Intervention de Nathalie Sarles

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 15h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNathalie Sarles, rapporteure :

Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Deflesselles, rapporteurs de la commission des affaires européennes, ont déposé, le 7 octobre dernier, une proposition de résolution européenne relative à la proposition de loi européenne sur le climat. Cette proposition de résolution, adoptée à une très large majorité en commission des affaires européennes, s'inscrit dans le cadre de l'examen de la proposition faite par la Commission européenne d'un règlement du Parlement européen et du Conseil visant à établir le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique à l'horizon 2050.

En application du règlement de l'Assemblée nationale, cette proposition de résolution a été renvoyée à notre commission. Nous avons travaillé en tandem et en lien étroit avec ma collègue Mme Marie Silin, qui en est responsable pour le groupe La République en Marche ; elle nous a récemment rejoints et je salue son implication.

Compte tenu du court délai dont nous disposions, nous n'avons auditionné que le cabinet du ministère de la transition écologique et M. Pascal Durand, membre de la commission de l'environnement au Parlement européen.

Revenons pour commencer sur les trois étapes du processus : d'abord, l'élaboration du texte et le cheminement législatif qui l'accompagne ; ensuite, les grandes lignes de la proposition de résolution telle qu'elle a été votée par nos collègues de la commission des affaires européennes ; enfin, les éléments de consolidation que nous pourrions adopter par voie d'amendement.

L'adoption de la loi européenne sur le climat doit suivre un long chemin qui a débuté le 4 mars dernier par la proposition de la Commission européenne, sous la présidence de Mme Ursula von der Leyen, voire par le Conseil européen du 12 décembre 2019, qui a entériné l'objectif de neutralité carbone de l'Union pour 2050.

Depuis lors, plusieurs étapes ont donné lieu à des divergences entre la Commission, le Parlement, le Conseil et certains États.

L'ambition de la proposition initiale a été revue à la hausse le 17 septembre dernier : l'objectif est devenu d'au moins 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030 par rapport au niveau de 1990, contre 40 % actuellement. Mais cet effort supplémentaire n'est pas approuvé par tous : la Pologne, la Hongrie et la République tchèque s'y sont opposées. En revanche, le Parlement européen s'est prononcé, le 7 octobre, pour un objectif de réduction de 60 % en 2030.

Le Conseil des ministres du 23 octobre 2020 s'est toutefois accordé sur un texte, mais sans fixer d'objectif de réduction pour 2030, la discussion étant renvoyée au Conseil du 11 décembre. En cas d'accord du Conseil sur l'objectif à cette date – symbolique, car elle correspond à la veille du cinquième anniversaire de l'accord de Paris –, une position formelle du Conseil, sous la forme d'une orientation générale, pourrait être adoptée le 17 décembre et fixerait la contribution nationale déterminée de l'Union (CDN) avant la fin de l'année 2020, comme l'exige l'accord de Paris. Le Parlement européen et le Conseil pourront alors continuer le dialogue dans l'espoir de parvenir à un texte définitif au printemps 2021.

Dans ce contexte, une prise de position de l'Assemblée nationale est nécessaire pour appuyer les efforts diplomatiques de la France et du Parlement européen et approuver la proposition révisée de la Commission.

En particulier, nos collègues de la commission des affaires européennes proposent de compléter l'engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris au niveau de l'Union européenne par des engagements nationaux. Nous soutenons cette proposition, mais insistons sur le fait que la fixation d'objectifs nationaux peut s'accommoder de trajectoires divergentes et sur la nécessité que les efforts soient accompagnés, notamment dans le cadre du Fonds de transition juste.

Nos collègues proposent également de fixer un objectif pour 2040. Depuis, le Parlement et le Conseil se sont prononcés en ce sens ; nous nous en réjouissons.

Ils prévoient ensuite la création d'un budget carbone de l'Union, qui indiquerait la quantité totale de GES pouvant être émise sans que cela compromette les engagements de l'Union au titre de l'accord de Paris. Nous soutenons aussi cette proposition, mais nous rappelons que l'on ne saurait atteindre la neutralité climatique par des mécanismes de compensation internationaux.

Nos collègues proposent enfin, dans la lignée de la commission de l'environnement du Parlement européen, que soit créé un panel européen sur le changement climatique, inspiré par le Haut Conseil français pour le climat. Dans le cadre du déploiement du Green Deal et du plan de relance, il est en effet indispensable de pouvoir compter sur une expertise extérieure.

Enfin, la proposition de résolution formule quelques souhaits que nous partageons : l'introduction rapide d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, la fixation d'un prix minimum du carbone au sein du système d'échange de quotas d'émissions de l'Union et l'extension de ce système à l'ensemble des secteurs.

Je partage ces orientations et salue les équilibres sur lesquels le texte repose. Toutefois, il est essentiel que la politique climatique de l'Union soit définie par rapport à l'ensemble des objectifs de développement durable (ODD) fixés par l'Organisation des Nations unies en 2015, et non au seul objectif 13 relatif à la lutte contre le changement climatique, comme actuellement. En effet, chaque ODD est défini selon des indicateurs et des cibles précises, dont plusieurs sont pertinents pour guider les politiques de lutte et d'adaptation au changement climatique, notamment le recours aux énergies renouvelables – objectif 7 –, la promotion d'infrastructures résilientes et d'une industrialisation durable – objectif 9 –, la réduction des inégalités – objectif 10 –, la consommation et la production responsables – objectif 12 – ou encore la vie aquatique et terrestre – objectifs 14 et 15.

Nous souhaitons également aborder la question de l'empreinte carbone de l'Union, dont il n'existe pas d'indicateur spécifique à ce jour alors qu'il est indispensable de prendre en compte les émissions importées de nos produits, y compris de ceux qui sont finalement assemblés en Europe. La France a d'ailleurs défendu la prise en considération de l'empreinte carbone lors des négociations sur la loi européenne sur le climat, mais n'a pas été suffisamment soutenue par ses partenaires. Cet objectif mérite donc d'être réaffirmé.

En outre, il est essentiel de citer la préservation de la biodiversité parmi les objectifs de nos politiques climatiques. En effet, le Conseil a invité la Commission européenne à mettre au point une stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 qui soit ambitieuse, réaliste et cohérente et constitue un élément central du pacte vert pour l'Europe. Nous constatons déjà les effets dévastateurs provoqués par la déforestation, la dégradation des forêts et des zones humides, l'acidification des océans et les atteintes aux écosystèmes marins et côtiers. Il convient donc que les politiques en faveur du climat comprennent des indicateurs liés à la préservation de la biodiversité et que les actions entreprises soient pensées en commun.

Dans le même esprit, il est nécessaire d'engager une réflexion sur la résilience, la culture du risque et l'adaptation aux changements climatiques : nous devons nous préparer à nous adapter à un climat qui connaîtra inévitablement des perturbations. Celles-ci sont déjà visibles dans le secteur des infrastructures et du bâtiment comme dans les domaines agricole, maritime ou forestier. Par ailleurs, les actions d'adaptation au changement climatique font partie des investissements les plus prometteurs pour les territoires, car ils permettent d'anticiper les évolutions climatiques et d'en limiter les dégâts.

Il est également indispensable de mettre en avant l'idée d'une transition écologique juste, inclusive et ambitieuse, au service de l'emploi et de la solidarité européenne, qui serait notamment financée par l'émission de davantage d'obligations vertes par l'UE. C'est une conviction que je partage avec Mme Marie Silin et que je lui laisserai le soin de développer lors de la discussion des amendements.

Enfin, dans un contexte mondial perturbé, la France et l'Europe doivent œuvrer à rendre plus exigeants les objectifs climatiques de nos partenaires en vue de la COP 26 prévue en novembre 2021 et à prendre en compte, dans le cadre de la politique commerciale de l'Union, leur volonté et leurs actes à cet égard. Car si de plus en plus d'États se dotent d'une trajectoire de neutralité carbone, ce n'est pas encore le cas de tous, et il est de notre responsabilité de les y pousser.

En conclusion, je soutiens entièrement la proposition de résolution dont nous sommes saisis et j'espère que la discussion des amendements nous permettra de la renforcer encore, afin d'adresser un message clair aux institutions européennes qui vont bientôt entrer dans la phase officielle de trilogue entre Parlement, Conseil et Commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.