Intervention de Jean-Baptiste Djebbari

Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 9h00
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports :

Bonjour à tous. En préambule, j'adresse mes meilleurs vœux à tous ceux avec qui je n'ai pas encore eu l'occasion d'échanger en direct.

Je tâcherai de concentrer sur mon propos sur le Brexit. La tâche est quelque peu ardue en cette période, dans la mesure où la crise sanitaire a modifié la donne, avec notamment la fermeture des frontières entre le Royaume-Uni et la France, du moins avec des restrictions aux frontières dans le courant du mois de décembre. Évidemment, ces évènements ont parfois troublé la compréhension de la situation ou le débat public.

Quoi qu'il en soit, nous nous sommes préparés à l'accord du Brexit. In fine, tel qu'il se présente aujourd'hui, l'accord signé entre l'Union européenne et le Royaume-Uni est un accord équilibré s'agissant des transports. Il s'agit d'un véritable soulagement, dans la mesure où les secteurs – notamment le secteur routier, mais ce n'est pas le seul – étaient très inquiets de la conjonction des évènements, de la crise, des difficultés et des potentielles conséquences, sur leur activité, d'un Brexit non coordonné ou d'un accord par trop déséquilibré. Cet accord équilibré permet de garantir que la connectivité est assurée. Je pense notamment à la connectivité aérienne, ferroviaire et maritime, sujets sur lesquels je reviendrai certainement suite à vos questions pour vous apporter de plus amples détails. Comme vous avez pu le constater, exception faite des restrictions liées à la crise sanitaire, l'Eurostar fonctionne, les liaisons maritimes également et le trafic de marchandises – malgré un certain nombre de restrictions – fonctionne de manière relativement fluide, nonobstant ce que nous avons pu vivre, à la fin du mois de décembre, des deux côtés de la Manche.

Plusieurs changements sont toutefois prévus, en particulier pour les passagers et les transporteurs. Je me permets de les citer, car leur importance est non négligeable. D'abord, de nombreuses procédures – notamment douanières – ont été numérisées, simplifiées et accompagnées par l'État. Ce travail a d'ailleurs débuté il y a un peu plus d'un an, à l'époque sous l'égide de M. Gérald Darmanin, en très fort lien avec nos collègues de Bercy et les élus locaux. Je pense notamment au travail réalisé par les régions pour la mise en place des centres de contrôle vétérinaire et phytosanitaire. Tout ce travail s'est déroulé en bonne intelligence et en responsabilité pour permettre la mise en place de ces procédures.

Concernant ensuite le transport de passagers, une période de latence est mise en œuvre jusqu'au mois d'octobre 2021, date à laquelle la présentation d'un passeport deviendra obligatoire pour se rendre au Royaume-Uni. Des contrôles à la frontière, qui ont déjà débuté, seront également mis en œuvre. Les visas pour les séjours de plus de six mois vont devenir obligatoires. Les animaux de compagnie – beaucoup s'interrogeaient sur le sujet – doivent être identifiés par une puce électronique. Enfin, les transporteurs devront remplir un certain nombre de formalités douanières dématérialisées, conformément au concept des frontières intelligentes ou « smart borders ». Concrètement, les transporteurs pré-déclarent leur cargaison en ligne sur le site de la douane, tandis que des zones d'information sont installées en amont de la zone de contrôle afin de fluidifier les différents passages.

D'autres sujets font toujours l'objet de négociations. Je pense notamment à des sujets techniques comme la cinquième liberté de l'air ou le brevet des marins. S'agissant du tunnel sous la Manche, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de l'exploitation et pour que chacun reconnaisse les certificats de sécurité des exploitants et des conducteurs. Ces mesures sont prises pour neuf mois. Nous avons aussi un accord qui nécessitera certainement d'être revu – le protocole additionnel au traité – de manière à définir la gestion unifiée du tunnel. Ces sujets nous occuperont encore quelques mois, vraisemblablement jusqu'à la conclusion d'un avenant au protocole du traité de Cantorbery.

Comme vous le souligniez, madame la présidente, cette configuration du Brexit présente à la fois de nouveaux risques et de nouvelles opportunités. Nous sommes très attentifs à pallier les risques à court terme et tâchons d'accompagner les opportunités à moyen terme.

Les risques à court terme concernent notamment les risques d'embolie du transport routier et les risques affectant la chaîne logistique. Nous avions déjà quelque peu approché, sans réellement les vivre, ces risques de déstructuration de la chaîne logistique. Finalement, les crises nous ont aussi aidés à nous préparer au Brexit en tant que tel. Nous demeurons vigilants, mais en l'état, les chaînes logistiques, les formalités douanières et la fluidité du transport – notamment du transport de marchandises – sont correctement assurées. Cela renvoie à nos relations avec le secteur routier et à tout ce que nous sommes en train de mettre en œuvre à ses côtés pour accompagner ces très grandes transitions. Il est évident que la transition écologique et la très forte concurrence qui s'est exercée ces dernières années ont fortement impacté, parfois déstructuré, le secteur du transport routier de marchandises. L'État pose et porte donc un accompagnement assez global pour soutenir ce secteur.

S'agissant de l'Eurostar, nous distinguons d'abord un sujet conjoncturel ayant trait à la baisse significative du trafic en lien avec les restrictions liées à la Covid-19, qui pose la question du modèle économique de l'Eurostar. En lien avec les Britanniques, nous travaillons sur des mécanismes d'aide proportionnés au prorata de l'implication de chacun dans Eurostar, de manière à pérenniser, au plan financier, le modèle économique d'Eurostar, tout en garantissant, autant que faire se peut, le bon fonctionnement opérationnel du dispositif. Le trafic demeure aujourd'hui relativement faible, mais le dispositif fonctionne correctement.

Au niveau des ports, l'actualité est particulièrement riche. Avec le Premier ministre, nous nous rendrons demain au Havre pour le Comité interministériel de la mer (CIMer), qui sera l'occasion d'engager des avancées considérables sur le dossier HAROPA, que vous connaissez tous. Je le cite parce que le sujet portuaire est lié au Brexit, mais aussi et surtout à la politique que nous menons pour les ports et pour l'axe maritime, fluvial et portuaire, comme nous en avons déjà longuement discuté. Bien sûr, ce sujet d'attractivité portuaire est aussi fortement lié à notre capacité à davantage interfacer le portuaire au mode ferroviaire, et notamment au fret ferroviaire. Ces sujets sont éminemment d'actualité, sans être tout à fait liés au Brexit.

Nous avons également initié des réflexions de moyen terme sous l'angle des opportunités, qui sont davantage liées au Brexit. Certains d'entre vous m'ont déjà interrogé sur les sujets de duty free ou de ports francs, et j'y reviendrai sans doute plus en détail au gré des questions. D'abord, nous examinons ce qu'il est possible d'entreprendre à droit constant, notamment pour le cas du tunnel à Calais. Évidemment, nous examinons la position d'équilibre entre une politique d'attractivité et les risques d'évasion ou d'assèchement des ressources fiscales en France et en Europe. Il s'agit naturellement d'un sujet d'importance. Je pense ici à ceux plaidant en faveur de zones franches sur un certain nombre de pôles intermodaux partout en France, et non plus seulement à ses frontières physiques. De surcroît, nous sommes évidemment très attentifs aux annonces d'outre-Manche sur les ports francs. Nous aurons ainsi à cœur de réfléchir aux zones économiques portuaires spéciales, qui feront demain l'objet d'un certain nombre de discussions au Havre avec les acteurs concernés par la vallée de la Seine.

En synthèse, face au Brexit et à cette nouvelle situation, le Gouvernement assoit sa politique sur trois piliers : maintien de la connectivité ; accompagnement des secteurs à court terme ; accompagnement des opportunités à moyen terme.

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