Députée d'un département connu pour ses exploitations betteravières, je me sens particulièrement concernée par ce projet de loi. La Seine-et-Marne est en effet le troisième département betteravier de France, avec plus de 32 000 hectares de betteraves et 1 200 planteurs, soit environ un tiers des agriculteurs seine-et-marnais.
Cette culture est une fierté pour mon département. Pourtant, cette année, à cause du virus de la jaunisse transmis par les pucerons, les betteraviers de mon territoire ont perdu jusqu'à 50 % de leur rendement. Hier encore, j'étais avec eux pour constater les dégâts. Beaucoup envisagent de cesser leur exploitation et de se concentrer sur d'autres types de cultures. L'arrêt de leur activité ferait peser une immense menace pour les deux dernières sucreries de Seine-et-Marne, à Nangis et Souppes-sur-Loing. Le risque de disparition de la filière betteravière dans ma circonscription n'a donc jamais été aussi réel.
C'est pourquoi, au nom du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, je soutiens ce projet de loi ouvrant aux betteraviers, et à eux seuls, la possibilité de déroger pendant trois ans à l'interdiction d'utilisation des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits. Nous y sommes favorables car nous souhaitons conserver notre souveraineté dans cette filière et non laisser s'effondrer notre production française, en ouvrant la porte à des productions étrangères qui n'obéissent à aucune contrainte environnementale – je pense notamment à la production brésilienne.
Nous ne revenons pas sur l'interdiction des néonicotinoïdes, dont notre pays demeure pionnier. Nous utilisons simplement une possibilité offerte par le droit européen, pour la seule culture betteravière, et appliquée chez tous nos voisins européens. Les interdictions pour les autres filières seront maintenues et c'est très bien ainsi.
Je rappelle par ailleurs que la suppression de l'utilisation des néonicotinoïdes sur les betteraves a entraîné la réutilisation des pyréthrinoïdes pour essayer de limiter les populations de pucerons. Or, ces insecticides sont bien pires que les néonicotinoïdes, qui n'étaient autorisés que par enrobage de la graine et se diffusaient ensuite dans la plante, alors que les pyréthrinoïdes sont appliqués par pulvérisation et détruisent tous les insectes présents en surface au moment de leur diffusion, sans distinction – coccinelles ou pucerons, dont un grand nombre continue de proliférer à l'abri des feuilles. L'interdiction des néonicotinoïdes a donc entraîné de nouvelles pratiques catastrophiques pour la biodiversité.
Nous soutenons la possibilité de dérogation temporaire pour cette culture à une condition impérative : que celle-ci s'accompagne d'une nouvelle politique agricole. Nous sommes convaincus que l'éradication des populations de pucerons ne sera effective, à terme, qu'en recourant à l'agro-écologie, notamment aux haies bocagères qui sont des réservoirs de biodiversité, en particulier de prédateurs de pucerons.
J'appelle donc le Gouvernement à travailler, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC), à revoir les aides PAC liées aux surfaces d'intérêt écologique (SIE) afin d'introduire la nécessité de planter des haies bocagères autour des cultures. Parallèlement, il est indispensable de soutenir la recherche sur la sélection de variétés de betteraves tolérantes à la jaunisse.
Tout cela suppose une surveillance renforcée pour que, dans trois ans, la sortie des néonicotinoïdes soit totale. Nous sommes et nous resterons vigilants.