. Je vous remercie de nous entendre. Vous avez reçu la Fédération française des agences de presse et ses dirigeants vous ont expliqué qu'ils n'avaient pas eu les moyens de se porter partie devant l'Autorité de la concurrence. Ce rôle a été joué par l'AFP et il est consommateur d'énergie et de moyens, notamment de frais d'avocats.
L'AFP s'est beaucoup mobilisée dans ce combat pour la valeur de l'information. Au moment de l'élaboration de la directive, nous avons veillé, auprès des services de la Commission européenne, à ce que les agences soient pleinement éligibles au droit voisin. Nous nous sommes également mobilisés au moment du vote de la directive au Parlement européen, vote qui a été serré. Les acteurs du dossier reconnaissent le rôle joué par l'AFP, notamment à travers la tribune publiée par notre chef de bureau à Bagdad, Sammy Ketz, qui a réveillé les consciences. Il a fait le lien entre la paupérisation des rédactions et le coût du journalisme de terrain, ce que le vice-président de Google News m'a reproché quand je l'ai rencontré à Moutain View. Enfin, nous nous sommes portés partie plaignante, aux côtés de l'APIIG et du SEPN, devant l'Autorité de la concurrence. Notre argumentation juridique a été intégralement retenue par l'Autorité. Pour construire notre argumentaire, nous sommes appuyés sur les travaux parlementaires. Ils ont permis d'éclairer le débat et d'asseoir la décision de l'Autorité de la concurrence.
Par rapport aux autres agences, l'AFP dispose d'un périmètre mondial. Nous avons ouvert des discussions avec Google avec l'objectif de conclure un accord global. Ces négociations ont démarré avant l'été 2020 comme celles des éditeurs. Dès l'automne 2020, nous aurions pu signer un contrat dont le montant nous convenait, mais c'était un contrat purement commercial. Certains éditeurs de presse ont accepté ce type de contrat mais nous n'avons pas souhaité poursuivre, parce qu'il ne reconnaissait pas le droit voisin de l'AFP. Des discussions constructives se sont poursuivies tout au long du premier semestre 2021. Nous sommes parvenus à un pré-accord qui a fait l'objet d'une communication la veille de la décision de l'Autorité de la concurrence. Nous nous sommes mis d'accord sur une architecture d'ensemble du contrat et sur un montant.
Le contrat comporte une composante commerciale et une composante de droits voisins qui couvre l'ensemble de l'Union européenne. Il était cependant mélangé à un autre contrat d'images et c'est la raison pour laquelle il n'a pas encore été signé. Quand nous le signerons prochainement, nous serons les premiers à disposer d'un contrat de droits voisins avec un montant associé.
Google a déposé un recours contre la décision de l'Autorité de la concurrence, ce qui complique le bouclage des négociations, même si la décision de l'Autorité a conforté les positions de l'agence. Il a voulu détourer le contrat de licence de contenu de sa partie images et nous proposer de nous adresser des données afin que la négociation soit comparable à celles qu'il mène avec d'autres acteurs. Nous avons récusé cette proposition parce que nous considérons que nous ne ressemblons à aucun autre acteur de l'écosystème français. Nous sommes les seuls à avoir une présence mondiale et ce que nous négocions ne peut pas être un élément de comparaison.
Les négociations se poursuivent et l'équipe de négociation tient bon. Nous avons le souci de respecter l'engagement de nombreux parlementaires européens et nationaux sur l'idée qu'il fallait un contrat de droits voisins et non un contrat au contenu mal défini. J'espère que ces négociations aboutiront dans les prochains jours, même si tous les sujets sont prétextes à rediscussion et appellent une vigilance constante.
Vous avez évoqué les difficultés des agences. De nombreux observateurs considèrent que les agences ont un modèle économique complexe qui est remis en question mais l'AFP se porte bien. Elle a redressé ses comptes, c'est ce qui lui permit de tenir bon pendant les négociations. Nous aurions pu conclure un accord commercial en octobre 2020 et nous l'aurions sans doute fait si nos pertes avaient été importantes. Je n'ai pas besoin de ce contrat de droits voisins pour afficher de la croissance et des résultats positifs dans la durée.
L'AFP se bat pour des principes. Pour autant, cet argent nous permettra d'accélérer notre désendettement et de redistribuer, comme le prévoit la loi, une partie de cette valeur auprès des journalistes et peut-être au-delà. Enfin, je suis conscient que le monde des médias traverse une période très difficile. Notre santé dépend de celle de nos clients, qui souffrent et qui sont exposés à la crise de la publicité. Notre négociation est totalement distincte de celle des éditeurs mais nous avons intérêt à ce que l'écosystème de la presse puisse en bénéficier.