Comme le montre l'état d'avancement des travaux de notre rapporteure, la volonté d'exclure les étrangers en situation irrégulière du bénéfice de la tarification sociale dans les transports remonte à plusieurs années. Cette proposition de loi a été déposée dès 2018, et l'on a tenté de la traduire dans de nombreux véhicules législatifs.
Ce texte prétend répondre à deux objectifs. Premièrement, rétablir l'équité et la justice. Il est très étrange de parler d'équité, c'est-à-dire d'un traitement différencié selon les situations, alors que vous souhaitez gommer cette différenciation et soumettre aux tarifications pleines une population particulièrement exposée. Où est l'équité dans ce cas ? Si l'on me rétorque qu'il s'agit de justice à l'égard des Franciliens dont les ressources sont faibles et qui ne bénéficient pas tous des mêmes réductions, alors élargissons le bénéfice de ces tarifs sociaux au lieu d'harmoniser par le bas. Selon les zones d'habitation, la part du transport dans les dépenses des ménages en fait le premier ou le second poste de dépenses d'après l'INSEE. La cause en tient à l'appauvrissement des populations et non aux étrangers en situation irrégulière.
Le second objectif annoncé tient au coût de cette tarification sociale. Selon les chiffres les plus optimistes, elle coûterait 40 millions d'euros par an à Île-de-France Mobilités, dont les ressources totales s'élevaient à environ 10,5 milliards d'euros en 2018. Ce rappel permet de relativiser l'importance du coût de cette mesure.
Vous indiquez que cette proposition permettrait de rediriger la tarification sociale vers les populations qui en ont vraiment besoin. Passons sur l'idée que les migrants en situation irrégulière n'aient pas vraiment besoin d'une tarification plus faible. Se concentrer sur la logique d'opposition entre les plus démunis permet de ne pas regarder en face le vrai problème : la nécessité d'investir dans des transports accessibles à tous.
C'est le droit à se déplacer, particulièrement lorsque l'on est dans une situation complexe, qui devrait être fondamental. L'utilisation de l'opposition entre Français et migrants est une position facile qui évite soigneusement de poser les questions de fond. Pour qui que ce soit, l'entrave à la mobilité constitue un frein à l'insertion et accentue la formation de campements de rue. Ce n'est pas ce que nous voulons.
Je peux enfin témoigner de situations que je connais, celles de jeunes migrants arrivés en France pour sauver leur peau, qui ont continué leur combat pour y travailler. Ils sont passés par diverses étapes, d'abord en situation irrégulière, parfois longtemps, ils ont demandé l'asile et ont obtenu un titre de séjour ou le statut de réfugié au terme de nombreuses démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Pour leur chance et la nôtre, aujourd'hui, ils travaillent, sont parfaitement intégrés et sont recherchés par les entrepreneurs de mon territoire. Il est heureux qu'ils aient pu bénéficier de facilités de déplacement pendant qu'ils étaient en situation irrégulière.