Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 15h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement :

Le rôle des architectes et des urbanistes est extrêmement important dans la construction de la ville de demain, des bâtiments de demain et de la ville durable. C'est l'un des sujets, à la fois pour le ministère du logement et le ministère de la culture – puisque vous savez que l'architecture se trouve sous la responsabilité de ce dernier – que d'embarquer ces professions très importantes pour dessiner ensemble la manière dont nous pensons que nous devons habiter la ville et la campagne demain. Si nous voulons être à la hauteur des évolutions attendues de nous pour notre trajectoire en matière de climat et de biodiversité, nous devons changer notre manière d'habiter la ville, ce qu'il faut faire avec les matériaux et les mécanismes de construction, mais aussi en amont, dans la vision, la prévision et le partage de cette vision de la ville.

En ce qui concerne la question plus spécifique relative à la « santé-environnement », je vois plusieurs dimensions, dont la première est la formation des architectes. J'en ai discuté récemment avec Mme Roselyne Bachelot qui souhaite retravailler le cycle de formation et le contenu de la formation des architectes. Je pense que la formation initiale et continue est un bon endroit pour attirer l'attention sur les enjeux de la ville de demain et notamment sur les enjeux en santé-environnement.

S'agissant de l'urbanisme, un guide a été publié en mars dernier pour la prise en compte des enjeux de santé dans l'aménagement par les aménageurs publics et privés. Nous pouvons nous appuyer sur cet outil pour sensibiliser les aménageurs, les urbanistes et ceux qui construisent aux enjeux de santé-environnement.

Enfin, je lancerai en février ou en mars une démarche un peu plus « politique », au sens noble du terme, sur le thème « comment habiter en France demain ». L'enjeu de « santé‑environnement » sera évidemment présent.

L'habitat indigne est un sujet extrêmement sensible pour le ministère. Nous avons déjà bien avancé grâce à la loi « ELAN », notamment pour la simplification des polices de la salubrité. Il faut que nous continuions à mettre de l'énergie sur ce sujet, en particulier en outre-mer, même si la question ne se pose pas seulement là-bas. Je suis prête à poursuivre les discussions avec les parlementaires principalement intéressés – je pense aussi à M. Guillaume Vuilletet qui a beaucoup travaillé sur le sujet – pour voir comment nous pouvons « passer un cap » sur l'habitat indigne, en particulier en outre-mer.

J'ai compris qu'une réunion s'était tenue sur MaPrimeRénov' à l'échelle locale dans la circonscription de Mme de Courson et que cela s'était plutôt bien passé, ce dont je me réjouis.

Concernant les bâtiments communaux des petites collectivités, nous avons mis en place un programme avec l'AMF (Association des maires de France) et une association qui lui est rattachée, la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), pour que la FNCCR soit en capacité d'accompagner les communes, y compris les plus petites, dans des projets de rénovation. Je suis d'accord avec le fait qu'une petite commune, voire une petite communauté de communes, n'a pas les moyens de faire l'analyse précise du besoin, de savoir où s'adresser, comment quantifier le chantier, comment établir le cahier des charges, etc. Ce programme s'appelle ACTEE et existe depuis trois ans. Nous l'avons soutenu avec des certificats d'économies d'énergie. Il permet à toutes les collectivités qui le souhaitent, et en particulier les rurales, d'avoir accès à l'accompagnement dont elles peuvent avoir besoin.

Je suis d'accord sur le fait que la lutte contre l'artificialisation des sols ne passera pas que par des mesures juridiques et techniques, mais d'abord par la conviction des Français. Le confinement a plutôt donné envie à nos concitoyens de vivre à la campagne ou dans des maisons individuelles avec de l'espace extérieur. Cela pose aussi la question de la qualité intrinsèque des logements – pas seulement leur qualité environnementale, mais leur qualité « tout court ». Comment sont-ils conçus ? Quelle est leur taille ? Existe-t-il systématiquement un accès à un espace ouvert ? Sur ce sujet, M. Pierre-René Lemas, l'ancien directeur de la Caisse des dépôts et consignations, nous a remis – à Mme Roselyne Bachelot et moi-même – un rapport intéressant qui interroge notre faculté à penser la qualité des logements et de l'urbanisme de demain. Je crois beaucoup à une opération de sensibilisation du grand public, permettant d'expliquer qu'il existe des formes de densité souhaitables parce que l'on mélange de la construction collective et de la construction individuelle, des immeubles, des jardins et des espaces partagés – tout ceci étant connecté à des services, des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle. Nous savons dépasser – nous en avons de nombreux exemples – la contradiction entre l'habitat urbain trop dense et l'habitat rural qui ne permet pas d'avoir accès aux services. Cela nécessite un débat, à l'échelle nationale comme aux échelles locales, pour redonner envie d'aller vers ce type de modèle.

« Habiter Mieux Sérénité » est une aide qui fonctionne bien, nous en faisons environ 40 000 par an – d'où l'idée de travailler sur des guichets uniques de la rénovation qui présentent toutes les aides, y compris celle-là. En général, « Habiter Mieux Sérénité » est abondée par les collectivités, même si ce n'est pas systématiquement le cas. Je les invite à continuer à le faire, parce que c'est très utile.

Je ne suis pas totalement sûre de connaître les chaudières à hydrogène. Je ne sais pas si nous avons manqué une partie du raisonnement mais pour moi, les chaudières individuelles fonctionnent rarement – voire jamais – à l'hydrogène. Cela nécessite probablement que nous poursuivions cette discussion. La sortie des chaudières au fioul, en tout cas, est indispensable. Pour les groupes électrogènes de chantier au fioul, nous n'avons pas encore décidé de réglementer. Il faut que nous regardions ce sujet. Je pense que l'on nous accuse de trop réglementer plutôt que de ne pas assez réglementer.

Généraliser l'autoproduction énergétique dans nos outre-mer, en particulier avec des panneaux solaires, est une très bonne chose. Il faut voir ce que nous pouvons faire avec la région de La Réunion et les autres collectivités pour soutenir ce type d'initiatives. Pour le financement en outre-mer de la rénovation des bâtiments publics, le plan de relance fonctionne.

En général, les logements privés sont soutenus par MaPrimeRénov' et les logements sociaux par une enveloppe de 500 millions d'euros à l'échelle nationale. Nous devons pouvoir vous dire combien de fois le dispositif MaPrimeRénov' a été utilisé dans le Vaucluse. En ce qui concerne les logements sociaux, c'est aux bailleurs sociaux de candidater maintenant. Nous pouvons vous communiquer l'appel à candidatures passé par l'Union sociale de l'habitat et les fédérations de bailleurs, pour que vous puissiez bien le relayer. Nous n'avons pas encore consommé les enveloppes de projets ; c'est donc le moment pour les bailleurs du Vaucluse de proposer des travaux qui pourront être cofinancés.

Nous nous situons à un moment où nous essayons de trouver le point d'équilibre entre l'ambition et la montée en charge progressive de la RE2020. Nous avons fait le choix de l'analyse de cycle de vie dynamique, et je pense que c'est un bon choix. Cela consiste à dire que nous considérons la vie du bâtiment dans sa globalité et que les gaz à effet de serre qui sont émis maintenant ont plus d'impact que ceux qui seront émis dans cinquante ans, car c'est maintenant que se jouent le réchauffement climatique et les trajectoires à 1,5°C si l'on est très optimiste, à 2°C ou plus si l'on est moins optimiste. Il reste des questions de curseur à l'intérieur de cette méthode, mais a priori c'est bien la méthode gouvernementale.

En ce qui concerne les seuils, nous avons bien prévu quatre échéances : 2021 pour l'entrée en vigueur, puis 2024, 2027 et 2030. Les discussions sont ouvertes pour savoir quel est le curseur à mettre à quel moment. Il est très important de donner de la visibilité, car les industriels et les promoteurs sont les premiers à nous dire que « 2024, c'est demain » et qu'ils doivent savoir ce qui se passera en 2021, en 2024, en 2027 et même en 2030. C'est la cohérence de la trajectoire qui est importante. Il est possible que nous décalions certaines échéances d'un seuil à un autre. Nous sommes assez ouverts.

Pour ce qui est de 2030, l'objectif est de permettre à plusieurs familles de solutions de passer positivement la norme de la RE2020, c'est-à-dire que la norme elle-même n'emporte pas un seul type de matériau. Cela favorise bien sûr les matériaux biosourcés puisqu'ils stockent du carbone dans la partie « croissance » de la plante, mais il est nécessaire que des solutions avec du gros œuvre (béton innovant, béton bas carbone, isolants biosourcés) ou du second œuvre biosourcé, passent aussi la rampe. Ce sont les curseurs que nous sommes en train de regarder avec ces différentes filières.

Aucune décision n'a été prise pour la date d'application. Cette réglementation est assez en retard par rapport à son planning théorique. La crise est passée par là, bien sûr, puisqu'elle aurait dû entrer en vigueur mi-2020, puis fin 2020, et que nous sommes maintenant sur mi-2021. Je souhaite être pragmatique, mais je commence à penser qu'il n'y a pas de bonne date d'entrée en vigueur d'une réglementation. Quel que soit le moment où on l'envisage, il y aura des gens pour nous dire que c'est trop tôt. À un moment, il faudra tout de même passer à l'acte. Je ne peux pas vous dire quelle est la date définitive, car cela fait partie des discussions en cours, mais l'idée est d'y aller assez rapidement.

Enfin, nous avions organisé un « hackathon » au début de l'année, au ministère, pour proposer aux start-up que cela intéresse – et à d'autres – de s'emparer des données. Je crois que ce ministère doit avoir une politique d' open data beaucoup plus forte, et un soutien à la Proptech et à la Tech dans le domaine de la construction, de l'urbanisme et autres, afin que les données puissent être utilisées. C'est vrai pour les données de consommation énergétique, car cela permet de cibler les endroits où faire des rénovations ; c'est vrai aussi pour les données techniques des bâtiments, pour mieux accompagner en ingénierie. Nous avons une marge de progression dans la valorisation de la donnée. Nous sommes prêts à ouvrir les données en open data. Il faut maintenant structurer un écosystème qui s'en empare. Je suis à votre disposition sur ce sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.