La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné la proposition de résolution n° 3396 relative à la proposition de loi européenne sur le climat (proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant le règlement (UE) 2018/1999, COM (2020) 80 final) ( Mme Nathalie Sarles, rapporteure ).
Mes chers collègues, nous examinons, sur le rapport de Mme Nathalie Sarles, la proposition de résolution, adoptée par la commission des affaires européennes, relative à la loi européenne sur le climat. Aux termes de notre règlement, de telles propositions de résolution sont considérées comme adoptées si, dans un délai d'un mois après leur dépôt, la commission permanente à laquelle elles sont renvoyées n'a pas déposé de rapport. Compte tenu de l'importance des enjeux de la proposition de résolution qui nous a été renvoyée, il m'a semblé utile que notre commission l'étudie et en débatte de façon approfondie plutôt que de s'en remettre à la procédure d'adoption tacite. Car il s'agit de peser sur les négociations européennes s'agissant des objectifs d'émissions de gaz à effet de serre et, dans ce domaine, nous avons beaucoup à dire.
Mme Nicole Le Peih et M. Bernard Deflesselles, rapporteurs de la commission des affaires européennes, ont déposé, le 7 octobre dernier, une proposition de résolution européenne relative à la proposition de loi européenne sur le climat. Cette proposition de résolution, adoptée à une très large majorité en commission des affaires européennes, s'inscrit dans le cadre de l'examen de la proposition faite par la Commission européenne d'un règlement du Parlement européen et du Conseil visant à établir le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique à l'horizon 2050.
En application du règlement de l'Assemblée nationale, cette proposition de résolution a été renvoyée à notre commission. Nous avons travaillé en tandem et en lien étroit avec ma collègue Mme Marie Silin, qui en est responsable pour le groupe La République en Marche ; elle nous a récemment rejoints et je salue son implication.
Compte tenu du court délai dont nous disposions, nous n'avons auditionné que le cabinet du ministère de la transition écologique et M. Pascal Durand, membre de la commission de l'environnement au Parlement européen.
Revenons pour commencer sur les trois étapes du processus : d'abord, l'élaboration du texte et le cheminement législatif qui l'accompagne ; ensuite, les grandes lignes de la proposition de résolution telle qu'elle a été votée par nos collègues de la commission des affaires européennes ; enfin, les éléments de consolidation que nous pourrions adopter par voie d'amendement.
L'adoption de la loi européenne sur le climat doit suivre un long chemin qui a débuté le 4 mars dernier par la proposition de la Commission européenne, sous la présidence de Mme Ursula von der Leyen, voire par le Conseil européen du 12 décembre 2019, qui a entériné l'objectif de neutralité carbone de l'Union pour 2050.
Depuis lors, plusieurs étapes ont donné lieu à des divergences entre la Commission, le Parlement, le Conseil et certains États.
L'ambition de la proposition initiale a été revue à la hausse le 17 septembre dernier : l'objectif est devenu d'au moins 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2030 par rapport au niveau de 1990, contre 40 % actuellement. Mais cet effort supplémentaire n'est pas approuvé par tous : la Pologne, la Hongrie et la République tchèque s'y sont opposées. En revanche, le Parlement européen s'est prononcé, le 7 octobre, pour un objectif de réduction de 60 % en 2030.
Le Conseil des ministres du 23 octobre 2020 s'est toutefois accordé sur un texte, mais sans fixer d'objectif de réduction pour 2030, la discussion étant renvoyée au Conseil du 11 décembre. En cas d'accord du Conseil sur l'objectif à cette date – symbolique, car elle correspond à la veille du cinquième anniversaire de l'accord de Paris –, une position formelle du Conseil, sous la forme d'une orientation générale, pourrait être adoptée le 17 décembre et fixerait la contribution nationale déterminée de l'Union (CDN) avant la fin de l'année 2020, comme l'exige l'accord de Paris. Le Parlement européen et le Conseil pourront alors continuer le dialogue dans l'espoir de parvenir à un texte définitif au printemps 2021.
Dans ce contexte, une prise de position de l'Assemblée nationale est nécessaire pour appuyer les efforts diplomatiques de la France et du Parlement européen et approuver la proposition révisée de la Commission.
En particulier, nos collègues de la commission des affaires européennes proposent de compléter l'engagement de réduction des émissions de gaz à effet de serre pris au niveau de l'Union européenne par des engagements nationaux. Nous soutenons cette proposition, mais insistons sur le fait que la fixation d'objectifs nationaux peut s'accommoder de trajectoires divergentes et sur la nécessité que les efforts soient accompagnés, notamment dans le cadre du Fonds de transition juste.
Nos collègues proposent également de fixer un objectif pour 2040. Depuis, le Parlement et le Conseil se sont prononcés en ce sens ; nous nous en réjouissons.
Ils prévoient ensuite la création d'un budget carbone de l'Union, qui indiquerait la quantité totale de GES pouvant être émise sans que cela compromette les engagements de l'Union au titre de l'accord de Paris. Nous soutenons aussi cette proposition, mais nous rappelons que l'on ne saurait atteindre la neutralité climatique par des mécanismes de compensation internationaux.
Nos collègues proposent enfin, dans la lignée de la commission de l'environnement du Parlement européen, que soit créé un panel européen sur le changement climatique, inspiré par le Haut Conseil français pour le climat. Dans le cadre du déploiement du Green Deal et du plan de relance, il est en effet indispensable de pouvoir compter sur une expertise extérieure.
Enfin, la proposition de résolution formule quelques souhaits que nous partageons : l'introduction rapide d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, la fixation d'un prix minimum du carbone au sein du système d'échange de quotas d'émissions de l'Union et l'extension de ce système à l'ensemble des secteurs.
Je partage ces orientations et salue les équilibres sur lesquels le texte repose. Toutefois, il est essentiel que la politique climatique de l'Union soit définie par rapport à l'ensemble des objectifs de développement durable (ODD) fixés par l'Organisation des Nations unies en 2015, et non au seul objectif 13 relatif à la lutte contre le changement climatique, comme actuellement. En effet, chaque ODD est défini selon des indicateurs et des cibles précises, dont plusieurs sont pertinents pour guider les politiques de lutte et d'adaptation au changement climatique, notamment le recours aux énergies renouvelables – objectif 7 –, la promotion d'infrastructures résilientes et d'une industrialisation durable – objectif 9 –, la réduction des inégalités – objectif 10 –, la consommation et la production responsables – objectif 12 – ou encore la vie aquatique et terrestre – objectifs 14 et 15.
Nous souhaitons également aborder la question de l'empreinte carbone de l'Union, dont il n'existe pas d'indicateur spécifique à ce jour alors qu'il est indispensable de prendre en compte les émissions importées de nos produits, y compris de ceux qui sont finalement assemblés en Europe. La France a d'ailleurs défendu la prise en considération de l'empreinte carbone lors des négociations sur la loi européenne sur le climat, mais n'a pas été suffisamment soutenue par ses partenaires. Cet objectif mérite donc d'être réaffirmé.
En outre, il est essentiel de citer la préservation de la biodiversité parmi les objectifs de nos politiques climatiques. En effet, le Conseil a invité la Commission européenne à mettre au point une stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 qui soit ambitieuse, réaliste et cohérente et constitue un élément central du pacte vert pour l'Europe. Nous constatons déjà les effets dévastateurs provoqués par la déforestation, la dégradation des forêts et des zones humides, l'acidification des océans et les atteintes aux écosystèmes marins et côtiers. Il convient donc que les politiques en faveur du climat comprennent des indicateurs liés à la préservation de la biodiversité et que les actions entreprises soient pensées en commun.
Dans le même esprit, il est nécessaire d'engager une réflexion sur la résilience, la culture du risque et l'adaptation aux changements climatiques : nous devons nous préparer à nous adapter à un climat qui connaîtra inévitablement des perturbations. Celles-ci sont déjà visibles dans le secteur des infrastructures et du bâtiment comme dans les domaines agricole, maritime ou forestier. Par ailleurs, les actions d'adaptation au changement climatique font partie des investissements les plus prometteurs pour les territoires, car ils permettent d'anticiper les évolutions climatiques et d'en limiter les dégâts.
Il est également indispensable de mettre en avant l'idée d'une transition écologique juste, inclusive et ambitieuse, au service de l'emploi et de la solidarité européenne, qui serait notamment financée par l'émission de davantage d'obligations vertes par l'UE. C'est une conviction que je partage avec Mme Marie Silin et que je lui laisserai le soin de développer lors de la discussion des amendements.
Enfin, dans un contexte mondial perturbé, la France et l'Europe doivent œuvrer à rendre plus exigeants les objectifs climatiques de nos partenaires en vue de la COP 26 prévue en novembre 2021 et à prendre en compte, dans le cadre de la politique commerciale de l'Union, leur volonté et leurs actes à cet égard. Car si de plus en plus d'États se dotent d'une trajectoire de neutralité carbone, ce n'est pas encore le cas de tous, et il est de notre responsabilité de les y pousser.
En conclusion, je soutiens entièrement la proposition de résolution dont nous sommes saisis et j'espère que la discussion des amendements nous permettra de la renforcer encore, afin d'adresser un message clair aux institutions européennes qui vont bientôt entrer dans la phase officielle de trilogue entre Parlement, Conseil et Commission.
Je me réjouis que notre commission puisse exprimer son point de vue sur les engagements de l'Union européenne et de ses États membres en matière de climat et je salue votre travail sur le texte au cours des derniers jours, madame la rapporteure.
Depuis maintenant des années, nous avons tous en tête le fait que la lutte contre le réchauffement climatique est la bataille que doit urgemment mener l'humanité. Dès 2015, dans le cadre de l'accord de Paris, puis en 2017, au moment du One Planet Summit, ou encore lors de l'intervention du Président de la République à l'ONU en septembre 2019, la France et l'Union européenne en ont été le fer de lance. Dès son arrivée à la présidence de l'Union, en 2019, Mme Ursula von der Leyen a fait de l'écologie l'un des chantiers majeurs de son mandat. Son souhait est de faire de l'Union la première puissance verte au monde grâce au pacte vert, le fameux Green Deal.
Depuis plusieurs semaines, les responsables politiques européens se penchent sur la loi sur le climat. D'ores et déjà, les autorités françaises ont exprimé leur soutien à l'amendement proposé par la Commission, fixant l'objectif de réduction des émissions de GES, d'ici à 2030, à au moins 55 % du niveau atteint en 1990. Nous aurons à cœur d'affirmer nous aussi notre soutien à cette mesure.
Nous parlons de l'Europe, mais sans oublier ce qui se joue sur la scène internationale. Je pense naturellement aux élections américaines qui pourraient rebattre les cartes en matière de relations diplomatiques et d'engagements internationaux dans le domaine climatique.
Dans le contexte particulier dans lequel nous examinons la proposition de résolution, celui de la crise sanitaire, économique et sociale, la question du climat n'a rien de secondaire. Plus que jamais, nous devons rappeler et défendre nos exigences. Notre ambition écologique devra être associée à des politiques publiques d'accompagnement des entreprises, de lutte contre la précarité, à des politiques commerciales cohérentes, à des actions de transformation et d'adaptation au changement climatique. En ces temps difficiles, nous devons émettre un message d'espoir et de pragmatisme. Œuvrons ensemble pour que l'Union européenne ait des ambitions fortes en matière de transition écologique et de sauvegarde des emplois.
Je vous sais soucieuse de ces sujets, madame la rapporteure. J'aurai l'honneur de défendre, au nom du groupe La République en Marche, quelques amendements en ce sens, dont j'espère l'adoption unanime.
Au nom du groupe Les Républicains, je souligne les qualités de la proposition de résolution qui nous est soumise. La stratégie très ambitieuse de l'UE va dans le bon sens en voulant réduire notre empreinte environnementale sans entamer notre vitalité économique. Le poids des annonces de la Commission et l'efficacité des mesures du pacte vert dépendront de l'accord à trouver entre les dirigeants des Vingt-Sept sur le montant du prochain cycle budgétaire, débutant en 2021.
Pour une Europe durable, je souhaite rappeler et défendre les propositions concrètes et réalisables auxquelles nos concitoyens adhéreront et qui, pour cela, ne doivent pas se traduire par de nouvelles taxes sur les entreprises ni sur les particuliers.
D'abord, la neutralité carbone de l'Union européenne en 2050, avec un objectif intermédiaire de 55 % de réduction des émissions d'ici à 2030 : il ne suffit pas de la soutenir, il faut se donner les moyens de l'atteindre en se fondant sur des études d'impact sérieuses qui doivent avoir pour double but d'adosser les mesures prises à des données scientifiques et d'apporter de la visibilité aux acteurs économiques.
Ensuite, la défense de la liberté de choix du mix énergétique pour chaque État membre et la neutralité totale de la Commission à ce sujet, afin que nous puissions plaider pour l'utilisation du nucléaire, l'une des seules énergies nous permettant d'atteindre nos objectifs de réduction des émissions de carbone.
S'y ajoute la création au niveau européen d'un observatoire des normes nationales, chargé de s'assurer que celles-ci ne constituent pas un outil de discrimination favorisant les surtranspositions.
Quatrièmement, l'investissement dans la recherche et le développement de toutes les technologies disponibles à faible intensité carbone ou sans carbone, pour réduire les émissions de GES.
Cinquièmement, le soutien à un plan protéines européen pour développer les filières de production de biocarburants et offrir de nouveaux débouchés à l'agriculture. Il faut revoir à la hausse le taux d'incorporation des biocarburants dans l'essence comme dans le gazole.
Enfin, la promotion de l'économie circulaire et le recyclage des déchets. En la matière, il convient de développer le marché européen des matières recyclées en imposant leur présence dans chaque emballage et de mieux informer le consommateur, notamment sur l'effet environnemental des emballages et leur empreinte sur la biodiversité. Il importe également de travailler à préciser les règles européennes de sortie du statut de déchet, afin de parvenir à un marché européen du déchet moins fragmenté.
Vous l'aurez compris, le groupe Les Républicains soutient entièrement la proposition de résolution.
En tant que membre de la commission des affaires européennes, je rappellerai quelques points qui y ont déjà été évoqués par le groupe Socialistes et apparentés.
Tout d'abord, l'instauration d'un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières de l'Union est indispensable. Les recettes qui en émaneraient devraient être considérées comme des ressources propres de l'Union et être orientées vers des investissements massifs dans le développement des énergies vertes, lesquels nécessitent un effort bien plus soutenu, notamment de la part des États membres.
Il faudra aussi regarder de près les implications de nos décisions, par exemple dans le cas d'innovations technologiques supposant l'emploi de terres rares, lequel aurait des conséquences écologiques désastreuses.
Le texte salue le rehaussement de l'objectif de réduction des émissions de GES en 2030, porté à 55 %. La commission de l'environnement du Parlement européen a voté pour un objectif de 60 %, ce qui permettrait de conforter la proposition d'un objectif intermédiaire en 2040.
La référence aux règles de l'Organisation mondiale du commerce peut paraître contre-intuitive quand on connaît la visée de cette organisation.
Concernant la fixation d'un cap clair en vue d'interdire les investissements dans les énergies fossiles, les institutions financières publiques commencent à s'engager sur cette voie : la Banque européenne d'investissement a ainsi annoncé ne plus financer les énergies fossiles à partir de 2021 ; Bpifrance devrait se donner des objectifs du même ordre pour 2022. De fait, un engagement ferme est absolument nécessaire, car le privé continue, lui, de financer abondamment ces secteurs. Ainsi, entre 2016 et 2019, 35 banques américaines, canadiennes, chinoises, européennes et japonaises ont financé des énergies fossiles à hauteur de plus de 2 700 milliards de dollars. On sait que si ces investissements à long terme sont consentis, c'est qu'ils doivent être rentables pendant plusieurs dizaines d'années et freineront donc significativement notre marche vers les objectifs que nous nous fixons.
Monsieur Vatin, vos propos témoignent d'un consensus sur l'essentiel du texte. Je vous confirme que, pour nous non plus, il n'existe pas de dichotomie entre écologie et économie, au contraire : l'écologie n'existe pas seulement dans le discours des organisations non gouvernementales (ONG), elle concerne également les entreprises et les comportements des consommateurs ; l'écologie peut nourrir l'économie.
Concernant les études d'impact, la commission des affaires européennes a regretté qu'il n'y en ait pas eu au sujet du rehaussement de l'objectif 2030. Nous ne pouvons qu'abonder dans son sens et ne proposons donc pas de toucher à l'alinéa qui fait état de ce regret.
La liberté de choix du mix énergétique est incontestable, elle est d'ailleurs rappelée dans le Green Deal.
La Commission elle-même est garante de la transposition des directives, mais la création de l'observatoire de la surtransposition que vous évoquez n'a pas été proposée jusqu'à présent. Elle pourrait être mise sur la table : nous connaissons bien, en France, les dangers de la surtransposition ; le Gouvernement s'efforce d'ailleurs depuis quelques années d'éviter celle-ci, car elle freine le développement de l'activité économique.
Concernant le soutien à un plan protéines, il relève plutôt de la politique agricole commune, même s'il est lié aux questions climatiques et énergétiques.
S'agissant de la promotion de l'économie circulaire, la France est bien engagée sur la voie que vous décrivez grâce aux dispositions législatives que nous avons adoptées. Mais il reste des choses à faire, notamment pour bâtir les filières européennes de traitement des déchets que j'appelle moi aussi de mes vœux.
Madame Jourdan, nous sommes d'accord avec vous au sujet du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières, également défendu par la commission des affaires européennes dans sa proposition de résolution. Il est nécessaire pour financer des investissements verts.
Concernant le choix d'un objectif de 55 % ou de 60 % de réduction des émissions, la formulation « au moins 55 % » que nous proposons permet de concilier ces deux chiffres, entre lesquels la différence est très symbolique : ce qui compte, ce sont les moyens que nous nous donnons pour atteindre l'objectif.
S'agissant de la suppression des énergies fossiles, je défendrai un amendement visant à créer un indicateur d'empreinte carbone, lequel s'appuiera notamment sur la notion d'empreinte indirecte qui vise précisément ces énergies. Car la consommation d'énergies fossiles doit vraiment entrer en ligne de compte dans la constitution du prix d'un produit. La France s'est résolument engagée sur cette voie, notamment en adoptant la loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures, la toute première dont notre commission ait été saisie au début de la législature. Pour atteindre l'objectif, nous avons l'avantage sur beaucoup d'autres pays de disposer d'un mix énergétique fondé sur une énergie décarbonée : le nucléaire. Il faut augmenter la part qu'y occupent les énergies renouvelables – comme le préconise d'ailleurs le texte.
Ce qui nous ramène au problème que posent les États-Unis, évoqués par Mme Silin : on parle beaucoup de la Chine, mais eux aussi sont de gros consommateurs d'énergies fossiles, de sorte que nous fondons de grands espoirs sur l'éventualité, qui dépendra du résultat des élections, qu'ils réintègrent l'accord de Paris.
La commission en vient à l'examen des amendements.
Article unique
La commission est saisie de l'amendement CD11 de la rapporteure.
Il s'agit d'ajouter aux visas de la proposition de résolution la prise en considération des ODD définis par les Nations unies. Ces objectifs de nature transversale correspondent à une ambition climatique, mais aussi sociale, éducative, sanitaire ; ils ont été travaillés au niveau supra-européen : nous avons donc tout intérêt à les faire nôtres, d'autant qu'ils sont évoqués dans le Green Deal.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle aborde ensuite l'amendement CD12 de la rapporteure.
Cet amendement tend à compléter l'alinéa 19, qui dispose qu'« une hausse de la température de 1,5 ou 2 degrés réduirait de manière significative la disponibilité des denrées alimentaires dans des régions voisines de l'Union importantes pour sa sécurité, notamment le sud de la Méditerranée », pour insister sur l'effet de la hausse des températures sur la perte de biodiversité en Europe, grand espace naturel, forestier, doté également de zones marines. Plusieurs déclarations ont récemment souligné combien il importe de disposer d'indicateurs en la matière.
Madame la rapporteure, vous avez évoqué un réchauffement de 1,5 degré. Il faut être réaliste : nous savons que cet objectif ne peut plus être atteint. Je ne voudrais pas que la commission du développement durable laisse croire que nous continuons de nous inscrire dans cette stratégie.
Il s'agit d'un malentendu. Les considérants du texte font référence à cet indicateur car c'est celui du GIEC, le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.
Je tiens à souligner la pertinence de l'amendement. La hausse des températures a de multiples conséquences ; elle affecte notamment les lagunes méditerranéennes, comme l'illustre la situation de l'étang de Berre, auquel j'ai consacré un rapport. Nous voterons donc l'amendement. Désormais, il faut agir !
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle examine ensuite l'amendement CD13 de la rapporteure.
Cet amendement est le pendant du CD11. Il a en effet pour objet de préciser, après l'alinéa 21 – qui a trait à la fixation, en cohérence avec l'accord de Paris, d'un objectif de neutralité climatique à l'horizon 2050 –, que l'ensemble des politiques climatiques de l'Union se réfèrent aux objectifs de développement durable.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle est saisie de l'amendement CD14 de la rapporteure.
Cet amendement me tient particulièrement à cœur, car il porte sur l'indicateur d'empreinte carbone, dont le Haut Conseil pour le climat a encore récemment rappelé l'importance.
Actuellement, l'empreinte carbone d'un produit est calculée à l'aide de trois indicateurs : l'empreinte indirecte, c'est-à-dire le processus de production ; l'empreinte grise, c'est-à-dire l'ensemble des activités intervenant en amont de la production ; l'empreinte directe, c'est-à-dire la combustion des matières fossiles. On peut calculer également celle d'un citoyen ou d'un ménage. Ainsi, l'empreinte carbone moyenne d'un Français est de 11,5 tonnes équivalent CO2 – elle varie selon le mix énergétique puisqu'elle correspond au rapport entre la consommation finale privée et les émissions de gaz à effet de serre.
Si nous voulons nous engager dans une politique climatique performante, nous devons prendre en considération l'empreinte carbone. La France a défendu cette position au sein du Conseil européen, mais celui-ci ne l'a pas suivie. Pourtant, évaluer l'empreinte carbone, c'est faire de la pédagogie auprès du consommateur final. Je travaille actuellement avec les entreprises du textile de ma circonscription, qui sont en train de démontrer que l'empreinte carbone d'un produit fabriqué en Asie puis consommé en Europe est cent fois plus élevée que celle d'un produit fabriqué en Europe – même s'il peut passer brièvement par les pays du Maghreb – et consommé en Europe.
L'indicateur d'empreinte carbone permettrait d'adapter notre stratégie industrielle, d'améliorer l'information des ménages, d'encadrer les politiques commerciales de l'Union européenne et d'orienter nos coopérations internationales. C'est pourquoi je vous propose de le mentionner dans la proposition de résolution.
C'est en effet un élément central. Je suis tout à fait favorable à un mécanisme de compensation carbone aux frontières, mais nous devons au préalable nous accorder sur une méthode de comptabilisation des émissions de carbone liées à un produit fini importé en Europe. La France doit défendre cette position, pour que l'Europe soit demain en mesure d'analyser le cycle de vie carbone d'un produit, depuis la planche à dessin jusqu'à la destruction ou au recyclage.
Je vous félicite pour cet amendement, madame la rapporteure. Nous avons beaucoup à faire en la matière, en ce qui concerne non seulement le produit lui-même, mais aussi les conditions dans lesquelles il arrive jusqu'à nous depuis son lieu de fabrication. Souvent, un produit est considéré comme fabriqué en France alors qu'on s'est contenté d'y fermer la boîte, et il est impossible de connaître sa provenance.
J'ajoute que la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire prend en compte cet élément, mais sans aller jusqu'à la définition d'un indicateur. Notre commission serait donc bien avisée de mener une réflexion approfondie sur cette question.
Elle pourrait, comme je l'avais d'ailleurs proposé, faire l'objet d'une mission d'information, d'autant que cette préoccupation semble unanimement partagée. Nous pourrions ainsi, à partir d'exemples concrets – nous en avons tous en tête –, établir un indicateur utile à nos concitoyens.
Ce serait, en outre, un bon moyen d'encourager les Français à acheter des produits fabriqués en France, quitte à les payer un peu plus cher, et à favoriser ainsi l'emploi dans notre pays. Je pense aux masques, par exemple. On nous a dit qu'il fallait les produire en France, mais on achète les moins chers sans se demander d'où ils viennent.
La commission adopte l'amendement CD14.
Elle examine ensuite l'amendement CD7 de la rapporteure.
Il s'agit d'insister sur la nécessité de nous adapter au changement. Les événements climatiques nous obligent à développer une culture du risque, et c'est uniquement ainsi que nous parviendrons à être résilients.
On observe souvent, lors de débats ou de rencontres, que dans l'esprit de nos concitoyens, la lutte contre le changement climatique et l'adaptation au changement climatique s'opposent, comme si elles étaient incompatibles. Or, il faut non seulement lutter pour éviter une hausse excessive des températures mais aussi s'adapter au changement, car il est en cours. Je le vois dans la Sarthe : depuis quelques années, chaque été on subit une canicule. Il faut admettre que ce n'est plus un épisode exceptionnel : c'est la manifestation d'un changement climatique qui a des conséquences importantes, notamment pour nos agriculteurs.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Puis elle est saisie de l'amendement CD10 de la rapporteure.
Cet amendement a pour objet de rappeler le rôle important joué par le verdissement des transports, qui concerne aussi bien la flotte des véhicules que les infrastructures et les corridors de déplacement qui pourraient être créés en Europe. Je pense, par exemple, au corridor ferroviaire qui pourrait relier le sud et le nord de l'Europe. À cause de la crise sanitaire, nos modes de vie vont changer, mais la mobilité ne disparaîtra pas pour autant et les échanges se poursuivront. Le verdissement des transports est donc crucial, d'autant plus qu'il favorise la création d'emplois.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle en vient à l'examen de l'amendement CD15 de la rapporteure.
Cet amendement tend à rappeler la complémentarité entre la définition de la stratégie européenne pour la biodiversité et la lutte contre le changement climatique. J'ai presque regretté, à l'issue de ce travail, qu'il ait été si peu question d'agriculture, mais celle-ci est concernée indirectement par la biodiversité et elle relève de la politique agricole commune, qui définit des axes de travail en la matière.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CD1 de Mme Marie Silin.
Nous proposons de préciser que l'objectif d'une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre est un minimum pour permettre la mise en œuvre d'une politique communautaire ambitieuse en matière de neutralité climatique.
Avis favorable. Si nous indiquons que l'objectif doit être une réduction des émissions d'« au moins 55 % », cela nous laisse de la marge pour aller éventuellement plus haut.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle examine l'amendement CD2 de Mme Marie Silin.
Il s'agit de souligner la nécessité, pour la France et l'Union européenne, de développer leurs ambitions en matière de lutte contre le réchauffement climatique, notamment dans le domaine diplomatique – manière élégante de ne pas évoquer nos grands partenaires –, dans la perspective de la préparation de la COP 26, qui se déroulera fin 2021.
L'Union européenne doit être exemplaire et ambitieuse. Il est de notre responsabilité de tirer nos partenaires vers le haut. J'observe d'ailleurs que, depuis 2015, un certain nombre de pays nous ont suivis : même la Chine s'est fixé un objectif de neutralité carbone. Si d'autres sont encore à la traîne, il faut espérer que la locomotive européenne saura les tirer derrière elle. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'examen de l'amendement CD3 de Mme Marie Silin.
Nous proposons d'insister sur l'aspect social de la transition écologique. En effet, notre priorité est de protéger et de sauvegarder les emplois des citoyens français et européens et de lutter contre la précarité, notamment dans le contexte actuel.
Cette question est particulièrement d'actualité, compte tenu de la crise sanitaire et de la dépression économique qu'on nous annonce. Nous devons avoir la volonté de ne laisser personne sur le bord de la route. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Puis elle est saisie de l'amendement CD9 de la rapporteure.
L'Union européenne, qui est un grand marché, doit favoriser la création de consortiums industriels ou technologiques dans des domaines tels que ceux de l'hydrogène, de la batterie verte, du recyclage et de l'élimination des déchets… Il importe qu'elle soit force de proposition en la matière et que les États membres ne soient pas les seuls à soutenir ce type de projets.
Je soutiens bien entendu l'amendement, mais je tiens à insister sur la nécessité d'harmoniser les réglementations nationales. Je m'intéresse, par exemple, à la filière du « rétrofit » dans le secteur automobile. La réglementation française est très bonne en la matière, mais elle diffère de celle des autres États membres, de sorte qu'une entreprise française de « rétrofit » – mais c'est également vrai pour une entreprise italienne ou allemande – ne peut pas vendre ses véhicules dans un autre pays de l'Union. La Commission européenne devrait assurer une veille technologique sur ces sujets.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle examine ensuite l'amendement CD4 de Mme Marie Silin.
L'Union européenne a élaboré un plan de soutien à l'économie d'un montant de 750 milliards d'euros. Or, il nous paraît nécessaire qu'elle se dote de recettes propres pour financer son budget et honorer ses engagements.
Notre collègue député européen M. Pascal Durand a beaucoup insisté sur ce point. De fait, sans ressources propres, l'Union ne pourra pas financer la relance verte. Avis favorable.
D'abord, nous avons proposé d'imposer aux frontières de l'Union une taxe carbone dont le produit pourrait financer les investissements. Ensuite, la France défend une taxation des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft). Il faut que l'ensemble de l'Europe nous suive, car ce type de taxation est précisément un moyen de percevoir des recettes sans augmenter les impôts en Europe.
L'hypothèse d'une taxation des GAFAM a en effet été évoquée lors de nos échanges avec M. Pascal Durand. Différentes mesures peuvent être envisagées. Le retrait britannique nous invite à faire preuve de prudence et à trouver d'autres sources de recettes pour l'Union européenne.
Il faut réfléchir de manière globale aux bienfaits du développement durable pour notre économie. Au-delà des recettes supplémentaires, l'application d'une taxe carbone aux frontières européennes non seulement favoriserait les relocalisations, mais inciterait également des entreprises étrangères à s'implanter sur le territoire de l'Union européenne, donc à créer des emplois.
La commission adopte l'amendement à l'unanimité.
Elle est ensuite saisie de l'amendement CD5 de Mme Marie Silin.
Il s'agit, après l'alinéa 40, de rappeler la nécessité de prévoir des indicateurs de santé environnementale dans la définition de la stratégie européenne de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Il est vrai que la question de la santé est assez rarement abordée au sein de notre commission. Notre collègue Mme Élisabeth Toutut-Picard préside actuellement une commission d'enquête sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Nous savons qu'un certain nombre de phénomènes ont un impact important sur la santé de nos concitoyens, qu'il s'agisse de la pollution de l'air ou des perturbateurs endocriniens, voire des pesticides. Il est indispensable de disposer, à l'échelon européen, d'indicateurs de santé environnementale. Avis favorable.
La commission adopte l'amendement.
Elle en vient à l'examen de l'amendement CD8 de la rapporteure.
Cet amendement nous a été inspiré par nos débats et par les travaux de M. Pascal Canfin sur la taxonomie. Dans un contexte de dépression économique, la préoccupation des entreprises est de sauvegarder l'emploi ; il convient donc de ne pas imposer de contreparties aux aides qui leur sont accordées. Néanmoins, je souhaiterais que nous indiquions combien il est important de les accompagner dans la transformation écologique de leur appareil de production, notamment lorsqu'elles perçoivent des aides publiques. M. Pascal Canfin propose, à cet égard, la prise en compte d'indicateurs portant sur le fonctionnement et l'investissement.
La commission adopte l'amendement.
Elle examine ensuite l'amendement CD6 de Mme Marie Silin.
Il s'agit d'indiquer, après l'alinéa 41, que l'Assemblée nationale plaide pour le recours régulier à des outils de consultation citoyenne afin de valider les orientations prises par les institutions européennes en matière de lutte contre le changement climatique. La crise que nous traversons est en partie démocratique et nous souhaitons, par cet amendement, associer la démocratie participative à la démocratie représentative. Je pense, par exemple, à la consultation citoyenne sur le plan national santé-environnement qui a été lancée, il y a quelques jours, par le ministère de la santé et celui de la transition écologique.
Tout ce qui permet à chacun de s'approprier les questions traitées par les institutions européennes, qui semblent toujours éloignées des préoccupations de nos concitoyens, est d'autant plus utile que leur consultation est facilitée par les outils numériques. Avis favorable, donc.
Peut-être faut-il préciser les choses, car on risque d'ouvrir ainsi la porte à tous les lobbys.
Nous avons, en France, des outils de consultation citoyenne, et il existe des moyens d'éviter que les lobbys soient systématiquement à l'origine des propositions citoyennes.
L'Assemblée nationale elle-même s'est dotée d'un outil de consultation des citoyens qui est à la disposition de tous les députés, lesquels peuvent notamment y recourir dans le cadre des missions d'information. J'ai moi-même utilisé cet outil, avec un certain succès, dans le cadre de la mission sur l'étang de Berre.
Monsieur Vatin, ce modèle, qui existe d'ailleurs peut-être dans d'autres pays que le nôtre, doit pouvoir être dupliqué à une plus grande échelle.
Monsieur Zulesi, l'approche des citoyens n'est pas du tout la même selon que le sujet est local ou européen.
La réhabilitation de l'étang de Berre est un sujet international : il y va de l'avenir des lagunes méditerranéennes ! Cela dit, je rappelle que la Commission européenne a organisé une consultation sur la fin du changement d'heure et que de nombreux citoyens européens se sont exprimés à ce sujet.
Il existe d'autres outils. L'initiative citoyenne européenne, par exemple, permet à un million de citoyens d'inviter la Commission à faire une proposition législative. En l'espèce, il s'agit d'être proactif et de susciter la participation des citoyens plutôt que de laisser l'initiative aux groupes d'intérêts.
En effet, l'outil européen existe déjà. Il a été utilisé pour consulter les citoyens européens non seulement sur le changement d'heure, mais aussi sur la stratégie européenne pour une mobilité durable et intelligente ou sur les ports dans le cadre du Brexit. L'Europe consulte beaucoup, mais peut-être ne communique-t-elle pas suffisamment en la matière.
Le groupe Libertés et territoires soutient entièrement la proposition de résolution.
En ce qui concerne l'amendement, je rappelle que, depuis les ordonnances de 2016, 60 parlementaires ou 500 000 ressortissants majeurs de l'Union européenne résidant en France peuvent saisir la Commission nationale du débat public. Le droit d'initiative est ouvert, sur les projets, plans et programmes soumis à une évaluation, à au moins 20 % de la population des communes concernées ou 10 % de la population du département ou de la région concernée. La consultation peut également être organisée sur l'initiative du conseil régional ou d'une association agréée de défense de l'environnement.
Nous entrons dans une nouvelle forme démocratie, qui peut en gêner certains mais qui est celle du XXIe siècle. Il est important de le rappeler. Je soutiens donc cet amendement.
La commission adopte l'amendement.
Puis elle adopte à l'unanimité l'article unique modifié de la proposition de résolution relative à la proposition de loi européenne sur le climat.