J'ai l'honneur d'être la rapporteure pour avis, au nom de notre commission, de deux des six programmes budgétaires de la mission « Cohésion des territoires » : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l'État ». Si ces deux programmes ne représentent que 1,65 % des crédits de paiement de la mission pour l'année 2022, ils permettent néanmoins de financer ou de cofinancer une très grande variété d'actions de l'État et des collectivités territoriales.
Le budget de ces deux programmes, comme celui de la mission, est en hausse ; je tiens à souligner l'effort budgétaire massif consenti par le Gouvernement en faveur du développement et de la revitalisation de nos territoires. Le budget pour 2022 consacre en effet à la mission « Cohésion des territoires » un montant total de 17,21 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE), soit une hausse de 8,5 % par rapport à 2021. Le programme 112 est doté de crédits d'un montant de 210,4 millions d'euros en autorisations d'engagement – soit une hausse de 20 % par rapport à la loi de finances de 2021 –, auxquels s'ajoutent des crédits de la mission « Plan de relance », à hauteur de plus de 100 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Quant au programme 162, il se voit allouer 48,43 millions d'euros en AE, soit une hausse de 34,5 % par rapport à 2021.
Au-delà de ces considérations budgétaires, je concentrerai mon intervention sur quatre points, abordés dans mon rapport : l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) – et trois des programmes qu'elle pilote : Action cœur de ville, Petites villes de demain et Territoires d'industrie –, le réseau des maisons France Services, les contrats de plan État-région et le plan Chlordécone.
Créée en 2020, l'ANCT intervient non seulement dans le déploiement de programmes nationaux mais aussi dans l'appui aux collectivités auxquelles elle apporte une ingénierie en mobilisant et en coordonnant les ressources de l'État et de ses opérateurs. Après deux ans d'existence, et malgré la crise sanitaire qui a retardé le démarrage de certaines actions, l'agence présente un bilan positif, lequel a du reste été salué par la plupart des acteurs auditionnés. Elle anime efficacement de nombreux programmes dont elle est responsable, notamment Action cœur de ville, qui bénéficie à ce jour à 222 villes lauréates, Petites villes de demain, qui concerne plus de 1 600 communes, et Territoires d'industrie, dont le label a été accordé à 148 territoires.
J'estime toutefois nécessaire de renforcer les indicateurs de suivi et d'évaluation de ces dispositifs, afin de mieux connaître et mesurer leur impact sur le territoire concerné, que ce soit en matière d'emploi, de fiscalité, de démographie ou de construction de logements. La réussite de ces programmes tient notamment à leur souplesse et à la démarche partenariale de contractualisation promue par l'ANCT et son délégué départemental qu'est le préfet.
Certains acteurs auditionnés et votre rapporteure pour avis soulignent néanmoins quelques difficultés auxquelles il est tout à fait possible de remédier. Premièrement, l'agence et ses actions sont mal connues de nombreuses collectivités. Cela n'est pas anormal, compte tenu de la jeunesse de l'agence, mais il semble utile de renforcer les démarches et de diversifier les approches pour inclure et aider encore davantage de territoires. Pour 2022, le plafond d'emplois de l'ANCT sera du reste augmenté de 13 équivalents temps plein travaillé (ETPT), ce qui est un signal très positif. Deuxièmement, l'agence s'inscrit dans une logique très ascendante, fondée sur l'appel à projets ou l'appel à manifestation d'intérêt, qui mise davantage sur les candidatures que sur la détection de territoires en difficulté, lesquels sont du reste trop souvent démunis pour être candidats à ces dispositifs. Il est donc souhaitable qu'à l'avenir, l'ANCT déploie également une logique descendante, pour que ses actions soient connues de toutes les collectivités et que toutes les villes et tous les villages puissent bénéficier de son accompagnement.
Les maisons France Services ont succédé, en 2020, aux maisons de services au public, les fameuses MSAP, conformément à l'engagement pris par le Président de la République de rapprocher les services publics des usagers dans chaque canton. Les objectifs sont tenus, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Quantitativement, l'installation des maisons France Services suit un bon rythme : en octobre 2021, le réseau compte 1 745 structures, le Gouvernement s'étant fixé l'objectif de porter ce nombre à 2 000 d'ici au début de 2022 et à 2 500 d'ici à la fin de l'année prochaine. Tous les acteurs interrogés se sont montrés confiants dans la réalisation de cet objectif. Qualitativement, les maisons France Services proposent, comme les MSAP, un accueil de niveau 1 qui consiste dans un premier aiguillage de nos concitoyens dans leurs démarches administratives. Elles apportent cependant diverses améliorations significatives par rapport aux MSAP : elles sont ouvertes cinq jours par semaine – contre deux auparavant ; au moins deux agents formés sont présents dans chacune d'elles ; le nombre des opérateurs partenaires est plus élevé ; les agents sont mieux formés ; la collaboration avec les collectivités locales est plus étroite ; enfin, le maillage territorial est renforcé et les usagers sont davantage accompagnés puisqu'on les réoriente vers les bons guichets et l'on s'engage à résoudre les problèmes qu'ils rencontrent.
Le succès des maisons France Services tiendra à la pérennité de leur financement par les opérateurs et à leur fréquentation. Or, en matière de notoriété, il existe une marge de progression importante : l'ensemble des acteurs, tant nationaux que locaux, doivent se mobiliser pour faire connaître davantage ces structures à nos concitoyens.
Les contrats de plan État-région sont un outil majeur de cadrage et de financement pluriannuel pour l'ensemble des acteurs nationaux et locaux : ils jouent un rôle de catalyseur des investissements. La troisième génération de CPER, ceux conclus pour la période 2021‑2027, est en voie de finalisation. Le Gouvernement a annoncé qu'ils seraient élaborés selon une méthode différente, ascendante : il s'agit de partir des priorités définies par les régions, des thématiques contractualisées pouvant désormais varier d'une région à l'autre. Début octobre 2021, onze des treize contrats étaient signés : seuls les CPER de Normandie et de Corse ne sont pas encore conclus.
Pour la période 2021-2027, la part de l'État dans les crédits contractualisés s'élèvera à 32 milliards d'euros au total, dont 8,5 milliards d'euros de crédits issus du plan de relance ; la part des régions s'élèvera quant à elle à 31 milliards d'euros. Le volume des crédits correspondant à l'engagement de l'État est donc en très forte augmentation par rapport aux précédents CPER, puisqu'il était de 14 milliards d'euros pour la période 2015-2020. Ces 32 milliards d'euros seront déployés sur pas moins de 28 programmes.
Je relève cependant que le dispositif manque de lisibilité, et ce pour deux raisons. D'une part, coexistent, pour chaque région, sauf en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, un accord de relance État-région et un CPER. D'autre part, le volet « mobilités » des précédents CPER ayant été prolongé jusqu'en 2022, ce volet ne figure pas dans les CPER déjà signés, lesquels devront donc être complétés par des avenants à partir de 2023. Je me permets par ailleurs de me faire l'écho des représentants des collectivités infrarégionales, qui se sont senties un peu moins associées à la préparation de ces plans que lors des périodes précédentes.
Enfin, le plan Chlordécone, présenté en février dernier par le Gouvernement, tire les enseignements des plans précédents. Le ministère des outre-mer a souligné, lors d'une audition, que six mois après le lancement du plan – dont l'élaboration a tenu compte de la majorité des recommandations formulées en novembre 2019 par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'utilisation de cette molécule –, plus de la moitié de ses 47 actions étaient déjà opérationnelles.
Parmi les actions opérationnelles figurent notamment des analyses de sang gratuites, des analyses de sols gratuites, des aides aux agriculteurs pour décontaminer leurs cheptels, des contrôles accrus de denrées alimentaires et un accompagnement renforcé des jardiniers qui consomment leur production. Par ailleurs, une directrice de projet chargée de la coordination interministérielle du plan a été nommée, ce qui n'était pas le cas pour le plan précédent ; elle ne pourra que faciliter la mise en œuvre effective des actions et la bonne exécution budgétaire du plan. Surtout, le budget du quatrième plan Chlordécone, qui couvre la période 2021-2027, sera de 92,6 millions d'euros – soit un montant équivalent à la somme des budgets des trois plans précédents –, dont plus de 31 millions d'euros seront financés par le programme 162. Les actions sont bien avancées, la gouvernance est améliorée, le budget est en forte hausse ; il faut poursuivre sur cette lancée.
Parce qu'ils concourent de manière exceptionnellement massive à revitaliser, à développer et à aménager nos territoires, je ne peux que vous inviter à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ces deux programmes du projet de loi de finances pour 2022.