Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 14h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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MISSION D'INFORMATION SUR L'APPLICATION DU DROIT VOISIN AU BÉNÉFICE DES AGENCES, ÉDITEURS ET PROFESSIONNELS DU SECTEUR DE LA PRESSE

Mercredi 1er décembre 2021

La séance est ouverte à quatorze heures cinq.

(Présidence de Mme Virginie Duby-Muller)

La mission d'information auditionne, à huis clos, M. Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France, M. Benoit Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques, et Mme Floriane Fay, responsable des relations institutionnelles et politiques publiques.

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Nous auditionnons cet après-midi des représentants de Google France, que je remercie de leur présence.

Cette audition se déroule à huis clos, de manière à favoriser une certaine liberté de ton ; elle n'est donc pas retransmise sur le site de l'Assemblée nationale. Je précise cependant que, les internautes ayant exprimé leur frustration de ne pouvoir suivre ces auditions, une table ronde publique sera organisée le 15 décembre, table ronde dont ils pourront éventuellement interroger les participants en direct – l'étude des modalités techniques de leur participation est en cours.

Madame, messieurs, nous ne rappellerons pas l'histoire ni les dernières péripéties de vos discussions avec l'Autorité de la concurrence. Si vous avez suivi l'audition par notre mission d'information des différents éditeurs de presse, vous connaissez leurs attentes et, sinon leur mécontentement, du moins leur regret que certaines discussions n'aillent pas assez vite – vous pourrez nous donner votre sentiment sur ce point. Néanmoins, des accords ont été signés, preuve que la loi s'applique, même imparfaitement.

Notre mission d'information achèvera ses travaux d'ici à la fin de l'année et présentera son rapport au début de l'année prochaine.

Un questionnaire vous a été transmis ; vous pourrez, si vous le souhaitez, nous adresser une contribution écrite. J'ajoute que le compte rendu de cette audition vous sera soumis avant publication.

Avant que nous abordions les questions d'actualité, je souhaiterais que vous exprimiez vos attentes concernant nos travaux. Peut-être nous apprendrez-vous certaines choses, même si, jusqu'à présent, le huis clos ne nous a pas permis de prendre connaissance d'éléments sensibles. Il ne s'agit pas ici de revenir sur le secret des affaires, mais je dois dire que nous sommes un peu restés sur notre faim.

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Benoît Tabaka, directeur des relations institutionnelles et politiques publiques de Google France

Dans ma présentation, qui sera très succincte, j'évoquerai notamment nos attentes, puis je laisserai la parole à Arnaud Monnier, qui, accompagné de ses équipes, a discuté au quotidien avec les différents éditeurs de presse, les associations ainsi qu'avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) dans le cadre de la préfiguration de l'organisme de gestion collective (OGC).

Nous devrions pouvoir vous transmettre au début de la semaine prochaine les réponses écrites au questionnaire que vous nous avez communiqué – nous sommes en train de vérifier avec nos équipes que tout est en ordre. En tout état de cause, notre objectif est de vous donner le plus d'éclairages possible. N'hésitez donc pas à nous interroger : nous ferons en sorte de vous apporter des réponses aussi précises que possible.

Les échanges entre Google et la presse ont débuté il y a plus de dix ans. Les premières discussions s'étaient conclues par la création du fonds Google pour l'innovation numérique de la presse, dont l'objet était d'aider financièrement la presse à innover afin qu'elle puisse développer par la suite de nouveaux modèles économiques et percevoir des revenus complémentaires. Compte tenu de l'émulation suscitée par cette initiative et du succès de certains projets, ce fonds s'est mué en une structure européenne, puis mondiale.

Entre-temps, la France a transposé, en juillet 2019 – elle a été le premier pays à le faire –, la directive européenne sur le droit d'auteur, notamment sa partie relative à l'application du droit voisin au profit des éditeurs et des agences de presse. Google a été le premier acteur vers lequel les éditeurs de presse se sont tournés : de ce fait, nous avons essuyé les plâtres. Nous avons dû appliquer la loi, avec pour seuls éléments ceux qui figuraient dans cette loi, d'une part, dans les débats européens et les débats législatifs français, d'autre part.

Nous avons ainsi été confrontés à de véritables difficultés. La première d'entre elles est liée à l'exception des « courts extraits ». Nous avons décidé d'écarter la question de savoir si le titre, la petite image, parfois l'extrait d'article que vous voyez apparaître lorsque vous faites une recherche dans Google, entraient ou pas dans le périmètre de la loi. Cette question se pose, mais nous ne connaissons pas la réponse, et nous ne savons pas qui est en mesure de nous l'apporter.

Le deuxième élément de complexité tient à la définition du périmètre. En effet, la loi vise la réutilisation par une plateforme de contenus provenant de publications de presse, mais nous ignorons quelle est la définition juridique d'un service de presse en ligne. Si la presse d'information politique et générale (IPG) a une définition juridique – sur laquelle est bâtie l'association des acteurs de ce secteur –, tel n'est pas le cas de la presse magazine. Il existe bien une définition, celle de la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), mais plus de la moitié des membres du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) n'en relèvent pas. Or, faute d'une telle définition, nous ne pouvons pas délimiter le périmètre de la loi, lequel nous permet de déterminer l'ensemble des revenus, directs et indirects, associés. Cette absence de définition juridique est une des questions sur lesquelles certaines discussions peuvent achopper.

Dernière difficulté : comment devons-nous traiter les agences de presse dont les contenus sont diffusés par des éditeurs de presse avec lesquels elles ont signé un accord ? Si le résultat d'une recherche fait apparaître, par exemple, un article indexé ou un contenu provenant d'une dépêche de l'Agence France presse (AFP), qui, de l'AFP ou de l'éditeur de presse qui a conclu un accord avec cette agence, doit percevoir la rémunération ?

Ces différents éléments ont à l'évidence compliqué la mise en œuvre de la loi, mais nous avons néanmoins avancé par étapes.

Première étape : en janvier 2020, nous avons signé un accord-cadre avec l'Alliance de la presse d'information générale (APIG), représentant l'ensemble de ses membres. Parallèlement, ont été conclus de premiers accords individuels de licence, qui couvrent le paiement du droit voisin – les représentants de certains des éditeurs avec lesquels nous avons conclu ce type d'accords ont été auditionnés par votre mission d'information.

La mise en œuvre de l'accord-cadre a été suspendue, l'Autorité de la concurrence nous demandant de clarifier certains points. De fait, celle-ci a rendu, le 12 juillet, une décision qui nous a apporté des précisions que nous n'avions pas obtenues au préalable ; je pense à la liste exacte des données que l'Autorité attendait de nous, à la délimitation du périmètre ou à des précisions concernant les agences de presse. Autant de réponses qui ne se trouvent pas dans la loi et que nous n'avions pas pu obtenir dans le cadre de nos échanges bilatéraux avec les services de l'Autorité puisque, une procédure étant en cours, elle n'était pas en mesure d'apporter une réponse ferme à chacune de nos questions.

Malgré ces interrogations juridiques, nous avons décidé d'avancer. Nous avons ainsi récemment conclu avec l'AFP un accord qui couvre, pour une durée de cinq années, le droit voisin dans tous les pays européens.

Où en sommes-nous aujourd'hui ? Deux discussions sont en cours. La première a pour objet de mettre à jour et d'ajuster le contrat signé avec l'APIG, afin de clarifier, dans l'accord-cadre, le périmètre du droit voisin – nous espérons qu'elle aboutira rapidement.

La seconde discussion a lieu avec le SEPM ; elle progresse. L'une des difficultés tient à la délimitation précise du périmètre. Compte tenu de notre importance sur le marché, nous sommes tenus – l'Autorité de la concurrence l'a rappelé – d'avoir une approche non discriminatoire et qui repose sur des critères objectifs : nous devons traiter de la même manière l'ensemble des éditeurs de presse. Des différences de traitement sont possibles, mais elles doivent être objectivées. À cet égard, la CPPAP nous fournit un critère objectif, qui repose sur la loi. S'agissant du SEPM, le problème tient au fait que, si l'on retient comme critère l'adhésion à une association, on se prive d'un élément objectif : du fait de notre position, un éditeur serait tenu d'adhérer à l'association pour bénéficier du mécanisme de paiement du droit voisin. Il est donc important pour nous de trouver une définition.

Pour conclure, les précisions qui nous ont été apportées par l'Autorité de la concurrence nous ont permis, d'une part, de débloquer certaines situations et d'envisager la conclusion – prochaine, nous l'espérons – d'un accord avec ces deux associations, d'autre part, de préparer la suite. Ainsi, nous avons fait, dans le cadre du contentieux, qui est toujours ouvert, différentes propositions d'engagement à l'Autorité de la concurrence – cela sera sans doute rendu public dans les prochains jours. Ces propositions seront bientôt soumises à un test de marché. Il s'agit pour nous non seulement de régler les questions du passé et du présent, mais aussi de mettre au point un certain nombre de pratiques, de définitions, afin de définir un cadre certain pour les discussions à venir avec les éditeurs qui ne seraient pas encore couverts. Par ailleurs, nous avons proposé à l'Autorité que, dans le cas où un désaccord persiste après trois mois de discussion avec un éditeur, il soit possible de recourir à un mécanisme d'arbitrage.

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

Mon activité consiste à gérer les relations avec l'ensemble de l'écosystème, notamment les partenariats avec les éditeurs de presse. Ces partenariats recouvrent trois types d'action. Premièrement, la monétisation publicitaire : il s'agit d'aider les éditeurs de presse à monétiser leur inventaire publicitaire – c'est notre métier historique. Nous intervenons, dans ce domaine, auprès de la plupart des grands titres, qui tirent de cette activité des revenus importants. Deuxièmement, nous les aidons à développer de nouveaux modèles économiques autour des abonnements. Le Monde a été le premier titre à s'engager dans cette démarche, qui lui a amené 40 % de ses nouveaux abonnés. Enfin, nous travaillons avec les éditeurs à des licences de contenus, qui visent à leur offrir de nouvelles sources de revenus, dont le droit voisin fait partie, parmi d'autres – je pense notamment à Google News Showcase . Notre objectif est de faire en sorte que le modèle économique de la presse soit durable, et cela passe, selon nous, par ces trois éléments.

Au sein de mes équipes, une vingtaine de personnes – en plus de celles qui s'occupent de cette question aux États-Unis – sont mobilisées depuis deux ans pour faire avancer les négociations sur les droits voisins. La première phase des discussions, durant l'été 2020, s'est révélée très compliquée : il fallait, dans le contexte de la pandémie et à distance, appréhender la nouveauté et une matière complexe. Une dizaine d'accords individuels ont été signés à l'issue de cette première phase ; ils couvrent le droit voisin, mais il nous faut encore, pour répondre aux demandes de l'Autorité – c'est ce à quoi nous nous attelons actuellement –, préciser la partie du droit voisin au sein de ces accords et définir de manière transparente l'assiette de la rémunération.

La deuxième phase correspond aux discussions menées avec la presse d'information générale ; elle a débouché sur la signature de l'accord-cadre avec l'APIG, en janvier 2021. Nous avons ensuite tout mis en pause en attendant des éléments plus clairs de la part de l'Autorité de la concurrence – nous avons pu en prendre connaissance en juillet. Nous avons ensuite passé le mois d'août à extraire énormément d'informations, que nous avons partagées avec les éditeurs début septembre. Cela signifie que nous avons envoyé des centaines de rapports, d'une trentaine de pages chacun, sur l'ensemble des affichages et des revenus associés à l'utilisation des contenus.

Depuis septembre, nous sommes en discussion avec les trois plaignants : l'AFP, l'APIG et le SEPM, avec lesquels nos équipes sont en contact tous les jours ; nous participons à des réunions hebdomadaires de suivi des négociations. Nous discutons aussi avec d'autres acteurs – certains broadcasters, des titres de la presse magazine… –, dans la perspective de négociations individuelles, ainsi qu'avec des associations : la Fédération française des agences de presse (FFAP), le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL), la Fédération nationale de la presse d'information spécialisée (FNPS).

S'agissant de l'AFP, un accord a été conclu, ce dont nous nous réjouissons. Pour ce qui est de l'APIG, l'accord est proche. Nous travaillons avec Pierre Louette, le président, et Philippe Carli, chargé des négociations, et l'ensemble du groupe de négociation. Je suis optimiste quant à une prochaine conclusion, car cet accord est bien mieux-disant que celui de janvier 2021. Ce dernier portait à la fois sur ce qu'on appelle les « usages existants » – c'est-à-dire les affichages des contenus de presse, souvent limités à des titres, dans Google Actualités et Discover – et sur les nouveaux usages, avec Google News Showcase, qui est un produit destiné à proposer une source de revenus supplémentaire. On nous a demandé de séparer les deux types d'usages ; nous avons donc désormais deux accords spécifiques distincts, dont les montants additionnés sont supérieurs à ceux qui figuraient dans l'accord de janvier.

Les discussions avec le SEPM achoppent sur la délimitation du périmètre. Je me suis battu, au sein de Google, pour que celui-ci corresponde non plus à la presse IPG mais aux publications inscrites à la CPPAP ; j'avais l'impression d'avoir fait un saut quantique vis-à-vis des attentes du marché. Mais j'ai été très surpris car, dès les premières discussions, en septembre, les représentants du SEPM ont fait valoir que seuls 60 de leurs titres étaient certifiés par la CPPAP et qu'ils souhaitaient ajouter 150 autres titres dans le périmètre. Or, ce paquet comprend des sites qui n'ont pas été mis à jour depuis 2019, d'autres n'employant aucun journaliste ou encore des sites n'étant qu'un portail de commercialisation de l'abonnement au journal papier, sans contenu de presse ni intervention de journalistes. Les discussions, sur cette base, ont donc été compliquées, le SEPM refusant d'avancer si l'accord ne couvrait pas la totalité des titres.

Nous avons fait des propositions constructives mais il nous semble que les critères retenus par la CPPAP sont un bon indicateur de ce qui appartient au champ couvert par la loi – une publication de presse avec un contenu journalistique. De nombreuses réunions ont été consacrées à regarder, titre par titre, si les conditions étaient réunies, mais ce n'est pas à nous de dire si telle ou telle publication relève de la loi. Sur ce point, de l'aide serait utile.

Quant aux montants, le SEPM considère que, tant qu'ils seront insuffisants à ses yeux, il ne discutera pas de la méthodologie. Il nous demande donc d'améliorer nos propositions dans ce domaine, mais ses attentes, quelque peu excessives, freinent les négociations. Les positions convergent, les discussions progressent, mais nous ne sommes pas encore proches de la conclusion d'un accord.

Notre offre est robuste. Elle est construite sur l'intégralité des usages des contenus protégés en France – tous les affichages, sur toutes les plateformes, les revenus associés, directs et indirects, ont été partagés en détail avec les éditeurs. Sur la base de ces informations, nous avons construit une assiette à partir de laquelle nous avons proposé des rémunérations. Aujourd'hui, les usages – moteur de recherche, Discover et Google Actualités – sont rémunérés de manière séparée. Nous estimons que notre proposition couvre l'essentiel des attentes ; les taux proposés correspondent tout à fait à ce qu'on peut voir par ailleurs en matière de rémunération des droits d'auteur.

Bien évidemment, nous faisons les mêmes propositions à tout le monde. Nos barèmes sont les mêmes pour toutes les catégories de presse : presse d'information générale, presse magazine ou presse d'information spécialisée. Les critères sont identiques, avec des éléments amplificateurs en fonction de l'appartenance à la presse IPG (information politique et générale) ou de l'audience.

Notre offre, qui répond aux injonctions de l'Autorité de la concurrence, est pérenne. Après l'accord avec l'AFP, qui a été complété, nous espérons donc pouvoir exécuter les accords conclus avec l'ensemble des titres de l'APIG et ceux que nous avons signés directement avec une dizaine de titres ; la finalisation de l'accord avec le SEPM et les autres catégories de presse prendra quant à elle un peu plus de temps. Nous parlons à tout le monde, y compris à la SACEM dont le rôle n'est pas encore bien défini dans les négociations, mais elle intervient en appui, en tant que conseil du SEPM.

Les montants sont loin d'être choquants si on les compare aux aides directes à la presse. Ils sont appelés à évoluer en fonction des usages. S'y ajouteront les propositions que feront, dans notre sillage, nos confrères. L'offre n'est pas négligeable, elle est récurrente et fondée sur des modèles transparents.

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Quels critères retenez-vous pour évaluer le droit voisin ?

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

C'est en cela que la question du périmètre est essentielle. Comme personne ne sait bien ce qu'est une requête d'actualité – nous en avons beaucoup débattu au début des discussions –, nous avons décidé de partir plutôt du périmètre des titres. Il y a 1 200 titres inscrits à la CPPAP. Nous avons regardé où étaient affichés ces différents titres, sous quel nom, et déterminé le chiffre d'affaires de Google associé à leur affichage.

Il faut savoir que les annonceurs ne cherchent pas à se positionner sur un titre, ou un contenu, ils achètent une requête utilisateur, une intention d'achat. Sur Discover et Google Actualités, nous ne gagnons pas d'argent car il n'y a pas de publicité. C'est ainsi que nous avons construit notre proposition : là où nous gagnons de l'argent, nous proposons un partage de revenus sur la base du chiffre d'affaires ; lorsqu'il n'y a pas de chiffre d'affaires associé et que nous n'avons rien à partager, nous rémunérons quand même l'affichage des contenus.

Nous avons défini, à partir de la loi, trois critères de répartition de l'enveloppe. Le premier est un indicateur d'usage, c'est l'audience. Pour le deuxième, qui est un indicateur de contribution à l'IPG, nous retenons la certification auprès de la CPPAP, avec un booster de 30 % pour une qualification IPG, et de 10 % supplémentaires si l'entreprise relève de l'article 39 bis A du code général des impôts.

Les cartes de presse nous semblent un indicateur intéressant des investissements, mais nous avons du mal à obtenir les données : l'APIG a fini par nous les transmettre la semaine dernière, ; le SEPM ne nous a rien communiqué et nous ne disposons pas d'information pour le reste de l'univers presse. Or pour utiliser ce critère comme clé de répartition, il est nécessaire de connaître l'ensemble des données. Si la CPPAP pouvait fournir les données sur la certification IPG, sur le volume de cartes de presse et sur l'audience, nous serions ravis. Pour le moment, nous collectons les données nous-mêmes, et c'est assez compliqué.

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M. Fabrice Fries, président-directeur général de l'AFP, lors de son audition ce matin par la commission des affaires culturelles et de l'éducation, a expliqué que l'accord avec Google ne comportait pas de barème mais un montant sur cinq ans, sous la forme d'un forfait.

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

Nous avons entendu les revendications des agences de presse. . Cela étant dit, nous sommes confrontés à de grandes difficultés techniques pour y répondre.

L'affichage d'un contenu de presse comprend seulement un titre, un sous-titre et un snippet de photographie – et très souvent les organes de presse ne renseignent pas le tag qui permettrait d'attribuer la photographie à l'agence. Il est très compliqué pour Google d'identifier ce qui relève du travail réalisé par une agence de presse et ce qui est produit par un journaliste de l'organe de presse. C'est la raison pour laquelle nous avions réfléchi à une approche forfaitaire pour la rémunération de l'AFP.

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Google s'est-il acquitté de l'amende prononcée par l'Autorité de la concurrence le 12 juillet 2021, faisant suite à l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 8 octobre 2020 ?

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Benoît Tabaka

Le virement au Trésor public a été effectué le 15 novembre.

Comme vous le savez, Google a fait appel de la décision du 12 juillet, afin notamment d'obtenir une clarification juridique en ce qui concerne les agences de presse qui fonctionnent selon le modèle dit B2B (business to business) – c'est-à-dire qui ne produisent ni ne diffusent directement un contenu, mais dont le métier est de fournir des contenus de presse à des tiers. Cette clarification est nécessaire pour éviter des effets de bord, les acteurs situés dans les autres pays européens étant attentifs à ce qui est décidé en France. Notre démarche ne remet pas en cause les négociations en cours, et notre volonté de conclure des accords avec les différents éditeurs le plus rapidement possible reste entière. La décision du 12 juillet dernier portait sur le respect de mesures d'injonction. L'Autorité de la concurrence n'a pas encore rendu sa décision au fond.

Nous lui avons proposé d'entrer dans une procédure d'engagements, ce qu'elle a accepté et qui devrait être rendu public dans les prochains jours. Nous avons présenté un certain nombre d'engagements, qui seront étudiés par le marché et par l'Autorité. Cela ne permettra pas de régler toutes les questions en cours de discussion, mais un cadre sera ainsi fixé pour les négociations à venir.

Parmi ces engagements figurent notre reconnaissance de l'obligation de négocier de bonne foi et la liste des données spécifiques partagées avec chaque éditeur ou structure qui négociera avec Google. Autre point, qui nous manquait : disposer d'un mécanisme qui permette, à défaut d'accord au bout de trois mois de discussions, de recourir à une forme d'arbitrage accéléré sur six moispour aboutir à une décision fixant potentiellement le prix. Google et l'éditeur ou l'agence pourront alors soit accepter ce prix, soit décider de ne pas acheter car il n'y est pas obligé. D'autres discussions suivraient alors. Une structure de supervision contrôlerait le respect de l'ensemble de ces engagements, ce qui est courant en matière de concurrence.

En résumé, nous savons que nous avons eu des questions complexes à traiter dans le passé et nous avons encore besoin de quelques clarifications juridiques, mais notre objectif est de régler les problèmes passés et présents par les négociations en cours et de prendre des engagements envers l'Autorité de la concurrence et le marché pour le futur.

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Vous avez évoqué les différents accords individuels que vous avez conclus ou qui sont en cours de formalisation. Que pensez-vous de l'OGC ? Êtes-vous déjà entrés en contact avec Jean-Marie Cavada, qui le préside ?

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

Sébastien Missoffe, mon supérieur hiérarchique, a rencontré Jean-Marie Cavada. En outre, la SACEM est présente lors de chaque réunion avec le SEPM.

Nous n'avons pas d'avis à donner sur les modalités de collecte des droits. C'est une décision qui relève de chaque éditeur de presse, qui peut recourir à une approche individuelle ou collective. Nous nous y adaptons.

Les organismes de gestion collective peuvent assurer plusieurs fonctions au sein de l'écosystème : ils peuvent aider à négocier ou se contenter d'assurer la collecte. C'est à eux de définir leur rôle.

Les accords qui ont été conclus sont tous bâtis autour du même barème. Que l'on appartienne à une association ou que l'on négocie individuellement, nous appliquons systématiquement le même barème. Nous avons fait la même proposition à l'APIG qu'au groupe de Louis Dreyfus, qui ne lui avait pas confié de mandat. Et lorsque nous faisons évoluer nos propositions, nous le faisons pour tous. Si des titres comme Le Monde ou Libération souhaitaient confier la collecte de leurs droits à un OGC, cela n'aurait aucune conséquence pour Google, car le barème resterait le même.

Ne pas créer une structure de gestion collective trop complexe présenterait l'avantage de ne pas augmenter les coûts supportés par les éditeurs de presse, mais c'est une décision qui leur appartient.

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Benoît Tabaka

Je ne sais pas si vous avez pu prendre connaissance des statuts de l'OGC et du détail de son mode de fonctionnement. Les éditeurs nous ont indiqué que, lors de l'adhésion à cet organisme, chacun d'entre eux précisera les titres dont il délègue la gestion de la collecte des droits, ainsi que les plateformes concernées. Les éditeurs pourront recourir à l'OGC ou bien discuter directement avec nous.

On n'est donc pas dans la logique classique d'un organisme de collecte des droits qui serait un interlocuteur unique.

Nous sommes obligés de nous adapter en permanence en fonction des discussions, car nous sommes tenus d'appliquer le même barème à tous. C'est une conséquence de l'obligation de non-discrimination, qui nous interdit de distinguer selon nos interlocuteurs. D'autres acteurs du secteur, moins présents sur le marché français, n'auraient pas cette contrainte.

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Vous avez indiqué qu'il est difficile de bien cerner le périmètre de la presse magazine. Selon vous, faut-il préciser les choses de manière législative ou réglementaire ? Cette mission d'information a aussi pour objet de dresser l'inventaire de ce qui doit être amélioré dans les textes, tout en se conformant à la directive.

Quelles dont les entités juridiques qui discutent avec la presse française ? S'agit-il de Google France ou bien de Google Inc. ?

Vous avez très bien expliqué que Google dispose de revenus indirects, liés à la publicité à destination du territoire français, qui ne sont pas forcément issus directement du moteur de recherche ou de Google News. Comment faites-vous pour évaluer la base de rémunération à partir de laquelle vous allez travailler à un partage avec le secteur de la presse ? Cette base a-t-elle été communiquée à l'Autorité de la concurrence ? L'a-t-elle été aux acteurs de la presse, afin qu'ils connaissent l'enveloppe de départ sur laquelle s'engagent les négociations ?

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

S'agissant du calcul de la base de rémunération, nous avons largement partagé les données avec les éditeurs de presse, en leur transmettant des documents de méthodologie et tous les chiffres, les éléments d'affichage, les revenus associés, les taux, les modalités de calcul et les impressions prises en compte. Tout cela a été adressé à l'ensemble des associations en précisant, pour les titres relevant de la CPPAP, à quoi correspondent les montants pour le SEPM ou pour l'APIG. Ils disposent de toutes les informations et de l'assiette.

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Vous avez donc isolé un chiffre d'affaires français. Mais les contrats publicitaires continuent me semble-t-il d'être plutôt passés depuis l'Irlande. Comment avez-vous procédé pour identifier une assiette française ?

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

Prenons l'exemple d'un article du Figaro qui va apparaître dans les résultats de recherche à la suite d'une requête envoyée depuis la France : il y un affichage de contenus et un chiffre d'affaires est associé

Notre couverture des usages pris en considération dans l'assiette me semble donc exhaustive.

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Benoît Tabaka

En ce qui concerne les entités juridiques qui participent aux discussions, dans les faits, ce sont les équipes de Google France, dirigées par Arnaud Monnier, qui s'en chargent. Y sont associées des équipes relevant de Google Inc. Des accords relatifs aux droits voisins ont en effet déjà été conclus avec différents titres de presse allemands, et la question ne concerne pas que la France : d'où l'association des deux entités juridiques de manière à avoir une approche cohérente à l'échelle européenne même si chaque pays peut avoir des spécificités.

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Au bout du compte, qui signera l'accord ? Google France, Google Inc., ou bien une autre entité de Google, avec des accords de rétribution ou des facturations intra-groupe ?

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

Les contrats sont signés soit par Google Inc., soit par Google Irlande.

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Employez-vous des journalistes pour vos services Google News et Google News Showcase ? Un travail d'éditorialisation est-il effectué ou s'agit-il seulement d'agrégateurs de contenus ?

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Benoît Tabaka

Nous n'employons pas de journalistes pour ces deux produits.

Google News repose sur une pure agrégation algorithmique d'articles d'actualités.

Google News Showcase, en revanche, est un espace vierge que nous laissons à la main de l'éditeur de presse. Ceux qui souhaiteront en bénéficier pourront l'alimenter en contenus en effectuant un choix éditorial, et ils seront rémunérés pour cela. Google conclut à cet effet des contrats de licence. Les éditeurs de presse auront ainsi la possibilité de valoriser leurs travaux passés ou présents, en fonction de l'actualité. L'objectif est que cet aperçu donne envie aux lecteurs de s'abonner.

Les deux approches sont donc complémentaires.

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

Deux principes sont importants pour Google.

Nous n'effectuons pas de sélection manuelle ou d'éditorialisation sur la plateforme. La sélection des articles repose sur des critères de qualité et de pertinence. Il est important de ne pas avoir de relations économiques en ce qui concerne l'indexation parce qu'elle constitue en quelque sorte notre ligne éditoriale.

Le deuxième principe, c'est que nous sommes une plateforme de redirection ; le contenu n'est pas consommé chez nous. Historiquement les sites qui offraient des licences de contenu comme les portails donnaient a consommer les articles sur leur site. Nous nous sommes toujours refusés à le faire.

Les éditeurs de presse accusent Google de confisquer le trafic internet, mais ce n'est pas le cas ; d'ailleurs, l'audience de leurs sites n'a cessé d'augmenter au cours de ces dernières années. Il suffit de consulter les outils de mesure et d'analyse disponibles, comme Similarweb : on voit bien que le trafic sur les sites de presse en provenance de Google est en croissance constante. Nous continuons en réalité à nourrir la consommation de contenu de presse. Nous ne voulons pas changer de modèle ; nous ne souhaitons pas, pour trouver des solutions de financement, faire rester les utilisateurs sur Google. Nous voulons continuer à jouer notre rôle de redirection.

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Le barème de rémunération que vous souhaitez instaurer afin d'assurer une certaine équité entre les partenaires sera-t-il le même dans le monde entier ou modulable suivant les pays ?

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Benoît Tabaka

Certaines choses sont néanmoins spécifiques à la France, comme le périmètre de la presse d'IPG. On s'inspire d'ailleurs beaucoup de la situation française pour définir des périmètres équivalents dans les autres pays européens, la France étant l'un des rares pays en Europe à disposer de concepts aussi précis que la CPPAP, l'IPG ou les services de presse en ligne. Ce qui se passe en France a toujours un impact dans les autres pays et c'est pourquoi nous préférons commencer par mener à bien les dossiers en France afin d'établir un modèle qui pourra être appliqué ailleurs. Il arrive toutefois que l'on progresse plus rapidement dans d'autres pays européens. Ainsi, en Allemagne, de nombreux titres ont déjà signé des accords au titre des droits voisins et Google News Showcase a été lancé en Italie, au Portugal, en Allemagne ou encore aux Pays-Bas. Bref, cela avance et nous espérons aboutir rapidement en France aussi.

On sait qu'avec les élections, la presse va jouer un rôle crucial. Nous sommes prêts, en cas d'accord, à couvrir et rémunérer immédiatement l'ensemble des titres de presse non seulement pour le présent, mais aussi pour le passé. C'est ce que nous avons fait avec l'AFP ; cette étape – importante – a pris beaucoup de temps, puisque si le modèle économique et le montant à verser ont été fixés dès le début de l'été, les discussions juridiques ont duré quatre mois. Avec l'APIG, un équilibre économique a été trouvé mais il reste des précisions juridiques et opérationnelles à apporter ; nous espérons finaliser l'accord d'ici quelques jours.

Le problème, c'est que si nous souhaitons aller vite, nous avons l'impression qu'il n'en va pas nécessairement de même en face. Avec le SEPM, par exemple, c'est compliqué parce que nous n'arrivons pas à nous entendre sur ce qui est pour l'autre partie un préalable, à savoir le périmètre. Du coup, l'équilibre financier ne peut pas être arrêté, et la loi ne nous permet pas de nous fonder sur quelque chose de précis. Or nous sommes tenus à une certaine objectivité : nous ne pouvons pas raisonner à partir d'une liste de titres. Il faut donc que le ministère de la culture nous aide à objectiver ce critère. C'est aujourd'hui un point de friction et le législateur pourrait nous aider à le surmonter en précisant juridiquement le périmètre.

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Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France

Si vous cherchez de l'information générale sur Google, vous aurez parmi les résultats une majorité de titres de presse – souvent de qualité, d'ailleurs. Mais plus votre recherche est spécifique – si, par exemple, elle a trait à la cuisine, au tuning, au motocross, etc. –, plus elle concernera d'autres types de producteurs de contenus : youtubeurs, sites en ligne, télés… Eux aussi font un excellent travail. Du coup, c'est compliqué pour nous, parce qu'il y a beaucoup de contenus de types différents à mettre en avant.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelles sont vos attentes par rapport à la mission d'information ?

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Benoît Tabaka

Comme vous l'avez constaté au cours des auditions, il s'agit d'un sujet complexe, qui suscite des prises de position très tranchées. D'une certaine manière, il est normal que l'on n'ait pas réussi à trouver une solution en trois mois, après des années de tensions juridiques et politiques, ainsi que des tensions internes aux éditeurs de presse. Le premier intérêt de cette mission d'information est de poser les termes du débat, d'identifier les difficultés et d'examiner en quoi le législateur peut apporter une aide.

La première difficulté, je le répète, c'est le périmètre. La loi fait référence à un concept qui n'est pas défini. On ne peut pas définir une rémunération sur cette base, c'est impossible. Avant toute chose, il convient de mieux circonscrire le champ des bénéficiaires, éventuellement en clarifiant la loi. Il faut être certain que l'on inclut les bonnes personnes, et il faut que tout nouvel entrant sur le marché sache exactement avec qui il doit négocier et partager de la valeur.

Deuxième sujet de discussion : faut-il instaurer un mécanisme d'arbitrage ? Nous avons dit à l'Autorité de la concurrence et nous avons proposé des engagements en ce sens. L'intervention d'un tiers pourrait contribuer à apaiser la situation et à remettre les parties autour de la table. En revanche, il ne nous semble pas souhaitable que ce tiers vienne fixer dans l'absolu un prix pour l'usage d'un contenu de presse. Entre un réseau social, un tweet, une plateforme vidéo ou un agrégateur de contenus, les usages sont très différents, et il est difficile de les ramener à une tarification unique. On ne se trouve pas du tout dans la même situation que pour la copie privée.

Enfin, nous nous trouvons actuellement dans une impasse, et nous n'arrivons pas à trouver une issue.

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Merci à vous trois. Cette audition s'est tenue à huis clos parce que certains montants ont été évoqués et qu'il convenait de protéger le secret des affaires, mais, compte tenu de l'importance du sujet et de l'intérêt que nos concitoyens y portent, il nous paraissait utile d'organiser une table ronde publique. Nous vous reverrons donc dans quinze jours. Dans l'intervalle, n'hésitez pas à nous envoyer des contributions écrites ou tout autre élément susceptible d'éclairer la mission d'information.

La réunion se termine à quinze heures vingt.

Membres présents ou excusés

Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 14 heures

Présents. – Mme Émilie Cariou, Mme Virginie Duby-Muller, M. Laurent Garcia