Intervention de Arnaud Monnier

Réunion du mercredi 1er décembre 2021 à 14h05
Mission d'information sur l'application du droit voisin au bénéfice des agences, éditeurs et professionnels du secteur de la presse

Arnaud Monnier, directeur des partenariats de Google France :

Mon activité consiste à gérer les relations avec l'ensemble de l'écosystème, notamment les partenariats avec les éditeurs de presse. Ces partenariats recouvrent trois types d'action. Premièrement, la monétisation publicitaire : il s'agit d'aider les éditeurs de presse à monétiser leur inventaire publicitaire – c'est notre métier historique. Nous intervenons, dans ce domaine, auprès de la plupart des grands titres, qui tirent de cette activité des revenus importants. Deuxièmement, nous les aidons à développer de nouveaux modèles économiques autour des abonnements. Le Monde a été le premier titre à s'engager dans cette démarche, qui lui a amené 40 % de ses nouveaux abonnés. Enfin, nous travaillons avec les éditeurs à des licences de contenus, qui visent à leur offrir de nouvelles sources de revenus, dont le droit voisin fait partie, parmi d'autres – je pense notamment à Google News Showcase . Notre objectif est de faire en sorte que le modèle économique de la presse soit durable, et cela passe, selon nous, par ces trois éléments.

Au sein de mes équipes, une vingtaine de personnes – en plus de celles qui s'occupent de cette question aux États-Unis – sont mobilisées depuis deux ans pour faire avancer les négociations sur les droits voisins. La première phase des discussions, durant l'été 2020, s'est révélée très compliquée : il fallait, dans le contexte de la pandémie et à distance, appréhender la nouveauté et une matière complexe. Une dizaine d'accords individuels ont été signés à l'issue de cette première phase ; ils couvrent le droit voisin, mais il nous faut encore, pour répondre aux demandes de l'Autorité – c'est ce à quoi nous nous attelons actuellement –, préciser la partie du droit voisin au sein de ces accords et définir de manière transparente l'assiette de la rémunération.

La deuxième phase correspond aux discussions menées avec la presse d'information générale ; elle a débouché sur la signature de l'accord-cadre avec l'APIG, en janvier 2021. Nous avons ensuite tout mis en pause en attendant des éléments plus clairs de la part de l'Autorité de la concurrence – nous avons pu en prendre connaissance en juillet. Nous avons ensuite passé le mois d'août à extraire énormément d'informations, que nous avons partagées avec les éditeurs début septembre. Cela signifie que nous avons envoyé des centaines de rapports, d'une trentaine de pages chacun, sur l'ensemble des affichages et des revenus associés à l'utilisation des contenus.

Depuis septembre, nous sommes en discussion avec les trois plaignants : l'AFP, l'APIG et le SEPM, avec lesquels nos équipes sont en contact tous les jours ; nous participons à des réunions hebdomadaires de suivi des négociations. Nous discutons aussi avec d'autres acteurs – certains broadcasters, des titres de la presse magazine… –, dans la perspective de négociations individuelles, ainsi qu'avec des associations : la Fédération française des agences de presse (FFAP), le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL), la Fédération nationale de la presse d'information spécialisée (FNPS).

S'agissant de l'AFP, un accord a été conclu, ce dont nous nous réjouissons. Pour ce qui est de l'APIG, l'accord est proche. Nous travaillons avec Pierre Louette, le président, et Philippe Carli, chargé des négociations, et l'ensemble du groupe de négociation. Je suis optimiste quant à une prochaine conclusion, car cet accord est bien mieux-disant que celui de janvier 2021. Ce dernier portait à la fois sur ce qu'on appelle les « usages existants » – c'est-à-dire les affichages des contenus de presse, souvent limités à des titres, dans Google Actualités et Discover – et sur les nouveaux usages, avec Google News Showcase, qui est un produit destiné à proposer une source de revenus supplémentaire. On nous a demandé de séparer les deux types d'usages ; nous avons donc désormais deux accords spécifiques distincts, dont les montants additionnés sont supérieurs à ceux qui figuraient dans l'accord de janvier.

Les discussions avec le SEPM achoppent sur la délimitation du périmètre. Je me suis battu, au sein de Google, pour que celui-ci corresponde non plus à la presse IPG mais aux publications inscrites à la CPPAP ; j'avais l'impression d'avoir fait un saut quantique vis-à-vis des attentes du marché. Mais j'ai été très surpris car, dès les premières discussions, en septembre, les représentants du SEPM ont fait valoir que seuls 60 de leurs titres étaient certifiés par la CPPAP et qu'ils souhaitaient ajouter 150 autres titres dans le périmètre. Or, ce paquet comprend des sites qui n'ont pas été mis à jour depuis 2019, d'autres n'employant aucun journaliste ou encore des sites n'étant qu'un portail de commercialisation de l'abonnement au journal papier, sans contenu de presse ni intervention de journalistes. Les discussions, sur cette base, ont donc été compliquées, le SEPM refusant d'avancer si l'accord ne couvrait pas la totalité des titres.

Nous avons fait des propositions constructives mais il nous semble que les critères retenus par la CPPAP sont un bon indicateur de ce qui appartient au champ couvert par la loi – une publication de presse avec un contenu journalistique. De nombreuses réunions ont été consacrées à regarder, titre par titre, si les conditions étaient réunies, mais ce n'est pas à nous de dire si telle ou telle publication relève de la loi. Sur ce point, de l'aide serait utile.

Quant aux montants, le SEPM considère que, tant qu'ils seront insuffisants à ses yeux, il ne discutera pas de la méthodologie. Il nous demande donc d'améliorer nos propositions dans ce domaine, mais ses attentes, quelque peu excessives, freinent les négociations. Les positions convergent, les discussions progressent, mais nous ne sommes pas encore proches de la conclusion d'un accord.

Notre offre est robuste. Elle est construite sur l'intégralité des usages des contenus protégés en France – tous les affichages, sur toutes les plateformes, les revenus associés, directs et indirects, ont été partagés en détail avec les éditeurs. Sur la base de ces informations, nous avons construit une assiette à partir de laquelle nous avons proposé des rémunérations. Aujourd'hui, les usages – moteur de recherche, Discover et Google Actualités – sont rémunérés de manière séparée. Nous estimons que notre proposition couvre l'essentiel des attentes ; les taux proposés correspondent tout à fait à ce qu'on peut voir par ailleurs en matière de rémunération des droits d'auteur.

Bien évidemment, nous faisons les mêmes propositions à tout le monde. Nos barèmes sont les mêmes pour toutes les catégories de presse : presse d'information générale, presse magazine ou presse d'information spécialisée. Les critères sont identiques, avec des éléments amplificateurs en fonction de l'appartenance à la presse IPG (information politique et générale) ou de l'audience.

Notre offre, qui répond aux injonctions de l'Autorité de la concurrence, est pérenne. Après l'accord avec l'AFP, qui a été complété, nous espérons donc pouvoir exécuter les accords conclus avec l'ensemble des titres de l'APIG et ceux que nous avons signés directement avec une dizaine de titres ; la finalisation de l'accord avec le SEPM et les autres catégories de presse prendra quant à elle un peu plus de temps. Nous parlons à tout le monde, y compris à la SACEM dont le rôle n'est pas encore bien défini dans les négociations, mais elle intervient en appui, en tant que conseil du SEPM.

Les montants sont loin d'être choquants si on les compare aux aides directes à la presse. Ils sont appelés à évoluer en fonction des usages. S'y ajouteront les propositions que feront, dans notre sillage, nos confrères. L'offre n'est pas négligeable, elle est récurrente et fondée sur des modèles transparents.

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