Je vous remercie de vous être saisis de cette proposition de loi, dont je suis l'auteur, afin de formuler un avis fondé sur vos compétences, et de me donner la possibilité de m'exprimer devant vous.
J'ai élaboré ce texte à la suite d'une large concertation avec la profession agricole et les praticiens du droit rural. Nous avons demandé la saisine du Conseil d'État pour sécuriser son dispositif ; c'est l'objet des amendements dont nous discuterons aujourd'hui et demain.
Ces consultations sont importantes en raison des attentes du monde agricole et de la sensibilité du sujet du foncier, qui appellerait une réforme de grande envergure. Comme son nom l'indique, la proposition de loi répond à une urgence identifiée dans le rapport de la mission d'information sur le foncier agricole – commune à la commission des affaires économiques et à la commission du développement durable – et réitérée plus solennellement l'été dernier par le référé de la Cour des comptes sur les leviers de la politique foncière agricole. La Cour des comptes recommandait la mise en place d'une véritable politique afin de mieux maîtriser et réguler l'évolution du foncier agricole.
L'importance des enjeux ne s'accommode plus du statu quo. D'ici à dix ans, 37 % des chefs d'exploitation seront en âge de partir à la retraite, et à ces départs doivent répondre des installations de jeunes agriculteurs, et non une concentration excessive. Les outils de régulation et de contrôle des structures des SAFER sont souvent impuissants face aux opérations permettant d'exploiter ou de devenir propriétaire d'une terre agricole par le truchement d'une participation directe ou indirecte dans une société.
Je propose un troisième outil de régulation, au service de deux objectifs : lutter contre la concentration excessive des exploitations et l'accaparement des terres agricoles en contrôlant les cessions de titres sociaux portant sur les sociétés, mais uniquement si l'opération confère au cessionnaire le contrôle de ladite société ; et agir pour l'installation et la consolidation des exploitations existantes grâce à un mécanisme d'incitation à vendre ou à donner à bail rural à long terme une surface compensatoire au profit d'un agriculteur.
Le seuil de déclenchement de ce dispositif sera fixé localement, en prévoyant des équivalences selon les types de culture, comme c'est le cas dans les schémas directeurs régionaux des exploitations agricoles (SDREA). Il n'est pas question de considérer un hectare de vigne comme un hectare de plaine céréalière, sans appliquer un coefficient d'équivalence.
Si la décision d'autorisation est entre les mains de l'État, le préfet prendra en compte les usages des territoires, grâce à l'avis des comités techniques des SAFER.