Merci pour votre invitation qui me donne la possibilité de présenter un point d'étape du déploiement des contrats de transition écologique, dispositif qui me tient à cœur.
Ces contrats sont en fait des projets des collectivités territoriales, c'est le premier point sur lequel je souhaite insister. Ils sont en effet construits à partir de projets locaux et accompagnent et soutiennent la transition écologique des territoires dans une démarche innovante, grâce à la contractualisation entre l'État, les collectivités et des acteurs privés. La méthode souhaitée – et je crois que nous avons réussi à l'appliquer dans les territoires où nous travaillons – est celle de la coconstruction d'une transition écologique locale qui soit génératrice d'activité économique et d'opportunités sociales.
Ces contrats présentent par ailleurs l'intérêt d'être, en général, conçus à partir d'une vision du territoire, d'un fil rouge ou d'un récit, qui cristallise la manière dont les élus, à l'échelon d'une ou de plusieurs intercommunalités, souhaitent transformer leur territoire et l'amener vers le futur, en utilisant l'écologie comme un véritable fil de transition auquel s'intègrent l'économique, le social, l'agricole ou le rural, entre autres.
Toutes les parties prenantes sont associées aux CTE : les collectivités, bien sûr, mais également les associations, les entreprises et, peut-être encore trop rarement, les citoyens. Ces contrats contribuent à la réalisation concrète de nos engagements internationaux (Accord de Paris, Plan climat, One Planet Summit ) et de nos feuilles de routes nationales. L'État et ses opérateurs, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), les agences de l'eau, l'Office français de la biodiversité (OFB), la Banque des territoires ou encore le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) sont pleinement mobilisés pour soutenir la concrétisation des actions.
Les contrats de transition écologique présentent deux cas de figure différents. Nous souhaitions initialement travailler dans les territoires soumis à une très forte transformation, liée à une fermeture industrielle importante (centrales à charbon ou centre nucléaire de production d'électricité de Fessenheim), mais ceux-ci sont à présent pris en charge grâce à la procédure spécifique des projets de territoire. Quant à eux, les contrats de transition écologique – il y en a aujourd'hui quatre-vingts – n'ont pas pour origine une fermeture industrielle programmée dans le cadre de la politique énergétique. Ils peuvent toutefois concerner des territoires marqués par une fermeture industrielle d'ampleur déjà opérée ; c'est par exemple le cas du CTE du territoire Gard-Aramon.
Les contrats de transition écologique ont pour principal objectif de démontrer par l'action que l'écologie est un moteur de l'économie et qu'elle permet le développement de l'emploi. Par ailleurs, ils ont un rôle fédérateur pour les différents acteurs et peuvent utilement accompagner la reconversion industrielle d'un territoire. Ces contrats sont vivants : leur signature implique des actions, mais ils peuvent s'enrichir, par voie d'avenant, d'actions complémentaires.
Les CTE sont divers dans leur contenu ; ils sont souvent déclinés selon les axes stratégiques de la transition écologique que sont, par exemple, les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique, les mobilités, la préservation de la biodiversité, l'eau, la ruralité, l'agriculture, l'économie circulaire, la construction, l'urbanisme ou encore la réhabilitation de friches. Si toutes ces dimensions ne structurent pas conjointement un contrat donné, il est à noter que chaque contrat en développe plusieurs.
Lorsque j'ai pris mes fonctions, en octobre 2018, nous comptions huit CTE et M. Sébastien Lecornu avait signé le premier à Arras, quelques jours seulement avant sa nomination en tant que ministre délégué aux collectivités territoriales et la mienne en tant que secrétaire d'État à la transition écologique. De huit contrats, nous sommes passés à dix-neuf en février 2019, puisque nous avons finalement intégré dans la première vague des territoires qui s'étaient portés candidats à la contractualisation mais qui n'avaient pas été retenus initialement. Un appel à manifestations d'intérêt lancé en mars-avril 2019 a ensuite permis de retenir soixante et un territoires supplémentaires, en juillet 2019. Nous comptons donc quatre‑vingts contrats de transition écologique actifs.
Ils couvrent environ 180 intercommunalités et 10 millions de Français. 1 081 actions y sont incluses, dans tous les domaines, et le montant des investissements adossés à ces contrats, qu'ils soient de nature publique ou privée, s'élève à environ 1,5 milliard d'euros. Sur ces quatre-vingts contrats, soixante-dix-sept sont signés, ce qui signifie que leurs parties prenantes sont tombées d'accord sur l'ambition, les actions, leurs porteurs et leur financement. Ces actions peuvent donc être engagées, sachant que les contrats durent en moyenne de trois à cinq ans. Trois contrats restent donc à signer : leur finalisation a été empêchée pour des raisons politiques, mais les signatures attendues devraient être obtenues après les prochaines élections municipales.
J'ai personnellement accompli trente-cinq déplacements pour signer des contrats ou des chartes. À ces occasions, j'ai rencontré Mme Laurence Maillart-Méhaignerie à Val d'Ille‑Aubigné et Mme Yolaine de Courson à Montbard puis à Pouilly-en-Auxois, mais aussi plusieurs autres membres de votre commission.
L'État et ses opérateurs contribuent à hauteur de 300 millions d'euros aux investissements associés aux CTE, dont le montant total atteint environ 1,5 milliard. Dans ces 300 millions se trouvent 180 millions de crédits de droit commun, 60 millions de crédits de l'ADEME, 30 millions de crédits des agences de l'eau et 16 millions de crédits de la Banque des territoires. Le reste des crédits est octroyé par Voies navigables de France.
Ces montants ne tiennent pas compte des investissements décidés par les projets de territoires consécutifs aux fermetures des centrales à charbon ou de la centrale de Fessenheim, qui sont plus élevés et suivis dans une comptabilité distincte.
Il me semble également important de rappeler que la moitié des investissements est de source privée, si bien que les CTE ne se résument pas à des contrats entre l'État et les collectivités locales mais sont passés entre plusieurs acteurs, identifiés à l'échelle d'un territoire, parmi lesquels l'État, les collectivités locales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) – qui sont en général les porteurs – ou les pays.
Dans cet écosystème, la Corrèze, parce qu'elle est le seul département porteur d'un CTE et l'Ardèche, car elle est intégralement couverte par deux CTE (Ardèche Nord et Ardèche Sud), font figure d'exceptions. Le CTE couvrant la plus petite population est celui de l'Île d'Yeu avec 1 500 habitants, tandis que celui du Pays de Brest couvre la population la plus importante : environ 400 000 habitants.
Il est prématuré de dresser le bilan écologique des CTE, mais nous pouvons d'ores et déjà en établir le bilan prévisionnel. Ainsi, nous estimons que les actions prévues éviteront l'émission de 150 000 tonnes de CO2 soit l'équivalent de 150 000 allers-retours entre Paris et New York. Nous estimons également la production annuelle d'énergie verte induite à 375 000 kWh/an et dénombrons 9 000 bâtiments et logements rénovés dans le cadre des CTE. Ces contrats devraient de surcroît permettre la construction de 250 kilomètres de pistes cyclables, la plantation de 30 000 arbres et de 75 kilomètres de haies ainsi que l'économie de 5,4 millions de mètres cubes d'eau chaque année.
Nous nous efforcerons de suivre ces indicateurs dans le cadre de nos actions actuelles et à venir, afin de mesurer, au-delà des montants investis, l'impact de ces contrats pour la planète.
À court terme, il semble nécessaire de rendre notre évaluation du dispositif plus robuste, l'évaluation des CTE étant réalisée contrat par contrat, avant d'être consolidée à l'échelle nationale.
Par ailleurs, les acteurs des contrats, les élus, les fonctionnaires d'EPCI, les acteurs d'État en charge de l'accompagnement – sous-préfets, directions départementales des territoires (DDT), unités territoriales des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (UT DREAL), agents du CEREMA, par exemple – sont très désireux de participer à une communauté de travail et d'échanges. Nous avons donc créé sur le site du ministère une plateforme qui permet de recenser tous les CTE et à chacun des acteurs d'agir les uns avec les autres. De plus, les porteurs des CTE sélectionnés ont été réunis en juillet 2019 puis en février 2020 et nous devons encore renforcer la mise en relation des acteurs, tout en travaillant avec d'autres réseaux encourageant cette dynamique, tel le réseau pour la transition énergétique CLER. Il s'agit en effet de faire converger tous ceux qui œuvrent à une transformation écologique territoriale.
Nous devons également nous efforcer de toucher plus de citoyens. Dans quelques cas seulement, les CTE intègrent des démarches participatives. C'est le cas de celui du Grand Briançonnais, promu par le pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du Grand Briançonnais et par le maire de Puy-Saint-André, très engagé dans la démocratie participative. L'honnêteté m'oblige d'ailleurs à reconnaître qu'en dépit de l'écho positif qu'offre la presse quotidienne régionale à chaque contrat signé, les 10 millions de Français couverts par un CTE ne savent probablement pas que le territoire où ils habitent a adopté une telle démarche.
Il est nécessaire de faire connaître l'existence de ce dispositif et de démontrer sa capacité à produire des résultats concrets. Nous devons également encourager la co‑construction des contrats avec les citoyens eux-mêmes. Peut-être pourrons-nous renforcer cette dimension participative après les élections municipales, avec les nouveaux exécutifs locaux, dans le cadre de nouveaux CTE ou dans le cadre de contrats préexistants. La participation me paraît en effet très importante et, après avoir sollicité toutes les parties prenantes d'un territoire, l'État doit aller à la rencontre des citoyens pour leur expliquer la démarche, recevoir leurs critiques constructives et construire avec eux de nouvelles actions.
Nous avons enfin prévu de relancer une vague d'entrée dans les contrats de transition écologique, probablement dès avril ou mai 2020, sachant que l'utilisation de crédits de droit commun ne limite pas le nombre de contrats, contrairement à l'utilisation d'une enveloppe fléchée. Nos critères et nos limites résident avant tout dans notre capacité à faire et à accompagner : notre capacité à faire, car dans le cadre du précédent appel à projets, nous avons choisi les territoires en fonction de la qualité de leurs projets et de leur volonté de s'engager dans une démarche d'action. Dans le cadre du prochain appel, nous réfléchirons à travailler avec les territoires champions de la transition écologique, étant entendu que les CTE actuels concernent bien souvent d'anciens territoires à énergie positive (TEPOS), d'anciens territoires engagés pour la croissance verte (TEPCV) et autres territoires avancés en la matière. Chercher à travailler avec des EPCI ou des communautés de communes moins expérimentés ou dont la réflexion est encore à un stade précoce nous obligera à changer de critères de sélection et à consacrer aux CTE une plus grande énergie collective. Si une telle inflexion était donnée au dispositif, la capacité d'ingénierie de l'État – c'est-à-dire celle de nos sous-préfets, des directions départementales des territoires (DDT), de l'ADEME, du CEREMA ou de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) – à accompagner des territoires jusque dans la définition même de leur projet, deviendrait nécessairement décisive. Cette réflexion ne saurait être négligée, puisque, je le rappelais en introduction, le projet qui sous-tend un CTE ne se résume pas à des actions, mais doit refléter la vision que nourrit un territoire en matière d'activité économique et dans sa relation avec ses citoyens.
Pour prendre un exemple, le CTE de Carcassonne Agglo est né du drame de Trèbes et de Villegailhenc, villages frappés par de grandes crues, et est axé sur la résilience, c'est-à-dire sur l'adaptation et le dépassement de ces événements. Ce CTE porte donc une vision née à la suite d'épisodes douloureux. Autre exemple, le CTE du Pays d'Arles, dont la vision porte sur la préservation écologique et économique de la Camargue, qui justifie l'utilisation de la paille de riz comme matériau différent et biosourcé par le secteur du bâtiment, l'objectif étant d'atteindre un équilibre économique facilitant la préservation des paysages. Dans les deux cas que je viens de citer, les élus doivent consacrer du temps et de l'énergie à la définition de la vision qui sous-tend le CTE : de fait, l'accompagnement d'EPCI moins avancés dans leur réflexion exigera un temps plus important.
Ces exemples visaient à montrer que l'argent n'est pas un facteur limitant. Nous sommes en effet toujours parvenus à financer les actions des CTE, comme en atteste le montant de l'investissement total : 1,5 milliard d'euros. En revanche, la capacité des élus à avancer et notre capacité d'accompagnement, avec les ressources contraintes de l'État, marquent des limites effectives au développement des contrats de transition écologique.
Dans le cadre du prochain appel à projets, nous encouragerons les CTE axés sur la biodiversité, sachant que nous comptons déjà de nombreux contrats dans les thématiques de l'énergie et de l'économie circulaire et que l'année 2020 est celle de la biodiversité.
Nous avons été très tôt attentifs à l'articulation avec d'autres dispositifs, de manière à éviter le cloisonnement des projets et travaux dans un même territoire. En pratique, nous avons systématiquement proposé la jonction entre les contrats de transition écologique et les Territoires d'industrie, afin de concevoir des contrats uniques. L'un de ces contrats est entré en vigueur à Annecy, mais tous n'ont pas été acceptés, faute par exemple d'une bonne coïncidence des calendriers ou des zonages.
Le CTE est souple, si bien qu'il peut facilement devenir la déclinaison écologique d'une contractualisation préexistante. Ainsi, le pacte Sambre-Avesnois-Thiérache a intégré un contrat de transition écologique en tant que volet écologique. Le CTE n'est pas un dispositif fermé, mais une dynamique encourageant l'action écologique, qui peut se développer seule ou s'intégrer dans d'autres contractualisations, si elles existent. Aussi ne sera-t-il pas plus difficile de travailler avec des pactes territoriaux plus globaux ou avec un contrat de territoire unique, au sens de l'ANCT, puisque les CTE préexistants s'y intègreront ou que les territoires souhaitant concevoir un pacte global pourront en travailler le volet écologique selon la méthode du CTE.
Les périmètres des CTE et du programme « Action cœur de ville » peuvent coïncider, mais assez rarement, car les CTE s'intéressent à un territoire généralement plus large. Il serait certainement intéressant de mesurer la manière dont la réappropriation du cœur de ville peut affecter les enjeux d'un contrat de transition écologique, mais également de systématiser l'articulation entre ces deux dispositifs, c'est-à-dire entre la ville et sa périphérie.
En conclusion, le CTE est un outil performant dont les élus se sont emparés, sans coercition ou incitation de la part de l'État. Les 80 territoires auxquels sont attachés les contrats s'en déclarent satisfaits, au point que le mot de « fierté » soit l'un de ceux qui me sont le plus souvent rapportés lors de mes rencontres de terrain : les acteurs locaux sont fiers de construire, fiers de réussir collectivement, fiers du contenu du projet et fiers de la dynamique.
La prochaine vague d'appels à projets devrait être lancée entre avril et mai. Les CTE qui seront conclus à cette occasion s'inscriront dans la tension entre la souplesse et la rigueur du dispositif. Il ne s'agit pas de nommer contrat de transition écologique toute démarche locale intégrant un demi-panneau solaire ou un quart de chauffe-eau thermique.