La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné, pour avis, le projet de loi, après engagement de la procédure accélérée, relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire (n° 3298) ( Mme Claire O'Petit, rapporteure pour avis ).
Nous sommes réunis afin d'examiner, pour avis, le projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire, qui sera examiné au fond, demain, par la commission des affaires économiques.
Je remercie M. Julien Denormandie, ministre de l'agriculture et de l'alimentation, qui participera à l'ensemble de nos travaux.
Je précise que, sur le fondement de l'article 45 de la Constitution, j'ai été amenée à déclarer irrecevables certains amendements pouvant être considérés comme des cavaliers législatifs. Je me suis efforcée de suivre l'analyse du président de la commission des affaires économiques, saisie au fond, les amendements adoptés par notre commission devant ensuite être jugés recevables par cette dernière afin d'être discutés devant elle. La doctrine a donc été celle-ci : l'article unique du projet de loi mentionne des « produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ». Comme le Conseil constitutionnel le rappelle régulièrement, l'appréciation du lien indirect s'effectue par rapport au contenu du projet et non au regard de l'objet ou du titre du texte. Dès lors, les amendements portant sur d'autres produits phytopharmaceutiques que ceux mentionnés à l'article unique ont été déclarés irrecevables ; il en a été de même de ceux demandant le dépôt de rapports sur la situation économique de certaines filières, le projet ne mentionnant pas de filière particulière et ne comportant pas de disposition relative à leur équilibre économique.
Nous en venons à la discussion générale.
Je vous remercie de m'avoir convié à vos travaux afin d'examiner avec vous ce projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter au nom du Gouvernement.
Il s'inscrit dans le contexte si particulier de la maladie dite de la jaunisse de la betterave, causée par plusieurs types de virus colportés par des pucerons. Ces virus modifient le métabolisme de la plante, stoppent la photosynthèse et détruisent la chlorophylle, ce qui explique le jaunissement des feuilles. La plante ne peut dès lors plus assimiler de sucre ni l'emmagasiner dans le tubercule exploité ensuite par les sucreries pour en faire du sucre, du bioéthanol ou du gel hydroalcoolique – nous pouvons à ce propos rendre hommage à la filière pour sa mobilisation, notamment au début de la crise sanitaire de la covid-19.
Cette maladie, qui s'est massivement étendue du sud au nord – pour schématiser, du sud de l'Île-de-France au nord des Hauts-de-France –, entraîne des baisses importantes de rendement. Or, en ce moment même, les agriculteurs doivent décider des assolements et déterminer s'ils planteront des betteraves. Contrairement à ce que certains pourraient penser, les betteraviers ne pratiquent plus la monoculture, à la différence d'il y a quinze ou vingt ans. En raison de la crise de la jaunisse et du manque d'alternatives, ils hésitent – c'est un euphémisme – à en planter, à la différence, par exemple, des céréales.
Nous sommes confrontés à un immense défi de souveraineté et d'indépendance : si les agriculteurs décident de ne pas planter de betteraves à la fin de l'hiver et au début du printemps prochain, les sucreries risquent de fermer rapidement faute d'intrants et, in fine, de modèle économique. En deux saisons, une industrie peut être mise à mal, bien qu'elle soit un fleuron de l'agriculture française, notre pays comptant parmi les principaux producteurs mondiaux de betteraves et étant le premier producteur européen de betteraves sucrières.
Il est néanmoins évident que nos compatriotes continueront à consommer du sucre dans les deux prochaines années. Nos voisins européens, eux, continuent non seulement à bénéficier de dérogations pour l'usage des néonicotinoïdes mais à utiliser des produits parfois interdits dans notre pays au titre de la nécessaire transition agro-écologique. Si les agriculteurs ne plantent plus de betteraves, demain, les sucreries fermeront et, après-demain, nous devrons importer du sucre depuis la Pologne, la Belgique ou l'Allemagne, qui utilisent de telles dérogations.
Ce projet de loi vise donc à introduire la possibilité de déroger à l'interdiction des néonicotinoïdes, au même titre que le font onze pays européens, en utilisant l'article 53 du règlement européen encadrant, en cas de crise sanitaire, la possibilité de déroger aux interdictions.
Avant de proposer un tel dispositif, nous avons beaucoup réfléchi à la question des alternatives possibles, y compris depuis la loi de 2016.
Tout d'abord, l'alternative économique. La filière serait placée « sous perfusion » en attendant de trouver une solution comme la sélection des semences, le « bio-contrôle » avec l'utilisation d'auxiliaires comme des coccinelles ou d'autres insectes prédateurs des pucerons, ou encore des solutions dites « culturales » à travers la réduction des tailles de parcelles ou l'association d'autres cultures à la plantation de betteraves, comme cela a été fait dans l'Oise avec l'avoine. Aujourd'hui, aucune de ces alternatives ne marche.
L'alternative économique, plus précisément, se heurte au principe de base de l'ensemble des règles européennes régissant les soutiens économiques et interdisant de délivrer une aide couvrant 100 % d'une culture, le seuil étant de 65 %. Un agriculteur ne prendra pas le risque de devoir absorber une perte éventuelle de 35 %.
Ensuite, la sélection des semences, que j'ai rapidement évoquée. Des travaux de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) sont en cours, notamment dans le cadre du programme AKER, mais, à ce jour, aucune semence susceptible de contrer la modification du métabolisme induite par le virus de la jaunisse n'a été identifiée.
Enfin, des alternatives culturales ou agrobiologiques, mais les pistes dont nous disposons ne sont ni pérennes ni susceptibles de convaincre les agriculteurs de replanter des betteraves.
Nous vous proposons donc d'introduire dans la loi la possibilité de déroger à l'interdiction d'utiliser les néonicotinoïdes pendant les trois années à venir au maximum, comme nous les avons utilisés par le passé et comme les utilisent onze pays européens sur quatorze pays producteurs. Cela emporte évidemment des conséquences politiques – je suis le premier à en avoir pleinement conscience – mais aussi écologiques et agricoles.
J'ajoute que nous avons élaboré, dans le même temps, un plan de recherche très ambitieux, avec un financement de l'État à hauteur de 5 millions d'euros sur trois ans, l'État entrant ainsi dans la gouvernance de ces programmes publics – c'est une évidence – ou privés, comme avec l'Institut technique de la betterave (ITB).
Nous avons également élaboré un programme de prévention visant à limiter les conséquences écologiques de cette réintroduction. Des alternatives chimiques autorisées par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) comme le Movento ou le Teppeki ont des incidences écologiques très importantes, en particulier lorsqu'ils sont utilisés au-delà des doses autorisées, ce qui est souvent le cas. Le plan de prévention vise donc à se prémunir de tels risques tout en aidant la filière à diminuer la dose de néonicotinoïdes de 25 % par rapport aux usages précédents et en accélérant la recherche agronomique afin de trouver des solutions culturales.
Ces plans de recherche et de prévention m'ont été remis ce matin, ils sont désormais public et font partie intégrante de l'ensemble du dispositif que nous avons proposé le 6 août dernier.
Ce projet de loi, pour des raisons légistiques, ne mentionnait pas le mot « betteraves » lorsque nous en avons discuté en conseil des ministres et lorsque le Conseil d'État a donné son avis, mais la ministre de la transition écologique Mme Barbara Pompili et moi-même, en tant qu'autorités qui signeront les arrêtés de dérogation, nous engageons très fermement à n'utiliser cette possibilité que pour la culture des betteraves sucrières. Nos débats permettront de nous assurer comment cet engagement, que je prends officiellement, qui sera inscrit au Journal officiel, pourra figurer dans le « dur » de la loi.
Ce projet de loi s'inscrit dans un contexte particulier.
En 2016, la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a interdit l'utilisation des produits phytosanitaires contenant des néonicotinoïdes à partir de 2018. Sur la base d'un rapport de l'ANSES, des dérogations étaient possibles jusqu'au 1er juillet 2020.
Depuis cette date, la loi interdit l'usage de produits contenant des néonicotinoïdes mais la filière de la betterave sucrière a été confrontée, en 2020, à une invasion de pucerons verts qui a contaminé les cultures de betteraves et leur a inoculé la jaunisse.
Pourquoi une telle invasion cette année ? Il semblerait qu'elle ait été favorisée par un hiver particulièrement doux ayant entraîné une apparition précoce de ces pucerons, avant l'arrivée d'auxiliaires comme les coccinelles.
Ce virus provoque un jaunissement des feuilles de betteraves qui empêche le développement de la plante et, conséquemment, d'énormes pertes de rendement pour les agriculteurs. Nous n'en connaissons pas encore l'ampleur exacte mais les estimations s'élèvent aujourd'hui à 10 tonnes par hectare, chiffre qui n'est d'ailleurs qu'une moyenne, certaines régions étant plus touchées : les baisses de rendement dépassent ainsi 30 % en Île‑de-France et en Centre-Val de Loire. Certaines exploitations font même face à des pertes pouvant atteindre 40 %. C'est sur la base de ces chiffres que les agriculteurs décideront ou non de planter des betteraves l'année prochaine.
Ces derniers ne sont pas les seuls touchés par cette crise. L'industrie sucrière dépend fortement des récoltes de betteraves, dont les usines ont besoin d'une certaine quantité pour couvrir leurs coûts fixes et être rentables. Si les agriculteurs ne plantent pas de betteraves l'année prochaine, certaines usines n'auront plus assez de betteraves pour fonctionner et fermeront. Or, la France, premier producteur européen, produit 30 % des betteraves en Europe.
Nous devons être pragmatiques : que se passera-t-il si la production française de betteraves chute, en l'absence d'alternative efficace aux néonicotinoïdes à très court terme ? Nous importerons plus de sucre en provenance d'autres producteurs européens – allemands, polonais, etc. Or, ces pays utilisent des néonicotinoïdes, certaines substances étant encore autorisées par l'Union européenne sans limite, d'autres l'étant par dérogation. Cela déplacerait l'impact environnemental des néonicotinoïdes dans un autre pays mais les conséquences sur la biodiversité ou les sols seraient les mêmes. Dans ce cas, nous détruirions notre industrie sucrière, qui compte 5 000 salariés permanents et 2 000 saisonniers, sans compter les milliers d'emplois indirects.
Pour autant, cette crise ne doit pas nous conduire à donner un chèque en blanc pour utiliser des néonicotinoïdes sans restriction : le projet de loi maintient la règle générale d'interdiction de ces substances et permet des usages dérogatoires limités.
Tout d'abord, les dérogations ne seront possibles que jusqu'au 1er juillet 2023.
Ensuite, elles seront prises dans les conditions dérogatoires prévues par le règlement européen, dont l'article 53 dispose que les dérogations ne peuvent excéder 120 jours, en vue d'un usage limité et contrôlé, et lorsqu'une telle mesure s'impose en raison d'un danger qui ne peut être maîtrisé par d'autres moyens raisonnables.
Enfin, le Gouvernement a pris l'engagement de limiter ces dérogations aux seules cultures de betteraves. Je lui fais pleinement confiance sur ce point mais je comprends et partage la nécessité de le préciser dans la loi. Il n'est pas possible d'y écrire directement le terme « betteraves » car le Conseil constitutionnel le censurerait probablement mais il est possible de restreindre le champ des dérogations pour des motifs d'intérêt général en lien avec l'objet du projet de loi : restriction aux seules cultures récoltées avant floraison ; restriction aux cultures s'inscrivant exclusivement dans une chaîne de transformation industrielle, ce qui entraîne la dépendance économique de toute une filière.
Le cumul de ces deux critères restreindrait en pratique la dérogation aux betteraves et cette rédaction permettrait de respecter le principe d'égalité car la restriction se justifierait par deux motifs d'intérêt général : la réduction de l'impact environnemental pour le critère de floraison, la conciliation de l'enjeu environnemental avec la préservation d'une industrie pour le critère de transformation industrielle.
Je pense également qu'il faut demander des contreparties à la filière et je défendrai des amendements en ce sens : plans de prévention contenant les engagements de la filière ; engagement dès aujourd'hui dans le développement de pratiques agro-écologiques, notamment la plantation de haies ; mesures de protection des abeilles ; interdiction de planter des cultures qui attirent ces dernières après l'utilisation de néonicotinoïdes.
Par ailleurs, le Gouvernement a prévu un budget de 5 millions d'euros pour la recherche d'alternatives aux néonicotinoïdes dans le cadre du plan de relance, ce qui permettra de s'assurer qu'en 2023, voire avant, il n'y ait plus besoin de dérogations.
Vous l'aurez compris, la filière de la betterave sucrière se trouve dans une situation difficile, ce pourquoi nous examinons ce texte aujourd'hui. Pour autant, je le répète, nous ne devons pas donner un chèque en blanc pour ré-autoriser les néonicotinoïdes mais restreindre les dérogations temporaires à des situations très particulières en échange de contreparties. Tel est l'objet de ce projet de loi, dont j'espère que les travaux de notre commission permettront de préciser le champ.
Nombre d'entre nous ont été surpris par la symbolique de ce texte, qui semble aller à rebours des engagements pris. Ainsi selon la loi dite « biodiversité » de 2016, l'interdiction des néonicotinoïdes est entrée en vigueur en septembre 2018. À ce jour, en France, plus de 90 % des néonicotinoïdes interdits en 2016 le sont effectivement, l'objectif étant de parvenir le plus rapidement possible à 100 %.
En raison de l'hiver le plus doux jamais enregistré, les betteraves issues de semences non enrobées d'insecticides sont atteintes de jaunisse, ce qui entraîne de fortes chutes de rendement. Face à la crise que vivent nos betteraviers, nous avons été nombreux, dès le mois de juillet, à souhaiter que le Gouvernement vienne en aide à la filière.
Après de nombreux échanges, nous ne pouvons que constater et déplorer l'absence de solution disponible et efficace pour lutter contre ce virus. Nous nous retrouvons donc face à une impasse et nous avons compris qu'il était nécessaire de proposer à nos agriculteurs une solution pour 2021 si les conditions météorologiques de l'hiver prochain devaient être identiques à celles de l'hiver passé.
Nous plaçons toujours au centre de notre action politique l'équilibre des enjeux environnementaux et économiques. En l'occurrence, la France est le premier producteur européen de sucre de betteraves et nier le danger face auquel se trouve cette filière reviendrait à refuser de voir la vérité en face. La vérité, ce sont 46 000 emplois menacés en France, dont 25 000 agriculteurs et 21 sucreries.
Toutefois, ce texte, en l'état, ne satisfait pas le groupe La République en Marche (LaREM).
Depuis sa présentation le 3 septembre dernier, nous avons compris que le Gouvernement voulait plus et mieux encadrer l'application de cette loi, ce qui va dans le bon sens. Nous saluons la nomination d'un délégué interministériel à la filière sucre, nous nous félicitons des engagements de la filière – qui vous a présenté ce matin son plan d'action pour accélérer sa transition –, et nous accueillons avec satisfaction l'annonce d'un programme de recherche renforcé pour accélérer l'identification des alternatives à l'usage des néonicotinoïdes.
Oui, nous devons aider la filière betteravière, mais pas n'importe comment ni à n'importe quel prix. Nous souhaitons que le travail parlementaire permette de réduire explicitement le champ d'application de ce projet de loi à la seule filière de la betterave sucrière. Nous souhaitons également, en lien avec le travail de nos collègues de la commission des affaires économiques, qu'un comité de suivi et de contrôle soit installé, dont la mission serait de s'assurer que les engagements de la filière soient suivis d'effets, que l'éventuelle dérogation n'intervienne qu'en cas de risque sanitaire avéré et que les travaux de recherche pour l'identification d'alternatives progressent suffisamment vite.
Au-delà des représentants de l'État, nous souhaitons que ce comité de suivi et de contrôle soit également composé d'experts scientifiques, d'acteurs de la filière betteravière, d'organisations non gouvernementales (ONG) et de parlementaires.
C'est en responsabilité que le groupe LaREM soutiendra ce projet, mais nous avons des exigences qui doivent être satisfaites dans le cadre du débat parlementaire qui s'ouvre.
La filière betteravière est confrontée depuis la fin des quotas à une très forte dégradation des marchés qui entraîne une baisse significative de la rémunération des betteraves aux producteurs et des résultats financiers délicats pour les groupes sucriers.
À cela s'ajoute une forte pression parasitaire de pucerons verts, qui se traduit par une perte de rendement estimée par l'ITB entre 30 % et 50 % dans les zones infectées. Dans ces conditions, l'interdiction d'utiliser les néonicotinoïdes a de lourdes conséquences économiques et environnementales.
En effet, les alternatives à l'usage de ces produits, plus coûteuses – de l'ordre de 100 euros par hectare en moyenne – et moins efficaces semblent avoir un impact environnemental négatif car un plus grand nombre de traitements est nécessaire. La question de la pertinence de l'interdiction des insecticides sur l'enrobage des semences se pose donc. Il convient de noter à ce propos que douze États européens producteurs de betteraves sur dix-neuf ont eu recours à des dérogations pour l'utilisation desdites semences, contrairement à la France.
Dans ces circonstances, ce projet n'est pas « anti-environnemental » pour les raisons suivantes.
Il s'agit d'autoriser une semence enterrée et non de pulvériser un produit phytosanitaire. La betterave ne produisant pas de fleur, les abeilles ne la butinent pas. En outre, si aucune dérogation d'utilisation des néonicotinoïdes n'est appliquée, l'ensemble de la filière sera affecté avec pour conséquence une diminution des revenus des agriculteurs – la perte est estimée à plus de 1 300 euros par hectare –, des territoires ruraux délaissés et une augmentation des importations de sucre.
J'ajoute que ce projet de loi ne prévoit qu'une dérogation limitée, dans son objet et dans le temps, et compte tenu des circonstances sanitaires, ce qui n'a rien d'apocalyptique. Il constitue une réponse pragmatique qui donnera à la filière de la betterave les moyens de lutter efficacement, en l'absence de toute autre solution alternative en l'état, contre un danger sanitaire – la jaunisse de la betterave – qui perdurerait dans un contexte climatique très aggravant de sécheresse.
Le groupe Les Républicains avait déjà défendu cette exception pour la betterave lors du débat sur le projet de loi dit « ÉGALIM ». Nous soutiendrons donc ce texte, attendu par de nombreux agriculteurs producteurs de betteraves.
Députée d'un département connu pour ses exploitations betteravières, je me sens particulièrement concernée par ce projet de loi. La Seine-et-Marne est en effet le troisième département betteravier de France, avec plus de 32 000 hectares de betteraves et 1 200 planteurs, soit environ un tiers des agriculteurs seine-et-marnais.
Cette culture est une fierté pour mon département. Pourtant, cette année, à cause du virus de la jaunisse transmis par les pucerons, les betteraviers de mon territoire ont perdu jusqu'à 50 % de leur rendement. Hier encore, j'étais avec eux pour constater les dégâts. Beaucoup envisagent de cesser leur exploitation et de se concentrer sur d'autres types de cultures. L'arrêt de leur activité ferait peser une immense menace pour les deux dernières sucreries de Seine-et-Marne, à Nangis et Souppes-sur-Loing. Le risque de disparition de la filière betteravière dans ma circonscription n'a donc jamais été aussi réel.
C'est pourquoi, au nom du groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés, je soutiens ce projet de loi ouvrant aux betteraviers, et à eux seuls, la possibilité de déroger pendant trois ans à l'interdiction d'utilisation des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits. Nous y sommes favorables car nous souhaitons conserver notre souveraineté dans cette filière et non laisser s'effondrer notre production française, en ouvrant la porte à des productions étrangères qui n'obéissent à aucune contrainte environnementale – je pense notamment à la production brésilienne.
Nous ne revenons pas sur l'interdiction des néonicotinoïdes, dont notre pays demeure pionnier. Nous utilisons simplement une possibilité offerte par le droit européen, pour la seule culture betteravière, et appliquée chez tous nos voisins européens. Les interdictions pour les autres filières seront maintenues et c'est très bien ainsi.
Je rappelle par ailleurs que la suppression de l'utilisation des néonicotinoïdes sur les betteraves a entraîné la réutilisation des pyréthrinoïdes pour essayer de limiter les populations de pucerons. Or, ces insecticides sont bien pires que les néonicotinoïdes, qui n'étaient autorisés que par enrobage de la graine et se diffusaient ensuite dans la plante, alors que les pyréthrinoïdes sont appliqués par pulvérisation et détruisent tous les insectes présents en surface au moment de leur diffusion, sans distinction – coccinelles ou pucerons, dont un grand nombre continue de proliférer à l'abri des feuilles. L'interdiction des néonicotinoïdes a donc entraîné de nouvelles pratiques catastrophiques pour la biodiversité.
Nous soutenons la possibilité de dérogation temporaire pour cette culture à une condition impérative : que celle-ci s'accompagne d'une nouvelle politique agricole. Nous sommes convaincus que l'éradication des populations de pucerons ne sera effective, à terme, qu'en recourant à l'agro-écologie, notamment aux haies bocagères qui sont des réservoirs de biodiversité, en particulier de prédateurs de pucerons.
J'appelle donc le Gouvernement à travailler, dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC), à revoir les aides PAC liées aux surfaces d'intérêt écologique (SIE) afin d'introduire la nécessité de planter des haies bocagères autour des cultures. Parallèlement, il est indispensable de soutenir la recherche sur la sélection de variétés de betteraves tolérantes à la jaunisse.
Tout cela suppose une surveillance renforcée pour que, dans trois ans, la sortie des néonicotinoïdes soit totale. Nous sommes et nous resterons vigilants.
Nous sommes d'accord pour reconnaître que la filière betteravière se trouve en grande difficulté. Comme le disait très justement notre collègue Mme Valérie Beauvais, elle est confrontée au problème de la jaunisse, qui résulte d'un aléa climatique, et à un problème structurel depuis qu'elle n'est plus soumise aux quotas sucriers qui, durant des années, ont assuré sa prospérité.
D'autres filières, en France, subissent aujourd'hui des aléas climatiques. Nous sommes ici plusieurs députés issus de régions d'élevage, où une dramatique sécheresse a durement frappé nos éleveurs. Nous sommes également plusieurs à savoir combien les producteurs de lait souffrent d'une absence de régulation, faute de quotas. Il convient donc d'élargir notre spectre pour prendre les bonnes décisions.
Le texte que vous présentez permettra-t-il de répondre aux problèmes de court, moyen et long termes ? Nous considérons que vous faites fausse route. Ce que vous proposez est un recul pour l'environnement, la biodiversité et l'agro-écologie.
Nous risquons en effet d'ouvrir la boîte de Pandore. Vous dites que vous ne signerez aucun arrêté visant un secteur autre que celui de la betterave, sauf que rien ne nous le garantit, pour des raisons constitutionnelles qui sont d'ailleurs parfaitement compréhensibles.
Je sais combien la décision est compliquée à prendre dans un cas pareil et je souhaite faire quelques propositions.
Nous proposons de nous diriger vers un système de compensation économique. Vous l'avez écarté, monsieur le ministre, mais un débat en la matière serait salutaire. D'autres pays, en effet, s'y sont essayé. En 2008, l'Italie a réussi à instaurer un système associant les producteurs de maïs, sur 50 000 hectares, pour accompagner cette transition et compenser le manque à gagner. Ce pays nous a montré que c'était une voie de succès. Nous proposons donc qu'un fonds de compensation soit financé par une augmentation de la taxe sur les produits phytosanitaires, ce qui aurait politiquement du sens.
En outre, nous proposons de reprendre résolument le cap de la réduction de notre dépendance à la phytopharmacie en relançant le plan Écophyto, avec de vrais financements pour les fermes DEPHY et un accompagnement en termes de formation des agriculteurs.
Le temps est venu non de reculer, mais d'accélérer en matière d'agro-écologie.
Chacun d'entre nous aurait préféré ne pas avoir à se réunir pour réviser une interdiction votée voilà quatre ans. Je rejoins sur ce point Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, et je regrette vivement que la loi de 2016 n'ait pas été mieux appliquée en raison notamment d'un manque de suivi des recherches alternatives à ces produits phytopharmaceutiques.
Si le groupe UDI et Indépendants soutient ce projet de loi, ce n'est pas de bon cœur. Si les betteraves sont récoltées avant la floraison, la faible biodégradabilité des néonicotinoïdes provoque la diffusion de cette molécule dans les sols, notamment, où elle atteint des populations d'être vivants qui n'étaient pas ciblées.
Nous voterons cette dérogation car, si nous ne le faisons pas, cette filière d'excellence française qu'est la filière sucrière sera démantelée. La France est le premier producteur européen de sucre de betterave et l'un des premiers exportateurs. Les rendements s'annoncent catastrophiques pour certains producteurs eu égard à la conjoncture environnementale. Nous sommes à la veille de perdre un fleuron de notre économie agricole mais, aussi, des emplois industriels : en tout, ce sont 46 000 emplois qui sont en jeu.
Si nous voulons les sauvegarder, nous ne pouvons agir durablement en si peu de temps. Notons tout de même que dix États membres de l'Union européenne ont accordé des dérogations permettant l'usage de néonicotinoïdes en 2020. Il n'est pas question de dire que nous devons le faire parce que nos voisins le font mais de comprendre que nous ne pouvons pas mettre les agriculteurs français en difficulté face à leurs concurrents européens. M. le Président de la République Emmanuel Macron s'y est engagé : pas de sur-transpositions.
Si nous laissons cette filière mourir, la France devra à terme importer du sucre de betterave de ses voisins européens qui autorisent l'utilisation des néonicotinoïdes : ce serait une hérésie, sur le plan tant économique qu'environnemental – notamment en raison des émissions de gaz à effet de serre liées aux transports et du bilan carbone que cela engendrerait. C'est pourquoi le groupe UDI et Indépendants considère que nous ne pouvons pas nous passer d'une telle dérogation, mais qu'il faut qu'elle soit limitée dans le temps et restreinte, comme s'y est engagé le Gouvernement, à la seule culture de la betterave sucrière ; nous serons en outre attentifs au suivi de l'application de la loi et veillerons à ce que l'on procède au plus vite à la recherche d'autres solutions.
Avant de revenir sur les énormités proférées depuis le début de cette discussion sur les dimensions écologiques et agronomiques du problème, je voudrais situer le présent projet de loi au regard de l'urgence écologique. Si 66 % des vertébrés sauvages ont disparu de la planète en cinquante ans et 80 % des insectes d'Europe en trente ans, c'est en grande partie à cause des pesticides. Les néonicotinoïdes sont extrêmement nocifs ; ils sont 7 000 fois plus toxiques que le DDT, interdit en France depuis presque cinquante ans. Représentant 35 % à 40 % du marché mondial, ils constituent pourtant la catégorie d'insecticides la plus vendue dans le monde.
Le présent projet de loi revient à autoriser l'utilisation de semences enrobées de néonicotinoïdes sur un demi-million d'hectares de surface agricole en France, c'est-à-dire à déverser 100 tonnes de néonicotinoïdes sur notre territoire. En réalité, la racine du problème n'est pas la jaunisse de la betterave, c'est le modèle agro-industriel adopté par la filière. L'agro-industrie fabrique les conditions de sa propre destruction : l'appauvrissement du vivant par la monoculture et la production à grand renfort de pesticides ainsi que le bouleversement climatique créent un terreau favorable aux maladies et ravageurs. La France est le premier producteur européen de sucre : la filière emploie 46 000 personnes et regroupe 25 000 cultivateurs et vingt et une sucreries. Si ses difficultés économiques sont réelles, elles sont liées – cela a été dit – à la suppression en 2017 des quotas sucriers et du prix minimum garanti. Autoriser de nouveau l'usage des néonicotinoïdes reviendrait à mettre un pansement sur une jambe de bois ! Il serait préférable, à court terme, de débloquer des fonds d'urgence écoconditionnés pour les agriculteurs touchés et, à long terme, de planifier la transition de l'ensemble de la filière.
Le Gouvernement nous explique que la betterave étant récoltée avant floraison, elle n'attirerait pas les pollinisateurs et qu'en conséquence, l'usage des néonicotinoïdes en enrobage de semences ne serait pas dangereux pour les abeilles.
Or seulement 20 % de la substance active contenue dans la semence est absorbée par la plante ; le reste se diffuse dans les sols, les cours d'eau et les nappes phréatiques, où elle subsiste jusqu'à vingt ans. De quoi nuire durablement aux abeilles et à l'ensemble de la faune !
Le Gouvernement nous assure que la dérogation ne sera accordée que si l'hiver est doux – mais, monsieur le ministre, concrètement, comment allez-vous vous y prendre ? Les agriculteurs achètent leurs semences par avance. Que croyez-vous qu'ils vont faire ? En acheter des enrobées et des non-enrobées et, en fonction de la météo, semer les unes ou les autres ? Voyons ! C'est totalement irréaliste ! Vous savez très bien que tous les cultivateurs achèteront des semences enrobées et que, quelle que soit la météo, ce seront ces semences-là qui se retrouveront dans les sols.
Le Gouvernement n'a rien fait pour éviter l'effondrement de la filière sucrière française. Pourtant, celle-ci était prévisible, car ses causes sont structurelles : elles sont liées à la libéralisation du marché mondial et à la suppression des quotas sucriers et du prix minimum garanti. C'est sur le plan économique qu'il convient d'agir, et non au moyen de pseudo-solutions agronomiques.
Que disent les scientifiques ? Que le retour des néonicotinoïdes, même limité à la betterave, est tout sauf accessoire. Le constat fait consensus parmi eux : l'usage des néonicotinoïdes est un désastre pour la biodiversité et pour les écosystèmes, quelles que soient la dose et la technique utilisées. Ces substances se diffusant à plus de 80 % dans les sols, l'argument concernant les fleurs de betteraves est fallacieux. Les conséquences pour la nature sont immenses. Et sans biodiversité, pas d'agriculture !
Or il existe, monsieur le ministre, d'autres solutions, à commencer par des solutions économiques. Au groupe Écologie, Démocratie, Solidarité (EDS), nous ne partageons pas votre analyse ; nous pensons qu'il est possible de couvrir à 100 % pendant trois ans les pertes des agriculteurs grâce au renforcement du fonds de mutualisation existant. On pourrait aussi mettre en place, sur le modèle italien, une assurance récolte garantie par l'État afin de couvrir les pertes lorsque de telles situations surviennent. Quant aux risques qui pèseraient sur l'industrie du sucre, considérons que 24 % de la production française de betteraves sucrières sert actuellement à fabriquer des biocarburants, et non du sucre : décider d'utiliser les récoltes pour produire du sucre plutôt que des biocarburants pourrait être un choix politique.
Il existe enfin des solutions agronomiques, respectueuses de la nature ; il serait bon d'inciter les agriculteurs à changer de modèle plutôt qu'à recourir de manière préventive aux néonicotinoïdes, quelles que soient les surfaces concernées et les pertes avérées. Permettez-nous de ne plus croire aux promesses du Gouvernement en la matière. Des promesses, il y en a eu tellement – chacun dans cette commission s'en rappelle : concernant le glyphosate, concernant l'interdiction de produire en France les pesticides dont l'usage est interdit chez nous, concernant l'huile de palme… Il est normal que nous soyons inquiets de n'avoir de votre part, sur ce sujet, qu'un engagement oral.
Chers collègues, c'est aujourd'hui probablement la dernière fois d'ici à la fin de la législature que nous aurons l'occasion de voter sur ces questions de biodiversité. Ne la loupons pas ! Pour notre part, nous voterons contre la réintroduction des néonicotinoïdes.
Nous nous trouvons à nouveau placés devant un dilemme insoutenable : d'un côté, l'économie et le soutien à une filière agricole majeure ; de l'autre, l'environnement, la santé, la biodiversité. Quid de l'état actuel de la recherche et de l'existence éventuelle d'autres solutions ? Nous vous remercions, monsieur le ministre, pour votre propos explicatif, mais estimons que nous n'avons pas été suffisamment éclairés sur les enjeux en matière de recherche. Ce que nous savons en revanche, c'est qu'un certain nombre de betteraviers travaillant en agriculture raisonnée disent avoir réussi à épargner la jaunisse à leurs cultures – c'est certes au prix de méthodes plus coûteuses et avec une efficacité moyenne, mais c'est une réalité. Pour les autres, on évoque une baisse de 20 % à 40 % des rendements, mais prenons garde à ne pas ouvrir la boîte de Pandore. Prenez le blé : les rendements ont baissé de 20 %. Que fera-t-on pour les producteurs de blé ?
Le problème est plutôt de savoir comment soutenir une filière qui traverse depuis quelque temps une passe difficile – cela a été dit, cela découle notamment de la suppression des quotas – et qui se trouve aujourd'hui frappée par cette maladie. L'enjeu est à la fois agricole, industriel, social et commercial. Il nécessiterait, comme l'ont souligné mes collègues MM. Guillaume Garot et Matthieu Orphelin, que soit établi un plan pour la filière d'une tout autre nature et d'une portée autrement plus vaste qu'une mesure conjoncturelle qui percute les priorités sanitaires et écologiques jusque-là affichées par les pouvoirs publics.
De surcroît, une telle décision renforcerait l' agribashing à un moment où les tensions sont particulièrement vives dans la société française. Même si cette décision est partagée avec la filière, en faire peser la responsabilité sur celle-ci me pose problème.
Enfin, dans votre argumentation, vous prenez acte avec une indifférence qui m'apparaît coupable du laxisme de onze pays européens. Cela suffit à réduire à néant cet argument.
En conclusion, les députés communistes ne sont pas favorables à ce texte ; ils ne chercheront pas à l'amender et le rejetteront en totalité.
La filière de la betterave sucrière subit avant tout l'effondrement des prix du sucre, du fait de la fin des quotas européens et de la surproduction mondiale. Nous aurions tant aimé que le Gouvernement se mobilise sur ce dossier autant qu'il le fait pour revenir sur une interdiction datant de 2016 ! Les premiers travaux qui déboucheront sur cette décision remontent à plus de sept ans – j'étais à l'époque le chef de file du groupe écologiste pour l'examen du projet de loi relatif à la biodiversité. Permettez-moi de rappeler comment ce résultat a été obtenu : le vote s'est joué à deux voix près. Il a été acquis parce que des députés Les Républicains pro-chasse ont quitté l'hémicycle pour permettre l'adoption de cette mesure ; ils savaient bien que s'il n'y avait plus de petit gibier, notamment d'oiseaux, c'est parce qu'il n'y avait plus d'insectes – les néonicotinoïdes ne touchent pas que les pollinisateurs : c'est tout l'équilibre naturel et la biodiversité qui sont atteints, y compris les oiseaux. Si vous ne me croyez pas, consultez le compte rendu ou regardez la vidéo !
Cette interdiction n'était pas dirigée contre les agriculteurs, c'était une mesure pour la sauvegarde des insectes, des pollinisateurs et de la biodiversité dans son ensemble, et c'est pourquoi il n'est pas acceptable que nous revenions dessus aujourd'hui. Nous devons avoir le courage de faire le choix politique de préserver des pans entiers de biodiversité dans nos campagnes. Ne mettons pas les pieds dans un monde inconnu !
Si l'on pouvait mesurer la valeur économique de la biodiversité, des insectes pollinisateurs ou des oiseaux, je peux vous assurer que personne, y compris au Gouvernement, n'autoriserait le retour des néonicotinoïdes. Le prix à payer est sans comparaison avec les pertes économiques que subissent actuellement les agriculteurs et l'ensemble de la filière. Pourquoi ne pas porter un autre regard sur la question, par exemple en accompagnant économiquement la filière, comme le propose notre collègue M. Guillaume Garot, ancien ministre de l'agriculture et expert du sujet ?
Un dernier mot. Nous avons, pour une grande part d'entre nous, voté la fermeture des centrales à charbon.
J'assume cette décision, quoique l'une d'entre elles soit située dans ma ville, Gardanne. Toutefois, l'État nous accompagne – petitement, certes, à hauteur de 40 millions d'euros, mais c'est déjà ça. (Exclamations parmi les députés du groupe LR.) Voilà qui montre bien qu'une décision politique peut aller avec un accompagnement économique.
Chers collègues, si une filière économique, quelle qu'elle soit, venait vous voir à l'Assemblée, ou si elle venait voir le Gouvernement, en prétendant que les énergies fossiles n'émettent pas de CO2 et ne jouent aucun rôle dans l'accélération du changement climatique, vous seriez choqués. Eh bien, nous devrions l'être que la filière de la betterave sucrière considère que l'usage de néonicotinoïdes en enrobage de semences pour la culture des betteraves n'a d'effets ni sur les insectes, ni sur les abeilles, ni sur la biodiversité. C'est écrit noir sur blanc dans le plan qu'elle a présenté aujourd'hui ! Monsieur le ministre, j'espère que ce plan, vous allez le refuser.
Il nie les conclusions de 1 221 études scientifiques. Il prévoit, tenez-vous bien, l'exploitation de 500 hectares de cultures de betteraves sans néonicotinoïdes, soit 1 % de la surface cultivée en France, et de 1 000 hectares, c'est-à-dire 2 % de la surface, en 2023. Et l'on veut nous faire croire que c'est le chemin à suivre pour que l'interdiction des néonicotinoïdes soit une réalité en 2023 ? M. Christian Huyghe, de l'INRAE, que le rapporteur du projet de loi pour la commission des affaires économiques a auditionné, nous a dit que si le projet de loi était adopté, dans trois ans, on en serait au même point.
Le plan proposé par la filière prévoit aussi une réduction de 25 % de l'utilisation des néonicotinoïdes en enrobage de semence et l'implantation de 4 000 hectares de nouvelles surfaces de plantes mellifères, dans des exploitations qui auront été directement contaminées par les néonicotinoïdes. Cela ne changera strictement rien !
Alors que nous portons un masque du fait de la destruction de la biodiversité et que nous avions inscrit dans la loi du 8 août 2016 le principe de non-régression du droit de l'environnement, ce projet de loi est un contresens historique.
Le groupe LaREM est d'accord pour dire qu'il faut réduire au maximum le champ d'application de ce texte. C'est pourquoi nous présenterons deux amendements portant tant sur le contenu du projet de loi que sur son titre, afin qu'il ne s'applique qu'à la betterave sucrière. Il importe de le préciser, car il ne doit pas servir à autre chose qu'à répondre à la crise ponctuelle traversée par un secteur spécifique. C'est pourquoi nous voulons limiter dans le temps et dans son objet la portée du texte.
Il serait pour autant dommage qu'on oublie que 90 % des néonicotinoïdes employés avant 2016 sont d'ores et déjà interdits et que nous sommes en train de construire la marche qui nous permettra d'atteindre les 100 %. Faisons-le, chers collègues !
Quelle hypocrisie chez certains… L'écologie, ce n'est pas uniquement des effets de manche et des effusions médiatiques ! On ne peut pas dire continuellement que chez nous, on lave plus blanc que blanc et laisser les autres pays faire ce qu'ils veulent en important ce qu'ils produisent pour notre consommation. On voudrait faire croire à nos concitoyens qu'en France, on ne fait rien. C'est scandaleux ! J'ai voté contre l'interdiction des néonicotinoïdes à l'époque, mais je reconnais qu'elle a permis de faire avancer les mentalités ainsi que la recherche.
Ce dont nous parlons, c'est de transition écologique, pas de rupture ! Donnons du temps au temps. Les agriculteurs font leur boulot. Arrêtons de considérer qu'ils sont des incapables et qu'ils doivent être formés ; ils ont fait un travail formidable pour avancer dans ce domaine.
Je veux dire au ministre que si je ne lui apporte pas tous les jours mon soutien, il fait montre en l'espèce d'un grand courage et que c'est faire honneur à la République que de prendre une telle décision.
J'ai beaucoup travaillé sur ces sujets au cours des précédentes législatures et je suis dubitatif quant à ce qui nous est présenté aujourd'hui – mais je resterai attentif à ce qui sera dit en commission et dans l'hémicycle.
Des engagements ont déjà été pris, mais peut-être pourrions-nous en ajouter un ? Chaque année, l'Institut technique et scientifique de l'apiculture et de la pollinisation (ITSAP), couramment appelé l'Institut de l'abeille et qui est issu des travaux parlementaires de 2008, est obligé de contacter les parlementaires sensibilisés à ces questions pour quémander quelques centaines de milliers d'euros afin de clôturer son budget. Voilà, concrètement, comment cela se passe aujourd'hui ! Alors peut-être pourrions-nous, avant toute chose, prendre l'engagement solennel que sera assuré à l'avenir le financement des structures qui œuvrent au quotidien à la protection des abeilles et des apoïdes sauvages.
Ce débat est assez confus. Il serait bon de préciser certains chiffres. Pour la perte de rendement des betteraves, on a parlé de moins 40 % ou de moins 50 % ; la prévision est de moins 15 % en moyenne sur le territoire national – c'est l'Association interprofessionnelle de la betterave et du sucre (AIBS) qui le dit dans un document publié aujourd'hui. Et encore : c'est un calcul par rapport à la moyenne des cinq dernières années ; si l'on compare à la situation d'il y a cinq ans, cela représente à peu près la même production. Quatre sucreries ont fermé en France durant cette période : je ne vois pas de signe d'effondrement de la filière sucre qui serait lié à la jaunisse de la betterave – des difficultés dues à la compétition internationale et aux règles européennes, ça, en revanche, oui.
Tant qu'à parler d'effondrement, je vous renverrai à l'excellent article de MM. Francisco Sánchez-Bayo et Kris A.G. Wyckhuys sur celui des populations d'insectes : il y est indiqué que 80 % d'entre elles ont disparu au cours des vingt-cinq dernières années et que les néonicotinoïdes sont l'une des causes majeures de cet effondrement en raison de leur très grande toxicité, de leur faculté à se répandre partout, surtout ceux qui sont utilisés en enrobage, et de leur dégradation lente : l'imidaclopride a par exemple une demi-vie de 228 jours – chiffre fourni par l'agrochimie. Votre décision est un contresens historique !
Il est évident qu'il devra s'agir d'une mesure dérogatoire extrêmement encadrée et soumise à conditions, notamment à la recherche d'autres solutions. Je regrette les propos tenus par certains collègues qui, demain, seront les premiers à hurler aux côtés des acteurs de la filière sucrière contre le Gouvernement, quel qu'il soit, parce que la filière se sera cassé la figure et qu'il y aura eu des pertes d'emploi. À ce moment-là, ils auront oublié pourquoi la filière a été abandonnée ! J'estime qu'il est de notre responsabilité de mesurer chacun de nos actes – et chacun de nos propos.
Je voudrais abonder dans le sens de M. Martial Saddier : s'il y a un point sur lequel nous pourrions aboutir à un consensus avant d'attaquer l'examen des articles, c'est bien celui du cruel manque de moyens de l'Institut de l'abeille. De nouvelles formes de comptabilité apparaissent afin de mesurer ce qui compte vraiment dans la vie, à savoir non le compte en banque de quelques-uns, mais la résilience et la structure même de notre société, à travers notamment les relations sociales et l'équilibre environnemental. Nous commettons une faute lourde en n'investissant pas dans ce type de structures. Avant d'aller plus avant dans la discussion, pourriez-vous, monsieur le ministre, apporter une réponse à cette demande d'inscription de crédits supplémentaires au budget de l'ITSAP ?
Ce que je regrette avant tout, c'est que nous examinions ce projet de loi pour avis. Une commission spéciale aurait dû s'en saisir ; il n'est pas normal que l'on considère que l'agriculture est une affaire économique, plutôt qu'écologique. C'est révélateur des problèmes qu'elle traverse aujourd'hui !
D'autre part, faire une loi de circonstance et mettre en place une dérogation quand on a un problème, c'est gouverner à courte vue. On cède à la pression alors qu'on fait face à une catastrophe écologique annoncée ! Notre collègue M. Jean-Claude Leclabart, qui est agriculteur, l'a dit lui-même : de toute façon, trois ans, ce ne sera sûrement pas assez. C'est très inquiétant !
Vous jurez vos grands dieux, monsieur le ministre, que la mesure sera circonscrite à la betterave, mais le problème touche aussi d'autres filières.
C'est le cas, chez moi, à Dijon, pour la moutarde : vendredi soir, soixante-dix jeunes agriculteurs sont venus à mon domicile pour me parler des néonicotinoïdes !
Je vous remercie, monsieur M. Jean-Luc Fugit, d'avoir rappelé que la loi du 8 août 2016 avait permis qu'à plus de 90 %, les néonicotinoïdes ne soient plus utilisés dans notre pays, car c'est cela, la réalité. Cette ambition a été défendue avec courage par les parlementaires et appliquée avec tout autant de courage par les agriculteurs, et le résultat est là. Ce courage-là ne doit toutefois pas empêcher, lorsqu'on se trouve dans une impasse, d'avoir l'humilité de le reconnaître.
Je tiens à souligner que jamais je n'ai essayé de minimiser les conséquences environnementales de l'utilisation des néonicotinoïdes. Ce que je privilégie, c'est une approche en termes de souveraineté. Peut-on dire que quand bien même on ne trouverait pas d'autres solutions, ce ne serait pas si grave, que la filière s'arrêtera et qu'on arrêtera de manger du sucre dans deux ans ?
Que se passera-t-il, en réalité, monsieur François-Michel Lambert ? Ce qui se passera, c'est que nos concitoyens continueront à manger du sucre, sauf que ce sucre ne sera plus produit par notre filière, il sera importé : ce sera du sucre polonais, belge ou allemand, qui, Mme Aude Luquet l'a rappelé, sera produit non seulement avec des néonicotinoïdes, mais aussi avec d'autres substances aux effets très graves sur l'environnement, comme les pyréthrinoïdes, et dans des proportions qui n'ont rien à voir avec ce qui est permis par l'agro-écologie française. C'est pourquoi je dis qu'il s'agit d'une question de souveraineté et que cette question se pose de manière spécifique pour la betterave, au-delà de son caractère mellifère ou non, parce que cette culture est étroitement liée à un outil industriel, les sucreries, et que si, aujourd'hui, les agriculteurs ne plantent plus de betteraves, eh bien, en l'espace d'un an, faute de matière première, les sucreries fermeront et toute la filière s'arrêtera. On peut tenir les plus beaux discours au monde, ce sera ça, la conséquence, sur le terrain. Je n'ai rien contre nos voisins polonais, belges ou allemands, que je côtoie tous les jours en ce moment dans le cadre de la réforme de la PAC, mais je peux vous dire qu'ils regardent avec beaucoup d'attention ce qui se passe en France en se demandant si ce sera ou non demain un nouveau débouché pour leurs exportations.
Vous avez raison, madame Aude Luquet : si l'on veut développer le bio-contrôle, c'est-à-dire l'activité des auxiliaires, comme les coccinelles, il faut leur donner le gîte et le couvert pour qu'ils puissent se développer en même temps que les pucerons et éradiquer ceux-ci. C'est pourquoi les haies sont une des solutions. Fort de ce constat et conformément à mes convictions favorables à l'agro-écologie, nous financerons, dans le cadre du plan de relance, à hauteur de 50 millions d'euros, la plantation de haies dans les exploitations agricoles.
Pourrions-nous, au lieu d'accorder cette dérogation, mettre le système sous perfusion le temps de trouver une solution ? Cela reviendrait à accorder aux agriculteurs une aide économique en leur demandant de planter des betteraves quoi qu'il arrive. J'ai beaucoup travaillé sur cette question avec Mme Barbara Pompili. D'un point de vue politique, écologique et économique, c'eût été la solution la plus simple – mais il y a une difficulté majeure : c'est qu'aujourd'hui les règles européennes, qui, quoi qu'en pensent certains, s'imposent à nous, ne nous permettent pas d'indemniser les agriculteurs à 100 %. Les aides sont attribuées, en fonction du risque sanitaire ou écologique, à hauteur de 60 % à 65 % en moyenne. Ainsi, monsieur François-Michel Lambert, le régime de base du Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental (FMSE), que vous évoquiez, est le suivant : financement à 65 % par l'État, les 35 % restant étant à la charge de la profession.
Du coup, j'ai regardé si l'on ne pouvait pas déclarer un régime d'aides exceptionnelles. D'abord, cela pose un problème de calendrier : il faut compter généralement un an avant d'obtenir une réponse ; entre-temps, les agriculteurs ne planteraient pas de betteraves et la filière aurait le temps de s'effondrer. Ensuite, on ne pourrait pas aller au-delà de 80 %. Mettez-vous à la place d'un agriculteur. On vous dit : « Plante : au pire des cas, tu ne perdras que 20 % ». Qu'est-ce que vous faites ? D'abord, il y a un facteur psychologique : l'ingénieur agronome que je suis peut vous assurer que le métier d'agriculteur, ce n'est pas de planter un végétal qui va mal ou d'élever un animal qui est malade ; on ne peut pas faire ça, cela vous prend aux tripes. Et de toute façon, si l'on vous annonce 20 % de perte, il est évident que vous plantez autre chose ! Aujourd'hui, en effet, contrairement à ce qu'a affirmé M. Loïc Prud'homme, il n'existe plus de monoculture betteravière : dans une exploitation betteravière, la culture de la betterave représente tout au plus 30 % de la surface ; on peut donc tout de suite passer à autre chose, ce qui n'était pas forcément le cas il y a vingt-cinq ans.
Cette solution économique, nous l'avons donc étudiée en détail, mais elle se heurte à la réglementation européenne sur les aides d'État. On peut toujours faire appel au principe assurantiel, c'est comme pour les assurances à titre individuel : on se heurtera au problème de la franchise, qui fait qu'il y a toujours une part qui reste à la charge de l'assuré pour que le risque soit partagé. Un agriculteur qui a la possibilité de planter autre chose ne va pas accepter une prise de risque de 35 %, ni même de 20 % ! Je suis allé jusqu'à mettre entre 150 millions et 200 millions d'euros sur la table – c'est vous dire. Les représentants de la filière m'ont rétorqué : « Vous pourriez aller jusqu'à 1 milliard, nous ne les prendrions pas, car de toute façon, nous serons perdants. » Ce n'est pas un problème de législation nationale : c'est le règlement européen qui veut cela, et on ne peut pas s'asseoir dessus, sous peine d'une amende pouvant atteindre 1 milliard d'euros. La compensation économique ne peut donc être une solution, car il reste toujours une part à la charge de l'agriculteur – on le vérifie d'ailleurs aujourd'hui avec les mesures de soutien concernant la culture de la pomme de terre, l'arboriculture ou la viticulture.
M. Matthieu Orphelin évoque ensuite la part de récolte – 24 % – utilisée pour produire des biocarburants, mais l'enjeu n'est pas d'assurer des débouchés à la sucrerie, c'est de convaincre les agriculteurs de planter des betteraves. Placer les sucreries sous perfusion financière est aisé, mais sans intrants, elles ne passeront pas l'hiver. Quand bien même l'État rachèterait la totalité de la production des sucreries – ce qu'il n'a pas le droit de faire – il faut convaincre les agriculteurs de planter des betteraves. Or même sous perfusion, ils porteront toujours un risque économique, donc ils se tourneront vers d'autres cultures.
S'agissant du volet écologique, évoqué notamment par M. Hubert Wulfranc, non, les parcelles en agriculture biologique ne sont pas épargnées par la jaunisse. J'en ai eu la confirmation par M. Christian Huygue ce matin. J'ai même diligenté des services de la préfecture d'Île-de-France sur des parcelles. Ce n'est pas une question de système de production : la solution agronomique d'échelle n'existe pas aujourd'hui. Dire que l'on peut toujours faire pousser une betterave revient à prétendre que le vélo est une alternative à la voiture pour aller jusqu'au sommet d'une montagne : pour atteindre 3 000 mètres d'altitude, c'est une alternative compliquée. La culture biologique est touchée comme la culture conventionnelle, ce qui prouve que la solution réside dans d'autres pratiques culturales, notamment les écosystèmes permettant de faire vivre les auxiliaires et la sélection des semences.
Plusieurs d'entre vous craignent que ce projet de loi n'ouvre la boîte de Pandore. Je le répète : il n'a vocation à traiter que de la betterave sucrière.
Madame la députée, je tiens d'abord à vous apporter mon soutien républicain : l'intrusion, dans les élevages comme chez les parlementaires, n'est pas acceptable.
Vous évoquez la moutarde, mais deux spécificités distinguent cette culture de celle de la betterave. Je laisse délibérément de côté le caractère mellifère ou pas, mon propos ne portant pas sur les aspects écologiques – je ne nie absolument pas les conséquences dans ce domaine. La deuxième spécificité c'est qu'elle ne dépend pas du même outil de production que le sucre. Certes, comme j'ai pu le constater en me rendant il y a deux jours en Côte-d'Or, la situation de la filière de la moutarde est très difficile et il faut soutenir cette filière d'excellence. Mais notre souveraineté, qui impose de ne pas arrêter de produire du sucre à cause de la fermeture des sucreries, n'est pas en jeu avec la culture de la moutarde. Si les agriculteurs ne plantent pas de betteraves une année, les sucreries fermeront l'année suivante. Nous pourrons ensuite nous lamenter, nous n'en continuerons pas moins à manger du sucre, mais il ne sera plus produit en France.
S'agissant des abeilles et de la pollinisation, je me suis engagé le 6 août dernier à ce que le Gouvernement présente un plan Pollinisation avant la fin de l'année. Par exemple, les espaces gérés par les établissements publics fonciers, qui restent à l'abandon pendant des années dans l'attente d'un projet futur, pourraient devenir de fabuleux lieux de pollinisation. Nous présenterons donc un plan avec Mme Barbara Pompili avant la fin de l'année ; j'aurai grand plaisir à y travailler avec vous.
Monsieur Cédric Villani évoquait les sucreries, dont le rendement aurait baissé de 15 %. Attention, il y a le chiffre donné par les sucreries et le chiffre sorti de sucrerie, qui tient compte de la teneur en sucres, pas uniquement des volumes. Mais, encore une fois, les comptes d'exploitation des sucreries ne constituent pas le cœur du problème. Si les betteraves ne sont pas plantées, quoi que nous fassions, les sucreries ne tourneront pas l'année suivante et devront fermer. Il sera ensuite très difficile de relancer la filière.
Dans ce débat, je vous demande de me faire confiance sur deux points. Dans tous les bilans, notamment le bilan écologique, les comparaisons doivent prendre pour référence l'existant. Cette année, les substances autorisées ont été le Movento et le Teppeki. Les agriculteurs les ont utilisées bien au-delà des doses habituelles, et tout le monde aurait fait de même en voyant son exploitation ravagée. Les taux de rémanence, voire d'infiltration, de ces substances, sont significatifs. D'autres molécules – autorisées – sont également utilisées, car les agriculteurs cherchent la solution.
En second lieu, cette demande de dérogation que nous pourrons utiliser comme nos voisins européens ne résume pas notre stratégie d'accompagnement pour trouver les solutions. Dès le 6 août, j'ai annoncé que nous investissions 5 millions d'euros dans un plan de recherche, que nous mettions en place un plan de prévention avec les agriculteurs et que nous présenterions un plan de pollinisation d'ici à la fin de l'année. C'est cette vision d'ensemble que je vous propose.
La commission en vient à l'examen de l'article unique.
Article unique (article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) : Dérogations à l'interdiction d'utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances de la famille des néonicotinoïdes
La commission examine les amendements identiques de suppression de l'article unique CD1 de Mme Delphine Batho, CD5 de M. Cédric Villani, CD9 de Mme Yolaine de Courson, CD13 de Mme Mathilde Panot, CD22 de M. Matthieu Orphelin, CD27 de Mme Delphine Bagarry, CD35 de Mme Sandrine Le Feur, CD45 de M. Guillaume Garot et CD58 de Mme Frédérique Tuffnell.
La défense de la souveraineté n'est pas un argument recevable, puisque la production de sucre en France est largement excédentaire et que nous en exportons. En revanche, en corrélation avec l'usage des néonicotinoïdes, la production de miel a été divisée par trois et nous importons 70 % de notre consommation. Si nous voulons nous préoccuper de souveraineté, envisageons la dépendance de nos cultures de tournesol, de maïs et de colza au travail gratuit des pollinisateurs.
À propos des indemnisations, j'espère que nous pourrons échanger avec l'ancien ministre M. Stéphane Travert qui avait réussi à obtenir une indemnisation intégrale des agriculteurs victimes de la grippe aviaire. L'indemnisation intégrale peut donc être accordée par Bruxelles dans un contexte sanitaire particulier.
Je partage le constat de M. Jean-Marie Sermier sur les dérogations européennes, mais cette situation est scandaleuse. À la suite de la France, l'Europe a interdit les trois principaux néonicotinoïdes en 2018. Les États membres opposés à cette interdiction l'ont contournée en utilisant la procédure des dérogations. Un rapport de la Cour des comptes européenne du mois de juillet dénonce les 206 dérogations ainsi présentées. La Commission européenne s'en est elle-même émue en 2019. Dans cette situation, pour protéger nos producteurs d'une concurrence déloyale, la France doit obtenir la fin du contournement de l'interdiction des néonicotinoïdes et non pas suivre le pire exemple, celui des pays qui ont combattu leur interdiction.
Monsieur le ministre, le plan Pollinisation que vous évoquez n'est qu'un aspect d'un problème qui dépasse le sort des abeilles : la disparition de l'ensemble des insectes. L'abeille mellifère n'est pas la plus touchée, car son organisation en ruches lui permet de s'adapter à des menaces sérieuses. La situation est bien plus grave pour les abeilles sauvages et quantité d'autres insectes.
Il existe un consensus scientifique selon lequel nous assistons à un effondrement de la biodiversité inédit depuis 65 millions d'années, et nous nous interrogeons sur l'intérêt de reprendre l'utilisation des poisons les plus violents inventés par l'humanité. La réponse de bon sens est d'arrêter tout de suite de les utiliser pour passer à quelque chose d'autre.
M. Christian Huygue a cité un grand chimiste lors de son audition : la chimie scie la branche sur laquelle elle est assise. Plus nous utiliserons la chimie et les produits empoisonnants, plus nous construirons un désert biologique dans lequel un ravageur pourra venir ravager encore plus, et nous aboutirons à une impasse.
Dans le domaine de l'enseignement agricole, la direction de la recherche et de l'enseignement est plus que perplexe : alors qu'elle travaille à ces transitions depuis cinq ou six ans, vous annoncez un retour en arrière. C'est très perturbant pour les élèves et les enseignants. Les répercussions de ce projet sont très grandes dans nombre de domaines.
Monsieur le ministre, tous vos arguments relèvent du registre économique. Pour sortir de l'impasse économique dans laquelle la filière sucre est engagée depuis des années – cela ne date pas d'hier, vous le savez bien – vous apportez une réponse faussement agronomique, puisqu'elle est en réalité chimique. Or vous ne réglez aucunement le problème. Dans trois ans, le ministre de l'agriculture qui vous aura succédé – peut-être M. Guillaume Garot, M. Cédric Villani, ou moi ? – viendra expliquer que nous en sommes au même point et qu'il faut prolonger la dérogation.
Faute de s'attaquer à la racine du problème qui tient à l'organisation de la filière sucrière, nous allons apporter des réponses chimiques à des problèmes économiques.
Je précise que j'ai parlé de monoculture, mais j'aurais dû employer les termes de culture monospécifique. C'est ce qui entraîne la fragilité de ce modèle : bien que la rotation inclue d'autres cultures, l'assolement repose sur des cultures monospécifiques.
Il faut apporter des réponses sérieuses au lieu de renouveler des dérogations pour produire aussi salement que nos voisins et essayer d'être plus compétitifs dans la course au plus dégoûtant. Il faut protéger nos agriculteurs et empêcher que ces molécules soient utilisées dans le reste de l'Europe. À ces conditions, notre agriculture sucrière génèrera des revenus décents pour les planteurs de betteraves.
Oui, l'indemnisation intégrale est possible. Mais le Gouvernement a fait un autre choix, celui de demander à Bruxelles une dérogation. Or d'autres solutions existaient.
Dans sa version actuelle, l'article unique permet des dérogations pour toutes les cultures. Nous l'avons d'ailleurs constaté lors des auditions menées : d'autres filières formulent d'ores et déjà cette demande.
Nous ne proposons pas de placer les uns ou les autres sous perfusion, mais de prévoir qu'en cas de nouvelle récolte très déficitaire, en particulier au cours des trois prochaines années, des dispositifs couvrent les éventuelles pertes des agriculteurs. Rien ne nous dit qu'il y aura des pucerons l'an prochain. Il s'agit de prévoir un dispositif assurantiel.
Le plus choquant, c'est la rémanence de ces substances dans les sols. Le parallèle peut être fait avec les médicaments : on calcule toujours leur durée de vie avant leur élimination, car un produit qui resterait trop longtemps dans le sang deviendrait délétère après avoir soigné la maladie. Certains de ces néonicotinoïdes perdurent vingt ans, c'est choquant. Il faut le garder en tête s'agissant de la biodiversité.
Je suis bien placée pour le savoir, lorsqu'on s'engage dans le métier d'agriculteur, on le fait en pleine connaissance des aléas climatiques et sanitaires. Bon nombre d'agriculteurs subissent chaque année des pertes qui atteignent la moitié de leur production, en agriculture biologique ou conventionnelle, sans disposer des produits permettant de pallier les baisses de rendement dues à ces aléas. Le propre de l'agriculteur est de connaître ses cultures et d'être en mesure de s'adapter à son environnement.
Déroger à l'interdiction des néonicotinoïdes ne va pas résoudre le problème des pucerons aujourd'hui, ni les problématiques sanitaires à venir. Comment autoriser des dérogations sans rien savoir du climat hivernal à venir ? À qui, quand et comment ces dérogations seront-elles accordées ? Quid de la rémanence des produits dans le sol ? Serait-il possible de cibler des néonicotinoïdes moins rémanents que d'autres, sachant que la demi-vie de certains atteint 1 000 jours ?
Toutes ces questions ne sont pas réglées. Ce matin encore, avec d'autres parlementaires, nous avons rendu visite à des producteurs, certains conventionnels, d'autres en agriculture biologique. Tous disent que le rendement a été excellent certaines très bonnes années, et que c'est plus compliqué certaines autres : 2020 est plus difficile. Doit-on pour autant autoriser des dérogations pour les années à venir ? Je ne le crois pas et c'est pourquoi je propose la suppression de cet article.
Monsieur le ministre, vous avez dit que le problème était de convaincre les agriculteurs de planter, et que placer la sucrerie sous perfusion n'en était pas un. Je rappelle qu'il y a à peine douze mois, de très nombreux planteurs de betteraves sucrières du Puy-de-Dôme voulaient continuer de planter, mais ils ont appris du jour au lendemain la fermeture de la sucrerie. Quatre-vingt-dix personnes ont été licenciées. Or il n'y a eu aucun plan de soutien, ni pour les agriculteurs ni pour les personnes licenciées.
Par ailleurs, vous avez tort d'opposer protection de l'environnement et souveraineté alimentaire. C'est parce que depuis de nombreuses années, nous avons trop délégué notre souveraineté et notre sécurité alimentaire européenne au marché et aux multinationales que nos producteurs sont en difficulté.
Il est trop facile de se cacher derrière les règles européennes. On peut à la fois indemniser les pertes, subventionner les transformations pratiques et réorganiser la filière pour mieux peser dans les négociations sur le prix du sucre.
En 2016, la bataille fut très difficile. Vous rouvrez aujourd'hui la boîte de Pandore : c'est une grave faute politique.
Arrêtons d'opposer écologie et souveraineté alimentaire et d'agiter le chiffon rouge de l'agro-industrie. Quels emplois pourraient être supprimés à défaut de dérogation ? On affirme que 46 000 emplois seraient menacés par la jaunisse de la betterave, dont 26 000 planteurs de betteraves.
Envisageons ce qui adviendrait sans dérogation. Dans les zones qui ne sont pas très touchées par la jaunisse, les planteurs vont continuer à cultiver de la betterave, il n'y a pas de risque. Les agriculteurs les plus affectés, dont la perte d'exploitation pourrait être de 30 %, devront, quant à eux, s'orienter vers des cultures différentes, plus résilientes.
La question de l'emploi est plutôt posée par l'hypercompétitivité qui est néfaste aux betteraviers. Accorder cette dérogation serait un grave retour en arrière.
Nous sommes tous d'accord, ce n'est pas écologiquement supportable. Il reste que nous avons un impératif. Les propositions formulées sont toutes intéressantes, mais elles produiront leurs effets dans le futur. Il n'est donc pas envisageable de supprimer cet article dans l'immédiat. Au moment où tous nos compatriotes nous demandent de produire localement et de réindustrialiser la France, il n'est pas envisageable de fermer les sucreries alors que nous pouvons faire autrement.
D'autant que la planète n'en tirerait aucun bénéfice puisque nous continuerons de consommer la même quantité de sucre et que celui-ci sera produit par nos voisins dans les conditions que vous refusez. Le bilan écologique sera même pire en raison du transport de marchandises par camion. Alors que le Gouvernement injecte de l'argent pour développer la recherche, nous ne donnerions pas l'opportunité à la filière sucrière française d'en tirer parti.
Avis défavorable.
Monsieur Cédric Villani, vous dites que nous pouvons faire quelque chose d'autre. C'est précisément parce que nous n'avons pas trouvé quelque chose d'autre – et croyez-moi, nous avons beaucoup cherché – que nous vous proposons cette alternative pour sortir de l'impasse.
Madame Delphine Batho, j'ai interrogé M. Stéphane Travert : il m'a confirmé que les aides à 100 % n'existaient pas.
Je le cite, avec sa permission.
Monsieur Matthieu Orphelin, vous évoquiez les aspects assurantiels. Il faut distinguer le montant que l'assurance peut recouvrir de la contribution au système assurantiel. Vous citez le FMSE, qui constitue le principal système assurantiel. La filière betterave ne cotisait pas au FMSE. En tout état de cause, il y aurait eu un an de décalage ; or nous avons besoin d'une solution de très court terme.
Nous n'avons pas découvert à cette occasion qu'elle ne cotisait pas, monsieur François-Michel Lambert.
Dans le FMSE, 35 % des sommes proviennent des cotisations de la profession. Je vous rappelle que mon objectif est de convaincre les agriculteurs de planter. Or si vous leur dites qu'ils devront financer 35 % des pertes potentielles, ils ne planteront pas, et vous feriez de même à leur place.
Madame Christine Pires Beaune, vous dites qu'il est possible d'indemniser les pertes, d'investir dans le matériel de production et de financer la transition : ce n'est pas vrai. On peut regretter cette réglementation européenne, mais c'est un fait. Je suis en train de me battre d'arrache-pied – je suis revenu dans la nuit de Bruxelles où je négocie avec mes homologues européens – pour faire évoluer certaines règles.
Par exemple, toujours pour des motifs de souveraineté, je souhaite que notre pays produise des protéines. Il est délirant que nous soyons dépendants des importations de soja brésilien pour nourrir nos élevages. Nous essayons depuis longtemps de mettre en place des plans Protéines. En l'occurrence, nous allons financer cette action dans le plan de relance pour plus de 100 millions d'euros. Le problème – c'est ma croisade, comme le titrait hier un journal – c'est que les aides européennes en vigueur pour soutenir ces filières – les aides couplées – sont dédiées aux secteurs en difficulté. Or la filière protéines n'est pas en difficulté : c'est une filière d'avenir que nous souhaitons développer. Il n'est donc pas possible d'utiliser les instruments européens. C'est infiniment regrettable, et M. Guillaume Garot le regrettait sans doute autant que moi lorsqu'il était ministre délégué à l'agroalimentaire. Aujourd'hui, parce que nous sommes en cours de renégociation de la PAC, j'ai l'opportunité de changer ces règles.
Politiquement, il aurait été beaucoup plus simple de décider une immense aide financière et de placer tout le système sous perfusion. Mais, non, l'État ne peut verser une aide compensant 100 % des pertes pour investir et financer la transition.
Enfin, cessez de prétendre que j'oppose écologie et économie ! J'aborde la question sous l'angle de la souveraineté. Ce qui m'importe, c'est de sauver la filière de la disparition, à court terme. Nous ne pourrons pas accompagner la transition si la filière disparaît. Il faut arriver à passer les deux années à venir en imposant une forte pression pour réaliser la transition agro-écologique.
Avis défavorable.
Mes chers collègues, on ne peut pas être favorable à ces amendements de suppression. Soyons pragmatiques : il n'existe pas aujourd'hui de solution alternative aux néonicotinoïdes pour régler le problème des pucerons verts. Donnons-nous deux ans et augmentons les moyens consacrés à la recherche, notamment de l'INRAE et de l'ITB, tout en imposant une voire deux années de cultures non mellifères sur un sol qui a connu, une année, une culture de betteraves, puisqu'il y a des résidus dans le sol.
Si vous votez ces amendements de suppression de l'article, vous détruirez irrémédiablement la filière betteravière en France. Nous ne pourrons pas revenir en arrière. Contrairement à ce que vous croyez, le problème ce ne sont pas les exploitants agricoles, mais les salariés de l'industrie sucrière. Sachez que dans ma circonscription qui compte les plus grandes usines sucrières d'Europe, celles-ci fonctionnent cent dix à cent vingt jours par an et que la moitié des salariés sont des travailleurs saisonniers. Si vous votez ces amendements, vous détruirez une économie rurale et vous déséquilibrerez encore un peu plus la France.
Enfin, je sais bien que les Français sont les plus intelligents. Mais pourquoi serions-nous le seul pays européen producteur de betteraves à ne pas demander de dérogations, alors que dix autres États en Europe l'ont fait ? Si vous votez ces amendements, la France importera le sucre de betterave des dix pays qui ont demandé la dérogation. Je le répète, soyons pragmatiques !
Je constate que M. le ministre nous donne des arguments sur les autres options qui avaient été envisagées alors qu'elles ne figurent pas dans l'étude d'impact. Cela renforce notre sentiment que cette étude n'était pas conforme à ce que doit être une étude d'impact, comme nous l'avons indiqué par lettre au Président de l'Assemblée nationale M. Richard Ferrand.
Plutôt que d'accorder des dérogations, reprenons les échanges, y compris économiques, remettons l'ensemble des acteurs – planteurs et industrie du sucre – autour de la table et regardons les solutions en aval que vous avez écartées tout à l'heure, comme incorporer moins d'éthanol dans l'essence. Je suis sûr qu'on peut trouver un point d'accord avec l'industrie betteravière pour couvrir 90 % ou 80 % des possibles pertes des prochaines années, pertes qui, nous l'espérons tous ici, seront moindres que cette année.
Ce qui m'a choquée en lisant les documents de la filière et ceux de l'ITB, c'est que les solutions recherchées consistent à trouver quelque chose d'aussi efficace que les néonicotinoïdes. Je le dis tout de suite : il n'y en a pas, parce que ce sont les insecticides les plus puissants jamais inventés par l'espèce humaine et qu'ils sont 7 000, 10 000 fois plus toxiques que le DDT qu'on a interdit il y a cinquante ans. C'est donc une fausse perspective. Notre propos, monsieur le ministre, n'est absolument pas de remplacer les néonicotinoïdes interdits par une autre molécule chimique, mais de procéder comme les agriculteurs en agriculture biologique qui, contrairement à ce que vous avez dit, ont été moins touchés que la filière conventionnelle. La solution réside dans un changement du modèle agronomique et non dans une autre molécule.
On nous dit qu'on ne mettra pas de culture mellifère sur les surfaces concernées pendant deux ans. Or comment faire avec une rémanence de substances de vingt ans, voire près de trente ans pour le thiaméthoxame ? Hier, les scientifiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de Chizé, dans les Deux-Sèvres, ont indiqué qu'on trouvait de l'imidaclopride sur des parcelles cultivées en agriculture biologique, là où il n'y a pas eu de néonicotinoïdes depuis des années et des années. Le problème de ce produit, outre sa toxicité à très faible dose, c'est, comme l'a très bien dit Mme Delphine Bagarry, sa rémanence dans l'environnement. Donc deux ans, ça ne suffira pas.
On nous dit encore qu'on doit s'aligner sur les autres, sur les pays qui seraient les plus en retard en Europe ou les plus rétrogrades dans le monde. Mais ce n'est pas possible car c'est une voie sans issue. Sinon, c'est M. Donald Trump qui a raison sur le climat, c'est M. Jair Bolsonaro qui a raison sur l'Amazonie. Si c'est la Pologne qui a raison sur les néonicotinoïdes, pourquoi avoir voté une loi française, pourquoi s'être battus en 2018 pour interdire des substances au niveau européen, et pourquoi se battre aujourd'hui pour un nouveau protocole d'homologation des produits chimiques tenant compte des risques chroniques sur les pollinisateurs ? À ce moment-là, il faut baisser les bras, il faut faire comme les autres. Je crois, moi, qu'il faut être cohérent : quand on interdit quelque chose en France, on doit mener le combat pour que la même interdiction s'applique dans l'ensemble de l'Europe. Et c'est ce qu'on fait : on mène le combat contre le Mercosur et contre le CETA qui créent aussi des concurrences déloyales pour la filière économique.
La filière économique ne peut pas être sans cesse une course à l'échalote et au dumping environnemental.
Mme la rapporteure pour avis et M. le ministre nous parlent de souveraineté alimentaire. Or la moitié de la production est une ligne d'exportation de notre balance commerciale. Arrêtez de nous dire qu'on va manquer de sucre demain ! Non, on ne va pas sucrer nos fraises avec du sable demain.
Mais peut-être faut-il se poser la question de l'utilité de certaines filières et de la façon dont on doit les aider à se réorienter, à se redimensionner. Le sucre ne sert pas qu'à sucrer nos yaourts. Il alimente aussi une industrie agroalimentaire qui l'incorpore dans des aliments ultratransformés, dans vos carottes râpées déjà râpées, dans vos lasagnes pour qu'elles aient plus de goût, etc …Interrogeons-nous donc sur l'alimentation qu'on veut produire dans notre pays. Cessez de nous jeter ce mot de souveraineté à la face pour nous faire accepter l'inacceptable et le dumping environnemental.
Monsieur le ministre, vous nous dites que vous êtes d'accord pour construire autre chose, et que sur le long terme il faut viser des pratiques d'agro‑écologie, des rotations, des haies, des parcelles plus petites, la diversité des paysages, des solutions biologiques et non chimiques, etc. Si on est d'accord avec ces solutions, de même qu'avec ce qui est proposé dans le rapport de l'INRAE qui vous a été remis, on ne l'est plus quand vous nous dites que vous allez à la fois réautoriser l'utilisation des néonicotinoïdes et travailler sur cette transition. C'est une injonction contradictoire au plan politique. Comment pouvez-vous avoir la confiance de la société et du monde agricole en vous lançant résolument dans ce nouveau modèle ?
Vous dites aussi qu'il faut établir une comparaison avec le référentiel existant. Mais on n'est plus en 2016, avant le vote de la loi. Ce que vous proposez aujourd'hui est une régression, pas un statu quo. En quoi cette mesure n'irait-elle pas à l'encontre du principe de non-régression environnementale tel qu'il est fixé à l'article L. 110-1 du code de l'environnement ?
Il faut s'engager dès maintenant dans l'agro-écologie telle qu'elle est définie dans l'excellente section du rapport de l'INRAE, et non après avoir réautorisé ce qui est l'emblème absolu de l'opposé du modèle d'agro-écologie.
Ce n'est pas le sucre que nous devons sauver, mais les abeilles et la biodiversité. La souveraineté, c'est un rapport au territoire, à la terre dont nous avons la responsabilité politique. Chaque fois qu'on injecte des produits à la persistance longue, nous appauvrissons notre souveraineté. Si les Polonais veulent continuer à appauvrir leurs terres agricoles, c'est leur problème. Nos concitoyens nous demandent de garantir la souveraineté qui est le fondement de la Ve République, le général de Gaulle l'ayant fait reposer sur la reconquête de la souveraineté dans différents domaines. Voilà pourquoi nous vous demandons de comprendre que ce n'est pas le sucre que nous voulons sauver, mais les abeilles, la biodiversité et la souveraineté de nos terres.
Monsieur le ministre, j'entends ce que vous dites sur les risques pour la filière betteravière, mais vous savez bien mieux que moi que la production de blé tendre a chuté de 25 % en un an, de 16 % par rapport à la moyenne du quinquennat – comme quoi, on peut perdre 16 % sur un quinquennat. Les régions de l'Ouest sont très touchées, la baisse atteignant 43 % dans l'ex-région Poitou-Charentes de Mme Delphine Batho, et 35 % dans le territoire de M. Guillaume Garot. Que fait-on pour aider les agriculteurs qui produisent du blé tendre ?
Monsieur Matthieu Orphelin, nous nous connaissons depuis longtemps et nous nous respectons mutuellement. Je reprendrai avec grand plaisir tous les documents sur lesquels nous avons travaillé depuis le début du mois de juillet pour expliquer en détail ce qui nous a conduits à présenter ce projet de loi.
Madame Delphine Batho, l'objectif n'est pas de proposer une autre molécule. Celles qui ont fait l'objet d'une autorisation de mise sur le marché par l'ANSES, comme le Movento ou le Teppeki, répondent à des règles d'utilisation et, de par leur infiltration, y compris lorsqu'elles sont utilisées en amont des nappes phréatiques, ont un impact sur l'environnement. Il faut toujours comparer les référentiels.
Les changements doivent passer par l'agro-écologie, et d'abord par la nature de la semence. Il faut trouver une semence de betterave n'ayant pas la même réaction dans son effet métabolique au virus inoculé par le puceron. On est en train de procéder au phénotype de toutes les semences. Aujourd'hui, on a seulement une piste sur un type de semence qui pourrait éviter un à deux des quatre types de pucerons véhiculant la maladie. C'est ce que l'INRAE m'a dit ce matin en me remettant son rapport.
Les changements passent aussi par le bio-contrôle, c'est-à-dire par des auxiliaires, coccinelles ou autres types d'insectes. Je suis convaincu qu'il faut davantage de haies, une diminution de la taille des parcelles, etc. On peut le décider, mais chacun a bien conscience que cela ne se fera pas en un été. Je mets au défi quiconque de planter une haie une année et de faire en sorte qu'on y trouve des coccinelles le printemps suivant. Si quelqu'un a trouvé la solution, j'achète et je l'invite à déjeuner !
Par ailleurs, comme vous le savez madame Delphine Batho, la rémanence dépend des molécules mais aussi beaucoup du type de sol, du PH, de son argile ou pas, des microbiotes qui le constituent. La rémanence – et je parle sous le contrôle du chimiste M. Jean-Luc Fugit – peut aller de quelques dizaines de jours jusqu'à 1 400 jours.
Enfin, vous nous accusez de vouloir nous aligner sur les autres. Mais en 2016 lorsque la loi a été votée, on savait déjà que les autres États européens avaient la possibilité d'utiliser les dérogations.
Vous connaissez par cœur ces négociations internationales, et vous savez très bien que la France ne peut aller dire à ses voisins, notamment aux Polonais, aux Belges ou aux Allemands, de tout arrêter. C'était déjà le cas sous le quinquennat précédent.
Je vous rejoins sur le Mercosur, et j'ai encore dit avant-hier qu'en l'état actuel, nous étions contre cet accord.
Monsieur Loïc Prud'homme, notre vision de l'économie est très différente de la vôtre. Je connais votre attachement à l'industrie et je sais que votre territoire a été marqué par des désastres industriels, notamment dans l'automobile. Vous dites qu'il faut arrêter les exportations de sucre. Imaginez qu'on transpose votre raisonnement aux entreprises automobiles de France. Je vous entends déjà crier au scandale sur le parking de ces usines. C'est une illusion de dire que la souveraineté consiste à produire franco-français. La souveraineté, c'est au contraire être fort, y compris à l'export. Je vous laisse aller exposer votre vision de l'économie à tous les employés des usines Renault et PSA qui sont sur nos territoires.
En revanche, s'agissant de l'alimentation, vous avez mille fois raison. Ce qu'il manque dans le titre de mon ministère, c'est le mot « nutrition ». Cela fait des années qu'on prend le sujet à l'envers : il faut commencer par la nutrition. Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'on mange trop de sucre, mais qui peut croire aujourd'hui que les Français auront cessé de manger du sucre dans deux ans ?
On mangera donc du sucre importé.
Hippocrate a dit que le premier des médicaments, c'était l'alimentation. Il ne faut jamais oublier que le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est un ministère de santé publique. Moi, je ne l'oublierai jamais.
Je voudrais dire à M. Cédric Villani que ce n'est pas une injonction contradictoire : c'est une question de temporalité. Nous sommes confrontés à une temporalité de court terme, qui est de passer la difficulté du moment, et à une temporalité de long terme, qui est d'accompagner la transition agro-écologique. C'est précisément pourquoi nous présentons à la fois ce projet de loi et que nous mettons la « pression dans le tube » avec le plan de recherche et le plan de prévention, y compris en prévoyant des financements supplémentaires.
Monsieur François-Michel Lambert, je n'entrerai pas dans un débat sur l'étymologie du mot « souveraineté ». Je sais en tout cas qu'il n'y a pas de peuple fort sans une agriculture forte. C'était vrai il y a 3 000 ans, et je suis persuadé qu'il en sera encore ainsi dans 3 000 ans. La crise sanitaire que nous traversons montre toute la puissance de notre système agroalimentaire qui a été en mesure de résister, ce qui n'a pas été le cas partout ailleurs. Une agriculture forte, c'est à la fois une production locale et de l'exportation.
Sur le blé tendre, les deux critères que j'ai évoqués pour la betterave – culture méllifère, destruction d'une filière – ne sont pas réunis pour cette culture. Le principal défi de l'agriculture pour notre pays demain, c'est l'eau. Personne n'a encore trouvé la façon de faire pousser des plantes sans eau. La question des conflits d'usage de l'eau est vieille comme le monde et ne peut se régler que dans la concertation, mais celle-ci ne doit pas durer huit ou dix ans au risque que cela se passe mal. Il faut donc à la fois toujours plus de concertation et de la simplification afin que la concertation aboutisse. Derrière la question des zones intermédiaires qui est majeure, se pose celle de l'eau.
La commission rejette les amendements identiques.
Puis elle est saisie des amendements identiques CD2 de Mme Delphine Batho, CD10 de Mme Yolaine de Courson, CD23 de M. Matthieu Orphelin, CD28 de Mme Delphine Bagarry et CD59 de Mme Frédérique Tuffnell.
Monsieur le ministre, le projet de loi est loin de se limiter à un dispositif de dérogation. En fait, les néonicotinoïdes pour lesquels vous demandez une dérogation sont interdits en Europe depuis 2018 seulement. Par définition, aucun pays n'a donc demandé de dérogation, au titre de l'article 53 du règlement européen, sur l'imidaclopride, le thiaméthoxame ou la clothianidine avant 2018 pour la betterave.
Le projet de loi réécrit les dispositions sur l'interdiction des néonicotinoïdes que nous avions votées en 2016 puis en 2018 dans la loi dite « ÉGALIM ». Il détricote le principe fondamental que nous avions voulu inscrire en 2016 selon lequel tous les néonicotinoïdes sont interdits par la loi. La réécriture subtile, j'allais dire perverse, proposée dans le texte renvoie la liste des substances qui seront interdites à un décret. L'avis du Conseil d'État est à cet égard très éclairant puisqu'il dit ceci : « Il appartiendra ainsi au pouvoir réglementaire de dire quelles substances relevant de la famille des néonicotinoïdes peuvent faire l'objet d'une interdiction nationale. » C'est donc une remise en cause frontale de la loi de 2016 comparable à l'avant-projet de loi de 2017, bloqué par M. Nicolas Hulot, qui visait à remettre en cause l'interdiction des néonicotinoïdes. C'est pourquoi nous proposons de supprimer les alinéas 1, 2 et 4 qui remettent en cause la loi de 2016.
Le vote qui vient d'avoir lieu me désole et me déprime. Élue d'une circonscription très agricole, je déplore la logique minière que nous avons par rapport au sol : on extrait, on exploite et on épuise, puis on utilise de plus en plus de produits pour pallier cet épuisement. Ainsi, le colza a fait l'objet de dix passages cette année. Jusqu'où va-t-on aller ? C'est de la folie ! Il faudrait au contraire modifier ces pratiques et suivre une logique visant à restaurer, ce qui créerait des milliers d'emplois.
En outre, ce texte restreint le pouvoir législatif et renforce le pouvoir réglementaire. En le votant, mes chers collègues, vous acceptez une diminution de votre pouvoir législatif. Vos électeurs risquent un jour de vous reprocher d'avoir accepté qu'un gouvernement puisse, par voie réglementaire, autoriser l'utilisation de substances très toxiques. C'est pourquoi je propose de supprimer les alinéas 1, 2 et 4.
Effectivement, il est regrettable de s'en remettre à un décret pour définir les substances concernées par cette interdiction. Je rappelle à tous mes collègues que nous étions parvenus à inscrire dans la loi dite « ÉGALIM ». l'interdiction des pesticides néonicotinoïdes de quatrième génération, comme le sulfoxaflor. Rappelez-vous les pressions, les courriels envoyés à l'époque par Dow Chemical pour essayer de contrer les amendements de Mme Delphine Batho et les miens ! Nous avions trouvé une position commune selon laquelle c'était à la loi de définir les substances concernées par des interdictions, et donc par des dérogations. C'est le sens de cet amendement.
Le projet de loi prévoit d'autoriser des substances aujourd'hui interdites, des drogues dont on connaît les conséquences puisqu'elles vont bien au-delà des effets attendus, que ce soit dans l'espace ou dans le temps. Ce recul en matière d'environnement est très choquant. Je ne comprends pas qu'on puisse laisser faire de telles choses.
Vous nous proposez, par voie réglementaire, de déterminer deux voies. La première, c'est la promotion de l'essor de la chimie, et la seconde, c'est l'intoxication des sols par des molécules tueuses de biodiversité. J'aurais tellement préféré qu'on nous soumette un projet de loi portant sur un accompagnement de la filière vers la transition, qu'on parle de paiements pour services environnementaux, d'indemnités d'exploitations agricoles. Mais il n'y a rien de tout cela dans ce texte. C'est pourquoi je demande la suppression des alinéas 1, 2 et 4.
Avec ces amendements, la dérogation à l'usage des néonicotinoïdes ne serait plus codifiée dans le code rural. Pour une meilleure clarté de la loi, il est préférable que la dérogation y soit inscrite au même article que l'interdiction actuelle.
Par ailleurs l'alinéa 2 réaffirme le principe de l'interdiction des néonicotinoïdes. Cette rédaction permet d'ailleurs de lever une difficulté juridique liée à la conformité du droit français au droit européen. Le Conseil d'État l'explique dans son avis sur le projet de loi. Il indique en effet que cette rédaction pourrait permettre de consolider le dispositif national.
Avis défavorable.
Défavorable à ces amendements contre-productifs.
Je dois dire que c'est un sujet très compliqué puisqu'il s'agit d'une coordination légistique entre le droit européen et le droit national.
Les propos très clairs de Mme Delphine Batho, relayés par M. Matthieu Orphelin, mettent en avant la loi de 2016 qui interdisait tous les néonicotinoïdes. Ce texte prévoit, en revanche, de fixer par décret la liste des néonicotinoïdes qui seraient interdits, c'est-à-dire qu'on passe d'une interdiction par défaut à une liste sur laquelle seront inscrits les néonicotinoïdes interdits. Ce n'est pas une entourloupe. Cela répond, non pas à une volonté de notre part de modifier les textes, mais à une demande du Conseil d'État et de l'avocat général de la Cour de justice de l'Union européenne dans ses conclusions prévisionnelles, car, à défaut, l'architecture définie par la loi de 2016 ne tiendrait plus.
Si le Conseil d'État et la juridiction de la Cour de justice de l'Union européenne se sont prononcés en ce sens, c'est que la loi n'a pas été notifiée à Bruxelles en 2016. Un décret s'en est suivi qui, lui, a été notifié, et la Commission a répondu que nous aurions dû nous appuyer sur l'article 71 du règlement sur les clauses de sauvegarde qui précise que les États sont amenés à prendre des décisions à titre national dès lors que celles-ci n'ont pas été prises à titre européen. Or, comme vous l'avez dit, madame Delphine Batho, l'Europe a interdit un certain nombre de néonicotinoïdes. Dit autrement, le Conseil d'État nous demande, en attendant la réponse de la Cour de justice de l'Union européenne qui devrait intervenir dans les tout prochains jours, d'indiquer précisément par décret la liste des substances interdites. Sinon, le décret issu de la loi 2016 pourrait tomber, et la loi 2016 serait caduque.
Enfin, je vous précise que le décret issu de la loi de 2016 a été attaqué par l'Union des industries de la protection des plantes (UIPP). C'est elle qui a indiqué à la Cour de justice de l'Union européenne qu'il y avait une faille juridique dans le système.
Avec ce projet de loi, nous confortons la loi de 2016 tandis que la disposition que vous proposez la rendrait inopérante.
Bien évidemment, je tiens à votre disposition l'ensemble de ces éléments et j'émets un avis défavorable sur ces amendements.
Monsieur le ministre, je connais par cœur tous ces éléments. Je veux bien croire que ce sont vos services qui vous ont expliqué cela, mais ce raisonnement est totalement faux, et je vais essayer de vous expliquer pourquoi.
La loi de 2016 n'a jamais interdit les néonicotinoïdes, mais l'utilisation des produits à base de néonicotinoïdes. En cela, elle est totalement conforme au règlement européen sur la répartition des compétences entre l'autorisation des substances, qui relève du niveau européen, et l'autorisation des produits, qui relève de l'État membre. Par conséquent, c'est le décret, pas la loi, qui a créé la brèche que vous évoquez, c'est-à-dire le contentieux avec les firmes de l'agrochimie. Ce décret n'aurait jamais dû exister, il n'avait pas lieu d'être.
À l'origine, il servait à sortir d'une des étapes du long combat, que je vous raconterai si vous le souhaitez, qui a été mené pendant trente ans par les apiculteurs. À l'époque, il y a eu des subterfuges et des entourloupes juridiques. Avec ce projet de loi, on assiste à une nouvelle entourloupe puisqu'il s'agit d'autoriser l'acétamipride en France – actuellement autorisé en Europe, il est interdit en France. Au mois de décembre prochain, un nouveau décret paraîtra qui modifiera l'actuel décret fixant la liste des produits interdits. Sur ce nouveau décret, on trouvera l'imidaclopride – ce produit est interdit en Europe, mais on fera une dérogation –, le thiaméthoxame – lui aussi est interdit en Europe, mais on fera une dérogation –, la clothianidine et le thiaclopride, mais pas l'acétamipride. Ainsi, cet insecticide sera autorisé en France. C'est exactement ce que le législateur de 2016, qui comptait dans ses rangs MM. Christophe Castaner et Richard Ferrand, souhaitait éviter. Ce que nous visons, c'est l'interdiction, non pas de telle ou telle molécule, mais le principe d'un insecticide systémique persistant, extrêmement toxique, et son mécanisme d'action, notamment sur les insectes, les vers de terre, les oiseaux, etc. Tel est l'objet de l'amendement que nous défendons.
Mes chers collègues, en 2016, on s'est émancipé des consignes des groupes et du Gouvernement. Si les collègues de la majorité de l'époque ne l'avaient pas fait, jamais les néonicotinoïdes n'auraient été interdits en France – je rappelle qu'au départ le gouvernement de l'époque était contre l'interdiction. Regardez bien ce que le Gouvernement vous demande de voter : il s'agit d'autoriser de nouvelles substances néonicotinoïdes en France. Et je précise que l'on n'est plus dans un débat « limité » à la filière betteravière.
C'est avec grand plaisir que j'accepte de discuter avec vous sur le fond et de rendre transparents tous ces débats.
Le problème, c'est qu'en 2016 la loi n'a pas été notifiée à Bruxelles.
Si.
Elle n'a pas été notifiée à Bruxelles et je n'y suis pour rien. Un décret a ensuite été pris, précisément parce que la loi n'avait pas été notifiée à Bruxelles. Or le Conseil d'État nous a indiqué noir sur blanc que la base du règlement sur lequel le décret a été notifié n'était pas la bonne. Enfin, c'est l'UIPP qui a attaqué ces décrets, c'est-à-dire l'industrie, pas les agences environnementales. C'est pourquoi, la convergence « Batho-UIPP » m'étonne.
On peut me faire tous les procès du monde, mais je pense que le côté « entourloupe cachée » est très éloigné du ministre que je suis. Vous dites aussi que je ne fais que répéter les analyses que me transmet l'administration. Pourtant, je n'ai pas lu le début du commencement d'une seule note depuis que je vous parle. On me reproche plutôt d'être un homme politique qui connaît trop bien ses dossiers.
Je suis tout à fait d'accord pour discuter avec vous d'ici à l'examen du texte en séance publique. Notre souhait n'est absolument pas de réintroduire quoi que ce soit, mais d'utiliser une dérogation pour des néonicotinoïdes qui étaient utilisés par les semenciers pour enrober des semences, en utilisant l'article 53 du règlement européen.
La commission rejette ces amendements.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 22 septembre 2020 à 17 h 35
Présents. - Mme Sophie Auconie, Mme Delphine Bagarry, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Yolaine de Courson, Mme Nadia Essayan, M. Jean-Luc Fugit, M. Guillaume Garot, M. Yannick Haury, Mme Chantal Jourdan, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, M. François-Michel Lambert, Mme Florence Lasserre, Mme Célia de Lavergne, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, M. Patrick Loiseau, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Claire O'Petit, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, Mme Marie Silin, M. Sylvain Templier, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Pierre Vatin, M. Hubert Wulfranc, Mme Souad Zitouni, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Bassire, M. Christophe Castaner, Mme Bérangère Couillard, M. David Lorion, M. Philippe Naillet, M. Jean-Luc Poudroux, M. Gabriel Serville
Assistaient également à la réunion. - Mme Delphine Batho, M. Grégory Besson‑Moreau, M. Dino Cinieri, M. Charles de Courson, Mme Christine Pires Beaune, M. Jean-Pierre Vigier, M. Cédric Villani