J'ai rédigé deux rapports en 2016 et en 2017 au moment de la négociation de ce qui va devenir la directive 2019/790 du 17 avril 2019. Je ne sais pas si je serai en mesure de vous apporter de nouveaux éléments.
Comme vous m'y invitez, je vais m'efforcer de remettre ce sujet du droit voisin des éditeurs de presse en perspective. Il est né au tout début des années 2010 avec la multiplication des plateformes, des réseaux sociaux et des moteurs de recherche, captant non pas l'intégralité des publications de presse mais des extraits.
Dès 2013, une réflexion a été lancée sur le droit voisin des éditeurs de presse. Cette question ne s'est pas posée pour les publications papiers, les éditeurs étant cessionnaires des droits d'auteur des articles pour l'ensemble de la publication. Elle est née avec l'intensification de l'utilisation délinéarisée des articles de presse et aurait pu aboutir à un projet de loi sur le droit voisin des éditeurs de presse. Ce texte n'a pas prospéré car les éditeurs ont négocié directement avec Google une enveloppe de 60 millions d'euros sur 3 ans pour financer un certain nombre d'investissements, le Fonds Google.
Le droit voisin des éditeurs de presse est la contrepartie, dans le droit français de la propriété littéraire et artistique, des investissements consentis pour la rédaction des articles, mais aussi pour des investissements techniques, liés à la création des sites de presse en ligne. Les producteurs de phonogrammes et les producteurs audiovisuels bénéficient déjà de ce droit voisin.
Je m'exprime ici à titre personnel. La volonté d'inscrire dans les textes ce droit voisin est revenue parce que les éditeurs de presse se sont finalement sentis floués par l'accord négocié en 2013, tant sur son montant que sur son principe, puisque le Fonds Google s'est transformé en fonds européen, avec beaucoup plus de bénéficiaires.
J'ai rédigé deux rapports, le premier sur le principe même du droit voisin, le second sur le traitement des extraits et des titres des articles de presse.
Vous connaissez parfaitement la chronologie des négociations des éditeurs de presse avec Google ou Facebook et les recours devant l'Autorité de la concurrence. Le droit voisin a prospéré tant dans l'article 15 de la directive européenne que dans la loi française. Vous êtes les mieux placés pour savoir que la France a été la première à transposer la directive et qu'à ce jour peu de pays l'ont fait. La Commission européenne a envoyé une mise en demeure à 23 pays en juillet dernier pour absence de transposition de cette directive. Cette situation interroge l'implication de nos partenaires.
Vous avez reçu la SACEM et vous avez pu constater que la mise en place de l'organisme de gestion collective (OGC) était délicate et qu'elle ne traduit pas l'unité des différentes familles de presse sur la manière d'appréhender ce droit voisin.
Enfin, se posent la question du partage de ce droit avec les journalistes et celle de l'implication des agences de presse que les décisions récentes de l'Autorité de la concurrence ont confortées.