La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné la proposition de loi visant à permettre l'exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports (n° 687 rectifié) ( Mme Constance Le Grip, rapporteure ).
Nous abordons l'examen de la proposition de loi visant à permettre l'exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports, dont Mme Constance Le Grip est la rapporteure.
Merci, chers collègues, de m'accueillir au sein de cette commission à l'occasion de l'examen de ce texte. Cette proposition de loi représente l'aboutissement d'un travail commencé il y a plus de deux ans et demi. Elle a pour objet de permettre l'exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports publics.
Enregistrée à la Présidence de l'Assemblée nationale le 21 février 2018, cette proposition a été déclinée en amendements à plusieurs reprises : en 2018, lors des débats sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, communément appelée loi « asile et immigration », puis en 2019, au sein du projet de loi d'orientation des mobilités (LOM). Différentes moutures en ont donc été débattues par la commission des lois et notre commission, ainsi qu'en séance publique. Lors du débat parlementaire sur le projet de LOM, au printemps 2019, le Gouvernement ne s'y était pas opposé, s'en remettant à la sagesse des députés. Mais nous n'étions pas allés plus loin.
Cette proposition de loi consiste à modifier le code des transports en retirant les personnes étrangères en situation irrégulière de la liste des bénéficiaires potentiels de la tarification sociale dans les transports. Elle fournira la base légale nécessaire aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) pour procéder à cette suppression de réduction tarifaire.
En tant que députée francilienne, je me dois de rappeler ce qu'il est advenu d'une délibération de l'AOM d'Île-de-France. Par une délibération du 17 février 2016, le Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), devenu Île-de-France Mobilités, avait choisi d'exclure du périmètre de la tarification sociale – qui accorde une réduction tarifaire de 50 %, voire 75 % – les étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l'aide médicale de l'État (AME). Le 25 janvier 2018, le tribunal administratif de Paris a annulé cette délibération, estimant que l'article L. 1113-1 du code des transports ne subordonne le bénéfice de la réduction tarifaire « qu'à une seule condition de ressources, et non à une condition de régularité du séjour en France ». Cette annulation a été confirmée par la Cour administrative d'appel de Paris le 6 juillet 2018.
Plusieurs motifs justifient de compléter cet article L. 1113-1 du code des transports.
En premier lieu, des raisons d'équité et de justice. Rien ne justifie que les étrangers en situation irrégulière au regard du séjour sur le territoire de la République bénéficient de davantage de droits que les autres usagers des transports publics. En Île-de-France, la majorité des usagers – les employés – paient 50 % de leur Pass Navigo, le reste étant pris en charge par leur employeur. La tarification « solidarité transport », qui peut aller jusqu'à la gratuité, peut s'appliquer à certaines catégories de demandeurs d'emploi, par exemple les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), et aux bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C), sous condition de ressources.
Il n'apparaît ni équitable, ni juste, ni logique de faire bénéficier de tarifs réduits les étrangers en situation irrégulière, alors même qu'ils sont en infraction par rapport aux lois de la République. Accorder le bénéfice de la tarification sociale quelle que soit la situation au regard des conditions de séjour sur le territoire de la République peut apparaître à certains égards comme une prime à l'illégalité, ce qui est incompréhensible pour nombre d'usagers des transports publics, notamment d'usagers modestes, qui paient plein tarif leurs titres de transport.
En second lieu, cette proposition de loi se justifie pour des raisons budgétaires. Île‑de‑France Mobilités a estimé que le coût de cette tarification sociale accordée aux étrangers en situation irrégulière bénéficiaires de l'AME s'élevait à 40 millions d'euros hors taxes en 2016. Elle concernait alors 125 000 personnes. D'après le directeur général d'Île-de-France Mobilités, que j'ai auditionné le 18 novembre dernier, il s'agit d'une estimation prudente, se situant dans le bas de la fourchette, d'autant que le nombre de bénéficiaires de l'AME, dont la moitié résident en Île-de-France, a augmenté depuis 2016. L'enjeu financier est donc important pour une AOM comme celle de l'Île-de-France. Il est à noter que depuis l'annulation de la délibération de 2016 de l'ex-STIF par le tribunal administratif de Paris, aucune AOM ne s'est risquée à modifier sa politique en matière de tarification sociale.
Nombre d'AOM se trouvent dans une situation financière dégradée en raison de la pandémie actuelle, qui entraîne une baisse drastique de fréquentation, et les difficultés économiques et sociales à venir risquent d'augmenter le nombre de personnes en situation précaire – travailleurs pauvres, demandeurs d'emploi, étudiants précarisés. Compte tenu de ces éléments, il peut s'avérer judicieux et opportun de permettre aux AOM de récupérer des marges de manœuvre budgétaires pour mettre en place une politique de tarification sociale et solidaire juste, équitable, appropriée, ciblée sur les populations qui en ont vraiment besoin, et qui, s'agissant des personnes de nationalité étrangère, sont en règle avec les lois de la République pour ce qui touche à leur séjour sur notre territoire.
L'article unique de la proposition de loi prévoit donc de modifier l'article L. 1113-1 du code des transports pour subordonner le bénéfice de la réduction tarifaire dans les transports publics à la régularité du séjour en France.
Cette proposition de loi examinée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Les Républicains (LR) vise à subordonner le bénéfice de la tarification sociale dans les transports en commun à la régularité du séjour en France des bénéficiaires. Elle intervient suite aux discussions du projet de LOM et à la décision du 25 janvier 2018 du tribunal administratif de Paris, la juridiction estimant que le code des transports ne subordonne le bénéfice de la réduction tarifaire qu'à la seule condition de ressources, et non à la condition de la régularité du séjour en France.
Cette proposition de loi ne fait l'objet d'aucune étude d'impact et met en péril l'accès des étrangers en situation irrégulière à un certain nombre de droits sociaux qui leur sont pourtant garantis par l'État. L'absence d'étude d'impact concerne aussi bien les finances d'Île-de-France Mobilités que les associations d'aide aux étrangers en situation irrégulière qui, par transfert de charges, supporteraient le coût de la suppression de la réduction tarifaire. Les données financières justifiant cette proposition de loi sont incomplètes, voire obsolètes : elles datent de 2016, avant le changement de tarification opéré en Île-de-France. La perte de recettes de 43 millions d'euros liée à la réduction de 50 % présentée dans l'exposé des motifs occulte également le gain financier de 43 millions d'euros pour Île-de-France Mobilités payé par les étrangers en situation irrégulière au titre des 50 % qui restent à leur charge.
Les questions sous-jacentes – l'attribution de l'AME et le traitement des étrangers en situation irrégulière – ne peuvent faire l'objet d'une proposition de loi à article unique présentée lors d'une niche. L'importance et la complexité du sujet ne permettent pas d'en débattre dans ce contexte législatif.
Le groupe La République en Marche défend une approche humaine, pragmatique et sociale du traitement des étrangers en situation irrégulière présents sur le territoire français. Dans ce contexte, la mesure contenue dans la proposition de loi du groupe LR apparaît peu adaptée à la crise sanitaire et économique actuelle, ciblant une population dont la vulnérabilité s'est accentuée au cours des derniers mois.
Sur la méthode, la rapporteure n'a procédé qu'à une seule audition, celle d'Île-de-France Mobilités, organisme rattaché au conseil régional d'Île-de-France, et n'a pas reçu les associations d'aide aux étrangers en situation irrégulière, qui seraient pourtant concernées par une telle loi. Il serait nécessaire de les recevoir avant d'envisager tout changement législatif.
Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe La République en Marche sera défavorable à cette proposition de loi.
Enfin, nous examinons une proposition de loi, maintes fois désirée, y compris dans les rangs de la majorité, et maintes fois rejetée pour des raisons liées au véhicule législatif jugé non approprié.
Lorsque nous avons discuté du projet de loi dit « asile et immigration », le ministre de l'intérieur s'était déclaré largement favorable à cette proposition. Puis, après des discussions avec des députés de la République en Marche, il a été estimé que le texte choisi n'était pas le bon et qu'il fallait renvoyer cette disposition au projet de LOM. Mme Elisabeth Borne, alors ministre chargée des transports, était également favorable à cette disposition, mais il a une nouvelle fois été décidé de renvoyer cette disposition à un autre véhicule législatif.
Aujourd'hui, vous estimez qu'une proposition de loi portée par le groupe Les Républicains – peut-être est-ce cela qui vous dérange – ne serait pas le bon véhicule législatif. Après tous les discours volontaristes sur la nécessité de combattre l'immigration irrégulière dans notre pays et de ne pas créer d'appel d'air à l'immigration irrégulière, vous avez l'occasion de réaliser un acte fort, et vous n'allez pas le faire.
Cette mesure est une question de justice, a dit la rapporteure, mais surtout de bon sens : nos concitoyens d'Île-de-France ne comprennent pas pourquoi des tarifs réduits ne sont pas accordés à certaines personnes en situation régulière, et pourquoi une prime à l'illégalité est donnée aux bénéficiaires de l'AME.
On pourrait prétendre que la tarification sociale doit permettre aux bénéficiaires de l'AME de recevoir des soins ; mais à ma connaissance, la caisse primaire d'assurance maladie rembourse à 100 % tous les frais de déplacement pour des hospitalisations ou des soins, même les soins non urgents. Je n'ose croire que cette tarification ne sert qu'à dissimuler une prime à l'illégalité pour les travailleurs clandestins et ceux qui les emploient. Si la tarification sociale ne sert pas à bénéficier de soins, pourquoi se déplacer, si ce n'est pour rejoindre son lieu de travail ? Finalement, en encourageant la mobilité des clandestins sur le territoire francilien, on encourage le travail dissimulé en prenant en charge les 50 % que devraient payer les employeurs, qui se déchargent de leurs responsabilités.
Je tenais à rappeler ces éléments de justice et de bon sens. Les Français ou étrangers en situation régulière ne comprennent pas pourquoi on offre cette prime à l'illégalité et cet encouragement à l'immigration irrégulière.
Permettez-moi de manifester d'abord mon profond étonnement : pourquoi, à l'heure où la France traverse une crise sanitaire et économique sans précédent, à l'heure où nous vivons une pandémie mondiale qui a d'ores et déjà tué plus d'un million de personnes, à l'heure où les Français s'inquiètent pour leur emploi et leur avenir, inscrire à l'ordre du jour de votre niche parlementaire une proposition de loi de pur affichage dont le contenu a déjà été très longuement débattu ?
Nous l'avons dit et répété lors des débats sur la LOM : cette proposition ne repose sur aucune étude d'impact et nous en ignorons les effets sur les finances des collectivités. Votre rapport n'étudie absolument pas les conséquences que cette mesure pourrait avoir sur des personnes en grande précarité, et se focalise uniquement sur la région Île-de-France alors que la proposition de loi concerne toutes les AOM. La liste des personnes auditionnées est très révélatrice de l'origine de cette proposition. N'oublions pas que seule la moitié des bénéficiaires de l'AME se trouve en Île-de-France. Si cette région est la plus concernée, elle n'est pas la seule. Pourquoi ne pas avoir interrogé d'autres AOM ?
Proposer un rapport de six pages sur une mesure risquant d'accentuer la situation de misère dans laquelle se trouvent ces personnes n'est pas à la hauteur de l'enjeu. Une telle proposition supposerait une étude de plusieurs mois, menée avec les services des ministères et l'ensemble des acteurs concernés, pas uniquement Île-de-France Mobilités, afin d'être la plus exhaustive possible.
Je ne suis pas d'accord avec vos conclusions : si le législateur décidait d'exclure du bénéfice du demi-tarif un individu qui, de fait, n'a pas les moyens de payer davantage, celui-ci n'achètera plus de titre de transport. Une telle disposition ne peut que l'inciter à frauder, et au lieu de 50 % du prix du titre de transport, les collectivités ne percevront plus rien. L'effet d'une telle mesure sur les finances publiques sera très probablement négatif, les raisons budgétaires que vous avancez à l'appui de cette proposition de loi reposent sur une illusion.
Vous la justifiez enfin par une volonté de justice sociale ; je crois que nous n'en avons pas la même définition. Les personnes en situation irrégulière ont besoin d'accéder aux transports en commun, ne serait-ce que pour établir un dossier de demande de titre de séjour ou pour accompagner leurs enfants scolarisés. Permettre à ces personnes fragiles socialement et physiquement de se déplacer, c'est cela, la justice sociale.
Je m'étonne donc que le groupe LR pose à nouveau le sujet sur la table, alors que nous savons pertinemment que nous retrouverons les mêmes débats, avec les mêmes arguments. Les députés du groupe MoDem et Démocrates apparentés restent sur la position qu'ils ont défendue lors de la discussion du projet de LOM et maintiennent leur opposition totale à cette mesure, dont nous regrettons le caractère clivant et l'inapplicabilité dans les faits car, à l'évidence, ces personnes ne pourront être sanctionnées.
J'appelle enfin l'attention sur le fait que cette proposition de loi ne se contente pas d'introduire la possibilité de ne plus octroyer cette réduction : elle interdit à toute AOM de l'octroyer, alors que les avis sont très divisés sur le sujet.
Comme le montre l'état d'avancement des travaux de notre rapporteure, la volonté d'exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports remonte à plusieurs années. Cette proposition de loi a été déposée dès 2018, et l'on a tenté de la traduire dans de nombreux véhicules législatifs.
Ce texte prétend répondre à deux objectifs. Premièrement, rétablir l'équité et la justice. Il est très étrange de parler d'équité, c'est-à-dire d'un traitement différencié selon les situations, alors que vous souhaitez gommer cette différenciation et soumettre aux tarifications pleines une population particulièrement exposée. Où est l'équité dans ce cas ? Si l'on me rétorque qu'il s'agit de justice à l'égard des Franciliens dont les ressources sont faibles et qui ne bénéficient pas tous des mêmes réductions, alors élargissons le bénéfice de ces tarifs sociaux au lieu d'harmoniser par le bas. Selon les zones d'habitation, la part du transport dans les dépenses des ménages en fait le premier ou le second poste de dépenses d'après l'INSEE. La cause en tient à l'appauvrissement des populations et non aux étrangers en situation irrégulière.
Le second objectif annoncé tient au coût de cette tarification sociale. Selon les chiffres les plus optimistes, elle coûterait 40 millions d'euros par an à Île-de-France Mobilités, dont les ressources totales s'élevaient à environ 10,5 milliards d'euros en 2018. Ce rappel permet de relativiser l'importance du coût de cette mesure.
Vous indiquez que cette proposition permettrait de rediriger la tarification sociale vers les populations qui en ont vraiment besoin. Passons sur l'idée que les migrants en situation irrégulière n'aient pas vraiment besoin d'une tarification plus faible. Se concentrer sur la logique d'opposition entre les plus démunis permet de ne pas regarder en face le vrai problème : la nécessité d'investir dans des transports accessibles à tous.
C'est le droit à se déplacer, particulièrement lorsque l'on est dans une situation complexe, qui devrait être fondamental. L'utilisation de l'opposition entre Français et migrants est une position facile qui évite soigneusement de poser les questions de fond. Pour qui que ce soit, l'entrave à la mobilité constitue un frein à l'insertion et accentue la formation de campements de rue. Ce n'est pas ce que nous voulons.
Je peux enfin témoigner de situations que je connais, celles de jeunes migrants arrivés en France pour sauver leur peau, qui ont continué leur combat pour y travailler. Ils sont passés par diverses étapes, d'abord en situation irrégulière, parfois longtemps, ils ont demandé l'asile et ont obtenu un titre de séjour ou le statut de réfugié au terme de nombreuses démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Pour leur chance et la nôtre, aujourd'hui, ils travaillent, sont parfaitement intégrés et sont recherchés par les entrepreneurs de mon territoire. Il est heureux qu'ils aient pu bénéficier de facilités de déplacement pendant qu'ils étaient en situation irrégulière.
Je vous remercie pour la clarté de votre exposé, madame la rapporteure ; cela étant, tout comme mon collègue M. Bruno Millienne, j'ai beau lire et relire votre proposition de loi, j'avoue ne pas être certaine d'en comprendre l'opportunité en ces temps de grande détresse liée à l'épidémie, et encore moins l'utilité.
Il est une chose en revanche que je comprends : le retour de ce que j'appellerai une obsession francilienne bien connue, qui vise à exclure de la tarification sociale des transports une catégorie de personnes, à savoir les étrangers en situation irrégulière, une disposition déjà prise par la région Île-de-France en 2016, annulée à deux reprises par la justice, puis retoquée par notre assemblée lorsqu'elle nous est revenue à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités.
Obsession francilienne, ai-je dit, car il se trouve que je suis des Hauts-de-France, région tout aussi belle – si ce n'est plus… Or, si je lis votre rapport, je constate que les seules personnes auditionnées pour exprimer leur avis sur cette proposition de loi sont les représentants d'Île-de-France Mobilités, l'autorité organisatrice de la mobilité présidée par la présidente de la région Île-de-France. Mais, sauf erreur de ma part, nous sommes là pour légiférer en faveur de l'ensemble du territoire français et avec le souci de chaque Français, quelle que soit son appartenance régionale. Dès lors, il me semble que se prononcer sur le simple avis d'une instance non indépendante, représentant une région parmi les dix-huit que compte notre pays, n'est pas une garantie suffisante de l'utilité ni, a fortiori, de l'intérêt général de cette proposition de loi.
Admettons quand bien même que la France soit réductible à la seule région Île-de-France et essayons de comprendre l'utilité de ce texte. On nous parle de 40 millions d'euros d'économies pour la région, à rapporter aux 4 milliards de recettes encaissées par Île-de-France Mobilités : or ce calcul repose sur trois hypothèses pour le moins créatives : premièrement, la totalité des personnes en situation irrégulière seraient des usagers systématiques des transports en commun d'Île-de-France ; deuxièmement, tous ces gens auraient, malgré les multiples obstacles et formalités administratives mis en place par la région, réussi à obtenir la tarification sociale ; troisième hypothèse, ils auraient tellement apprécié leur expérience de transport en Île-de-France qu'ils auraient tous été définitivement convaincus de rester sur le territoire français, en toute irrégularité, cela va de soi… Tant il est vrai que c'est un statut appréciable que tout un chacun envie !
Permettez-moi de le dire : ce n'est pas sérieux. C'est pour cela que je préfère en rire.
Nous ne sommes pas en train d'examiner une mesure motivée par un calcul économique ni par la volonté de faire des économies, vous l'avez bien compris : pour cela, je ne peux qu'inviter la présidente de la région à poursuivre ses efforts de bonne gestion. En réalité, ce texte n'a pas d'utilité, ni économique ni sociale, il n'a qu'une ambition manifeste, purement politique : stigmatiser les étrangers en situation irrégulière. Il va de soi que le groupe Agir ensemble ne votera pas cette proposition de loi.
Le groupe Libertés et territoires voit avant tout dans cette proposition de loi un marqueur politique du parti Les Républicains : il s'agit bien de marquer à la culotte un parti d'extrême droite, faisant écho à la décision de Mme Valérie Pécresse, dès son arrivée à la tête de l'exécutif régional, de supprimer cette aide.
Sur le fond, la vulnérabilité et la situation sociale dans laquelle se trouvent ces individus ne devraient-elles pas l'emporter sur leur situation administrative ? Ne doit-on pas commencer par se poser cette question ? Et quand bien même la mesure serait adoptée, elle ne trouverait pas à s'appliquer à l'ensemble des bénéficiaires de l'AME en Île-de-France, tous n'en demandant pas le bénéfice, comme ma collègue Mme Valérie Petit vient d'en faire la démonstration. Les économies seraient bien en dessous de votre estimation de 43 millions d'euros – l'absence d'étude d'impact sérieuse sur le sujet ne peut d'ailleurs que susciter les plus fortes réserves.
Ces économies de bouts de chandelle sont également à mettre en perspective avec les recettes d'Île-de-France Mobilités, de l'ordre de 4 milliards d'euros et majoritairement constituées des contributions des employeurs – qui représentent plus de la moitié du budget de fonctionnement – au titre du versement transport et par le biais du remboursement du Pass Navigo aux salariés. Les voyageurs, quant à eux, ne contribuent qu'à hauteur de 27 % du coût. Quant aux 116 000 bénéficiaires de l'AME concernés, ils sont également à mettre en regard des plus de 2 millions d'usagers quotidiens des transports en commun en Île-de-France.
Enfin, sur un plan plus pragmatique, un individu qui vit dans la précarité et qui est exclu du bénéfice du demi-tarif n'aura pas les moyens de payer davantage pour son billet…
Cette proposition de loi est totalement déconnectée de la situation. Plutôt que de se comporter comme une force de proposition, courageuse, le groupe Les Républicains s'enfonce dans une idéologie. Nous aurions aimé vous voir proposer, par exemple, la gratuité des transports en commun : pourquoi n'avez-vous pas travaillé sur ce sujet ? Ou, soyons fous, pourquoi n'allez-vous pas chercher des moyens financiers auprès de ceux qui jamais ne prennent les transports en commun, mais qui paient, ou plus exactement payaient l'impôt sur la fortune ? Nous avons également besoin de repenser notre approche de la mobilité : vous auriez pu vous pencher sur cette problématique. La France connaît une croissance démographique, hors immigration, de 200 000 personnes par an, autrement dit un million de plus le temps d'un quinquennat. Un million de personnes, à raison de trois déplacements par jour, cela fait 3 millions de déplacements supplémentaires entre 2017 et 2022, ou entre le début et la fin du mandat de Mme Valérie Pécresse. Quelle réponse apportez-vous à cette situation et comment l'intégrez-vous ? Vous auriez pu, par exemple, être force de proposition en matière de télétravail, qui représente une transformation complète de notre société, plutôt que de chercher à stigmatiser quelques personnes et à dresser les uns contre les autres !
Enfin, je pense à tous ces migrants, ces sans-papiers, ces milliers de personnes qui, depuis mars, sont engagés en premiers de corvée et prennent les transports en commun, à tarif réduit, pour venir nettoyer, soigner souvent, protéger toujours. Avec votre proposition de loi, nous leur répondrions par l'exclusion. Je trouve que vous êtes indignes !
(Exclamations sur plusieurs bancs.)
Il peut sembler injuste qu'une réduction forfaitaire soit consentie aux étrangers en situation irrégulière : ils n'ont vocation ni à entrer ni à demeurer sur notre territoire, ils sont en infraction. Dans notre pays, la plupart des aides sociales sont d'ailleurs conditionnées à la possession de la nationalité française, à l'exception notable de l'aide médicale de l'État, pour des raisons de santé publique, ce que l'on comprend très bien. Les collectivités sont obligées de financer les titres de transport à hauteur de 50 %, voire 75 %, ce qui représente un coût important pour elles, notamment pour Île-de-France Mobilités. La situation est donc insatisfaisante. La région Île-de-France, ayant délibéré afin d'exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice des tarifs réduits, s'est vue retoquée par la justice. Il est intéressant de noter dans le rapport sur cette proposition de loi que la SNCF perçoit une compensation financière, versée par l'État, pour certains tarifs réduits.
S'il est évident qu'il faut permettre à l'ensemble des personnes présentes sur notre territoire de se déplacer correctement, en utilisant si possible les transports publics ou des modes actifs de déplacement, cela doit valoir pour tous. Or beaucoup de Français sont en dessous du seuil de pauvreté, situation aggravée encore par la crise économique, et ne bénéficient pas de cette gratuité. Pourquoi n'y auraient-ils pas droit eux aussi ? Pourquoi favoriser les personnes en situation irrégulière et comment l'expliquer ? Ou alors, pourquoi ne pas instaurer la gratuité pour tous ?
Mais cela coûterait très cher. Dans ces conditions, puisqu'il n'est pas possible d'instaurer la gratuité pour tous, le groupe UDI & Indépendants se prononcera en faveur de la proposition de loi.
Au lendemain de scènes extrêmement choquantes et hautement symboliques, où des migrants en train de dormir sous des tentes installées devant le symbole de la République à Paris ont été expulsés violemment et sans solution alternative, lâchés de l'autre côté du périphérique, en banlieue – réceptacle de la misère que l'on ne saurait voir au cœur de la métropole –, au lendemain de cet événement indigne du pays des droits de l'homme, voilà que la droite décide de présenter à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à exclure du bénéfice de la tarification réduite de 50 % les personnes sans titre de séjour bénéficiant de l'AME.
J'ai toujours pensé que Mme Valérie Pécresse expérimentait en Île-de-France le logiciel de régression sociale et de conservatisme de la droite républicaine. Je me souviens que le 17 février 2016, sa majorité a fait voter au conseil régional une délibération, qui a ensuite été traduite par ce qui était à l'époque le STIF, visant à exclure les personnes en situation irrégulière de l'aide forfaitaire sur le coût des transports. Cette mesure, jugée contraire au droit existant, a été annulée par le tribunal administratif de Paris, en 2018.
Les Républicains ont un sens des priorités décidément impressionnant : nous traversons une crise sociale majeure, la pauvreté explose – 10 millions de pauvres, 6 millions de chômeurs, 8 millions de bénéficiaires de l'aide alimentaire, 300 000 sans-abri –, et voilà la priorité pour les députés LR ! C'est ainsi que vous considérez l'urgence sociale et la solidarité nécessaire en cette période d'intense crise sociale, alors que le maître mot des propositions dont nous débattons devrait être d'aider les personnes les plus vulnérables, de partager les richesses et de protéger les plus démunis.
Dans ce moment de crise inouïe, votre idée géniale consiste à appuyer la proposition de Mme Valérie Pécresse, à lui donner un socle légal afin d'enlever à des gens qui vivent dans la misère, dans la difficulté, qui n'ont pas de papiers, la possibilité, majeure, de se déplacer.
Nous n'avons effectivement pas le même sens des priorités : pour nous, permettre de se déplacer, en particulier dans les transports en commun, c'est favoriser la liberté, c'est lutter contre la pollution et c'est encourager la cohésion sociale. D'ailleurs, l'article L. 1113-1 du code des transports dispose que la réduction tarifaire est subordonnée à la seule condition des ressources, et non à la régularité du titre de séjour. Vous voulez introduire une condition inédite, soi-disant au nom de l'équité et de la justice. Et de son côté, le groupe La République en Marche dit défendre une approche humaine du traitement des étrangers… Décidément, les mots n'ont aucun sens dans cette assemblée ; mais on voit bien le sens de votre politique et de vos choix.
Je m'efforcerai de répondre honnêtement aux interpellations de fond, sans prétendre à l'exhaustivité ni chercher à relever certains propos que je n'avais pas l'habitude d'entendre en commission. Dans celle à laquelle j'appartiens ordinairement, il n'est pas usuel de se laisser aller à des anathèmes ou à des paroles qui dépassent la courtoisie républicaine et le sens des convenances. Mais nous ne sommes pas dans l'hémicycle et je n'invoquerai pas de fait personnel.
Plusieurs d'entre vous ont regretté que cette proposition de loi n'ait pas d'étude d'impact. Mais ce n'est pas faire injure à notre institution parlementaire, à laquelle nous sommes tous attachés, de reconnaître que le renforcement des prérogatives de notre assemblée est un combat et que nous manquons cruellement d'outils efficaces en la matière.
La modification de l'article L. 1113-1 du code des transports prévue par la présente proposition de loi nous permet tout au plus d'imaginer que des économies seraient réalisées. L'estimation avancée par Île-de-France Mobilités a été contestée par plusieurs d'entre vous ; c'est pourtant ce chiffre que ses responsables nous ont confirmé lors de leur audition il y a quelques jours ; ils savent, a priori, ce dont ils parlent puisqu'ils connaissent le sujet – depuis 2016 très précisément.
Vous faites valoir également qu'il y avait d'autres urgences, d'autres priorités, mais je ne suis pas responsable du calendrier d'examen de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Si cette proposition de loi vient en discussion aujourd'hui 24 novembre, c'est tout simplement en raison de l'agenda de préparation des travaux ; vous savez bien que l'inscription des textes examinés dans le cadre des niches des groupes parlementaires est décidée très longtemps à l'avance. La question du calendrier n'est donc pas du fait de notre groupe, pas plus que les coïncidences avec une actualité que je reconnais fâcheuse.
Ce texte fait partie des propositions de loi ou de résolution que nous souhaitons soumettre à discussion à l'occasion de notre niche du 3 décembre prochain ; il faut y voir l'expression d'une vision que partagent l'ensemble des membres de notre groupe à propos d'un sujet que nous avons déjà soulevé à plusieurs reprises ; et à chaque fois on nous a rétorqué que ce n'était pas le bon moment ni le bon véhicule législatif et, ce, malgré des positions de principe plus ou moins favorables de tel ou tel ministre ou éminent membre de la majorité… À un moment ou à un autre, il faut tout de même pouvoir s'entendre et savoir ce que signifient le bon moment et le bon véhicule législatif.
Les groupes d'opposition – le groupe Les Républicains est le premier en importance – ont à leur disposition quelques instruments, très peu nombreux, pour s'exprimer et soumettre des propositions, parmi lesquels la niche parlementaire. C'est ainsi que nous avons choisi d'inscrire ce texte qui, je le répète, est prêt depuis deux ans et demi.
Certains ont dénoncé une velléité de notre part d'entraver la libre circulation de telle ou telle catégorie. Mais il n'est nullement question de cela, pas plus que de dresser les Français contre les migrants ou telle catégorie contre telle autre ! La modification de l'article L. 1113-1 du code des transports, en introduisant une condition supplémentaire de régularité du séjour en France, vise simplement à subordonner le bénéfice de la tarification sociale au respect des lois de la République. C'est, ne vous en déplaise, une mesure de bon sens, selon nous, pragmatique et de nature à contrer l'idée qu'il puisse y avoir un avantage donné à la clandestinité ou à l'illégalité au regard du séjour en France.
S'agissant des auditions, nous avions sollicité le Groupement des autorités responsables des transports (GART), censé fédérer la plupart des autorités organisatrices de la mobilité dans notre pays, mais celui-ci n'a pas souhaité répondre favorablement à notre invitation. Durant la semaine qui s'est écoulée entre ma désignation en tant que rapporteure et aujourd'hui, nous avons entendu toutes les personnes disponibles. Les sociétés de transport publiques, SNCF et RATP, n'ont pas pu se libérer, mais elles nous ont fait parvenir des contributions écrites qui seront portées à la connaissance de tous ceux qui s'intéressent à ce sujet.
Je remercie MM. Robin Reda et Guy Bricout pour l'accord de principe qu'ils ont donné à ce texte ; je suis bien consciente qu'il est encore imparfait et j'aurais souhaité que l'on puisse débattre des éclaircissements ou précisions à y apporter par voie d'amendements ; si ce n'est pas possible lors de cette réunion, nous le ferons en séance publique.
Entendons ce que disent certains de nos compatriotes : ils ne comprennent pas pourquoi les autorités organisatrices de la mobilité ne peuvent pas choisir librement d'appliquer ou non telle ou telle modalité de tarification sociale aux personnes en situation irrégulière. Cela heurte un grand nombre de nos compatriotes, surtout ceux de condition modeste, qui ont le sentiment de payer toujours « plein pot » et qui ne comprennent pas pourquoi on serait traité plus avantageusement dès lors que l'on n'est pas en situation régulière.
La commission en vient à l'examen de l'article unique de la proposition de loi.
Article unique (article L. 1113-1 du code des transports) : Exclusion des étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale obligatoire dans les transports
La commission est saisie des amendements identiques de suppression CD1 de Mme Chantal Jourdan et CD2 de M. Loïc Prud'homme.
L'amendement CD1 vise à supprimer l'article unique de cette proposition de loi.
Les députés du groupe Socialistes et apparentés défendent l'inclusion, et non l'exclusion, par les transports. Nous souhaitons faciliter l'accès aux transports du quotidien pour l'ensemble des habitants de notre pays, qu'ils soient ou non de nationalité française, qu'ils se trouvent en situation régulière ou pas, qu'ils résident dans une grande ville, dans une zone périurbaine ou dans une zone rurale. La suppression de la tarification sociale s'inscrit dans une logique de rejet qui, au bout du compte, met à mal la cohésion sociale.
Le droit à la mobilité doit être effectif pour toutes et tous car l'accès aux transports facilite l'accès à l'emploi, aux services publics et à l'ensemble des activités de la vie quotidienne. Ce texte exclura des personnes particulièrement fragiles, dont la situation est plus que précaire. Il détériorera les conditions de vie des personnes en situation irrégulière sans remédier au problème de fond qu'est le sous-investissement dans nos services publics. L'argument budgétaire ne tient pas : en misant sur un ressentiment à l'égard des migrants illégaux, cette proposition de loi ne fera qu'éloigner les perspectives d'intégration d'une partie de la population de nationalité étrangère résidant en France et nourrira diverses formes de séparatisme, de précarité et de violence.
Comme l'a indiqué le tribunal administratif de Paris dans un jugement du 25 janvier 2018, le bénéfice de la réduction tarifaire ne peut être lié qu'à une condition de ressources et non à une condition de régularité du séjour en France.
Pour toutes ces raisons, les députés socialistes et apparentés s'opposent à cette proposition de loi.
L'amendement CD2 vise tout simplement à ce que cette proposition de loi ne soit pas adoptée.
Vous nous avez dit que vous n'étiez pas responsable du calendrier…
Vous avez même parlé d'actualité fâcheuse… Le vocabulaire de la droite est décidément extraordinaire !
En revanche, vous êtes bien responsable du maintien de cette proposition de loi. Vous la trouviez juste à un moment où il n'y avait que 9,3 millions de pauvres – cela vous allait. Il y en a maintenant dix millions : c'est peut-être une « actualité fâcheuse »… Pouvez-vous reconsidérer votre position, au regard de ce qui s'est passé hier soir et de la situation de crise majeure que nous traversons, et comprendre que la priorité n'est pas l'adoption de cette proposition de loi profondément inique, profondément ignoble, profondément inhumaine ? Si ce texte n'est pas approprié, du fait du calendrier, à l'« actualité fâcheuse », peut-être pourriez-vous éviter à l'Assemblée nationale de perdre son temps dans un débat aussi ignoble.
D'une manière générale, je ne pense pas que notre assemblée soit amenée à perdre son temps lorsque nous débattons de sujets qui touchent au quotidien de millions de nos compatriotes amenés à se déplacer tous les jours dans le cadre de leur travail ou de leur vie sociale et personnelle. Je récuse cet argument.
Je récuse également celui de Mme Chantal Jourdan, qui consiste à dire que cette proposition de loi mettrait à mal la cohésion sociale. J'ai la faiblesse de penser que ce qui peut mettre à mal la cohésion de notre nation et l'idée même de ce que doivent être les droits et les devoirs dans une République telle que la nôtre, c'est le fait que des personnes qui ne sont pas en règle avec nos lois continuent à bénéficier, par le biais de la tarification sociale dans les transports publics, d'une sorte de prime à l'illégalité ou à la clandestinité alors que tant de nos compatriotes sont en difficulté – et le seront certainement encore davantage en raison de la crise économique et sociale qui frappe notre pays.
Je vous rejoins, en revanche, sur un point : le débat n'est pas comptable, c'est une question de principe que nous posons. En ajoutant dans l'article L.1113-1 du code des transports une condition relative à la régularité du séjour en France, nous entendons combler une lacune, une faille dans le droit existant, celle-là même qui avait amené le tribunal administratif de Paris à annuler la délibération du syndicat des transports d'Île-de-France.
J'appelle donc à rejeter ces deux amendements de suppression.
Je regrette le dépôt de ces amendements de suppression, mais encore plus l'attitude de la majorité. Il faudrait ouvrir un dialogue constructif sur ce sujet. J'avais cru comprendre que le Président de la République et le Gouvernement avaient annoncé, ces derniers temps, des mesures assez fortes, en tout cas dans les mots, afin de lutter contre l'immigration irrégulière. Ce texte est l'occasion d'envoyer un message concret qui traduirait la volonté de la France de lutter contre l'immigration irrégulière en supprimant les primes à l'illégalité, comme l'a expliqué la rapporteure.
Je crois surtout, et nous pourrons vous faire une proposition en ce sens d'ici à la séance publique, qu'il faut respecter le suffrage universel et la manière dont les AOM sont dirigées par les politiques. Lorsqu'Île-de-France Mobilités, qui s'appelait alors le STIF, était dirigé par M. Jean-Paul Huchon, celui-ci assumait parfaitement la tarification sociale telle qu'elle était appliquée : cela faisait partie de sa politique. Mme Valérie Pécresse a fait campagne pour supprimer cette disposition et le suffrage universel lui a donné raison. Une porte de sortie, qui me paraîtrait tout à fait légitime et respectueuse des citoyens, serait de reconnaître que chaque collectivité, chaque AOM, est libre de ses choix en matière de tarification sociale. Le bon sens voudrait que les collectivités, librement administrées par des femmes et des hommes politiques élus par leurs administrés, puissent appliquer leur programme électoral.
Je voudrais revenir sur la question de la cohésion sociale. Ce texte introduit vraiment une différenciation entre groupes sociaux, ce qui est tout à fait regrettable. Nous souhaitons une évolution visant à faciliter l'accès de tous aux transports.
Il faut aller jusqu'au bout de ce que M. Robin Reda a dit, et j'invite le groupe Les Républicains à agir sur le plan symbolique en retirant cette proposition de loi. Vous dites, non sans raison, qu'il faut permettre au suffrage universel de s'exprimer dans les régions, mais vous le faites à propos d'un micro-sujet. Présentez une grande proposition de loi et non un article unique qui stigmatise une seule population. La problématique des politiques tarifaires, en Île-de-France ou ailleurs, est autrement plus large et les marges de manœuvre que vous appelez de vos vœux méritent bien mieux que ce texte, dont chacun comprend bien que l'objectif n'est pas de favoriser la justice sociale mais à l'évidence de stigmatiser quelques personnes.
Tirez les conséquences de ce que vous venez de dire, retirez cette proposition de loi et revenez plus tard avec une autre – votre groupe a beaucoup de niches à sa disposition. Cela vous permettra peut-être de faire examiner d'autres textes présentés dans le cadre de la présente niche – il me semble qu'ils ne pourront pas tous passer avant minuit, heure à laquelle les niches parlementaires, comme les carrosses, se transforment en citrouilles.
(Sourires.)
Si nous avions présenté une proposition de loi beaucoup plus large englobant toute une série de thématiques liées à la mobilité, vous n'auriez pas manqué de nous reprocher tout aussi vertement l'absence d'étude d'impact. Compte tenu des difficultés de notre institution à se doter d'instruments d'estimation et d'évaluation, nous essayons de cibler des sujets précis, ponctuels, des chaînons manquants dans tel ou tel domaine de notre législation – en l'occurrence un article du code des transports. Nous essayons de faire œuvre utile, en agissant d'une manière pragmatique et concrète.
Je veux aussi rappeler, car cet aspect a peut-être été occulté du fait de la teneur de nos échanges, qu'une condition de régularité du séjour s'applique depuis presque toujours dans notre pays pour l'octroi de la quasi-totalité des prestations sociales. Cela ne date pas de cet après-midi. Cela vaut pour l'allocation aux adultes handicapés, le revenu de solidarité active, l'ensemble des prestations familiales, et je pourrais continuer la liste. En subordonnant, par le biais de ce léger complément à l'article L. 1113-1 du code des transports, le bénéfice de la tarification sociale dans les transports publics à une condition de régularité de séjour sur notre territoire, je ne fais que m'inscrire dans le cadre d'une approche ancienne, parfaitement structurée et cohérente, de notre politique sociale. Il n'y a là rien d'indigne ni d'inhumain.
Je déplore qu'il n'y ait pas d'autres amendements que ceux de suppression car j'aurais été heureuse de nouer avec vous un dialogue nourri pour préciser ou enrichir ce texte dont je reconnais humblement qu'il peut être amélioré et complété. Nous en présenterons d'autres à cette fin d'ici à la séance.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article unique de la proposition de loi est supprimé.
L'article unique de la proposition de loi ayant été supprimé, la proposition de loi est considérée comme rejetée.
Informations relatives à la commission
La commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a nommé Mme Valérie Petit, rapporteure sur la proposition de nomination par le Président de la République, en application de l'article 13 de la Constitution, de M. Jean-Pierre Farandou aux fonctions de président-directeur général de la société nationale SNCF.