Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 20 janvier 2021 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bailleur
  • copropriété
  • logement
  • maprimerénov
  • ménages
  • passoire
  • propriétaire
  • thermique

La réunion

Source

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a procédé à l'audition de Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, sur les enjeux de la transition écologique dans le secteur du logement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre commission a souhaité vous entendre, madame la ministre, car le secteur du logement est au cœur des enjeux de la transition écologique. Je pense évidemment à la rénovation thermique des logements, pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre et contribuer à la maîtrise de la consommation d'énergie, ainsi qu'à la construction « bas carbone » (les co-constructions, les matériaux biosourcés), ou encore à la politique du logement pour lutter contre l'artificialisation des terres et l'étalement urbain, dont nous connaissons les conséquences néfastes pour le climat et la biodiversité.

Permalien
Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement

Le logement comporte des enjeux extrêmement importants en matière d'environnement, de développement durable, de lutte contre le réchauffement climatique et de biodiversité. En matière de lutte contre le réchauffement climatique, le bâtiment au sens large représente environ un quart des émissions de gaz à effet de serre. Il est donc l'un des quatre grands domaines qu'il faut décarboner si nous voulons atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés dans l'accord de Paris, avec les transports, l'industrie et l'agriculture.

Selon l'IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques), l'artificialisation des sols est l'une des quatre grandes causes de la perte de biodiversité. Le logement doit être responsable d'environ les trois quarts de l'artificialisation des sols. Nous voyons bien que le ministère du logement, qui couvre le logement, le bâtiment et l'urbanisme au sens large, a tout à voir avec le développement durable. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a été rattaché, dans cette configuration ministérielle, au ministère de la transition écologique. Je pense que c'est une très bonne chose, qui permet de mettre ces contraintes et ces enjeux au cœur de la feuille de route du ministère du logement.

Au-delà des enjeux écologiques, le ministère du logement doit aussi répondre à des enjeux sociaux. Il est d'ailleurs intéressant de voir à quel point il se situe à la frontière de ces deux grandes préoccupations des Français. Le logement est l'une des plus grandes préoccupations matérielles de nos concitoyens, et il est le premier poste de dépense des ménages. Comme vous le savez, il manque des logements en France, notamment dans les zones tendues. Il se pose également la question de l'accueil et de l'hébergement des personnes sans domicile. La politique du logement doit donc être à la fois une politique écologique et une politique sociale. Elle doit être à la rencontre de ces deux grands enjeux.

Pour entrer dans le vif du sujet et répondre aux questions que vous avez posées dans votre introduction, l'un des premiers défis que le ministère du logement et moi-même essayons de relever est la rénovation énergétique des bâtiments. Dans les émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment, il y a bien sûr les émissions de la construction – j'y reviendrai –, mais la construction ne représente chaque année que 1 % des logements. La plus grande part des émissions provient des bâtiments qui existent. Le sujet est donc la rénovation énergétique du parc existant.

Comme vous le savez, le Gouvernement se mobilise de façon extrêmement forte sur ce sujet, notamment à travers le plan de relance, puisqu'une enveloppe de près de 7 milliards d'euros a été mise sur la table pour la rénovation énergétique des bâtiments (tous bâtiments confondus) : 4 milliards pour les bâtiments publics, dont 2,7 milliards pour les bâtiments de l'État. Cela fait partie des opérations du plan de relance qui vont vite, puisqu'avec le ministère de l'économie, des finances et de la relance, l'appel à projets pour identifier des bâtiments d'État – que ce soit des bâtiments universitaires ou des bâtiments classiques – a été lancé dès la rentrée. Les réponses ont été reçues et dépouillées. Nous avons identifié sur la France entière les 4 200 opérations qui vont être financées. Cela va de la préfecture de la Drôme au service pénitentiaire de Saint-Maur dans l'Indre, du siège du CSTB (Centre scientifique et technique du bâtiment) à Marne-la-Vallée au CROUS (Centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Metz. Ces opérations, grandes ou petites, sont situées partout en France. Je voudrais insister sur le fait qu'environ la moitié de ces 4 200 opérations (de mémoire) sont en dessous du seuil de passation des marchés, qui lui‑même a été remonté à 100 000 euros, ce qui veut dire que ce sont des opérations plus légères, pour lesquelles trois devis suffisent pour engager les travaux. C'est la première fois depuis très longtemps qu'une enveloppe d'investissement de l'État permet de décarboner des bâtiments de l'État. C'était indispensable.

Pour les bâtiments des collectivités locales, il reste donc 1,3 milliard d'euros, qui sont délégués directement aux régions dans les CPER (contrats de plan État-région) à hauteur de 300 millions d'euros, ou aux préfets, à travers une enveloppe spécifique de la DSIL (dotation de soutien à l'investissement local), qui leur permet de financer des opérations de rénovation énergétique de bâtiments des collectivités locales. Nous pensons bien sûr aux écoles, mais également aux salles polyvalentes, aux installations sportives ou à tous bâtiments communaux. Les taux de subvention sont modulables en fonction de la situation de la commune. Nous avons beaucoup insisté sur la nécessité de bien comprendre les communes potentiellement un peu plus en difficulté, et bien sûr les quartiers de la politique de la ville.

En ce qui concerne les bâtiments tertiaires, c'est-à-dire les bâtiments de bureaux hors collectivités locales, le plan de relance a prévu un crédit d'impôt à hauteur de 200 millions d'euros pour les petites entreprises (TPE et PME). Sinon, c'est la réglementation qui s'applique. Je voudrais attirer votre attention sur le fait qu'un décret est sorti en 2019, qui pose une obligation de réduction très forte de la consommation énergétique de tous les bâtiments tertiaires, publics comme privés. Les arrêtés sont en cours de publication. C'est un travail qui a été extrêmement long. Le premier arrêté-cadre a été publié il y a un an, le deuxième il y a quelques jours à peine, il me semble. Le cadre réglementaire existe désormais et pose une trajectoire de décarbonation des bâtiments tertiaires publics et privés avec des subventions pour les bâtiments publics.

Dans les investissements du plan de relance, l'on trouve aussi une enveloppe de 500 millions d'euros pour la rénovation énergétique des logements sociaux. C'est aussi un sujet très important. Les bailleurs sociaux sont plutôt les bons élèves de la rénovation énergétique des logements. Le taux de « passoires thermiques » chez les bailleurs sociaux est inférieur à la moyenne nationale. À l'échelle nationale, en tout cas pour les plus gros d'entre eux, ils ont pris des engagements de sortie totale de passoires thermiques d'ici à 2025-2026. Néanmoins il en reste. Les travaux ne sont pas faits partout. Certains logements sociaux sont encore des passoires énergétiques. Cette enveloppe de 500 millions d'euros a pour vocation d'accélérer et de solvabiliser les travaux chez les bailleurs qui en auraient besoin.

MaPrimeRénov' est maintenant l'outil de référence pour l'aide aux particuliers pour la rénovation énergétique des logements. Il s'agit d'un très beau succès de l'année 2020. M. Julien Denormandie et moi-même, alors dans mes précédentes fonctions, l'avons lancé au 1er janvier 2020 pour les 50 % des ménages les plus modestes, puisque pour les autres il restait encore un petit morceau de crédit d'impôt, en espérant que 150 000 à 200 000 dossiers seraient déposés. Je rappelle qu'au 1er janvier 2020, la Covid-19 n'était pas encore apparue dans nos existences. Au 31 décembre, 190 000 demandes d'aide ont été déposées. Nous sommes donc dans le haut de la fourchette d'une année pour laquelle nous n'avions pas prévu la crise sans précédent qui s'est abattue sur nous, et au cours de laquelle nous aurions pu penser que les Français auraient eu d'autres préoccupations que de faire des travaux de rénovation énergétique.

Cela montre au contraire un vrai besoin, que le confinement a probablement accéléré aussi, car il nous a fait passer plus de temps qu'avant dans nos propres logements et a donc rendu la vie encore plus difficile dans les logements mal isolés, exigus ou autres. En tout cas, la demande est très importante. L'ANAH (Agence nationale de l'habitat) a eu du mal, à certains moments de l'année, à faire face à la montée en charge, à la fois pour l'instruction des dossiers et pour les demandes de paiement. Nous y avons beaucoup travaillé avec sa directrice générale, Mme Valérie Mancret-Taylor, que j'aimerais d'ailleurs saluer à cette occasion, parce qu'elle a vraiment réalisé un travail remarquable. Nous avons à peu près résorbé à la fois les dossiers en instance d'instruction et les dossiers de paiement en instance, ce qui nous a permis de revenir à un délai de paiement normal, quand le dossier est complet, d'environ quinze jours, ce qui est notre objectif.

Nous avons ajouté 2 milliards d'euros sur MaPrimeRénov' dans le plan de relance, ce qui permet d'ouvrir MaPrimeRénov' à tous les ménages depuis le 1er janvier 2021. En conséquence, l'enveloppe budgétaire pour la rénovation énergétique des logements des particuliers est de 2,3 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2021. La même enveloppe est prévue pour la loi de finances pour 2022. Ajoutée aux certificats d'économies d'énergie fléchés sur la rénovation, et notamment sur les gestes simples (isolation et changement de chaudière), cette enveloppe nous mène à un budget de soutien à l'investissement des ménages de l'ordre de 4,5 milliards d'euros par an, c'est-à-dire plus que ce que nous avons jamais fait pendant les périodes précédentes. Nous soutenons tous les ménages en fonction de leurs conditions de ressources, c'est-à-dire que le soutien budgétaire est plus important pour les ménages les plus modestes et moins important pour les ménages les plus aisés, mais existe pour tous les ménages.

MaPrimeRénov' comporte deux nouveautés en 2021. Premièrement, elle s'ouvre aux propriétaires bailleurs. Ne pas pouvoir subventionner les travaux des propriétaires bailleurs était un vrai « trou dans la raquette ». Par définition, le locataire n'est pas la personne supportant la charge des travaux, et le propriétaire n'est pas celui qui en bénéficie. Il était donc encore plus important de soutenir financièrement les propriétaires bailleurs. C'est chose faite. Par ailleurs, nous avons simplifié les aides en copropriété, puisque désormais c'est l'immeuble en copropriété qui sera aidé, c'est-à-dire l'opération et non chaque propriétaire, ce qui veut dire très concrètement que si des travaux doivent être réalisés dans un immeuble pour 1 million d'euros et que la subvention se monte à 500 000 euros, les copropriétaires se partageront le reste à charge de 500 000 euros, et non le montant brut. Il ne sera plus nécessaire que chacun demande une aide en fonction de son dossier et de ses caractéristiques. Je crois que cela est de nature à simplifier très fortement la rénovation dans les copropriétés.

Cette année, nous allons encore renforcer l'effort sur les logements les plus choquants, d'une certaine manière, qui sont les passoires énergétiques. C'est ce que nous demande la Convention citoyenne pour le climat, et cela fera le lien avec le projet de loi qui sera prochainement examiné en conseil des ministres et sera très bientôt soumis à l'examen parlementaire. J'ai souhaité que l'on « recale » l'analyse statistique des passoires énergétiques, puisque les analyses étaient très anciennes et extrêmement floues.

Après un an de travaux méthodologiques menés par le ministère, nous disposons maintenant d'une analyse plus précise, et nous savons qu'il existe à peu près 4,8 millions de passoires énergétiques en France – 4,8 millions de logements qui relèvent des étiquettes énergétiques « F » et « G », ou, pour le dire autrement, des logements dont une bonne partie du chauffage part directement à l'extérieur à travers les murs et la toiture. Ces logements sont extrêmement émetteurs de gaz à effet de serre, ils sont extrêmement mal chauffés, puisqu'il est impossible de retenir la chaleur à l'intérieur – le confort d'été n'est d'ailleurs pas mieux –, et ces logements sont en prime extrêmement chers, puisqu'avec un résultat de confort à peu près nul, les factures sont extrêmement élevées. C'est bien l'une des priorités importantes de notre politique publique, et cela a été identifié comme tel par la Convention citoyenne pour le climat. Nous travaillons à la fois à l'amélioration des aides et à la montée progressive d'obligations.

Pour les obligations, j'ai fait le choix, avec Mme la ministre Barbara Pompili, de nous attaquer d'abord à la location des passoires thermiques. Pour la première fois, nous avons pris un décret qui complète le mécanisme classique du décret dit « décence » qui définit, parmi les critères de décence ou d'indécence d'un logement, le fait que celui-ci soit ou non une passoire thermique. Je vous rappelle que les critères de décence sont la taille (il faut que le logement fasse plus de 9 mètres carrés et plus de 20 mètres cubes) et la présence d'une fenêtre et d'un point d'eau. La notion de décence est donc assez basique. Pour la première fois, nous avons posé un critère énergétique, qui vise les pires passoires de France. Le seuil est volontairement très peu exigeant. Il s'applique à compter du 1er janvier 2023. Un locataire pourra exiger d'un propriétaire, sous le contrôle du juge, des travaux de mise en conformité si le logement loué n'est pas conforme à cette norme de décence. Nous allons avancer progressivement jusqu'à interdire totalement la location des passoires thermiques relevant des étiquettes « F » et « G » en 2028. Il s'agira de l'une des propositions reprises de la Convention citoyenne pour le climat.

Nous avons aussi décidé d'interdire à compter du 1er janvier 2022 l'installation de nouvelles chaudières fonctionnant au fioul, car ce sont les chauffages les plus émetteurs de gaz à effet de serre, et accessoirement ils sont extrêmement coûteux puisqu'un plein de cuve de fioul pour une famille dans une maison à la campagne peut coûter entre 2 000 et 3 000 euros, selon la taille de la cuve et de la maison, et selon le prix du fioul. Un bon accompagnement technique est prévu, puisque nous disposons maintenant de suffisamment de solutions de remplacement (pompes à chaleur, chaudières à granulés). Un bon accompagnement financier est également prévu, grâce à l'amélioration des aides telles que MaPrimeRénov' et les certificats d'économies d'énergie.

Enfin, pour les copropriétés, nous allons renforcer le plan pluriannuel de travaux, l'obligation de mettre en place un diagnostic global, afin de s'attaquer, là aussi, à la rénovation énergétique des copropriétés. Sur ce sujet, le point peut-être le plus visible de la Convention citoyenne pour le climat est de savoir quel type d'obligations l'on fait porter globalement sur les propriétaires de passoires thermiques. L'avis du Gouvernement sur ce point diffère un peu de celui de la convention.

En effet, celle-ci nous incite à mettre en place un mécanisme général d'obligations pesant sur les propriétaires de passoires thermiques. Autant nous la suivons pour l'obligation concernant la mise en location, autant nous souhaitons avancer encore sur l'amélioration des aides et la fluidité du parcours avant de poser une obligation éventuelle pour les propriétaires occupants. En effet, pour les propriétaires occupants de passoires thermiques, comme pour les propriétaires bailleurs, nous avons encore à simplifier et améliorer les aides pour pouvoir porter des projets de rénovation globale, quel que soit l'état de revenus des ménages, ce qui signifie peut-être des aides encore plus importantes, mais aussi un accompagnement systématisé et un financement du reste à charge mieux organisé qu'aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle M. Bruno Le Maire et moi-même avons sollicité M. Olivier Sichel, le directeur général délégué de la Caisse des dépôts et consignations, pour travailler rapidement dans une mission de format « flash » avec un petit groupe de travail, à partir de maintenant et jusqu'à la mi-mars, afin de nous faire des propositions qui pourront, le cas échéant, être intégrées par voie d'amendement lors de l'examen du texte issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, et qui permettront de disposer d'un système totalement unifié et opérationnel pour la rénovation globale des passoires thermiques.

Je vais dire un mot de la construction neuve, puisque si nous devons rénover, nous avons toujours – je le disais tout à l'heure – des besoins de construction. L'enjeu est donc de réussir à construire, mais à construire de façon durable. L'année 2020 a vu la chute des permis de construire, avec environ 50 000 permis de construire en moins par rapport aux années précédentes et 20 000 mises en chantier en moins. Le cadre économique de la construction a été consolidé, puisque vous avez voté dans la dernière loi de finances la prolongation du dispositif final et la prolongation du prêt à taux zéro. Néanmoins, nous n'avons pas encore de reprise très forte de la construction, alors même que nous en avons besoin.

Par ailleurs, nous avons besoin que cette construction se fasse dans le respect de nos grands objectifs de développement durable, raison pour laquelle j'ai signé avec les collectivités un pacte pour la construction durable qui prévoit de mobiliser en priorité des terres déjà artificialisées, de construire ou de rénover tout en accélérant et en simplifiant les processus d'urbanisme. En conséquence, se pose la question de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation environnementale sur la construction de logements, la RE 2020. Elle est prévue depuis longtemps et aurait dû entrer en vigueur au 1er janvier 2021, ce qui n'a bien sûr pas été possible en raison de la crise. Elle est maintenant prévue pour la mi-2021. Elle a comme objectif une réduction de la consommation nette des bâtiments grâce à une meilleure isolation et une meilleure conception, avec une réduction d'environ 30 % de la consommation en énergie des nouveaux bâtiments construits sur la base de cette norme, et par ailleurs, la prise en compte de tout le cycle de vie de la construction, puisque dans la construction neuve, plus de la moitié des émissions de gaz à effet de serre viennent des matériaux et du processus de construction lui-même, et moins de la moitié proviennent de l'exploitation et de la vie normale du bâtiment, de son chauffage et de son utilisation. Les discussions sont en cours avec les différentes filières – filière de matériaux d'un côté, filière énergétique de l'autre – pour trouver le point d'équilibre, ce qui devrait permettre à cette réglementation d'entrer en vigueur en 2021.

Par ailleurs, mon ministère et celui de Mme Barbara Pompili sont – je le disais en introduction – extrêmement attentifs à la lutte contre l'étalement urbain. C'est l'un des grands points mentionnés par la Convention citoyenne pour le climat, dont nous avons repris l'essentiel des propositions dans le projet de loi qui vous sera prochainement soumis, notamment l'inscription dans les documents de planification de l'objectif de diviser par deux le rythme d'artificialisation, l'interdiction des projets commerciaux conduisant à une artificialisation des sols et la restriction des ouvertures à l'urbanisation quand il existe un potentiel de densification ou de renouvellement de zones déjà urbanisées, ainsi que l'analyse de la réversibilité des bâtiments.

Nous avons donc un agenda assez fourni pour faire en sorte que le logement contribue à nos ambitions écologiques, que ce soit en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou de préservation de la biodiversité. Concernant le volet social, j'attache beaucoup d'importance et consacre beaucoup d'énergie à la politique d'hébergement d'urgence et au lien entre l'hébergement et le logement, avec notre ambition qui s'appelle « Logement d'abord » dont l'objectif est de permettre à chaque personne sans domicile d'avoir accès non seulement à un centre d'hébergement, mais aussi à un logement. Nous hébergeons en ce moment près de 200 000 personnes dans les structures d'hébergement financées par le ministère. Par ailleurs, tout ceci passe par le développement du logement social et la nécessité d'aller au-delà de ce que nous construisons aujourd'hui. Il sera temps cette année de relancer une grande mobilisation sur la construction du logement social – le logement social partout, ce qui nécessite de soutenir la loi dite « SRU » (Solidarité et renouvellement urbain) et l'obligation faite aux maires d'en construire, et le logement social pour tous, ce qui nécessite de retravailler la mixité dans les attributions de logements sociaux. Je suis ravie d'avoir un échange avec vous sur ces beaux chantiers.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le logement d'un Français sur deux consomme trop. La précarité énergétique touche aujourd'hui près de 12 millions de Français. 75 % d'entre eux occupent des bâtiments au diagnostic de performance énergétique extrêmement dégradé, de classe « D » à « G ».

Le plan de rénovation énergétique des bâtiments, engagé par la majorité depuis 2018, a érigé leur efficacité énergétique en priorité nationale, avec un objectif ambitieux mais atteignable d'obtenir la neutralité carbone d'ici à 2050, tout en poursuivant l'engagement social de lutte contre la précarité énergétique. Il prévoit notamment de rénover 500 000 logements par an, dont 250 000 passoires thermiques, d'éradiquer d'ici dix ans 1,5 million de logements de classe énergétique de classe « F » et « G », où vivent essentiellement des ménages modestes.

Pour ce faire, l'État déploie des moyens sans précédent pour la rénovation énergétique, tant pour les bâtiments publics qui représentent 37 % du parc tertiaire national, qu'en soutien aux ménages sous diverses formes. Près de 7 milliards d'euros, sur les 30 milliards du plan de relance consacrés aux investissements verts, seront notamment fléchés vers ces initiatives. Pourriez-vous nous détailler les principaux axes de travail pour l'atteindre, et notamment nous éclairer sur deux points ? Comment massifier cette rénovation énergétique ? Comment intégrez-vous l'innovation du secteur dans ce plan ?

Le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, comporte un titre IV « Se loger ». Quelles sont, de votre point de vue, les mesures les plus structurantes proposées dans ce titre ?

Enfin, au sujet du remplacement des logements totalement inefficaces énergétiquement, quelle sera la stratégie d'urbanisation du territoire pour élargir l'offre de logements, en tenant compte des objectifs en matière de lutte contre l'artificialisation des sols, de requalification des zones d'activité économique et de réversibilité des bâtiments ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La rénovation thermique des bâtiments a été affichée comme une priorité du plan de relance. Depuis le 1er janvier, le dispositif MaPrimeRénov' a été étendu à l'ensemble des ménages, ce dont nous nous réjouissons. Notre commission a décidé de la création d'une mission d'information sur cette question, qu'elle juge centrale, et nous avons, au fil des auditions, identifié les sujets qui suscitent des interrogations.

La première interrogation porte sur l'adéquation entre les objectifs ambitieux affichés (parc immobilier au niveau BBC à horizon 2050) et les moyens affectés aux dispositifs d'aide, en particulier dans la durée, dès lors que ce secteur ne profiterait plus du plan de relance. Selon une étude de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie), les travaux de rénovation énergétique entraîneraient des baisses de factures d'énergie relativement modestes, ce qui pose la question de l'efficacité des travaux engagés, de la mesure de cette efficacité et du contrôle de ces travaux. Qu'envisagez-vous pour que la rénovation des bâtiments, qui poursuit l'objectif louable d'une réduction des émissions de gaz à effet de serre, s'accompagne d'un réel recul de la précarité énergétique ?

Les dispositifs d'aide actuels laissent encore un reste à charge important pour les ménages, ce qui pose la question de la faculté des plus modestes à entreprendre des travaux. Pensez-vous que l'on puisse tendre vers un reste à charge zéro ou négligeable pour les plus modestes d'entre eux, sauf à craindre qu'ils renoncent à ces travaux ? La Convention citoyenne pour le climat a avancé l'idée d'une obligation de travaux conditionnant la location, tandis que d'autres s'inquiètent des effets induits sur l'offre locative. Êtes-vous favorable à cette obligation, ou à une obligation progressive ? Vous avez répondu en partie à cette question.

Un débat récurrent s'est instauré entre les tenants de la rénovation globale et ceux qui souhaitent pouvoir poursuivre une rénovation par geste. Pouvez-vous nous indiquer la position de votre ministère ?

Enfin, les acteurs réclament une meilleure lisibilité des dispositifs, un accès facilité et surtout de la stabilité. Jugez-vous la situation satisfaisante ou pensez-vous que l'on doive faire plus pour aller vers un guichet unique parfaitement identifié, qui pourrait par exemple être hébergé dans les maisons France Service ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Trop souvent, la précarité énergétique des ménages les plus modestes vient s'ajouter à tous les autres types de précarité qui creusent un peu plus les inégalités pour ceux qui en souffrent. J'ai pu visiter un logement social dans lequel la température est de 14°C et pour lequel la facture de chauffage s'élève à 200 euros par mois. Les plus précaires subissent en quelque sorte une double peine : manger ou se chauffer, puisque certains en arrivent à devoir faire un choix, ce qui est à mon avis inconcevable dans notre pays.

Je sais à quel point, madame la ministre, vous êtes mobilisée dans la lutte contre la précarité et les passoires thermiques, mais il existe aujourd'hui des situations difficiles, comme celle de cette personne qui ne trouve pas de réponse à la hauteur de l'urgence. Je me suis retournée vers le bailleur social, et il m'a été répondu qu'il fallait attendre les travaux, à horizon de deux ans, ou proposer un autre logement dans un quartier dit sensible. Quelles mesures votre ministère entend-il prendre pour répondre aux situations d'urgence des familles les plus précaires ? Quels objectifs et délais pour la rénovation énergétique du parc de logements sociaux ?

J'aimerais évoquer avec vous le rôle de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) dans les quartiers prioritaires. L'une de ses prérogatives est de viser l'efficacité énergétique et de contribuer à la transition écologique des quartiers. Dans de nombreux quartiers, la reconstitution de l'offre après destruction s'effectue au même endroit, souvent à proximité de nuisances telles que des voies ferrées ou des infrastructures routières. Ne serait-il pas pertinent d'accompagner la rénovation thermique dans les quartiers par une réelle mixité sociale, à savoir ne pas reconstruire dans ces mêmes quartiers ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le logement représente un enjeu important dans la transformation de nos modes de vie. La rénovation énergétique doit donc être une politique ambitieuse, et même si des efforts sont faits sur les bâtiments publics à travers le plan de relance, il reste encore beaucoup à faire dans la transformation du domaine privé. D'après l'Institut de l'économie pour le climat, ce sont 10 milliards d'euros par an d'investissements publics pour rénover tous les logements qui sont nécessaires. En 2019, avant la crise, nous en étions à 3,5 milliards, et pour traiter de façon efficace les passoires énergétiques, ce sont 4 milliards d'euros d'investissements publics qui sont nécessaires chaque année pendant dix ans, selon l'Initiative Rénovons.

Comme nous l'avait rappelé Mme Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le climat, il est temps de passer d'une politique publique qui privilégie encore la rénovation par geste à des programmes globaux incluant un ensemble de travaux. Une telle évolution demandera des moyens considérables afin de ne pas créer d'inégalités entre les Français.

Par ailleurs, il existe un problème de fond relevant d'une politique d'aménagement du territoire qui a conduit à cette situation. Les territoires ruraux regorgent de logements délaissés à rénover et doivent prendre une part active dans un nouveau modèle de développement.

Le Gouvernement prépare-t-il l'évolution évoquée par la présidente du Haut Conseil pour le climat ? Si oui, comment cela se traduira-t-il ? Comment travaillez-vous sur la question des logements disponibles dans le milieu rural ? Des aides spécifiques sont-elles envisagées pour aider les propriétaires à adapter ces logements et ainsi les rendre attractifs ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce matin, nous avons auditionné la présidente du Haut Conseil pour le climat qui nous rappelait que malgré l'effort conséquent du plan de relance en faveur de la transition écologique et énergétique, nous étions loin de la trajectoire permettant d'atteindre la neutralité carbone en 2050. Comment prenez-vous en compte les résultats de l'analyse du Haut Conseil pour le climat ? Allez-vous réviser vos objectifs à la hausse, notamment au travers du prochain projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat ?

Mon deuxième point concerne la rénovation des bâtiments publics de l'État, qui représentent tout de même 100 millions de mètres carrés et doivent prendre une part substantielle de l'effort national. Les territoires d'outre-mer bénéficieront d'un volet spécifique du plan de relance. 237 projets ont été retenus, pour une enveloppe de 161 millions d'euros dédiés à la rénovation énergétique des bâtiments publics, ce qu'il convient de saluer.

Je souhaiterais vous sensibiliser sur l'opportunité de ce programme pour consolider la résilience de nos territoires en outre-mer – je pense notamment aux départements touchés par les risques naturels de manière importante. Une étude conjointe a été menée par la caisse centrale de réassurance et Météo France. Les simulations EURO‑CORDEX montrent que la sinistralité des outre-mer augmenterait de 20 % suite à l'accroissement de la fréquence des cyclones. Une augmentation de l'ordre de 42 % est attendue en Guadeloupe et dans les îles du nord à horizon 2050. Il y a trois ans, le Président de la République avait fait des annonces, notamment au travers du Livre Bleu outre-mer, avec un projet de loi relatif aux risques naturels majeurs. Comment peut-on conjuguer ces efforts pour profiter de cette opportunité d'accélérer la transition énergétique, pour que ce soit aussi une transition en faveur de l'accélération de la résilience de ces territoires ; pour prendre en compte les risques parasismiques et faire en sorte que ces programmes intègrent bien la notion de risques et l'augmentation de ces aléas ? Pouvez-vous nous éclairer sur l'avancée des travaux en vue de ce projet de loi relatif aux risques naturels majeurs en outre-mer ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La rénovation énergétique est une nécessité prioritaire pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et assurer la transition écologique dans le secteur du logement. Des avancées notables ont été réalisées depuis le début de l'année dernière, avec l'élargissement du dispositif MaPrimeRénov' aux propriétaires bailleurs, aux neuvième et dixième déciles et aux copropriétés. Il reste cependant quelques points à éclaircir pour garantir l'efficacité du dispositif.

Afin d'inciter à rénover globalement les bâtiments et de ne plus se contenter d'actes isolés dont l'efficacité est limitée, avez-vous arbitré un seuil de rénovation globale ? En décembre dernier, le Président de la République annonçait aux membres de la Convention citoyenne pour le climat que le Gouvernement travaillait à un accord permettant aux tiers financeurs (la Caisse des dépôts et consignations, les réseaux bancaires et d'assurances, les acteurs de l'énergie) de participer au financement des rénovations de passoires thermiques d'ici 2030. Où en sont les négociations ?

De plus, vous avez lancé il y a peu de temps le dispositif « RGE » (reconnu garant de l'environnement » chantier par chantier, dans l'optique de simplifier l'accès des artisans et des PME du bâtiment au marché de la rénovation énergétique. Ce dispositif permet aux entreprises justifiant d'au moins deux ans d'ancienneté d'effectuer jusqu'à trois chantiers de rénovation énergétique sans détenir avant les travaux la qualification RGE. Cela comporte un risque de fraude avéré. Estimez‑vous que les particuliers seront suffisamment protégés face aux entreprises qui abuseront de ce dispositif ? Le coût humain de l'encadrement de ce dispositif va être très important, avec des visites de suivi et de contrôle de très nombreux chantiers. Cela pourra-t-il être garanti dans un délai raisonnable ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il est impossible d'atteindre la neutralité carbone sans décarboner le secteur du bâtiment. Le Haut Conseil pour le climat ne s'y trompe pas, en demandant à son tour un engagement massif dans la rénovation énergétique, créatrice d'emplois pérennes non délocalisables. Il faut rappeler que c'est aussi un enjeu sanitaire puisque la précarité énergétique touche 12,4 % de la population, avec les conséquences que l'on connaît sur la santé de nos concitoyens et concitoyennes. À ce rythme actuel de rénovation, nous pouvons dire que les objectifs ne seront pas atteints : il est insuffisant et il faudrait le multiplier au moins par sept ou huit pour atteindre 700 000 rénovations par an à l'horizon 2030.

Par ailleurs, pour qu'une rénovation énergétique soit efficace et donc utile en termes d'émissions de gaz à effet de serre, il faut que le bâti rénové atteigne les classes énergétiques « A » ou « B ». Cet objectif n'est quasiment pas atteignable si la rénovation est faite par gestes successifs, dissociés, du fait de la création ou du non-traitement des ponts thermiques.

Dans la même logique, il est erroné de prétendre qu'un gain de 55 % d'énergie consommée suffit quand nous faisons des gestes de rénovation énergétique. En effet, c'est le gain qui est effectué en passant d'une classe « F » à une classe « D » sans pour autant atteindre un niveau de bâtiment non énergivore. Les dispositifs sont multiples mais encore inefficaces. Je ne vais pas refaire la critique, largement partagée ici, des certificats d'économies d'énergie (inflation des coûts, fraude, rénovation par tranche favorisée). Nous jugerons sur le long terme MaPrimeRénov'.

Cependant, il manque toujours dans votre dispositif le traitement des restes à charge, et donc de l'ingénierie financière. Financer les travaux sur les économies futures : voilà un chemin qu'il faudrait prendre. Quid du rôle de la BPI, la « banque du climat » comme elle se définit elle-même sur son site ? Plutôt que de se lancer dans des aventures boursières avec des fonds de pension américains, comme c'est le cas dans ma région, ne serait-elle pas utile à créer des fonds d'amorçage à disposition de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) ? Quand passerons-nous d'une obligation de moyens à une obligation de résultat ? Vous avez évoqué le projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat : à quand un vrai décret « décence » exigeant et pas une simple obligation d'audit à horizon 2028 quand nous devons viser la neutralité carbone pour 2050 ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En ce qui concerne la rénovation énergétique du parc existant, il faut souligner l'extension de MaPrimeRénov'. La question du reste à charge zéro pour les foyers les plus modestes est patente et risque, si elle n'est pas appréhendée plus avant, de mettre en difficulté non seulement les travaux eux-mêmes, mais bien évidemment la logique générale de la démarche.

Sur les contraintes qui ne sont pas retenues à ce stade vis-à-vis des bailleurs, j'insiste pour que l'on regarde un certain nombre d'opérations subventionnées pour les propriétaires bailleurs. De l'argent public est engagé. La notion de contraintes devrait être envisagée très rapidement.

S'agissant de la construction neuve, avez-vous l'intention, madame la ministre, de légiférer sur la question des malfaçons des logements vendus sur plans, qui font de plus en plus parler d'eux quant aux anomalies constatées à la fin des travaux, lesquelles pèsent également sur la question énergétique, une fois les logements livrés ?

J'en viens à l'étalement urbain et aux restrictions d'urbanisation quand des sols artificialisés sont disponibles, et donc possiblement en capacité d'accueillir une nouvelle urbanisation sous forme de logements. C'est, ni plus ni moins, la pratique de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) en matière de déconstruction/reconstruction. Il faut prêter attention au coût des constructions neuves, puisque les questions de pollution des sols sont lourdement posées et que cela est source de ségrégation sociale et territoriale quant à la reconstruction de logements sur ces sols artificialisés.

Enfin, vous avez indiqué réfléchir à nouveau à la mixité dans les logements sociaux. Je vous ai interpellée sur la question des surloyers. Vous n'avez cessé de baisser les plafonds de surloyers et nous en voyons les conséquences aujourd'hui, avec des foyers qui voient leur pouvoir d'achat baisser.

Permalien
Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement

La question de la massification de la rénovation énergétique est évidemment celle à laquelle le Gouvernement cherche à répondre. Une partie de la réponse se trouve dans le plan de relance, puisque nous avons prévu 7 milliards d'euros en deux ans, sur tous les compartiments, à la fois les bâtiments publics, les logements, et les logements sociaux.

Une deuxième partie de la réponse se trouve dans le travail mené pour la massification de la rénovation globale des passoires thermiques. Je reconnais que nous devons aller plus loin en matière de rénovation globale. Je n'oppose pas – j'y reviendrai tout à l'heure – la rénovation globale et la rénovation par geste, parce que je ne crois pas que l'on puisse passer à un système dans lequel il n'y aurait plus du tout de rénovation par geste en France, et dans lequel tout se ferait en rénovation globale.

En revanche, il faut accélérer la rénovation globale elle-même, notamment celle des passoires thermiques. C'est la raison pour laquelle une mission qui doit nous faire des propositions sur les aides, l'accompagnement et le financement du reste à charge a été confiée à M. Olivier Sichel.

Enfin, tout ceci nécessite une dose d'obligations. Le choix du Gouvernement est de commencer par faire peser les obligations sur les bailleurs, d'où le début de la modification du décret « cécence » au 1er juillet 2023, mais surtout la perspective donnée d'aligner le seuil du décret « décence » avec celui des passoires thermiques en 2028. La massification est en fait un système. Il faut des aides durables dans le temps ainsi qu'un accompagnement qui fonctionne – c'est ici la question des guichets qui se pose. Tel est l'objectif du programme de partenariat que j'ai lancé avec les régions qui sont compétentes en la matière. Ce programme s'appelle SARE (Service d'accompagnement à la rénovation énergétique) et permet de généraliser des guichets d'accompagnement à la rénovation énergétique partout en France – pas des guichets qui soient uniquement portés par les régions ou par l'État, mais par les EPCI ou par les communes, parce que c'est bien cet échelon de collectivités territoriales qui est l'échelon de proximité.

Il faut des aides, et il faut de l'accompagnement, c'est-à-dire des guichets. Je crois beaucoup que l'accompagnement ne peut pas se faire uniquement par les plateformes téléphoniques ; il faut aussi un conseil physique de proximité. Il faut trouver le mécanisme de financement du reste à charge : pour les ménages les plus modestes, il est très limité mais demeure, alors que pour les familles à revenus intermédiaires il est plus élevé. Il n'est pas vrai que lorsque l'on est au milieu de l'échelle des revenus, il est facile de financer le reste à charge. Cela fait partie des solutions que nous devons trouver.

L'innovation est un point majeur. Dans les hypothèses budgétaires et financières, nous n'avons pas fait celles d'économies d'échelle. Or, nous pouvons espérer que plus nous ferons de rénovation en France, plus son coût unitaire baissera, même si c'est plus évident pour les immeubles que pour les maisons individuelles, car les processus industriels doivent pouvoir s'améliorer, pour la construction comme pour la rénovation.

S'agissant de la rénovation des logements sociaux, une partie de l'enveloppe des 500 millions d'euros est consacrée à un appel à projets spécifique concernant l'innovation, dénomé « MassiRéno » et qui financera notamment des opérations de type « EnergieSprong », une technique de rénovation hors site dans laquelle les premiers panneaux sont construits à l'extérieur du site de rénovation avant d'être posés, ce qui permet d'aller beaucoup plus vite, d'avoir un résultat extrêmement performant en termes d'efficacité énergétique, mais aussi d'avoir un coût unitaire de l'opération plus bas. C'est l'un des objectifs de la task force que de travailler non seulement au financement du reste à charge, mais aussi à l'optimisation de l'argent public, que ce soit l'argent de l'État ou des collectivités territoriales, c'est-à-dire de faire baisser le coût unitaire à travers la massification.

Parmi les propositions les plus structurantes de la Convention citoyenne pour le climat figurent le blocage des loyers des passoires thermiques et l'interdiction de leur location en 2028, l'obligation d'un diagnostic de performance technique dans les copropriétés, l'élaboration d'un plan pluriannuel de travaux avec une provision, la division par deux du rythme de l'étalement urbain et l'interdiction des projets de création et d'extension de surfaces commerciales ou qui mènent à de l'artificialisation.

Je suis d'accord pour dire que fixer des objectifs ne suffit pas et qu'il faut que les moyens soient au rendez-vous. Nous avons des moyens exceptionnels dans le cadre du plan de relance. Nous sommes passés en quatre ans, après un peu de stop and go, d'une enveloppe moyenne d'environ 2 milliards d'euros d'argent public par an à une enveloppe de 4,5 milliards d'euros sur les années 2021 et 2022, constituée en partie de crédits budgétaires et en partie de certificats d'économies d'énergie. Un certificat d'économies d'énergie constitue une baisse de facture et pour un particulier, cela fait toute la différence puisque cela finance son projet. Nous avons donc multiplié environ par deux les moyens publics affectés à la rénovation des logements des particuliers.

Mon ministère plaidera très fortement pour le maintien des moyens à l'issue du plan de relance. Ce sujet sera traité en loi de finances. Il ne vous a pas échappé qu'il s'agira de la loi de finances pour 2023 ; j'ai donc un peu de mal à vous dire quelles seront les décisions prises. Néanmoins, il est indispensable de pérenniser un montant d'aides important pour être au rendez-vous. Je pense que cette discussion aura lieu au moment de l'examen du projet de loi issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat.

En ce qui concerne l'efficacité des travaux, pour tout ce qui touche à la rénovation globale, un audit énergétique est désormais mené en amont et un plan de travaux est validé lors de l'instruction des dossiers d'aides, ce qui permet d'être sûr que les travaux engagés sont les bons. Il est important de vérifier que le programme de travaux est satisfaisant.

Par ailleurs, je suis sûre que la mission précitée nous aidera à définir la manière de prendre en compte le reste à charge. Plusieurs solutions sont possibles. L'une d'elles est de recourir aux sociétés de tiers-financement. Il en existe quelques-unes en France, souvent adossées à la Caisse des dépôts et consignations, laquelle préside cette mission. Je pense à Oktave, dans le Grand Est, ou à Île-de-France Énergies. Certaines sont autonomes, comme celle des Hauts-de-France. Il n'y en a pas partout. Faut-il généraliser les sociétés de tiers-financement ? La mission y répondra et nous fera des propositions. Une autre solution consiste à s'appuyer sur le financement bancaire, que ce soit pour du financement immobilier ou du financement de prêt à la consommation, et notamment sur l'intégration des travaux à mener dans les plans de financement au moment des acquisitions immobilières, ce qui me paraît très important.

Concernant les obligations de rénovation, le choix politique assumé est de commencer à les faire peser sur les bailleurs. Il me paraît normal que les bailleurs qui mettent en location – dans une opération qui est donc économique – fassent l'objet d'une exigence plus forte pour les biens mis en location.

Je reviendrai sur la rénovation globale par opposition à la rénovation par geste, mais je pense qu'il y a de la place pour les deux, ne serait-ce que parce que lorsque votre bien, de catégorie intermédiaire, n'est pas une passoire mais n'est pas non plus un bien de basse consommation, et que votre chaudière tombe en panne, il me paraît normal que vous bénéficiiez d'une aide quand vous installez une chaudière particulièrement efficiente, économiquement et écologiquement. Il n'est pas forcément nécessaire de conduire la totalité des travaux lorsque l'on est dans un bien étiqueté « D » ou « F » et que la chaudière à gaz d'ancien modèle est en train de lâcher.

En ce qui concerne la question de la stabilité et des guichets, je pense que nous ne sommes pas tout à fait au bout du chemin. Il existe deux aides à la rénovation globale : MaPrimeRénov' pour les ménages les plus aisés, et un programme spécifique de l'ANAH, abondé par les collectivités et qui s'appelle « Habiter Mieux Sérénité », pour les ménages les moins aisés. Je pense qu'il faut aller vers un rapprochement de ces programmes et permettre aux collectivités locales de les abonder de façon systématique pour celles qui le souhaitent. Nous avons encore ce rapprochement à faire. Après, je pense que notre système d'aide sera opérationnel et efficace. J'espère qu'il pourra être maintenu dans la durée.

Par ailleurs, je vous rejoins sur la nécessité de répartir des guichets partout en France. C'est ce partenariat avec les départements, les régions et les EPCI qui doit nous permettre de le faire.

Nous allons évidemment regarder l'exemple identifié par Mme Aude Luquet, qui évoquait une locataire chez qui la température ne dépasse pas 14°C, pas seulement pour régler un cas individuel mais pour comprendre les enjeux de la rénovation chez les bailleurs sociaux. Ceux-ci ont globalement pris des engagements et il existe une enveloppe financière qui leur permet de financer des travaux. La question qui se pose est celle du rythme et des travaux d'urgence. À l'échelle du parc social, il me semble que l'idée est d'avoir éradiqué les passoires thermiques en 2025. Mais certains logements sociaux sont dans un état de dégradation important et il n'est pas possible d'attendre deux ou trois ans pour effectuer des travaux, ce qui nous mène à la question des travaux d'urgence. Il est de la responsabilité des bailleurs sociaux de ne pas laisser les locataires dans une situation dégradante. Je suis prête à regarder avec vous comment ce problème se pose dans votre circonscription à titre d'exemple.

En ce qui concerne l'ANRU, il est effectivement important que les programmes de reconstruction se fassent à l'extérieur des quartiers de la politique de la ville, ce qui concourt réellement à la mixité sociale. Il s'agit d'un objectif de l'ANRU. Il n'est pas toujours facile d'identifier des terrains sur lesquels nous sommes en capacité de faire cette reconstruction. Il faut faire attention à ce que la reconstruction ne s'effectue pas dans des cadres dans lesquels nous n'avons pas progressé en termes de mixité sociale. Je suis prête à avoir ce débat avec l'ANRU.

L'estimation du besoin n'est pas très facile à faire. Vous dites, madame Jourdan, que nous nous situons autour de 10 milliards d'euros par an. Nous considérons qu'à partir du moment où l'on arrive à consolider sur la durée des crédits publics à hauteur de 4,5 ou 5 milliards d'euros par an, que l'on arrive à trouver les modalités de financement du reste à charge, qui peut pour partie s'adosser à la baisse de la facture énergétique, ce qui se fait via les sociétés de tiers-financement, que l'on arrive à innover et donc à faire baisser le coût unitaire, il n'est pas forcément impossible de se poser sur une tendance à la hauteur de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre. C'est la logique dans laquelle nous avons travaillé le projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat. L'idée est de continuer à peu près au même rythme sur la rénovation des logements qui ne sont pas des passoires et d'éradiquer les passoires dans les dix années qui viennent, ce qui représente environ 500 000 rénovations de passoires chaque année. Cela nécessite des besoins financiers que nous sommes en train d'essayer de recalculer, mais là encore, cela dépend de nos hypothèses, d'effets d'échelle et de notre capacité à faire que nos besoins soient en partie couverts par le public – le public au sens de l'État et des collectivités, puisque de nombreuses collectivités financent les rénovations – et par les ménages, à travers le financement du reste à charge.

Je pense qu'arrêter la rénovation par geste ou arrêter de la subventionner n'a pas de sens. L'important est de faire monter en puissance la rénovation globale. Les deux ne s'opposent pas.

Les logements vacants en milieu rural sont un vrai sujet. J'ai lancé ce matin un appel à manifestations d'intérêts pour mieux mobiliser les logements vacants avec des collectivités locales volontaires à partir du réseau national de mobilisation pour les logements vacants, présidé par l'Eurométropole de Strasbourg, dans lequel nous trouvons par exemple Vire, en Normandie, ou des communes très rurales. Nous sommes prêts à déployer des outils d'analyse et d'identification des propriétaires car il est nécessaire d'aller à la rencontre de ces derniers, et à mieux faire connaître et simplifier les aides disponibles pour les propriétaires afin d'effectuer des travaux ou mettre en location pour mobiliser les biens.

Je pense que j'ai en partie répondu à la question sur la trajectoire préconisée par le Haut Conseil pour le climat. Notre hypothèse est qu'une autre manière d'atteindre la trajectoire est de continuer sur le rythme de rénovation que nous avons atteint et de rénover de façon systématique en dix ans toutes les passoires thermiques, auquel cas le bâtiment apportera la contribution nécessaire à la trajectoire préconisée par le Haut Conseil.

Concernant l'outre-mer, vous avez raison, Mme Sage, et je vous remercie de le saluer : l'enveloppe pour la rénovation des bâtiments publics de l'État comporte bien une enveloppe pour l'outre-mer. Je pense que c'est extrêmement utile. En ce qui concerne plus globalement la résilience des bâtiments en outre-mer, vous soulevez des points très importants. Nous avons déjà une réglementation sur le parasismique et sur le paracyclonique. Concernant ce dernier, il manque un décret d'application prévu par la loi « ELAN ». Je peux vous annoncer que la concertation va commencer très prochainement, pour publication en 2021. Quant à un éventuel projet de loi sur les risques naturels majeurs, cette dimension est plutôt intégrée dans le projet du gouvernement sur la loi « 4D », l'important étant de trouver un vecteur législatif qui permette d'avancer.

Je remercie M. Colombani d'avoir noté que MaPrimeRénov' constitue un progrès. Nous ne serons pas tous d'accord, mais nous avons fixé le seuil de rénovation globale à 55 % d'économies d'énergie, sachant qu'il s'agit d'un minimum. Cela permet de s'assurer que même si nous parlons d'un logement très « passoire », celui-ci sort des étiquettes « F » et « G ». Je pense que c'est un bon point de départ.

S'agissant de la négociation et de la discussion avec les tiers-financeurs, c'est dans la mission de M. Olivier Sichel que nous avons mis tous les tiers-financeurs – et tous les financeurs bancaires, d'ailleurs – pour essayer d'avoir un accord sur la généralisation de l'accès au financement.

Le dispositif RGE « chantier par chantier » est un dispositif expérimental, très encadré, pour la raison que vous avez mentionnée. L'idée est bien de soutenir des travaux de qualité, et donc d'éviter que les travaux soient réalisés par des artisans non qualifiés ou insuffisamment qualifiés. L'expérimentation durera deux ans. Chaque artisan peut faire trois chantiers maximum dans ce cadre-là. Il faut un accord ex ante avant le démarrage des travaux de l'organisme de qualification – la plupart du temps Qualibat –, qui doit s'assurer au moins de l'existence juridique, sociale et fiscale de l'artisan, et du fait qu'il a pignon sur rue. Ensuite, le chantier est systématiquement audité, avec la possibilité pour le particulier de ne payer sa facture qu'après l'audit. La responsabilité de l'artisan est engagée s'il y avait une non‑conformité après l'audit, pour effectuer les travaux complémentaires sous le pilotage de l'organisme de qualification. Je pense que le risque de détournement ou de fraude n'est pas massif, ne serait-ce que parce que cela va concerner un très petit volume de chantiers par artisan et que les fraudes que nous avons constatées sont plutôt le fait d'artisans qui lancent énormément de chantiers sur une période très courte et ne les finissent jamais, en ayant capté une partie des subventions avant de partir.

Le coût humain de l'encadrement ne sera pas négligeable. Ce sont les organismes de qualification qui le supporteront, mais cela a été construit avec eux et ils considèrent que ce coût est supportable.

Notre objectif est bien de rénover 500 000 passoires par an pendant dix ans, tout en continuant les rénovations telles qu'elles sont réalisées en ce moment. J'ai toujours un objectif d'amélioration du suivi statistique. Nous n'arrivons pas encore à additionner le nombre de rénovations que nous faisons en France, surtout en étant au clair sur ce que sont les rénovations partielles et ce que sont les rénovations globales, puisque les bases de données sont issues des différents dispositifs d'aide et qu'il est difficile de les additionner. Il s'agit d'un problème statistique auquel le ministère se heurte depuis plusieurs mois. Je pense pouvoir le résoudre d'ici la fin du premier semestre 2021 pour être capable de disposer d'un tableau de bord consolidé disant simplement combien de gestes simples nous avons réalisés, combien de rénovations globales, avec quel taux moyen de subvention, avec du crédit d'impôt, avec MaPrimeRénov', avec des certificats d'économies d'énergie, des aides de l'ANAH, des aides des collectivités locales. Ce n'est malheureusement pas si simple à compter. Je le regrette, mais je pense que nous allons finir par y arriver.

S'agissant du seuil du décret « décence », il sera situé au seuil des passoires thermiques en 2028. Une passoire thermique ne sera donc plus « décente » au sens de ce décret.

Je vous remercie, M. Wulfranc, d'avoir souligné l'extension de MaPrimeRénov'. Cela va dans la bonne direction. Pour les ménages les plus modestes, le reste à charge maximal est de 10 %, mais il peut être couvert par des associations ou par des collectivités locales. Pour les autres, le reste à charge est potentiellement plus important. C'est là que les mécanismes de tiers-financement et d'étalement de la facture sont intéressants, puisque, pour avoir fait beaucoup de visites de terrain dans la période récente, j'ai constaté qu'il existe beaucoup de cas dans lesquels l'opération est financée en partie par un crédit, dont la mensualité est inférieure à la réduction d'énergie sur la facture, auquel cas l'opération est bénéficiaire en net. C'est ce type de mécanismes que nous devons arriver à généraliser.

En ce qui concerne la contrainte sur les bailleurs, je suis d'accord, c'est pour cela que nous commençons par l'interdiction de location des passoires thermiques.

S'agissant de la construction neuve, je n'ai pas connaissance d'interpellation particulière sur des malfaçons de logements vendus sur plans. Je suis à votre disposition pour en parler davantage, sachant que ma réponse basique consisterait à dire qu'il faut faire jouer la garantie décennale et qu'il existe peut-être des mécanismes spécifiques que je suis prête à regarder avec vous.

En ce qui concerne la déconstruction/reconstruction, elle soulève des sujets de dépollution, mais nous devons aussi savoir où l'on déconstruit et comment faire en sorte que cela n'aggrave pas la ségrégation. Sur les loyers, j'entends votre interpellation. Je reviendrai vers vous ultérieurement. Je ne dispose pas d'éléments en cet instant, mais j'essaierai de faire mieux la prochaine fois.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les auditions de la mission d'information sur la rénovation thermique des bâtiments constituée par notre commission nous ont permis de constater que les travaux du Gouvernement en matière de rénovation se sont succédés à un rythme soutenu depuis le lancement du plan de rénovation en 2018 et jusqu'au plan de relance dernièrement qui, vous l'avez dit, va contribuer à un effort notable pour nos bâtiments. Vous n'avez pas chômé, et pourtant il y a encore beaucoup à faire. Vous pourrez compter sur notre soutien pour inscrire ces aides dans la durée.

Je souhaite insister sur la précarité énergétique. Confirmez-vous qu'il est possible de cumuler les aides nationales et locales pour aller jusqu'à un reste à charge zéro pour les personnes en situation de précarité ? Vous avez souligné l'importance de la coopération entre État et territoires. Dans cet objectif, il semble essentiel de disposer d'un outil partagé de suivi et de mesure. Pourriez‑vous nous parler des travaux très attendus de l'Observatoire de la rénovation énergétique des bâtiments ? Enfin, pourriez-vous nous parler du programme « Habiter Mieux Sérénité » de l'ANAH ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourriez-vous clarifier votre position politique et faire un point sur le biogaz ? Je parle bien du biogaz, pas du gaz naturel d'origine fossile. Quels sont les enjeux et perspectives pour le bâtiment ?

Pouvez-vous nous donner votre vision politique au sujet de la qualité de l'air intérieur lors de l'isolation des bâtiments ?

Concernant l'hydrogène vert, quels sont les enjeux et les perspectives pour le bâtiment ? Ce sujet est très peu abordé. Des pays comme l'Allemagne ou le Japon l'ont intégré depuis des années. Son rendement est bien meilleur que dans le secteur de la mobilité, puisque l'on peut valoriser la chaleur dégagée par la pile à combustible. C'est peut-être un peu technique, mais c'est extrêmement important : dans cette commission, tout est à la fois technique et politique.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite attirer votre attention sur la situation des copropriétaires privés qui résident dans des quartiers dits prioritaires et qui participent vraiment à la mixité sociale de ces quartiers. Dans le cadre des politiques de rénovation urbaine et de réduction de la consommation énergétique, des dispositifs d'aide sont mis en œuvre, mais ceux-ci ne sont pas toujours bien adaptés aux besoins de rénovation énergétique et aux ressources de ces ménages, modestes copropriétaires, alors que dans le même temps d'importants moyens financiers sont concédés aux bailleurs sociaux. Ceux-ci bénéficient non seulement des crédits de l'État pour la construction et la rénovation de leur parc immobilier, mais également du soutien des collectivités via les garanties d'emprunts, qui sont obligatoires.

Il faudrait donc favoriser davantage une approche globale de la rénovation énergétique de l'habitat privé, peu adaptée aux propriétaires modestes. Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir nous indiquer les mesures de soutien que vous entendez prendre au profit de ces copropriétaires privés modestes, des quartiers prioritaires de nos territoires, afin de leur permettre de supporter à la fois le remboursement de leur prêt, les charges fixes de copropriété et celles qui concernent les investissements pour leur rénovation – en un mot, en intégrant aux différentes simulations la prise en compte des charges de copropriété.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'aimerais avoir un premier retour sur le dispositif dit « Pinel » mis en œuvre en Bretagne. Cette expérimentation a été votée dans le projet de loi de finances pour 2020 et doit se terminer au 31 décembre 2021. Elle pourrait être un outil intéressant pour notre pays, nous permettant de respecter nos objectifs en matière d'étalement urbain, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En ce qui concerne le biosourcé et la RE2020, je me félicite des engagements pris qui résultent du travail réalisé dans le cadre de la loi « ELAN ». Les acteurs du biosourcé s'interrogent néanmoins sur différents éléments, notamment sur la mise en œuvre de cette réglementation et des normes de calcul.

Un frein d'ordre financier existe notamment pour les coûts de vérification technique, ce qui constitue une barrière importante pour les filières. La durée de vie des bâtiments, qui passe de 50 à 100 ans, peut avoir un impact dans le calcul du cycle de vie complet du bâtiment, notamment en termes de fin de vie.

Enfin, le coefficient lambda comme critère unique est jugé insuffisant dans le calcul thermique, car il ne prend pas en compte la partie hydrométrique, qui est assez importante pour la fraîcheur des bâtiments.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le programme d'isolation à 1 euro fonctionne plutôt bien. Il comporte pourtant de nombreux biais. J'attire votre attention sur les arnaques, dont nous entendons souvent parler lorsque nous recevons les gens en permanence, notamment sur internet, de nombreux sites profitant des consommateurs. Ces arnaqueurs font beaucoup de mal à nos artisans locaux puisque ceux-ci ratent des marchés. Quelles sont les mesures que peut prendre le Gouvernement de façon à lutter contre ces phénomènes ? Comment s'assurer que les marchés incombent à des artisans sérieux ?

S'agissant des matériaux isolants, plusieurs incendies mortels se sont produits à cause de la combustion qui libère des gaz toxiques et qui est à l'origine d'intoxications. Comment le Gouvernement peut-il agir rapidement, notamment pour renforcer les contrôles ?

Permalien
la ministre Emmanuelle Wargon

En ce qui concerne le reste à charge, l'on globalise sur le montant maximum du reste à charge ou de la prise en charge les aides de l'État et les certificats d'économies d'énergie, ce qui monte la prise en charge à 90 % pour les ménages les plus modestes, le reste pouvant être couvert par des associations ou par des financements de type tiers-financements.

S'agissant de l'observatoire, il serait bien que nous arrivions à avoir des données rapidement. C'est mon objectif, avec les services du ministère. Nous avons des données par type de soutien. Nous savons par exemple que les certificats d'économies d'énergie ont financé 2 millions de gestes en deux ans (isolation de combles, de planchers, ou changement de chaudières). Mais cela est difficile à additionner avec des aides fiscales ou avec des aides directes, car souvent les dossiers sont mixtes, et je ne veux pas faire une addition brute qui serait probablement un majorant par rapport à la réalité – d'où l'objectif d'aboutir au premier semestre.

Le dispositif « Habiter Mieux Sérénité » est une aide très utile qui marche très bien et s'effectue au plus près du terrain en coordination et en coopération entre l'ANAH et les collectivités locales. Nous avons maintenant deux systèmes pour financer la rénovation globale chez les particuliers : « Habiter Mieux Sérénité » pour les ménages les plus modestes et « MaPrimeRénov' Rénovation globale » pour les autres. Il faut que nous achevions de rapprocher ces deux systèmes en allant vers le meilleur de chacun des deux, ce qui veut dire garder une instruction locale ou un soutien à l'instruction locale, et garder un lien avec les collectivités territoriales. C'est le travail de cette année. Cela fait partie de nos objectifs.

Le biogaz est un sujet très important. Le soutien du biogaz et de la méthanisation fait partie de la programmation pluriannuelle de l'énergie. Nous imaginons qu'en 2050, nos besoins d'énergie en gaz se situeront autour de 200 TWh contre 500 TWh aujourd'hui, couvrant le besoin des bâtiments, ce qui fait que nous soutenons massivement la méthanisation dans la PPE.

S'agissant du biogaz dans les bâtiments, notre position, à ce stade, est plutôt qu'il a vocation à remplacer le gaz fossile pour le chauffage des bâtiments existants. Nous sommes assez réservés sur l'utilisation du gaz dans les bâtiments neufs, d'où l'entrée en discussion sur la RE2020 avec la fin du « tout gaz » dès 2021 pour les maisons individuelles et dès 2024 pour les immeubles collectifs, puisque nous sommes toujours d'accord pour des solutions hybrides.

La question des réseaux de chaleur doit également être regardée d'un peu plus près. Nous sommes en train de discuter avec certains industriels de leurs projets consistant à créer de nouveaux logements (collectifs, notamment) au gaz, eux-mêmes reliés à une structure de méthanisation. Pour moi, le potentiel du programme Méthaneuf est intéressant si nous couvrons plus que les besoins concrets, car créer plus de besoins en gaz et couvrir ce nouveau besoin par du gaz vert ne répond pas totalement à la question. Le potentiel de méthanisation en France n'est tout de même pas infini. Vous avez tous dans vos circonscriptions des opérations de méthanisation qui se sont bien passées, et des situations dans lesquelles installer un méthaniseur ne se passe pas si bien que cela. Pour nous, la méthanisation a plutôt pour objet de produire du gaz vert qui remplace du gaz existant, plutôt que de produire du gaz vert qui vient s'additionner au besoin en gaz. Il est possible qu'il y ait un juste milieu. C'est la discussion que nous avons engagée avec les industriels.

Nous imaginons moins l'hydrogène vert pour le logement ou le bâtiment à l'échelle individuelle. En revanche, le lien avec un réseau de chaleur peut être regardé. Je suis à votre disposition pour creuser ce point.

Par ailleurs, la RE2020 devrait permettre une nette amélioration de l'air intérieur. Le contrôle lors de l'attestation de conformité du bon fonctionnement de la ventilation est pour l'instant un point faible. Cela fera partie des éléments à la fois de la nouvelle réglementation et du nouveau DPE opposable, avec une appréciation qualitative de la qualité de la ventilation. Nous progresserons sur ce sujet en 2021.

Je rejoins Mme Beauvais dans son interpellation sur le financement des copropriétés privées, et non seulement des logements sociaux. Pour les copropriétés privées globalement en bonne santé, c'est « MaPrimeRénov' copropriétés » qui devrait régler le problème, puisque le dispositif est ouvert à toutes les copropriétés et que ce sont les travaux eux-mêmes qui sont subventionnés, et pas chaque propriétaire. Vient ensuite la question des copropriétés dégradées. Je voudrais saluer le travail que M. Julien Denormandie avait enclenché avec le plan « Initiative Copropriétés ». J'ai réuni les élus des territoires des opérations d'intérêt national, les très grandes zones dans lesquelles se trouvent beaucoup de copropriétés dégradées. Un effort particulier a été réalisé, avec des moyens supplémentaires de l'ANAH coordonnés avec les moyens de l'ANRU, afin d'accompagner ces copropriétés dégradées. Nous ne parlons pas ici que de travaux de rénovation énergétique, mais de travaux de réhabilitation lourde, voire de démolition/reconstruction. La prise en charge est relativement récente, tout comme la prise de conscience du fait que l'on ne peut pas travailler que sur les logements sociaux, mais aussi sur ces copropriétés. De gros efforts sont réalisés. Je suis en discussion permanente avec Marseille, par exemple, pour accompagner la prise en compte des copropriétés dégradées et du relogement par rapport à l'habitat indigne de centre-ville.

L'expérimentation du zonage « Pinel » en Bretagne se termine cet été. Son suivi fera l'objet d'un rapport et d'un rendu devant le Parlement. Nous savons déjà que nous sommes passés de 24 communes éligibles avant l'expérimentation à 58 après, par redécoupage plus fin. C'est intéressant, car cela montre que la discussion permet de couvrir plus de territoires. Lorsque nous aurons le résultat de cette expérimentation, il faudra que nous nous reposions nationalement la question du zonage. En attendant, je suis prête à regarder les cas dans lesquels l'on doit pouvoir trouver une intervention précise et locale aux incohérences de zonage.

C'est l'un des grands objectifs de la RE2020 que de favoriser la décarbonation de la construction, qui nécessite que les matériaux émettent moins de CO2, ce qui favorise – et c'est très bien – les matériaux biosourcés. Cela doit aussi pouvoir favoriser les innovations de type béton bas carbone et autres. Nous sommes en train de travailler sur les réglages et les curseurs. Toutes les filières – matériaux biosourcés ou non – nous interpellent, y compris sur la méthode de calcul, la durée du cycle de vie (doit-on prendre 50 ans ou plus ?), et les curseurs posés à l'intérieur de cette méthode. La concertation est encore en cours. Les ajustements seront réalisés dans les semaines qui viennent. Je ne peux pas être plus précise à ce stade. L'idée est de trouver la voie de passage pour accompagner toutes les filières dans leur capacité à décarboner, et que la RE2020 permette à différents types de matériaux, pas forcément tout seuls mais de façon hybride, entre le gros œuvre et le second œuvre, de pouvoir répondre au respect de la RE2020, y compris pour les seuils les plus exigeants.

Les isolations à 1 euro sont moins nombreuses maintenant puisque le recalage des aides fait qu'elles n'existent plus que pour les combles. Pour le reste, ce sont plutôt les certificats d'économies d'énergie et MaPrimeRénov' qui sont sollicités. Il n'y a plus de reste à charge à 1 euro, ou plus rarement.

Par ailleurs, nous avons beaucoup mobilisé à la fois les obligés, donc les grandes entreprises d'énergie, les délégataires de CEE et la DGCCRF pour faire la « chasse aux arnaques » et aux démarchages abusifs. Vous avez voté, dans une proposition de loi, l'interdiction du démarchage téléphonique pour la rénovation énergétique. Cela n'empêche pas les gens de continuer à téléphoner, mais il faut faire savoir aux Français que c'est forcément une arnaque puisqu'il n'existe pas de démarchage téléphonique légitime. Ce resserrement, entre l'interdiction du démarchage téléphonique, les contrôles renforcés par les entreprises d'énergie et la DGCCRF, nous permet d'attraper plus vite les entreprises fraudeuses. C'est aussi un travail de terrain, basé sur les alertes des artisans qui doivent être remontées aux directions départementales des territoires et aux préfectures, pour que l'on soit en capacité de prendre les escrocs sur le fait.

Enfin, les normes de sécurité incendie des matériaux isolants ont fait beaucoup de progrès, mais je suis prête à regarder les cas particuliers sur lesquels vous pensez qu'il faut les compléter.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite vous interroger sur le rôle des architectes et des urbanistes dans la prise en compte de la dimension « santé-environnement » dans l'aménagement des villes, bien en amont de la mise en œuvre des plans locaux d'urbanisme par les collectivités territoriales. Nous savons que l'organisation de l'espace et l'aménagement des lieux de vie et de travail ont un impact démontré sur les pathologies chroniques. Je voudrais savoir si votre ministère travaille sur des cursus de formation en direction de ces professionnels et si vous seriez favorable à une modification du code de l'urbanisme afin que des objectifs de santé environnementale figurent explicitement dans les études d'impact sur l'environnement et la santé préalables à la réalisation de programmes d'aménagement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans les départements d'outre-mer, l'habitat indigne représente un logement sur dix. Les problèmes d'énergie et de passoires thermiques ne sont pas les seuls problèmes qui se posent. Le dispositif MaPrimeRénov' n'est pas tout à fait adapté. Il est plutôt question de ventilation de cet habitat indigne. La difficulté réside dans le fait que les dispositifs de l'ANAH ne s'appliquent pas en outre-mer pour les propriétaires bailleurs. Nous n'avons donc pas beaucoup de ressources. De quelle manière appréhendez-vous la lutte contre l'habitat précaire et indigne en général, et dans les outre-mer en particulier ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hier soir, j'animais une réunion sur MaPrimeRénov' avec des artisans, des maires, la sous-préfète à la relance, les fédérations, l'ANAH, M. Philippe Pelletier, président du plan Bâtiment durable, et des associations. Tout le monde se rend compte qu'il y a une volonté et qu'il y a de l'argent sur la table. Dans la grande ruralité, les maires de village ne sont pas équipés pour répondre aux appels à projets et appels à manifestations d'intérêt, pour leurs bâtiments communaux notamment. Ils ont besoin d'ingénierie financière.

Par ailleurs, le logement social communal issu du programme « Cœur de village » n'est pas éligible au dispositif MaPrimeRénov'. Comment peut-on les aider, sachant que la ruralité est riche en passoires énergétiques totales ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans le cadre du projet de loi issu des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, il est préconisé de nouvelles mesures contre l'artificialisation des sols. Toutefois, cette volonté n'est pas toujours partagée par certains élus ainsi que par une partie de la population. En effet, certains maires souhaitent conserver la possibilité de développer l'habitat, notamment par la réalisation de lotissements. De plus, suite à la crise de la Covid-19, il est clair que certains de nos concitoyens souhaitent un retour à la nature, donc habiter en lisière de communes. Aussi, madame la ministre, par quels autres moyens pourrait-on favoriser une véritable recentralisation des logements en centre-bourg ou en centre-ville ? Comment convaincre les Français désireux de devenir propriétaires d'une maison avec jardin en bordure de centre-ville, beaucoup d'entre eux souhaitant en fait une maison individuelle ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous parlons beaucoup du programme MaPrimeRénov', qui est très intéressant. Il me semble que l'aide « Habiter Mieux Sérénité » est assez peu connue. Elle vise les personnes plus précaires, qui sont souvent les moins bien informées. Qu'est-il mis en œuvre pour faire connaître cette aide à ces populations ? La question de l'accès aux droits est une vraie problématique pour les personnes modestes. Vous avez également évoqué le fait que certaines collectivités pouvaient participer et abonder ce fonds. Avez-vous des éléments sur le nombre de foyers qui bénéficient de cette aide, le nombre de collectivités concernées et le montant que représentent leurs aides ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Deux dates importantes ont été notées pour les chauffages neufs : l'interdiction du fioul dans un an, et celle des gaz fossiles entre 2021 et 2024. Il faut donc considérer dès à présent que les chaudières à hydrogène fonctionnent depuis ce mois-ci en autoconsommation, avec micro-électrolyseur et eau chaude.

Ma deuxième question porte sur la RE2020, et en particulier la baisse de 30 % d'énergie dans les chantiers et les matériaux. Pour les chantiers, je soulignerai la suppression des groupes électrogènes au fioul et leur remplacement par des groupes électrogènes à hydrogène, car cela fonctionne également très bien, alors que dans les grands chantiers immobiliers, le système actuel est très polluant.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La RTAA (réglementation thermique, acoustique et aération) a été adaptée aux exigences des départements d'outre-mer, en prenant en compte leur climat et les modes de vie. Au regard de cette réglementation et dans le cadre du plan de relance, que ce soit pour le neuf ou l'ancien, vous est-il possible d'envisager la mise en œuvre des propositions suivantes, pour mieux répondre à la transition écologique des départements d'outre-mer ?

La première proposition est d'avoir recours à une autoproduction énergétique d'au moins 50 % pour le fonctionnement du bâtiment, avec installation de panneaux photovoltaïques dotés de batteries de stockage. Pour information, la région de La Réunion attribue une aide de 6 000 euros pour une installation d'autoconsommation avec stockage, ce principe participant à la décarbonation de notre énergie.

La deuxième proposition est de lancer, dans le cadre du plan de relance, un plan ambitieux de rénovation thermique de tous les bâtiments, publics et privés, puisqu'aujourd'hui la RTAA DOM ne concerne que les bâtiments d'habitation. Ces mesures de rénovation thermique des bâtiments permettront sans nul doute au secteur du BTP une vraie relance économique, ainsi que de sauvegarder des milliers d'emplois.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous avez annoncé 500 millions d'euros pour la rénovation des logements sociaux. Dans le Vaucluse, 28 bâtiments publics bénéficient du plan de rénovation énergétique, dont 19 projets dans ma circonscription. Je vous en remercie. Je suis très heureuse d'avoir pu en visiter un. Hôtel de police d'Avignon, Université d'Avignon, AFP…, mais quid des logements privés, quid des logements sociaux ? Comment les demandes se font-elles ? Pourriez-vous nous donner des indications sur la mise en place du plan de rénovation énergétique dans les logements sociaux de cette circonscription ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique semble éprouver des difficultés à rendre un avis positif sur la mise en œuvre de la RE2020. J'aimerais quelques précisions. Où en sont les négociations concernant l'analyse de cycle de vie dynamique ? Celle-ci restera-t-elle bien la méthodologie retenue ?

Vous évoquiez en fin d'année dernière des seuils intermédiaires d'ici à 2030 en termes d'émissions de gaz à effet de serre, dans le processus de construction. Ceux-ci sont-ils toujours d'actualité ?

Enfin, la date de mise en œuvre effective de la RE2020 a été retardée de six mois du fait de la crise sanitaire. Un nouveau délai de plusieurs mois, dont on sait qu'il a été demandé par certains professionnels du secteur, est-il d'actualité, ou cette date sera-t-elle maintenue ? De ces trois points, dont certains suscitent la défiance de plusieurs acteurs du secteur, dépend en grande partie la décarbonation durable de la construction en France. Je souhaiterais avoir vos éclairages sur le sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je pense qu'il est important de pouvoir valoriser les données des bâtiments, notamment les données émanant des territoires. Je pense au travail réalisé par le CEREMA (Centres d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement) sur le sujet. J'aimerais avoir votre avis sur ces différents outils qui nous sont offerts et qui doivent être valorisés pour que nous puissions proposer une offre toujours plus efficace.

Permalien
Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement

Le rôle des architectes et des urbanistes est extrêmement important dans la construction de la ville de demain, des bâtiments de demain et de la ville durable. C'est l'un des sujets, à la fois pour le ministère du logement et le ministère de la culture – puisque vous savez que l'architecture se trouve sous la responsabilité de ce dernier – que d'embarquer ces professions très importantes pour dessiner ensemble la manière dont nous pensons que nous devons habiter la ville et la campagne demain. Si nous voulons être à la hauteur des évolutions attendues de nous pour notre trajectoire en matière de climat et de biodiversité, nous devons changer notre manière d'habiter la ville, ce qu'il faut faire avec les matériaux et les mécanismes de construction, mais aussi en amont, dans la vision, la prévision et le partage de cette vision de la ville.

En ce qui concerne la question plus spécifique relative à la « santé-environnement », je vois plusieurs dimensions, dont la première est la formation des architectes. J'en ai discuté récemment avec Mme Roselyne Bachelot qui souhaite retravailler le cycle de formation et le contenu de la formation des architectes. Je pense que la formation initiale et continue est un bon endroit pour attirer l'attention sur les enjeux de la ville de demain et notamment sur les enjeux en santé-environnement.

S'agissant de l'urbanisme, un guide a été publié en mars dernier pour la prise en compte des enjeux de santé dans l'aménagement par les aménageurs publics et privés. Nous pouvons nous appuyer sur cet outil pour sensibiliser les aménageurs, les urbanistes et ceux qui construisent aux enjeux de santé-environnement.

Enfin, je lancerai en février ou en mars une démarche un peu plus « politique », au sens noble du terme, sur le thème « comment habiter en France demain ». L'enjeu de « santé‑environnement » sera évidemment présent.

L'habitat indigne est un sujet extrêmement sensible pour le ministère. Nous avons déjà bien avancé grâce à la loi « ELAN », notamment pour la simplification des polices de la salubrité. Il faut que nous continuions à mettre de l'énergie sur ce sujet, en particulier en outre-mer, même si la question ne se pose pas seulement là-bas. Je suis prête à poursuivre les discussions avec les parlementaires principalement intéressés – je pense aussi à M. Guillaume Vuilletet qui a beaucoup travaillé sur le sujet – pour voir comment nous pouvons « passer un cap » sur l'habitat indigne, en particulier en outre-mer.

J'ai compris qu'une réunion s'était tenue sur MaPrimeRénov' à l'échelle locale dans la circonscription de Mme de Courson et que cela s'était plutôt bien passé, ce dont je me réjouis.

Concernant les bâtiments communaux des petites collectivités, nous avons mis en place un programme avec l'AMF (Association des maires de France) et une association qui lui est rattachée, la FNCCR (Fédération nationale des collectivités concédantes et régies), pour que la FNCCR soit en capacité d'accompagner les communes, y compris les plus petites, dans des projets de rénovation. Je suis d'accord avec le fait qu'une petite commune, voire une petite communauté de communes, n'a pas les moyens de faire l'analyse précise du besoin, de savoir où s'adresser, comment quantifier le chantier, comment établir le cahier des charges, etc. Ce programme s'appelle ACTEE et existe depuis trois ans. Nous l'avons soutenu avec des certificats d'économies d'énergie. Il permet à toutes les collectivités qui le souhaitent, et en particulier les rurales, d'avoir accès à l'accompagnement dont elles peuvent avoir besoin.

Je suis d'accord sur le fait que la lutte contre l'artificialisation des sols ne passera pas que par des mesures juridiques et techniques, mais d'abord par la conviction des Français. Le confinement a plutôt donné envie à nos concitoyens de vivre à la campagne ou dans des maisons individuelles avec de l'espace extérieur. Cela pose aussi la question de la qualité intrinsèque des logements – pas seulement leur qualité environnementale, mais leur qualité « tout court ». Comment sont-ils conçus ? Quelle est leur taille ? Existe-t-il systématiquement un accès à un espace ouvert ? Sur ce sujet, M. Pierre-René Lemas, l'ancien directeur de la Caisse des dépôts et consignations, nous a remis – à Mme Roselyne Bachelot et moi-même – un rapport intéressant qui interroge notre faculté à penser la qualité des logements et de l'urbanisme de demain. Je crois beaucoup à une opération de sensibilisation du grand public, permettant d'expliquer qu'il existe des formes de densité souhaitables parce que l'on mélange de la construction collective et de la construction individuelle, des immeubles, des jardins et des espaces partagés – tout ceci étant connecté à des services, des modes de transport alternatifs à la voiture individuelle. Nous savons dépasser – nous en avons de nombreux exemples – la contradiction entre l'habitat urbain trop dense et l'habitat rural qui ne permet pas d'avoir accès aux services. Cela nécessite un débat, à l'échelle nationale comme aux échelles locales, pour redonner envie d'aller vers ce type de modèle.

« Habiter Mieux Sérénité » est une aide qui fonctionne bien, nous en faisons environ 40 000 par an – d'où l'idée de travailler sur des guichets uniques de la rénovation qui présentent toutes les aides, y compris celle-là. En général, « Habiter Mieux Sérénité » est abondée par les collectivités, même si ce n'est pas systématiquement le cas. Je les invite à continuer à le faire, parce que c'est très utile.

Je ne suis pas totalement sûre de connaître les chaudières à hydrogène. Je ne sais pas si nous avons manqué une partie du raisonnement mais pour moi, les chaudières individuelles fonctionnent rarement – voire jamais – à l'hydrogène. Cela nécessite probablement que nous poursuivions cette discussion. La sortie des chaudières au fioul, en tout cas, est indispensable. Pour les groupes électrogènes de chantier au fioul, nous n'avons pas encore décidé de réglementer. Il faut que nous regardions ce sujet. Je pense que l'on nous accuse de trop réglementer plutôt que de ne pas assez réglementer.

Généraliser l'autoproduction énergétique dans nos outre-mer, en particulier avec des panneaux solaires, est une très bonne chose. Il faut voir ce que nous pouvons faire avec la région de La Réunion et les autres collectivités pour soutenir ce type d'initiatives. Pour le financement en outre-mer de la rénovation des bâtiments publics, le plan de relance fonctionne.

En général, les logements privés sont soutenus par MaPrimeRénov' et les logements sociaux par une enveloppe de 500 millions d'euros à l'échelle nationale. Nous devons pouvoir vous dire combien de fois le dispositif MaPrimeRénov' a été utilisé dans le Vaucluse. En ce qui concerne les logements sociaux, c'est aux bailleurs sociaux de candidater maintenant. Nous pouvons vous communiquer l'appel à candidatures passé par l'Union sociale de l'habitat et les fédérations de bailleurs, pour que vous puissiez bien le relayer. Nous n'avons pas encore consommé les enveloppes de projets ; c'est donc le moment pour les bailleurs du Vaucluse de proposer des travaux qui pourront être cofinancés.

Nous nous situons à un moment où nous essayons de trouver le point d'équilibre entre l'ambition et la montée en charge progressive de la RE2020. Nous avons fait le choix de l'analyse de cycle de vie dynamique, et je pense que c'est un bon choix. Cela consiste à dire que nous considérons la vie du bâtiment dans sa globalité et que les gaz à effet de serre qui sont émis maintenant ont plus d'impact que ceux qui seront émis dans cinquante ans, car c'est maintenant que se jouent le réchauffement climatique et les trajectoires à 1,5°C si l'on est très optimiste, à 2°C ou plus si l'on est moins optimiste. Il reste des questions de curseur à l'intérieur de cette méthode, mais a priori c'est bien la méthode gouvernementale.

En ce qui concerne les seuils, nous avons bien prévu quatre échéances : 2021 pour l'entrée en vigueur, puis 2024, 2027 et 2030. Les discussions sont ouvertes pour savoir quel est le curseur à mettre à quel moment. Il est très important de donner de la visibilité, car les industriels et les promoteurs sont les premiers à nous dire que « 2024, c'est demain » et qu'ils doivent savoir ce qui se passera en 2021, en 2024, en 2027 et même en 2030. C'est la cohérence de la trajectoire qui est importante. Il est possible que nous décalions certaines échéances d'un seuil à un autre. Nous sommes assez ouverts.

Pour ce qui est de 2030, l'objectif est de permettre à plusieurs familles de solutions de passer positivement la norme de la RE2020, c'est-à-dire que la norme elle-même n'emporte pas un seul type de matériau. Cela favorise bien sûr les matériaux biosourcés puisqu'ils stockent du carbone dans la partie « croissance » de la plante, mais il est nécessaire que des solutions avec du gros œuvre (béton innovant, béton bas carbone, isolants biosourcés) ou du second œuvre biosourcé, passent aussi la rampe. Ce sont les curseurs que nous sommes en train de regarder avec ces différentes filières.

Aucune décision n'a été prise pour la date d'application. Cette réglementation est assez en retard par rapport à son planning théorique. La crise est passée par là, bien sûr, puisqu'elle aurait dû entrer en vigueur mi-2020, puis fin 2020, et que nous sommes maintenant sur mi-2021. Je souhaite être pragmatique, mais je commence à penser qu'il n'y a pas de bonne date d'entrée en vigueur d'une réglementation. Quel que soit le moment où on l'envisage, il y aura des gens pour nous dire que c'est trop tôt. À un moment, il faudra tout de même passer à l'acte. Je ne peux pas vous dire quelle est la date définitive, car cela fait partie des discussions en cours, mais l'idée est d'y aller assez rapidement.

Enfin, nous avions organisé un « hackathon » au début de l'année, au ministère, pour proposer aux start-up que cela intéresse – et à d'autres – de s'emparer des données. Je crois que ce ministère doit avoir une politique d' open data beaucoup plus forte, et un soutien à la Proptech et à la Tech dans le domaine de la construction, de l'urbanisme et autres, afin que les données puissent être utilisées. C'est vrai pour les données de consommation énergétique, car cela permet de cibler les endroits où faire des rénovations ; c'est vrai aussi pour les données techniques des bâtiments, pour mieux accompagner en ingénierie. Nous avons une marge de progression dans la valorisation de la donnée. Nous sommes prêts à ouvrir les données en open data. Il faut maintenant structurer un écosystème qui s'en empare. Je suis à votre disposition sur ce sujet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour vos réponses précises, madame la ministre.