Dans ma présentation, qui sera très succincte, j'évoquerai notamment nos attentes, puis je laisserai la parole à Arnaud Monnier, qui, accompagné de ses équipes, a discuté au quotidien avec les différents éditeurs de presse, les associations ainsi qu'avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) dans le cadre de la préfiguration de l'organisme de gestion collective (OGC).
Nous devrions pouvoir vous transmettre au début de la semaine prochaine les réponses écrites au questionnaire que vous nous avez communiqué – nous sommes en train de vérifier avec nos équipes que tout est en ordre. En tout état de cause, notre objectif est de vous donner le plus d'éclairages possible. N'hésitez donc pas à nous interroger : nous ferons en sorte de vous apporter des réponses aussi précises que possible.
Les échanges entre Google et la presse ont débuté il y a plus de dix ans. Les premières discussions s'étaient conclues par la création du fonds Google pour l'innovation numérique de la presse, dont l'objet était d'aider financièrement la presse à innover afin qu'elle puisse développer par la suite de nouveaux modèles économiques et percevoir des revenus complémentaires. Compte tenu de l'émulation suscitée par cette initiative et du succès de certains projets, ce fonds s'est mué en une structure européenne, puis mondiale.
Entre-temps, la France a transposé, en juillet 2019 – elle a été le premier pays à le faire –, la directive européenne sur le droit d'auteur, notamment sa partie relative à l'application du droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse. Google a été le premier acteur vers lequel les éditeurs de presse se sont tournés : de ce fait, nous avons essuyé les plâtres. Nous avons dû appliquer la loi, avec pour seuls éléments ceux qui figuraient dans cette loi, d'une part, dans les débats européens et les débats législatifs français, d'autre part.
Nous avons ainsi été confrontés à de véritables difficultés. La première d'entre elles est liée à l'exception des « courts extraits ». Nous avons décidé d'écarter la question de savoir si le titre, la petite image, parfois l'extrait d'article que vous voyez apparaître lorsque vous faites une recherche dans Google, entraient ou pas dans le périmètre de la loi. Cette question se pose, mais nous ne connaissons pas la réponse, et nous ne savons pas qui est en mesure de nous l'apporter.
Le deuxième élément de complexité tient à la définition du périmètre. En effet, la loi vise la réutilisation par une plateforme de contenus provenant de publications de presse, mais nous ignorons quelle est la définition juridique d'un service de presse en ligne. Si la presse d'information politique et générale (IPG) a une définition juridique – sur laquelle est bâtie l'association des acteurs de ce secteur –, tel n'est pas le cas de la presse magazine. Il existe bien une définition, celle de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), mais plus de la moitié des membres du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) n'en relèvent pas. Or, faute d'une telle définition, nous ne pouvons pas délimiter le périmètre de la loi, lequel nous permet de déterminer l'ensemble des revenus, directs et indirects, associés. Cette absence de définition juridique est une des questions sur lesquelles certaines discussions peuvent achopper.
Dernière difficulté : comment devons-nous traiter les agences de presse dont les contenus sont diffusés par des éditeurs de presse avec lesquels elles ont signé un accord ? Si le résultat d'une recherche fait apparaître, par exemple, un article indexé ou un contenu provenant d'une dépêche de l'Agence France presse (AFP), qui, de l'AFP ou de l'éditeur de presse qui a conclu un accord avec cette agence, doit percevoir la rémunération ?
Ces différents éléments ont à l'évidence compliqué la mise en œuvre de la loi, mais nous avons néanmoins avancé par étapes.
Première étape : en janvier 2020, nous avons signé un accord-cadre avec l'Alliance de la presse d'information générale (APIG), représentant l'ensemble de ses membres. Parallèlement, ont été conclus de premiers accords individuels de licence, qui couvrent le paiement du droit voisin – les représentants de certains des éditeurs avec lesquels nous avons conclu ce type d'accords ont été auditionnés par votre mission d'information.
La mise en œuvre de l'accord-cadre a été suspendue, l'Autorité de la concurrence nous demandant de clarifier certains points. De fait, celle-ci a rendu, le 12 juillet, une décision qui nous a apporté des précisions que nous n'avions pas obtenues au préalable ; je pense à la liste exacte des données que l'Autorité attendait de nous, à la délimitation du périmètre ou à des précisions concernant les agences de presse. Autant de réponses qui ne se trouvent pas dans la loi et que nous n'avions pas pu obtenir dans le cadre de nos échanges bilatéraux avec les services de l'Autorité puisque, une procédure étant en cours, elle n'était pas en mesure d'apporter une réponse ferme à chacune de nos questions.
Malgré ces interrogations juridiques, nous avons décidé d'avancer. Nous avons ainsi récemment conclu avec l'AFP un accord qui couvre, pour une durée de cinq années, le droit voisin dans tous les pays européens.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Deux discussions sont en cours. La première a pour objet de mettre à jour et d'ajuster le contrat signé avec l'APIG, afin de clarifier, dans l'accord-cadre, le périmètre du droit voisin – nous espérons qu'elle aboutira rapidement.
La seconde discussion a lieu avec le SEPM ; elle progresse. L'une des difficultés tient à la délimitation précise du périmètre. Compte tenu de notre importance sur le marché, nous sommes tenus – l'Autorité de la concurrence l'a rappelé – d'avoir une approche non discriminatoire et qui repose sur des critères objectifs : nous devons traiter de la même manière l'ensemble des éditeurs de presse. Des différences de traitement sont possibles, mais elles doivent être objectivées. À cet égard, la CPPAP nous fournit un critère objectif, qui repose sur la loi. S'agissant du SEPM, le problème tient au fait que, si l'on retient comme critère l'adhésion à une association, on se prive d'un élément objectif : du fait de notre position, un éditeur serait tenu d'adhérer à l'association pour bénéficier du mécanisme de paiement du droit voisin. Il est donc important pour nous de trouver une définition.
Pour conclure, les précisions qui nous ont été apportées par l'Autorité de la concurrence nous ont permis, d'une part, de débloquer certaines situations et d'envisager la conclusion – prochaine, nous l'espérons – d'un accord avec ces deux associations, d'autre part, de préparer la suite. Ainsi, nous avons fait, dans le cadre du contentieux, qui est toujours ouvert, différentes propositions d'engagement à l'Autorité de la concurrence – cela sera sans doute rendu public dans les prochains jours. Ces propositions seront bientôt soumises à un test de marché. Il s'agit pour nous non seulement de régler les questions du passé et du présent, mais aussi de mettre au point un certain nombre de pratiques, de définitions, afin de définir un cadre certain pour les discussions à venir avec les éditeurs qui ne seraient pas encore couverts. Par ailleurs, nous avons proposé à l'Autorité que, dans le cas où un désaccord persiste après trois mois de discussion avec un éditeur, il soit possible de recourir à un mécanisme d'arbitrage.