur les contrats Patient-Cazeneuve, ils recevront de ma part un accueil favorable.

S'agissant du statut des citoyens participant à l'OPMR, je n'ai pas de réponse mais je vérifierai ce qu'il en est. Le ministère des outre-mer est l'un des rares où il faut être bon en tout et connaître aussi bien les questions régaliennes qu'environnementales ou économiques ! Je vous apporterai donc une réponse écrite.

Madame Kéclard-Mondésir, j'ai longuement évoqué votre territoire dans mon propos introductif : dengue, covid, graves intempéries, nous pouvons avoir une pensée particulière pour les Martiniquaises et les Martiniquais.

J'ai déjà vendu la mèche sur la sortie du confinement : je souhaite une progressivité et une adaptation à la situation sanitaire locale. Nous le devons aux acteurs économiques, aux maires, à ceux qui ont organisé le confinement. Le préfet de la Martinique apportera des précisions très bientôt. Je me suis moi-même invité hier soir à une réunion de maires en visio-conférence pour prendre la température. Il faut faire de la pédagogie sur le taux d'incidence, commune par commune, et être intraitable sur le port du masque, enjeu d'autant plus important que les fêtes de fin d'année approchent.

Je crois, madame Kéclard-Mondésir, que vous serez bientôt reçue par les services du ministre de la solidarité et de la santé pour évoquer la situation de l'hôpital de La Trinité. Des discussions sont en cours entre nos deux ministères. Les enjeux sanitaires sont, en effet, importants pour le nord de la Martinique et nous devrons reparler des outils et des financements qui peuvent être mobilisés pour les volets sanitaire et immobilier. Le plan « Séisme Antilles » bénéficiant de nouveaux fonds à travers le plan de relance, ces derniers peuvent également servir à l'adaptation de la structure du bâti hospitalier. Nous devrons rapidement faire un tour de table sur le volet financier.

Le directeur général de l'ARS a reçu pour instruction de finaliser dans les meilleurs délais le projet médical autour du centre hospitalier. Mon ministère observe la situation de très près.

À Mayotte, les résultats de l'opération dite Shikandra ont été plus qu'encourageants en 2019 : mobilisation des services de l'État en mer, des forces armées, des forces de sécurité intérieure, augmentation des effectifs depuis cinq ans, organisation de la police en directions territoriales afin de réorienter ses missions autour des reconduites à la frontière et des mesures d'éloignement. Les manœuvres diplomatiques sont également importantes avec le voisin, comme le sait le député Kamardine, qui suit ces questions de très près.

L'épidémie de covid a cassé l'élan de la fin 2019. L'enjeu, à mes yeux, est donc de relancer très vite la dynamique de Shikandra, modèle qui fonctionne bien et, le cas échéant, de la compléter avec l'utilisation des forces en fonction des besoins – il en a été question lors des assises de la sécurité à Mayotte et il en sera encore question à l'occasion de notre déplacement avec le ministre de l'intérieur et, peut-être, ultérieurement, de celui du garde des sceaux. Les enjeux sont importants en matière pénale et judiciaire mais, aussi, d'octroi de la nationalité. Plusieurs évolutions ont d'ores et déjà eu lieu pendant ce quinquennat mais le ministre de l'intérieur et moi-même restons ouverts à d'autres initiatives de différenciations sur le territoire de Mayotte. Notre visite, monsieur Kamardine, monsieur Quentin, sera l'occasion d'y travailler plus précisément.

Les derniers chiffres de l'opération Shikandra sont connus ; au besoin, nous pourrons à nouveau les publier. Cela participe à l'indispensable durcissement de la réponse de l'État. Je ne banalise pas les questions migratoires à Mayotte : elles sont difficiles à traiter, mais j'entends bien les traiter en apportant une réponse du plus haut niveau de l'État – c'est la commande du Premier ministre et du Président de la République.

L'interpellation du député Kamardine est la bonne : qui doit exercer quelle compétence ? Les questions d'ingénierie sont parfois redoutablement complexes. Les collectivités territoriales doivent-elles récupérer certaines compétences au moment où d'autres sont recentralisées, comme le paiement du RSA ? Il faut partir du citoyen contribuable, usager des services publics, et se référer au principe de subsidiarité pour répondre à la question « qui est le mieux placé pour lui rendre le service ? ».

Il faut évaluer les compétences déjà transférées : quelles sont celles convenablement exercées par le conseil départemental ? Quelles sont celles pour lesquelles le conseil départemental nécessite un coup de main ou un accompagnement ? À l'inverse, quelles sont celles qui n'auraient pas dû être transférées, comme le paiement du RSA ? Nous avons échangé avec le député Kamardine dans la perspective des dix ans de la départementalisation. Je suis d'accord avec lui, se relancer dans des conversations institutionnelles n'aurait pas de sens au moment où nous devons parler d'ordre public, de sécurité publique, d'éducation, de développement économique, de transition écologique... Si le territoire le demande, évidemment, je serai à son écoute, mais ce serait une perte de temps.

Vous avez pris votre plume pour répondre à mon courrier. Des différenciations sont possibles, mais pas uniquement sur le plan institutionnel ; on peut en trouver dans l'organisation des pouvoirs publics – par exemple, la direction départementale de la sécurité publique (DDSP) a été transformée en direction territoriale de la police nationale (DTPN). Je ne veux pas dévoiler les annonces que nous pourrions faire lorsque nous nous rendrons à Mayotte, mais on voit bien également que l'organisation des forces de gendarmerie peut être revue par simple voie d'instruction plutôt qu'institutionnelle, comme celle de l'aide sociale à l'enfance. La position géographique particulière de Mayotte, les phénomènes migratoires complexes et singuliers qui y ont cours permettraient de l'envisager.

Sur les fonds européens, l'État ne fait pas de d'économie à Mayotte, monsieur Kamardine. Du reste, en tant que ministre en charge des collectivités territoriales, j'avais pris la décision d'augmenter la solidarité entre les communes de sorte que la DGF augmente pour toutes les communes de Mayotte. C'est bien le signe que la solidarité nationale produit ses effets.

Parle-t-on des crédits de paiement ou des éléments de programmation ? Il est compliqué de vous transmettre un montant définitif puisque l'enveloppe globale est toujours en cours de négociation. Deux chiffres sont intéressants : entre 2014 et 2020, nous avons réussi à dépenser 229 millions d'euros ; pour la programmation 2021-2027, on parle de 450 millions d'euros, soit une hausse de 110 %. On peut certes ne raisonner qu'en autorisations d'engagement, mais je pense que c'est l'argent effectivement dépensé qui intéresse le monde économique local et nos concitoyens. Nous pourrons l'évoquer lors de mon déplacement.

À ces crédits s'ajoutent ceux du plan de relance européen REACT-EU. Il va donc falloir analyser les deux enveloppes mais surtout prendre tous les projets, un par un, et construire des plans de financement afin de vérifier comment les sommes sont ventilées. Les différents degrés de maturité des projets devraient le permettre. Je l'appelle de mes vœux.

S'agissant des routes, faut-il envisager des différenciations, territoire par territoire, voire tronçon par tronçon ? Pour être honnête, je n'ai pas d'avis.

Monsieur Quentin, la différence entre la dengue et le covid, c'est que les autorités sanitaires, les élus locaux et la population vivent avec la dengue depuis plusieurs années. Les gestes de protection, les insecticides à utiliser et les bons réflexes sont connus. C'est moins vrai avec le covid. Comment l'a-t-on intégré ? En Martinique, la décision de reconfinement a été prise après analyse des statistiques relatives au covid, mais également projection des malades potentiels de la dengue, en répondant à la question suivante : comment le système hospitalier peut-il tenir bon en tenant compte de ces derniers, en plus de ceux du covid ?

Je retiens votre remarque sur l'état-civil ; le sujet sera également au menu de mon déplacement avec le garde des sceaux.

Messieurs Quentin et Kamardine, sur Mayotte, j'espère que vous m'excuserez de ne pas être rentré plus dans les détails, mais je n'en ai plus le temps.

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