Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 9h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a procédé à l'audition de M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports, sur les conséquences du Brexit pour le secteur des transports.

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Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir M. Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports, afin de l'auditionner sur les conséquences du Brexit pour le secteur des transports.

Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Pour rappel, celle-ci fait suite à la décision de la Conférence des présidents d'organiser, au sein de chaque commission permanente de l'Assemblée nationale, une série d'auditions sur les conséquences de la sortie – désormais actée – du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Les transports figurent évidemment au premier rang des secteurs susceptibles d'être impactés. Le Brexit se traduit très concrètement par de nouvelles formalités, pour les citoyens et les entreprises, potentiellement sources de ralentissements, de surcoûts, et de blocages dans les hypothèses les plus pessimistes.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous préciser les conséquences de la mise en œuvre de ces nouvelles procédures – notamment douanières – impliquées par le Brexit pour les divers modes de transport, qu'ils soient routier, aérien, ferroviaire ou maritime, qu'ils concernent les personnes ou les marchandises ? Un ralentissement est-il d'ores et déjà observé ? Des difficultés ont-elles été constatées ?

Pourriez-vous également nous présenter les mesures adoptées par l'État français pour lever ces éventuelles difficultés, fluidifier autant que possible les flux et éviter que le Brexit ne se traduise par un immense casse-tête pratique et administratif ? Les professionnels des transports vous ont-ils, à ce stade, alerté sur certains points ? Leurs activités risquent-elles de pâtir de la nouvelle situation ? Quelles sont les prévisions à plus long terme concernant les transports entre le Royaume-Uni et la France ?

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Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports

Bonjour à tous. En préambule, j'adresse mes meilleurs vœux à tous ceux avec qui je n'ai pas encore eu l'occasion d'échanger en direct.

Je tâcherai de concentrer sur mon propos sur le Brexit. La tâche est quelque peu ardue en cette période, dans la mesure où la crise sanitaire a modifié la donne, avec notamment la fermeture des frontières entre le Royaume-Uni et la France, du moins avec des restrictions aux frontières dans le courant du mois de décembre. Évidemment, ces évènements ont parfois troublé la compréhension de la situation ou le débat public.

Quoi qu'il en soit, nous nous sommes préparés à l'accord du Brexit. In fine, tel qu'il se présente aujourd'hui, l'accord signé entre l'Union européenne et le Royaume-Uni est un accord équilibré s'agissant des transports. Il s'agit d'un véritable soulagement, dans la mesure où les secteurs – notamment le secteur routier, mais ce n'est pas le seul – étaient très inquiets de la conjonction des évènements, de la crise, des difficultés et des potentielles conséquences, sur leur activité, d'un Brexit non coordonné ou d'un accord par trop déséquilibré. Cet accord équilibré permet de garantir que la connectivité est assurée. Je pense notamment à la connectivité aérienne, ferroviaire et maritime, sujets sur lesquels je reviendrai certainement suite à vos questions pour vous apporter de plus amples détails. Comme vous avez pu le constater, exception faite des restrictions liées à la crise sanitaire, l'Eurostar fonctionne, les liaisons maritimes également et le trafic de marchandises – malgré un certain nombre de restrictions – fonctionne de manière relativement fluide, nonobstant ce que nous avons pu vivre, à la fin du mois de décembre, des deux côtés de la Manche.

Plusieurs changements sont toutefois prévus, en particulier pour les passagers et les transporteurs. Je me permets de les citer, car leur importance est non négligeable. D'abord, de nombreuses procédures – notamment douanières – ont été numérisées, simplifiées et accompagnées par l'État. Ce travail a d'ailleurs débuté il y a un peu plus d'un an, à l'époque sous l'égide de M. Gérald Darmanin, en très fort lien avec nos collègues de Bercy et les élus locaux. Je pense notamment au travail réalisé par les régions pour la mise en place des centres de contrôle vétérinaire et phytosanitaire. Tout ce travail s'est déroulé en bonne intelligence et en responsabilité pour permettre la mise en place de ces procédures.

Concernant ensuite le transport de passagers, une période de latence est mise en œuvre jusqu'au mois d'octobre 2021, date à laquelle la présentation d'un passeport deviendra obligatoire pour se rendre au Royaume-Uni. Des contrôles à la frontière, qui ont déjà débuté, seront également mis en œuvre. Les visas pour les séjours de plus de six mois vont devenir obligatoires. Les animaux de compagnie – beaucoup s'interrogeaient sur le sujet – doivent être identifiés par une puce électronique. Enfin, les transporteurs devront remplir un certain nombre de formalités douanières dématérialisées, conformément au concept des frontières intelligentes ou « smart borders ». Concrètement, les transporteurs pré-déclarent leur cargaison en ligne sur le site de la douane, tandis que des zones d'information sont installées en amont de la zone de contrôle afin de fluidifier les différents passages.

D'autres sujets font toujours l'objet de négociations. Je pense notamment à des sujets techniques comme la cinquième liberté de l'air ou le brevet des marins. S'agissant du tunnel sous la Manche, nous avons pris toutes les dispositions nécessaires pour assurer la continuité de l'exploitation et pour que chacun reconnaisse les certificats de sécurité des exploitants et des conducteurs. Ces mesures sont prises pour neuf mois. Nous avons aussi un accord qui nécessitera certainement d'être revu – le protocole additionnel au traité – de manière à définir la gestion unifiée du tunnel. Ces sujets nous occuperont encore quelques mois, vraisemblablement jusqu'à la conclusion d'un avenant au protocole du traité de Cantorbery.

Comme vous le souligniez, madame la présidente, cette configuration du Brexit présente à la fois de nouveaux risques et de nouvelles opportunités. Nous sommes très attentifs à pallier les risques à court terme et tâchons d'accompagner les opportunités à moyen terme.

Les risques à court terme concernent notamment les risques d'embolie du transport routier et les risques affectant la chaîne logistique. Nous avions déjà quelque peu approché, sans réellement les vivre, ces risques de déstructuration de la chaîne logistique. Finalement, les crises nous ont aussi aidés à nous préparer au Brexit en tant que tel. Nous demeurons vigilants, mais en l'état, les chaînes logistiques, les formalités douanières et la fluidité du transport – notamment du transport de marchandises – sont correctement assurées. Cela renvoie à nos relations avec le secteur routier et à tout ce que nous sommes en train de mettre en œuvre à ses côtés pour accompagner ces très grandes transitions. Il est évident que la transition écologique et la très forte concurrence qui s'est exercée ces dernières années ont fortement impacté, parfois déstructuré, le secteur du transport routier de marchandises. L'État pose et porte donc un accompagnement assez global pour soutenir ce secteur.

S'agissant de l'Eurostar, nous distinguons d'abord un sujet conjoncturel ayant trait à la baisse significative du trafic en lien avec les restrictions liées à la Covid-19, qui pose la question du modèle économique de l'Eurostar. En lien avec les Britanniques, nous travaillons sur des mécanismes d'aide proportionnés au prorata de l'implication de chacun dans Eurostar, de manière à pérenniser, au plan financier, le modèle économique d'Eurostar, tout en garantissant, autant que faire se peut, le bon fonctionnement opérationnel du dispositif. Le trafic demeure aujourd'hui relativement faible, mais le dispositif fonctionne correctement.

Au niveau des ports, l'actualité est particulièrement riche. Avec le Premier ministre, nous nous rendrons demain au Havre pour le Comité interministériel de la mer (CIMer), qui sera l'occasion d'engager des avancées considérables sur le dossier HAROPA, que vous connaissez tous. Je le cite parce que le sujet portuaire est lié au Brexit, mais aussi et surtout à la politique que nous menons pour les ports et pour l'axe maritime, fluvial et portuaire, comme nous en avons déjà longuement discuté. Bien sûr, ce sujet d'attractivité portuaire est aussi fortement lié à notre capacité à davantage interfacer le portuaire au mode ferroviaire, et notamment au fret ferroviaire. Ces sujets sont éminemment d'actualité, sans être tout à fait liés au Brexit.

Nous avons également initié des réflexions de moyen terme sous l'angle des opportunités, qui sont davantage liées au Brexit. Certains d'entre vous m'ont déjà interrogé sur les sujets de duty free ou de ports francs, et j'y reviendrai sans doute plus en détail au gré des questions. D'abord, nous examinons ce qu'il est possible d'entreprendre à droit constant, notamment pour le cas du tunnel à Calais. Évidemment, nous examinons la position d'équilibre entre une politique d'attractivité et les risques d'évasion ou d'assèchement des ressources fiscales en France et en Europe. Il s'agit naturellement d'un sujet d'importance. Je pense ici à ceux plaidant en faveur de zones franches sur un certain nombre de pôles intermodaux partout en France, et non plus seulement à ses frontières physiques. De surcroît, nous sommes évidemment très attentifs aux annonces d'outre-Manche sur les ports francs. Nous aurons ainsi à cœur de réfléchir aux zones économiques portuaires spéciales, qui feront demain l'objet d'un certain nombre de discussions au Havre avec les acteurs concernés par la vallée de la Seine.

En synthèse, face au Brexit et à cette nouvelle situation, le Gouvernement assoit sa politique sur trois piliers : maintien de la connectivité ; accompagnement des secteurs à court terme ; accompagnement des opportunités à moyen terme.

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En préambule, je tiens à vous remercier, Monsieur le ministre, pour votre efficacité et votre réactivité concernant la résolution rapide de la situation de crise dans les transports liée au Brexit que nous avons connue en fin d'année 2020. En effet, nous nous souvenons encore trop bien des milliers de routiers bloqués aux portes de l'Europe à la veille des fêtes de fin d'année.

Depuis le 1er janvier 2021, le Brexit a définitivement été acté et négocié, non sans douleur. Néanmoins, l'histoire si particulière entre le Royaume-Uni et l'Europe n'est pas tout à fait close. Je parlerai ici de la situation inédite que connaît la compagnie Eurostar, que vous avez déjà évoquée. Disons-le sans équivoque : la situation est grave. Depuis mars 2020, Eurostar a vu son trafic chuter de 85 %, n'assure plus qu'un aller-retour par jour entre Londres et Paris et ses rares trajets sont vides à près de 80 %. La compagnie transmanche a d'ailleurs alerté, le 18 janvier, sur un risque de cessation de paiement à la fin du premier semestre 2021. Selon son directeur général, M. Jacques Damas, l'entreprise a perdu 82 % de son chiffre d'affaires en 2020.

Il est donc urgent d'agir pour éviter la disparition de cette liaison rapide, et ce à de nombreux égards. D'abord, d'un point de vue économique et social, la perte d'Eurostar emporterait des conséquences dramatiques sur l'emploi et les entreprises sous-traitantes locales. Au plan écologique, un report modal de ce mode de transport décarboné vers l'avion serait inévitable, entraînant alors une hausse des émissions de gaz à effet de serre, alors même que nous ambitionnons, via le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, de réduire celles-ci.

Le Gouvernement s'est engagé, par la voix du ministre de l'économie, des finances et de la relance, M. Bruno Lemaire, à soutenir la compagnie ferroviaire. De son côté, le Royaume-Uni semble envisager d'accorder des prêts à la compagnie. Ainsi, au regard de l'importance stratégique de cette liaison européenne, pouvez-vous nous en dire davantage quant au soutien de la France en faveur du maintien de l'Eurostar ?

Une autre interrogation concerne le duty free au terminal de la liaison fixe transmanche, sujet que vous avez d'ailleurs évoqué. À cet égard, j'ai présenté un rapport en commission des affaires européennes, avec M. Pierre-Henri Dumont, dans lequel nous alertions le Gouvernement sur de possibles distorsions de concurrence entre la France et le Royaume-Uni, mais aussi entre les différents modes de transport sur notre territoire. En effet, les liaisons en ferry disposent d'ores et déjà de cette possibilité, de cet avantage concurrentiel finalement, tandis que les boutiques duty free fleurissent déjà au terminal anglais du tunnel. Dans ces conditions, il paraît nécessaire de travailler à une nouvelle interprétation du droit européen afin d'harmoniser le régime fiscal applicable notamment aux zones sous douane des liaisons ferroviaires internationales directes. Je souhaiterais donc connaître votre position sur le sujet. Vous paraît-il pertinent de permettre à la liaison fixe transmanche d'ouvrir des comptoirs de vente hors taxe dans les mêmes conditions que ses concurrents portuaires ?

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Monsieur le ministre, merci d'être avec nous ce matin. La société High Speed, concessionnaire de la liaison à grande vitesse entre la gare de Londres Saint Pancras et le tunnel sous la Manche, est aujourd'hui très inquiète. La ligne, qui permet d'assurer les liaisons internationales à grande vitesse entre Londres, Paris, Bruxelles et au-delà, constitue un maillon stratégique dans la continuité territoriale entre le Royaume-Uni et le continent européen. Par conséquent, elle représente un enjeu clé pour les échanges économiques à l'échelle de notre continent.

Déjà touchée par le Brexit et par les réductions de trafic liées à l'épidémie de Covid‑19, la liaison ferroviaire transmanche subit de plein fouet les nouvelles restrictions de voyage drastiques liées à l'émergence d'un variant au Royaume-Uni. Depuis mars 2020, Eurostar a vu son trafic chuter de 85 % et n'assure plus qu'un aller-retour par jour entre Londres et Paris. La liaison constitue ainsi un sujet majeur de préoccupation pour les opérateurs, pour les usagers d'Eurostar et pour le gestionnaire de l'infrastructure. Le président-directeur général de SNCF Voyageurs s'est d'ailleurs publiquement inquiété, le week-end dernier, de l'avenir d'Eurostar, qu'il qualifie de « société sous perfusion ».

Le Gouvernement a très clairement placé sa relance sous le prisme d'une relance « verte ». Néanmoins, si des aides ont été massivement apportées à Air France, nous nous inquiétons d'une possible inéquité entre l'aviation et le ferroviaire. Pouvez-vous nous expliquer cette situation ?

Pouvez-vous également nous donner des garanties quant à la fluidité des contrôles aux frontières dans le contexte post- Brexit, afin de permettre la poursuite des mouvements ? Le Gouvernement est-il mobilisé sur les risques et les coûts de la double réglementation dans le contexte post- Brexit que connaîtront les entreprises ferroviaires comme Eurostar ?

Enfin, alors que le Royaume-Uni ne participe plus au système européen de coopération pour intégrer et élargir l'exploitation de la liaison transmanche, le Gouvernement est-il mobilisé pour poursuivre le développement de cette liaison au bénéfice des villes françaises qui pourront directement en profiter ? À titre d'exemple, en 2019, plus de 700 000 voyageurs ont effectué un trajet par avion entre Lyon et Londres.

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Monsieur le ministre, je souhaiterais évoquer avec vous la situation du transport maritime transmanche. Comme vous le savez, il est principalement assuré par la société Brittany Ferries. En 2020, ses navires ont accueilli à leur bord quatre fois moins de passagers qu'en 2019. Comme nos collègues montagnards, que nous évoquions avant votre arrivée, la compagnie subit la double peine du Brexit et du virus. Cette situation désastreuse est bien évidemment provoquée par les différentes mesures adoptées tant par la France que le Royaume-Uni pour lutter contre l'épidémie.

L'État a consacré 16 000 euros par Breton et Bretonne dans le cadre du plan de relance, entre les aides aux entreprises et les autres dispositifs. Ce chiffre m'a véritablement impressionné. L'État et les régions Bretagne et Normandie se sont mobilisés pour soutenir financièrement Brittany Ferries et lui proposer un accompagnement spécifique. Malheureusement, l'apparition du variant anglais et le reconfinement outre-Manche ne sont pas de nature à rassurer quant à l'avenir immédiat du transport maritime transmanche.

Je crois que le contexte nous impose une vigilance renouvelée pour éviter que ce désastre ne lui soit fatal. Les acteurs maritimes plaident en faveur d'un plan de soutien spécifique à leur activité pour compenser les pertes des compagnies assurant ces liaisons maritimes, mais également en faveur de mesures d'urgence, sans attendre les conclusions du « Fontenoy du maritime » lancé par la ministre de la Mer, peut-être demain au CIMer du Havre.

Plus généralement, le maritime est-il autant soutenu que l'aérien ou le ferroviaire ? J'ai en tête le projet de loi issu de la Convention citoyenne pour le climat, qui aborde le ferroviaire, le transport routier, l'aérien, mais qui demeure muet sur le transport maritime. Ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui, mais je tenais à partager mes interrogations.

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Monsieur le ministre, je vous adresse également mes meilleurs vœux. Bien qu'en route vers l'aéroport, je tenais absolument à pouvoir vous interpeller sur deux sujets urgents.

S'agissant du Brexit, j'attire votre attention sur le fait que la sortie du Royaume-Uni s'accompagne de la sortie de douze pays et territoires d'outre-mer (PTOM). Ces territoires, qui bénéficient aujourd'hui d'un soutien européen, seront demain lésés par cette sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ils bénéficient aussi de soutiens via le Fonds européen de développement et d'un régime douanier sans restrictions quantitatives et sans exigences de réciprocité. La sortie de ces territoires risque donc de freiner les échanges avec les îles voisines européennes, que l'on soit dans le bassin caribéen ou le bassin pacifique. Désormais, la France, avec les trois territoires d'outre-mer de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie et de Wallis-et-Futuna, sera la dernière représentante de l'Europe au sein de ces territoires. Il est indispensable que nous puissions poursuivre ces efforts de soutien à ces territoires, souvent très isolés, qui ont régulièrement besoin d'aide logistique et technique. Pourriez-vous donc m'indiquer si des négociations sont en cours pour éviter ces risques d'enclavement pour leurs habitants ?

Par ailleurs, je souhaitais également vous interpeller sur la situation d'Eurostar, mais il me semble que mes collègues m'ont devancée. Je partage leurs inquiétudes. Comment pouvons-nous envisager l'aide à apporter à l'entreprise dans ce contexte de Brexit ?

Enfin, j'évoquerai un sujet quelque peu éloigné de la question du Brexit, mais qui demeure particulièrement prégnant et inquiétant pour la Polynésie. La compagnie aérienne Corsair vient de bénéficier de soutiens également massifs de l'État. Nous réitérons notre demande particulière pour que vous assuriez un suivi attentif de nos compagnies aériennes régionales, qui sont tout autant qu'Air France d'intérêt stratégique pour nos territoires. Vous nous aviez promis, il y a plusieurs mois, un tour de table sur ce sujet. Qu'en est-il ? J'ai récemment échangé avec la direction d'Air Tahiti Nui, qui m'informait que les négociations n'étaient toujours pas ouvertes. Je vous remercie donc pour votre bienveillance à ce sujet.

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Je dispose certainement des mêmes sources que certains de mes collègues, mais je pense que la répétition favorise la compréhension, comme je l'ai déjà souligné.

Mon intervention porte sur la liaison à grande vitesse avec Londres Saint Pancras via le tunnel sous la Manche. Cette ligne permet d'assurer les liaisons interrégionales à grande vitesse entre Londres, Paris, Bruxelles et au-delà. À ce titre, elle constitue un maillon stratégique dans la continuité territoriale entre le Royaume-Uni et le continent européen. En tant qu'élu des Hauts-de-France, cette liaison nous importe beaucoup.

Déjà touchée par le Brexit et par les réductions de trafic liées à l'épidémie de Covid‑19, cette liaison ferroviaire subit de plein fouet les nouvelles restrictions de voyage drastiques liées à l'émergence du variant au Royaume-Uni. Depuis mars 2020, Eurostar a vu son trafic chuter de 85 % et n'assure plus qu'un aller-retour par jour. M. Christophe Fanichet, président-directeur général de SNCF Voyageurs, s'est publiquement inquiété, le week-end dernier, de l'avenir d'Eurostar, société sous perfusion.

Cette situation est problématique à de nombreux égards, tant du point de vue de l'équilibre économique de la liaison que des impacts qui pourraient être durablement générés en termes d'évolution des usages, avec un risque majeur de changement des habitudes des voyageurs. Sur le plan écologique, un report modal de ce mode décarboné vers l'avion n'est pas à exclure. Au plan économique, l'attractivité de la France s'en trouve fragilisée, qu'il s'agisse des voyageurs de tourisme, des résidents français outre-Manche – quelque 300 000 Français vivent et travaillent à Londres – ou des échanges économiques. De fait, dans le cadre du plan de relance, mais également dans le contexte particulier de la négociation du Brexit, nous nous interrogeons sur les perspectives pour cette liaison majeure.

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Mme Maina Sage ayant déjà présenté les conséquences du Brexit pour nos territoires d'outre-mer, je souhaiterais particulièrement insister sur la question de notre desserte aérienne.

Cela fait exactement un mois qu'a été annoncé le plan de reprise de la compagnie aérienne Corsair International, qui fait actuellement l'objet d'une procédure de redressement judiciaire. Un consortium regroupant une quinzaine d'investisseurs privés et publics d'outre-mer – dont les collectivités de Guadeloupe, de Martinique et peut-être de la Guyane – s'est ainsi engagé à redresser la compagnie, accompagné par des aides de l'État pour un montant global de 300 millions d'euros, pour en faire un outil au service du désenclavement territorial et surtout économique de nos territoires.

Cette nouvelle a été très favorablement accueillie, autant par les passagers, qui souffrent, pour ce qui est de la Guyane, du duopole Air France/Air Caraïbes, que par les importateurs, qui font face à l'explosion des tarifs du fret, au départ et à destination de la France hexagonale. Cette situation est d'autant plus préoccupante que la compagnie Air Caraïbes a parallèlement entamé, en octobre, un rapprochement avec la compagnie CMA‑CGM, qui jouit pour sa part d'un monopole sur le fret maritime, aussi bien sur les Antilles que sur la Guyane, même s'il est vrai que cette relation semble déjà avoir du plomb dans l'aile.

Cependant, des inquiétudes s'élèvent déjà quant à la possibilité, pour Corsair, de desservir la Guyane au départ de Paris. En effet, si la compagnie a annoncé son intention de revenir sur cette desserte, comme sur celle de Mayotte, il semblerait que son parcours soit semé d'embûches. Aussi, j'aurais souhaité connaître votre avis sur ce dossier, non seulement en tant qu'actionnaire de la nouvelle société Corsair, mais surtout en tant qu'autorité gestionnaire des droits de trafic entre Paris et Cayenne.

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Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports

Merci à tous pour ces questions. Je m'efforcerai de regrouper les réponses, sachant qu'un certain nombre de questions portent sur l'Eurostar et la liaison transmanche.

Sur ce thème, je rappellerai d'abord que le financement du ferroviaire a bien été priorisé dans le cadre de l'action du Gouvernement depuis 2017, dans les dimensions que vous connaissez, pour en avoir débattu et voté à l'Assemblée nationale. Je rappelle également que nous avons très fortement soutenu le secteur ferroviaire dans le temps récent. En effet, sur les 11 milliards d'euros consacrés au plan de relance dédié aux transports, plus de 5 milliards d'euros sont alloués au ferroviaire, tandis que 4,1 milliards d'euros ont été alloués à la recapitalisation de la SNCF, notamment pour maintenir la trajectoire que vous avez votée dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM) afin de permettre des investissements de SNCF Réseau sur l'ensemble du réseau en France. L'État a donc été présent et sera évidemment présent aux côtés d'Eurostar, dans les modalités que j'ai pu décrire précédemment, à proportion de son implication, en lien avec les autorités britanniques. Nous échangeons d'ailleurs depuis plusieurs semaines sur ce sujet avec mon homologue britannique, M. Grant Shapps. Vous avez rappelé, à juste titre, le maillon stratégique qui nous relie, par le biais de l'Eurostar, à nos voisins britanniques. C'est évidemment sous cet angle stratégique que nous abordons ce sujet éminemment politique. Lorsque le temps sera venu, nous poserons le principe et les modalités de soutien, qui passeront très certainement par la SNCF. Je le répète donc de manière aussi explicite que possible : l'État sera présent aux côtés d'Eurostar de manière à maintenir cette liaison stratégique entre nos deux pays.

Concernant la liaison transmanche, et pour répondre à l'interpellation de M. Damien Pichereau, nous avons eu à mettre en œuvre l'ensemble des modalités d'accompagnement du transport routier, qu'il passe par la voie maritime ou par le tunnel. Ces derniers temps, nous avons su nous mobiliser fortement pour conserver une fluidité satisfaisante.

Pour ce qui est du duty free, la société Getlink – ex-Eurotunnel – a saisi le gouvernement français en vue d'ouvrir, à partir du 1er janvier 2021, un comptoir de vente hors taxe au terminal français du tunnel sous la Manche. Cela nécessite une lecture en interprétation – certains y ont fait référence – des directives européennes. Le ministère des transports soutient cette initiative et est plutôt convaincu que la lecture en interprétation nous permettra d'aboutir sur le sujet.

Les liaisons entre le Royaume-Uni et les Alpes – je le dis quelque peu caricaturalement – évoquées par M. Jean-Marie Sermier renvoient non seulement au sujet du Brexit, mais surtout au sujet des différentes restrictions de circulation entre les pays, en lien avec la crise de la Covid-19, et donc au sujet de la déstructuration du modèle économique. Cette situation n'a évidemment pas vocation à être pérenne, mais la desserte des Alpes, tant pour les Français que pour les Britanniques, est aujourd'hui très largement entravée par les mesures sanitaires, qui sont adoptées à juste raison.

Dans le domaine maritime, je distinguerai une problématique générale et un sujet spécifique à Brittany Ferries, qui a été développé par M. Jimmy Pahun. Tous les acteurs se sont fortement mobilisés auprès de Brittany Ferries, comme l'illustrent les chiffres suivants : un prêt garanti par l'État (PGE) de 117 millions d'euros ; une avance de 15 millions d'euros de la part des régions Bretagne et Normandie, sur l'enveloppe globale de 65 millions d'euros qui doit être engagée ; 8 millions d'euros accordés par l'État pour couvrir les cotisations sociales de l'année 2021. À ces chiffres s'ajoute un accompagnement plus structurel pour renforcer le modèle économique de Brittany Ferries, notamment autour de l'accompagnement du projet d'autoroute ferroviaire entre Cherbourg et Mouguerre/Bayonne porté par l'entreprise, qui renforcera à la fois l'intermodalité et la capacité de résilience économique de cette société.

Je n'oublie pas le soutien au secteur maritime au sens large. Au-delà des crédits de la LOM, que vous connaissez bien, le plan de relance est assez évocateur à cet endroit, puisque nous mobilisons, pour le maritime, le fluvial et le portuaire, 400 millions d'euros sur deux ans. Cet appui vise à accélérer les travaux de rénovation, notamment des canaux et des voies navigables du mode fluvial, à hauteur de 175 millions d'euros, mais aussi à financer, par exemple, des investissements stratégiques dans les ports, à hauteur de 200 millions d'euros. Comme vous le savez, ces investissements sont liés à la transition écologique, au report modal, à la sécurité et au renouvellement des flottes, soit autant d'investissements porteurs de création de valeur, tant sur le plan local que sur le plan national.

En réponse aux questions de Mme Maina Sage et M. Gabriel Serville, je réitérerai ce que j'ai précédemment indiqué, quitte à l'expliciter davantage. Je tiendrai également l'engagement que j'avais pris devant vous, madame la députée, de réunir les acteurs ultramarins. De la même manière que nous portons attention aux préoccupations et que nous agissons en faveur des acteurs de la métropole, nous avons évidemment agi – au regard des situations, qui sont toutes des cas d'espèce – pour l'ensemble des acteurs ultramarins des transports. Vous évoquez le cas des compagnies aériennes, et notamment de Corsair. En lien avec les services de Bercy, et notamment avec le Comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI), nous nous sommes mis en capacité d'apporter les aides de manière à préserver une saine concurrence. Vous citiez justement la concurrence ultramarine, notamment à l'égard des Antilles. Je le redis donc devant vous : vous pouvez compter sur notre engagement pour préserver une juste concurrence. D'ailleurs, je ne doute pas que vous saurez faire une lecture experte des actualités en cours. En tout état de cause, l'État continuera d'accompagner les acteurs ultramarins, dans les ports, pour la juste continuité des activités aériennes, au gré de l'évolution de cette crise. Je crois que nous serons en capacité d'en sortir en ayant maintenu la structure et la connectivité et en ayant préservé une juste concurrence pour nos territoires d'outre-mer.

Il me semble, madame la présidente, avoir couvert l'ensemble des interpellations des orateurs, puisque j'ai relié la question de M. Guy Bricout au propos liminaire de M. Damien Pichereau.

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Merci pour vos réponses. Après l'intervention des orateurs de groupes, nous passons aux questions des députés.

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Ma première question portait sur le sujet du ferroviaire, mais le ministre s'est déjà très clairement exprimé sur le sujet.

Sur un autre thème, pourriez-vous nous apporter des informations complémentaires concernant le fonctionnement des ports à l'aune du Brexit ?

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Comme vous l'avez indiqué, la sortie officielle du Royaume-Uni de l'Union européenne est effective depuis le 1er janvier 2021. Dans le contexte actuel de crise sanitaire, les difficultés liées au transport de voyageurs n'apparaissent pas encore au grand jour. Or nos voisins britanniques étaient nombreux à venir profiter du château et de la forêt de Fontainebleau, du château de Nemours, des abords du Loing et de tous les sites touristiques du sud de la Seine-et-Marne – et français bien sûr. En ce sens, votre ministère a-t-il réalisé des projections sur la baisse de fréquentation dans le tourisme ?

Si c'est le cas, êtes-vous également en lien avec le secrétaire d'État chargé du tourisme, M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour soutenir nos hôtels et restaurants déjà bien impactés par la crise ?

Enfin, concernant le transport de marchandises, pouvez-vous préciser concrètement comment votre ministère accompagnera nos transporteurs vis-à-vis de ce casse-tête administratif qui se profile ?

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Je reviendrai sur ce qui fonctionne un peu mieux dans le transport routier de voyageurs et de passagers. Je me suis laissé dire que cette question du Brexit avait été anticipée de longue date, et que les transporteurs routiers – qu'ils exportent ou qu'ils importent – avaient travaillé d'arrache-pied avec les différents gouvernements – qu'ils soient britannique ou français – pour simplifier au maximum l'impact du Brexit sur les transports. Pourriez-vous donc nous en dire plus sur les mesures de simplification, à la fois pour les voyageurs et pour les marchandises ?

Ma seconde question tient, de manière plus globale, à la pandémie de Covid-19. Nous avons vu que la Grande-Bretagne avait fermé ses frontières. De plus, les frontières sont fermées pour tous les ressortissants de pays situés hors de l'Union européenne. Qu'en est-il des frontières pour les ressortissants des États membres ? Se dirige-t-on également vers une fermeture, sachant que l'Allemagne le demande ?

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Monsieur le ministre, je vous souhaite d'abord le meilleur pour l'année 2021 et beaucoup de courage pour les prochaines semaines.

Je tiens à vous sensibiliser sur un sujet particulier. L'administration est particulièrement tatillonne, et les services de l'État ont parfois tendance à se montrer contraignants, à sanctionner et à rejeter des dossiers, sans accompagner ou inciter. À titre d'exemple, deux communes envisageaient d'instaurer une voie de mobilité « douce » entre leurs deux territoires, très largement encouragées par les mesures de votre ministère. In fine, le dossier a été abandonné du fait de sa complexité, de la difficulté à entrer dans les cases et d'une gestion très tatillonne et relativement peu souple de la part des services. Pouvons-nous donc améliorer cette relation entre les élus, les citoyens et la fonction publique ?

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Comme nous l'avons souligné, le Brexit emporte un profond bouleversement pour les acteurs du secteur des transports, tout particulièrement pour les 4,5 millions de camions qui transitent chaque année par la Manche. Néanmoins, grâce à un accord signé in extremis entre Londres et Bruxelles, nous avons évité le pire. Pourriez-vous préciser l'état d'avancement du projet de frontières intelligentes, que la France prépare depuis trois ans ? Où en est-on de ce processus entièrement digitalisé, qui a mobilisé l'embauche de 270 douaniers ? Est-il fonctionnel ? Les chauffeurs sont-ils familiers avec ce dispositif ?

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Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports

M. Jean-Marc Zulesi m'a interrogé sur notre stratégie pour les ports. Je dois dire que les acteurs des places portuaires se sont particulièrement mobilisés durant les différentes crises, que ce soit par rapport à la crise sociale ou par rapport à la crise sanitaire et à ses conséquences économiques et sociales auxquelles nous sommes confrontés depuis plusieurs mois. Pour les ports, l'enjeu principal consiste à la fois à préserver l'activité et à se trouver en capacité de reconquérir des places de marché. C'est l'objectif que soutient l'État aux côtés des élus, des collectivités locales et des acteurs de place concernés. Cela nécessitera d'engager des investissements « en dur » – je parlais précédemment des investissements stratégiques – pour renforcer l'outil portuaire, mais aussi de penser à un accompagnement plus global. Vous connaissez parfaitement ces sujets, qui sont notamment au cœur du projet HAROPA. En effet, l'objectif d'HAROPA consiste d'abord à devenir un très grand port européen et mondial, mais également à se montrer exemplaire en termes de transition écologique, d'incorporer beaucoup plus de projets autour de l'hydrogène, de recréer de la valeur locale, sans naïveté vis-à-vis des politiques d'attractivité que ne manqueront pas de développer nos amis britanniques. C'est cette équation à trois ou quatre dimensions que nous nous efforçons de résoudre au travers des investissements structurels que vous avez votés au titre de la LOM, au travers du soutien conjoncturel sur lequel nous nous sommes collectivement engagés dans le cadre du plan de relance, mais également au travers de la stratégie nationale portuaire qui, demain, visera à « doper » positivement l'économie des places portuaires, en lien avec la revitalisation ou la vitalisation des territoires.

Pour répondre à Mme Sylvie Bouchet Bellecourt, je vous confirme que nous sommes en relation très étroite avec M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous l'avons notamment été lors du rapatriement des Français qui, au début de la crise de la Covid-19, se trouvaient éparpillés aux quatre coins du globe. Aujourd'hui, nous continuons à travailler de manière très étroite, dans la mesure où les baisses d'activité et les difficultés des différents secteurs sont naturellement corrélées les unes aux autres. Il est évident que le transport de marchandises et de passagers est le support de nombreuses activités économiques. Nous nous efforçons donc, de tout temps, de mettre en place le bon niveau de trafic et le bon niveau d'accompagnement des différents secteurs, de manière à amortir aujourd'hui les effets de la crise et à nous mettre en capacité de rebondir fortement demain.

S'agissant du transport de marchandises, je reviendrai dans quelques instants sur la question du transport de marchandises par le mode routier. Dans le domaine du fret au sens large, qu'il soit ferroviaire, routier ou maritime, nous pouvons constater que les secteurs ont plutôt bien résisté, grâce à l'engagement des personnels de première ligne, comme nous avons désormais l'habitude de les désigner dans le langage courant. Ils ont tenu durant l'ensemble des crises – parfois hétérogènes – que nous avons traversées. Je profite donc de cette audition pour leur adresser à nouveau toute ma considération et leur assurer que l'État se tient évidemment à leurs côtés pour la suite.

M. Bruno Millienne m'interrogeait ensuite sur l'équilibre de l'accord et la fluidité des procédures que nous avons mises en œuvre. Comme je le soulignais dans mon propos liminaire, cet accord est équilibré, dans le sens où il permet de préserver nos acquis européens, y compris sur le volet social. Pour l'expliciter avec un exemple concret, nous avons permis des opérations bilatérales de transport routier et de transit sans limites, qui sont prises en compte dans le paquet dédié aux mobilités. Sur les sujets sensibles comme les opérations de cabotage, nous permettons deux opérations, avec l'engagement réciproque d'une capacité à encadrer deux opérations de cabotage sur le territoire britannique dans les sept jours, suivant une opération bilatérale. De la même manière, le transport routier de voyageurs est couvert par l'accord Interbus. Les services de cabotage – je sais que ce sujet vous préoccupe – ne sont quant à eux pas autorisés, sauf en Irlande.

Pour ce qui est des frontières intelligentes, je rappellerai d'abord que nous avons dématérialisé un très grand nombre de procédures. Concrètement, les transporteurs pré-déclarent leur cargaison en ligne sur le site douane.gouv.fr. Des zones d'information sont également placées – je l'indiquais en propos liminaire – en amont des zones de contrôle. Plus généralement, toutes les informations pratiques sont disponibles sur le site brexit.gouv.fr. Pour assurer, au-delà de la dématérialisation, l'accompagnement au sol, nous avons garanti la disponibilité des infrastructures en matière de contrôles phytosanitaires et de contrôles vétérinaires. Les services de la douane et d'autres services ont par ailleurs déployé 1 100 agents supplémentaires sur le terrain, majoritairement des douaniers, des garde-frontières et des vétérinaires. De surcroît, nous poursuivrons la facilitation de ces procédures vétérinaires de manière à maintenir un trafic aussi fluide qu'aujourd'hui.

À ce titre, après quelques semaines de recul, nous pouvons constater que le trafic est fluide et que nous sommes en capacité de faire passer près de 1 000 camions par jour par le tunnel. La semaine dernière, environ 19 600 poids lourds ont circulé entre Calais et Douvres, soit près de 2 800 poids lourds par jour. De même, nous comptons en moyenne 1 250 poids lourds circulant quotidiennement entre Dunkerque et Douvres, soit 8 800 sur la semaine passée. En l'état, tous ces dispositifs nous permettent d'assurer un trafic fluide.

Enfin, je remercie Mme Sophie Auconie pour son message de sensibilisation qui porte sur l'amélioration de la relation entre les élus, les citoyens et les services de l'État. Cette interpellation renvoie, très largement, à des questions interministérielles. Un certain nombre de mesures – d'information, de pré-déclaration – sont en cours, et j'aurai évidemment plaisir à échanger avec vous pour recueillir vos propositions sur ces sujets, qui sont tout à fait clés. Dans des périodes de troubles ou de crise, il est évident que la légitimité de l'action ne peut exister sans l'adhésion des populations, sans coordination étroite entre l'État et les élus. C'est bien le concours auquel le ministère des transports s'efforce de prendre sa juste part.

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L'accord conclu entre l'Union européenne et le Royaume-Uni met fin à de longs mois d'incertitude pour les acteurs du transport maritime. Je tiens d'ailleurs à saluer leur grande adaptabilité et la forte résilience dont ils ont fait preuve. Cet accord consacre un chapitre entier aux services internationaux de transport maritime et à d'autres aspects susceptibles d'impacter les services de transport. Si nos armateurs en sont globalement satisfaits, plusieurs points de vigilance demeurent. Il est par exemple regrettable que le cabotage, que vous avez évoqué, ne soit pas couvert par cet accord. Il s'agit pourtant d'un aspect vital pour les opérateurs transmanche et les navires de service opérant dans les eaux britanniques. D'autre part, la mise en œuvre d'un système de suivi de l'évolution et de la fluidité des trafics permettrait de mieux appréhender les conséquences déjà lourdes du Brexit sur le transport maritime. Suite à cet accord, pouvez-vous nous éclairer sur les prochaines étapes et les propositions identifiées par le Gouvernement pour faire face aux conséquences du Brexit sur le transport maritime ? Bien évidemment, nous serons très attentifs aux annonces du Premier ministre attendues demain au Havre dans le cadre du CIMer.

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Comme vous le savez, la France est une grande destination touristique, la première destination touristique au monde. Le Royaume-Uni prend une part importante dans ce succès. En effet, les Britanniques sont très friands de nos territoires métropolitains et d'outre-mer, que ce soit sous forme de séjours locatifs ou par la propriété de nombreuses résidences secondaires. Je suppose qu'une étude d'impact a déjà été réalisée, puisque sans transports, nous ne serions pas la première destination touristique au monde. Quelles sont donc les premières orientations et que pouvez-vous nous dire sur l'impact – actuel et post-Covid-19 – du Brexit sur la destination touristique France ?

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Je vous prie de m'excuser, mais ma question ne portera pas sur le Brexit. Je salue toutefois tout l'engagement mis en œuvre pour sortir de cette crise d'une manière relativement positive, comme cela vient d'être rappelé.

Mon intervention concerne l'entreprise Vossloh Cogifer basée dans la commune de Fère-en-Tardenois, dont le maire vous a d'ailleurs contacté par écrit. Il s'agit d'une entreprise qui tient son marché avec la SNCF. Or celle-ci a diminué ses commandes en matière d'aiguillages, ce qui met en péril l'entreprise. Pourriez-vous donc peser sur la SNCF pour qu'elle puisse honorer un minimum d'engagements, eu égard au plan de relance et à l'important soutien qui lui est apporté par les pouvoirs publics ?

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Je suppose que le ministre répondra par écrit à cette question s'il ne peut y répondre maintenant, étant entendu que nos débats du jour sont consacrés au Brexit. Je m'abstiendrai toutefois de m'exprimer à sa place.

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La région Normandie est le territoire national le plus impacté par les conséquences du Brexit. À cet égard, je vous interrogerai sur deux points.

D'abord, les collectivités normandes et les ports qu'elles font fonctionner se sentent abandonnés par l'État, qui refuse de voir les investissements rendus nécessaires par la remise en place d'une frontière et des contrôles douaniers qui y sont liés. L'État n'aura participé à aucun financement sur ces investissements, ce qui constitue une déception et surtout une injustice. En outre, certains sujets ne sont pas traités, à l'instar du déménagement de l'administration et des fonctionnaires de l'État. Je pense ici aux centres des phares et balises à Cherbourg et à Ouistreham. Plusieurs millions d'euros de l'État sont en jeu, et les gestionnaires de ces ports restent sans retour de la part de l'État.

J'aborderai également le devenir d'une entreprise emblématique des liaisons transmanche, à savoir Brittany Ferries, que nous avons déjà évoquée. L'entreprise connaît, coup sur coup, l'impact de la Covid-19 et l'impact du Brexit. Pas un euro du plan de relance de l'État ne bénéficierait à Brittany Ferries, alors qu'il y aurait pourtant matière à l'aider en matière d'investissements, notamment sur les thématiques de la transition énergétique. En tant que Normands, nous avons l'impression que l'État a fait le pari que le Brexit n'adviendrait pas, que rien n'a été anticipé et que l'État n'est pas au rendez-vous le jour d'après.

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Mon sujet porte sur les transports aériens low cost régionaux européens et notamment britanniques en France, en particulier dans mon département de la Dordogne, première destination après Paris. Nous dénombrons 40 000 Britanniques en Nouvelle-Aquitaine et 10 000 Britanniques en Dordogne-Périgord, dont par exemple 10 % de la population de la ville d'Eymet. Aujourd'hui, c'est la double peine : Brexit et Covid-19. L'aéroport de Bergerac est totalement arrêté, en grande difficulté et proche de la faillite. L'économie régionale est également très touchée, puisque les restaurants et les magasins de bricolage fonctionnaient avec les Britanniques. Que peut-on espérer sur le trafic aérien régional à venir ?

Faut-il attendre les avions propres pour 2030, autrement dit pas avant dix ans ?

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Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué chargé des transports

Mme Sophie Panonacle soulignait la résilience du secteur maritime, et je ne peux évidemment que partager cet avis. Elle m'interrogeait également sur la position du Gouvernement sur les différents sujets en cours de discussion. J'ai souligné que le droit de cabotage n'était pas autorisé pour les navires britanniques et qu'il n'existait aucune reconnaissance mutuelle des brevets de marins, ce qui devra faire l'objet d'un accord bilatéral complémentaire. L'action du Gouvernement est donc double. À court terme, la France pourra continuer à délivrer des visas de reconnaissance aux marins britanniques souhaitant naviguer sous pavillon français. À moyen terme, la Commission européenne pourrait adopter un acte reconnaissant aux États membres le droit de signer des accords mutuels avec le Royaume-Uni. Ce sont bien sur ces deux pieds que nous naviguons – si je puis dire – actuellement.

M. Martial Saddier m'interrogeait sur les impacts cumulés du Brexit et de la Covid‑19 sur les liaisons entre le Royaume-Uni et la desserte des Alpes. Il est très difficile, à ce stade, de dégager une vision pour l'exercice 2021. Comme vous le savez et le vivez, nous sommes à la croisée des chemins, avec des activités économiques très largement impactées par les crises successives et des niveaux de trafic très faibles en raison des restrictions actuellement en vigueur. Aujourd'hui, les modèles d'affaires prévoient des décrues de fréquentation de 10 à 15 % sur 2021. Ces estimations devront naturellement être actualisées au gré des différentes restrictions. Nous en rediscuterons au printemps, notamment avec les acteurs du secteur ferroviaire, pour tenter d'ajuster au mieux les différents soutiens, comme ce fut le cas lors des précédentes séquences. Vous savez que nous avons négocié un fonds de réserve au niveau européen, dont la France bénéficie à hauteur de 400 millions d'euros, ce qui permet d'accompagner l'ensemble des acteurs du secteur, y compris pour redynamiser efficacement, en sortie de crise, les liaisons et les activités des différents secteurs.

Je confirme par ailleurs que j'adresserai une réponse écrite à M. Jacques Krabal pour répondre à sa question. Il est évident que les engagements pris par SNCF Réseau seront tenus, mais je le préciserai par écrit de manière beaucoup plus détaillée.

Je ne partage pas l'appréciation de Mme Nathalie Porte concernant le soutien de l'État. À cet égard, je rappellerai à nouveau les différents chiffres précédemment exposés. Si l'on isole le volet du plan de relance dédié aux transports, et notamment le soutien aux secteurs portuaire, maritime et fluvial, qui intéressent particulièrement la région de Normandie, nous parvenons à un total de 400 millions d'euros sur deux ans, ce qui est tout à fait conséquent. Il s'agit d'ailleurs de crédits que nous nous efforcerons d'exécuter, conformément à notre ambition. Pour rebondir sur le sujet de Brittany Ferries, je répète que cette société a bénéficié de différents canaux d'aide de l'État, avec notamment un PGE de 117 millions d'euros et la couverture des charges salariales. Nous avons d'ailleurs agi en lien avec les régions que vous avez citées, et notamment la région Normandie, afin de viabiliser à court terme l'activité de Brittany Ferries et lui permettre de se développer, notamment par le biais du projet d'autoroute ferroviaire.

Pour conclure sur la question de M. Michel Delpon, je préciserai le cadre d'exécution du Brexit. Le cabotage aérien n'est pas autorisé pour les compagnies britanniques en France, au titre des services réguliers. Nous aurons en revanche la possibilité de délivrer des agréments pour les vols charters, notamment dans la région de Nouvelle-Aquitaine, qui abrite de nombreux aéroports et un certain nombre d'activités de charters au départ et à l'arrivée du territoire. Concernant la question corolaire relative à la transition énergétique du secteur aérien, je rappellerai schématiquement que nous agissons à court terme sur la filière des biocarburants et sur l'hybridation des moteurs, parmi d'autres capacités à décarboner rapidement le secteur, pour les opérations en vol comme pour les opérations au sol. À moyen terme, au-delà de la date de 2030 citée par M. Michel Delpon, nous agissons beaucoup plus structurellement sur le saut technologique vers des avions réellement bas carbone, notamment par une technologie qui lui est chère, à savoir l'hydrogène.

Voici donc résumé, en quelques mots, le plan que nous avons élaboré pour le secteur aérien et, plus globalement, pour l'accompagnement post- Brexit et post-crise sanitaire des différents secteurs des transports.