Intervention de Valérie Petit

Réunion du mardi 24 novembre 2020 à 18h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Petit :

Je vous remercie pour la clarté de votre exposé, madame la rapporteure ; cela étant, tout comme mon collègue M. Bruno Millienne, j'ai beau lire et relire votre proposition de loi, j'avoue ne pas être certaine d'en comprendre l'opportunité en ces temps de grande détresse liée à l'épidémie, et encore moins l'utilité.

Il est une chose en revanche que je comprends : le retour de ce que j'appellerai une obsession francilienne bien connue, qui vise à exclure de la tarification sociale des transports une catégorie de personnes, à savoir les étrangers en situation irrégulière, une disposition déjà prise par la région Île-de-France en 2016, annulée à deux reprises par la justice, puis retoquée par notre assemblée lorsqu'elle nous est revenue à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités.

Obsession francilienne, ai-je dit, car il se trouve que je suis des Hauts-de-France, région tout aussi belle – si ce n'est plus… Or, si je lis votre rapport, je constate que les seules personnes auditionnées pour exprimer leur avis sur cette proposition de loi sont les représentants d'Île-de-France Mobilités, l'autorité organisatrice de la mobilité présidée par la présidente de la région Île-de-France. Mais, sauf erreur de ma part, nous sommes là pour légiférer en faveur de l'ensemble du territoire français et avec le souci de chaque Français, quelle que soit son appartenance régionale. Dès lors, il me semble que se prononcer sur le simple avis d'une instance non indépendante, représentant une région parmi les dix-huit que compte notre pays, n'est pas une garantie suffisante de l'utilité ni, a fortiori, de l'intérêt général de cette proposition de loi.

Admettons quand bien même que la France soit réductible à la seule région Île-de-France et essayons de comprendre l'utilité de ce texte. On nous parle de 40 millions d'euros d'économies pour la région, à rapporter aux 4 milliards de recettes encaissées par Île-de-France Mobilités : or ce calcul repose sur trois hypothèses pour le moins créatives : premièrement, la totalité des personnes en situation irrégulière seraient des usagers systématiques des transports en commun d'Île-de-France ; deuxièmement, tous ces gens auraient, malgré les multiples obstacles et formalités administratives mis en place par la région, réussi à obtenir la tarification sociale ; troisième hypothèse, ils auraient tellement apprécié leur expérience de transport en Île-de-France qu'ils auraient tous été définitivement convaincus de rester sur le territoire français, en toute irrégularité, cela va de soi… Tant il est vrai que c'est un statut appréciable que tout un chacun envie !

Permettez-moi de le dire : ce n'est pas sérieux. C'est pour cela que je préfère en rire.

Nous ne sommes pas en train d'examiner une mesure motivée par un calcul économique ni par la volonté de faire des économies, vous l'avez bien compris : pour cela, je ne peux qu'inviter la présidente de la région à poursuivre ses efforts de bonne gestion. En réalité, ce texte n'a pas d'utilité, ni économique ni sociale, il n'a qu'une ambition manifeste, purement politique : stigmatiser les étrangers en situation irrégulière. Il va de soi que le groupe Agir ensemble ne votera pas cette proposition de loi.

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