Intervention de Bruno Millienne

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 18h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBruno Millienne :

Permettez-moi de manifester d'abord mon profond étonnement : pourquoi, à l'heure où la France traverse une crise sanitaire et économique sans précédent, à l'heure où nous vivons une pandémie mondiale qui a d'ores et déjà tué plus d'un million de personnes, à l'heure où les Français s'inquiètent pour leur emploi et leur avenir, inscrire à l'ordre du jour de votre niche parlementaire une proposition de loi de pur affichage dont le contenu a déjà été très longuement débattu ?

Nous l'avons dit et répété lors des débats sur la LOM : cette proposition ne repose sur aucune étude d'impact et nous en ignorons les effets sur les finances des collectivités. Votre rapport n'étudie absolument pas les conséquences que cette mesure pourrait avoir sur des personnes en grande précarité, et se focalise uniquement sur la région Île-de-France alors que la proposition de loi concerne toutes les AOM. La liste des personnes auditionnées est très révélatrice de l'origine de cette proposition. N'oublions pas que seule la moitié des bénéficiaires de l'AME se trouve en Île-de-France. Si cette région est la plus concernée, elle n'est pas la seule. Pourquoi ne pas avoir interrogé d'autres AOM ?

Proposer un rapport de six pages sur une mesure risquant d'accentuer la situation de misère dans laquelle se trouvent ces personnes n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Une telle proposition supposerait une étude de plusieurs mois, menée avec les services des ministères et l'ensemble des acteurs concernés, pas uniquement Île-de-France Mobilités, afin d'être la plus exhaustive possible.

Je ne suis pas d'accord avec vos conclusions : si le législateur décidait d'exclure du bénéfice du demi-tarif un individu qui, de fait, n'a pas les moyens de payer davantage, celui-ci n'achètera plus de titre de transport. Une telle disposition ne peut que l'inciter à frauder, et au lieu de 50 % du prix du titre de transport, les collectivités ne percevront plus rien. L'effet d'une telle mesure sur les finances publiques sera très probablement négatif, les raisons budgétaires que vous avancez à l'appui de cette proposition de loi reposent sur une illusion.

Vous la justifiez enfin par une volonté de justice sociale ; je crois que nous n'en avons pas la même définition. Les personnes en situation irrégulière ont besoin d'accéder aux transports en commun, ne serait-ce que pour établir un dossier de demande de titre de séjour ou pour accompagner leurs enfants scolarisés. Permettre à ces personnes fragiles socialement et physiquement de se déplacer, c'est cela, la justice sociale.

Je m'étonne donc que le groupe LR pose à nouveau le sujet sur la table, alors que nous savons pertinemment que nous retrouverons les mêmes débats, avec les mêmes arguments. Les députés du groupe MoDem et Démocrates apparentés restent sur la position qu'ils ont défendue lors de la discussion du projet de LOM et maintiennent leur opposition totale à cette mesure, dont nous regrettons le caractère clivant et l'inapplicabilité dans les faits car, à l'évidence, ces personnes ne pourront être sanctionnées.

J'appelle enfin l'attention sur le fait que cette proposition de loi ne se contente pas d'introduire la possibilité de ne plus octroyer cette réduction : elle interdit à toute AOM de l'octroyer, alors que les avis sont très divisés sur le sujet.

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