Permettez-moi de développer un peu ma réponse, car c'est un débat important.
Nous ne souhaitons pas inscrire la notion de « limites planétaires » dans la Constitution. En nous opposant aux amendements qui proposent d'introduire l'idée selon laquelle il y aurait des limites planétaires à ne pas dépasser, nous ne voulons pas amoindrir la portée scientifique de ce concept et son utilité.
Les limites planétaires ont été établies par une équipe internationale de chercheurs en 2009 ; leur nombre – neuf – et leur contenu sont discutés dans la littérature scientifique. Des mesures sont réalisées et actualisées pour établir où nous nous situons au niveau mondial par rapport à ces limites et certaines semblent déjà dépassées.
Il est certain qu'en inscrivant la préservation de la biodiversité et la lutte contre le dérèglement climatique dans la Constitution, nous intégrons des notions qui sont prises en compte par les limites planétaires. Néanmoins, introduire dans la Constitution la notion de « limites planétaires » reviendrait à introduire un concept scientifique qui évolue avec le temps et dont la pertinence peut être remise en cause. Dire que la France agira dans le respect de ces seuils constitue un engagement sur l'avenir dont rien ne garantit que l'on puisse le tenir. De plus, une telle rédaction occulterait le fait que cela ne dépend pas de l'action d'un seul pays. On introduirait ainsi une notion scientifique évolutive dans un texte juridique, ce qui n'est pas souhaitable. La Constitution n'est pas le lieu pour introduire un système de mesures.
La fin de l'amendement propose d'introduire un principe de non-régression. Nous sommes opposés à l'introduction d'un tel principe au niveau constitutionnel, pour plusieurs raisons. Le principe de non-régression est présent dans le code de l'environnement, à l'article L. 110-1, depuis la loi pour la reconquête de la biodiversité. Il ne s'applique, en pratique, qu'à des normes de rang inférieur à la loi, c'est-à-dire aux règlements. Le Conseil constitutionnel a validé ce principe dans sa décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016, où il confirme que « le principe de non-régression, de valeur législative, s'impose au pouvoir réglementaire, dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière » et qu'il « ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle ».
Néanmoins, le Conseil constitutionnel a récemment estimé, dans sa décision n° 2020‑809 DC du 10 décembre 2020 sur la réintroduction de l'usage d'insecticides contenant des néonicotinoïdes, que le législateur ne pouvait pas être contraint par des lois antérieures, ce qui ne l'empêchait pas de poursuivre l'objectif de préservation de l'environnement et de ne porter atteinte à cet objectif que de manière pleinement justifiée et proportionnée par rapport aux objectifs poursuivis.
Introduire un principe de non-régression, que ce soit en l'explicitant dans la Constitution ou en faisant de l'objectif d'amélioration constante un objectif constitutionnel, obligerait le législateur pour l'avenir. Cela laisserait à des institutions autres que le pouvoir législatif la capacité de déterminer les normes minimales et de statuer sur ce qui constituerait ou non un retour en arrière. Un tel principe suppose d'identifier le sens du progrès en matière d'environnement et le degré plus élevé de protection des droits et interdit de diminuer ce degré de protection. De plus, implicitement, un tel principe impliquerait que la préservation de l'environnement prime sur d'autres exigences ou d'autres droits constitutionnels et empêcherait à l'avenir la conciliation nécessaire entre différents objectifs ou droits et libertés constitutionnels.
Le fait de ne pas introduire le principe de non-régression dans la Constitution n'est toutefois pas incompatible avec l'idée d'amélioration de l'environnement, qui est présente dans la Charte de l'environnement, comme le devoir de tout un chacun – à l'article 2. Le fait d'inscrire dans la Constitution que la République garantit la préservation de l'environnement implique par ailleurs, en lui-même, l'ambition de progresser dans ce domaine. Pour toutes ces raisons, j'émettrai un avis défavorable sur l'amendement CD1.
S'agissant de votre amendement CD29, Monsieur Prud'homme, le titre que vous proposez d'insérer soulève plusieurs remarques. Le 4-1 et le 4-5 sont déjà satisfaits par l'état actuel du droit ; la réforme proposée ne remet nullement en cause les droits définis dans les textes du préambule. Par ailleurs, beaucoup d'éléments listés au 4-2 font partie de notre économie des marchandises, à commencer par l'alimentation. Cet article heurte donc une réalité qu'il n'est pas possible de faire évoluer à une échelle globale. Le 4-4, enfin, ne définit pas le principe de préjudice écologique, qu'il est par conséquent difficile de mettre en œuvre. Pour toutes ces raisons, j'émettrai un avis défavorable à votre amendement.