La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné les crédits relatifs à l'aménagement du territoire de la mission « Cohésion des territoires », sur le rapport pour avis de Mme Laurianne Rossi.
Nous commençons l'examen pour avis de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2022 par la discussion, sur le rapport de Mme Laurianne Rossi, des crédits relatifs à l'aménagement du territoire de la mission « Cohésion des territoires ».
J'ai l'honneur d'être la rapporteure pour avis, au nom de notre commission, de deux des six programmes budgétaires de la mission « Cohésion des territoires » : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l'État ». Si ces deux programmes ne représentent que 1,65 % des crédits de paiement de la mission pour l'année 2022, ils permettent néanmoins de financer ou de cofinancer une très grande variété d'actions de l'État et des collectivités territoriales.
Le budget de ces deux programmes, comme celui de la mission, est en hausse ; je tiens à souligner l'effort budgétaire massif consenti par le Gouvernement en faveur du développement et de la revitalisation de nos territoires. Le budget pour 2022 consacre en effet à la mission « Cohésion des territoires » un montant total de 17,21 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE), soit une hausse de 8,5 % par rapport à 2021. Le programme 112 est doté de crédits d'un montant de 210,4 millions d'euros en autorisations d'engagement – soit une hausse de 20 % par rapport à la loi de finances de 2021 –, auxquels s'ajoutent des crédits de la mission « Plan de relance », à hauteur de plus de 100 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Quant au programme 162, il se voit allouer 48,43 millions d'euros en AE, soit une hausse de 34,5 % par rapport à 2021.
Au-delà de ces considérations budgétaires, je concentrerai mon intervention sur quatre points, abordés dans mon rapport : l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) – et trois des programmes qu'elle pilote : Action cœur de ville, Petites villes de demain et Territoires d'industrie –, le réseau des maisons France Services, les contrats de plan État-région et le plan Chlordécone.
Créée en 2020, l'ANCT intervient non seulement dans le déploiement de programmes nationaux mais aussi dans l'appui aux collectivités auxquelles elle apporte une ingénierie en mobilisant et en coordonnant les ressources de l'État et de ses opérateurs. Après deux ans d'existence, et malgré la crise sanitaire qui a retardé le démarrage de certaines actions, l'agence présente un bilan positif, lequel a du reste été salué par la plupart des acteurs auditionnés. Elle anime efficacement de nombreux programmes dont elle est responsable, notamment Action cœur de ville, qui bénéficie à ce jour à 222 villes lauréates, Petites villes de demain, qui concerne plus de 1 600 communes, et Territoires d'industrie, dont le label a été accordé à 148 territoires.
J'estime toutefois nécessaire de renforcer les indicateurs de suivi et d'évaluation de ces dispositifs, afin de mieux connaître et mesurer leur impact sur le territoire concerné, que ce soit en matière d'emploi, de fiscalité, de démographie ou de construction de logements. La réussite de ces programmes tient notamment à leur souplesse et à la démarche partenariale de contractualisation promue par l'ANCT et son délégué départemental qu'est le préfet.
Certains acteurs auditionnés et votre rapporteure pour avis soulignent néanmoins quelques difficultés auxquelles il est tout à fait possible de remédier. Premièrement, l'agence et ses actions sont mal connues de nombreuses collectivités. Cela n'est pas anormal, compte tenu de la jeunesse de l'agence, mais il semble utile de renforcer les démarches et de diversifier les approches pour inclure et aider encore davantage de territoires. Pour 2022, le plafond d'emplois de l'ANCT sera du reste augmenté de 13 équivalents temps plein travaillé (ETPT), ce qui est un signal très positif. Deuxièmement, l'agence s'inscrit dans une logique très ascendante, fondée sur l'appel à projets ou l'appel à manifestation d'intérêt, qui mise davantage sur les candidatures que sur la détection de territoires en difficulté, lesquels sont du reste trop souvent démunis pour être candidats à ces dispositifs. Il est donc souhaitable qu'à l'avenir, l'ANCT déploie également une logique descendante, pour que ses actions soient connues de toutes les collectivités et que toutes les villes et tous les villages puissent bénéficier de son accompagnement.
Les maisons France Services ont succédé, en 2020, aux maisons de services au public, les fameuses MSAP, conformément à l'engagement pris par le Président de la République de rapprocher les services publics des usagers dans chaque canton. Les objectifs sont tenus, tant sur le plan quantitatif que sur le plan qualitatif. Quantitativement, l'installation des maisons France Services suit un bon rythme : en octobre 2021, le réseau compte 1 745 structures, le Gouvernement s'étant fixé l'objectif de porter ce nombre à 2 000 d'ici au début de 2022 et à 2 500 d'ici à la fin de l'année prochaine. Tous les acteurs interrogés se sont montrés confiants dans la réalisation de cet objectif. Qualitativement, les maisons France Services proposent, comme les MSAP, un accueil de niveau 1 qui consiste dans un premier aiguillage de nos concitoyens dans leurs démarches administratives. Elles apportent cependant diverses améliorations significatives par rapport aux MSAP : elles sont ouvertes cinq jours par semaine – contre deux auparavant ; au moins deux agents formés sont présents dans chacune d'elles ; le nombre des opérateurs partenaires est plus élevé ; les agents sont mieux formés ; la collaboration avec les collectivités locales est plus étroite ; enfin, le maillage territorial est renforcé et les usagers sont davantage accompagnés puisqu'on les réoriente vers les bons guichets et l'on s'engage à résoudre les problèmes qu'ils rencontrent.
Le succès des maisons France Services tiendra à la pérennité de leur financement par les opérateurs et à leur fréquentation. Or, en matière de notoriété, il existe une marge de progression importante : l'ensemble des acteurs, tant nationaux que locaux, doivent se mobiliser pour faire connaître davantage ces structures à nos concitoyens.
Les contrats de plan État-région sont un outil majeur de cadrage et de financement pluriannuel pour l'ensemble des acteurs nationaux et locaux : ils jouent un rôle de catalyseur des investissements. La troisième génération de CPER, ceux conclus pour la période 2021‑2027, est en voie de finalisation. Le Gouvernement a annoncé qu'ils seraient élaborés selon une méthode différente, ascendante : il s'agit de partir des priorités définies par les régions, des thématiques contractualisées pouvant désormais varier d'une région à l'autre. Début octobre 2021, onze des treize contrats étaient signés : seuls les CPER de Normandie et de Corse ne sont pas encore conclus.
Pour la période 2021-2027, la part de l'État dans les crédits contractualisés s'élèvera à 32 milliards d'euros au total, dont 8,5 milliards d'euros de crédits issus du plan de relance ; la part des régions s'élèvera quant à elle à 31 milliards d'euros. Le volume des crédits correspondant à l'engagement de l'État est donc en très forte augmentation par rapport aux précédents CPER, puisqu'il était de 14 milliards d'euros pour la période 2015-2020. Ces 32 milliards d'euros seront déployés sur pas moins de 28 programmes.
Je relève cependant que le dispositif manque de lisibilité, et ce pour deux raisons. D'une part, coexistent, pour chaque région, sauf en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, un accord de relance État-région et un CPER. D'autre part, le volet « mobilités » des précédents CPER ayant été prolongé jusqu'en 2022, ce volet ne figure pas dans les CPER déjà signés, lesquels devront donc être complétés par des avenants à partir de 2023. Je me permets par ailleurs de me faire l'écho des représentants des collectivités infrarégionales, qui se sont senties un peu moins associées à la préparation de ces plans que lors des périodes précédentes.
Enfin, le plan Chlordécone, présenté en février dernier par le Gouvernement, tire les enseignements des plans précédents. Le ministère des outre-mer a souligné, lors d'une audition, que six mois après le lancement du plan – dont l'élaboration a tenu compte de la majorité des recommandations formulées en novembre 2019 par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'utilisation de cette molécule –, plus de la moitié de ses 47 actions étaient déjà opérationnelles.
Parmi les actions opérationnelles figurent notamment des analyses de sang gratuites, des analyses de sols gratuites, des aides aux agriculteurs pour décontaminer leurs cheptels, des contrôles accrus de denrées alimentaires et un accompagnement renforcé des jardiniers qui consomment leur production. Par ailleurs, une directrice de projet chargée de la coordination interministérielle du plan a été nommée, ce qui n'était pas le cas pour le plan précédent ; elle ne pourra que faciliter la mise en œuvre effective des actions et la bonne exécution budgétaire du plan. Surtout, le budget du quatrième plan Chlordécone, qui couvre la période 2021-2027, sera de 92,6 millions d'euros – soit un montant équivalent à la somme des budgets des trois plans précédents –, dont plus de 31 millions d'euros seront financés par le programme 162. Les actions sont bien avancées, la gouvernance est améliorée, le budget est en forte hausse ; il faut poursuivre sur cette lancée.
Parce qu'ils concourent de manière exceptionnellement massive à revitaliser, à développer et à aménager nos territoires, je ne peux que vous inviter à émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de ces deux programmes du projet de loi de finances pour 2022.
Je veux tout d'abord saluer la hausse importante des crédits alloués aux programmes 112 et 162 et la bouffée d'oxygène que leur offre le plan de relance qui les abondera à hauteur de 100 millions d'euros.
Force est de constater que la troisième génération des contrats de plan État-région a fait l'objet d'un travail interministériel et partenarial et que de nombreux opérateurs interviennent, notamment l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), la Banque des territoires, l'Agence de la transition écologique (ADEME) et l'Office français de la biodiversité (OFB). Surtout, ils préfigurent les régions de demain puisque celles-ci pourront se différencier en se positionnant sur les questions qui leur tiennent à cœur.
Je veux également saluer le déploiement de l'ANCT. Certes, cet outil demeure perfectible, mais c'est nous qui l'avons créé et il s'inscrit, ce qui est nouveau, dans une logique de projets ascendante : c'est aux territoires de faire des propositions.
Les deux échelons de la contractualisation proposée par l'État, les CPER et les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), sont intéressants pour pousser les politiques publiques et faire en sorte que les territoires s'emparent de leurs propres programmes.
Enfin, il faut souligner le déploiement des maisons France Services, car l'accès aux services publics est une préoccupation majeure de nos concitoyens. À cet égard, la mission « Cohésion des territoires » participe directement au service rendu au public ; nous ne pouvons que saluer la trajectoire qui nous est proposée.
L'examen de la présente mission budgétaire nous permet de dresser le bilan de la politique menée en matière d'aménagement du territoire.
Les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain et Territoires d'industrie suscitent beaucoup d'attentes. Or, abstraction faite de l'investissement public, les effets sur l'investissement privé tardent à se faire sentir. Ainsi, le dispositif « Denormandie dans l'ancien » ne semble pas rencontrer un grand succès – il serait d'ailleurs urgent de l'évaluer. Les opérations de revitalisation de territoire (ORT) ont dû mal à se concrétiser en dehors des villes retenues dans le cadre du plan Action cœur de ville ; il serait nécessaire d'y remédier en ciblant d'autres périmètres. Le programme Petites villes de demain représente un coût non négligeable pour les petites intercommunalités retenues, sans pour autant créer rapidement un écosystème attractif pour l'investissement privé, qu'il s'agisse de rénovation ou de construction de logements, ou encore d'installation ou de développement de commerces locaux.
Je voudrais appeler votre attention, madame la rapporteure pour avis, sur les problèmes de zonage du prêt à taux zéro (PTZ), des dispositifs « Pinel » et « Denormandie », des orientations d'aménagement et de programmation (OAP), des zones de revitalisation rurale (ZRR) et des réseaux éducatifs prioritaires : il ne coïncide pas avec les territoires ciblés, nuisant, d'une certaine manière, au développement territorial.
Permettez-moi d'évoquer aussi les oubliés des dispositifs. Certains bourgs-centres ne figurent pas dans la liste des Petites villes de demain alors que leur rôle est structurant pour leur territoire – les schémas de cohérence territoriale (SCOT) en attestent – et que s'y conjuguent vacance commerciale et copropriétés fragiles. Des vallées industrielles soumises à des enjeux de transition écologique sont oubliées par le dispositif Territoires d'industrie. Il est urgent de corriger le tir et de compléter les listes, de manière à s'assurer que le fléchage des crédits d'ingénierie et d'aide à l'investissement soit juste et équitable.
Enfin, la couverture mobile du territoire est toujours problématique. Je doute que la totalité des zones blanches aient disparu d'ici à la fin 2022. Il faudrait augmenter le nombre de pylônes notifiés aux opérateurs.
J'ai interrogé la semaine dernière la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales sur les nécessaires innovations que nous devons introduire dans le budget pour penser l'urbanisme rural de demain. On le voit cette semaine encore, le sujet de l'urbanisme à la campagne ou en dehors des villes est éminemment politique. En 2021, la maison individuelle est pour 63 % des Français la réalité du quotidien. C'est aussi un ascenseur social : pour 75 %, le pavillon est un modèle d'habitat désirable. Nous ne pouvons aller à l'encontre du désir de nos concitoyens et devons assumer la puissance symbolique du pavillon dans notre imaginaire collectif, mais il nous faut dans le même temps lutter contre l'artificialisation des sols et leur imperméabilisation. Nous ne pouvons donc pas remplacer le pavillon sans réfléchir, sans innover, sans penser la campagne dans son ensemble, afin de mieux accueillir et imaginer un futur collectif en ruralité.
J'ai pris connaissance, madame la rapporteure pour avis, de votre projet de rapport, qui s'intéresse plus particulièrement aux contrats de plan État-région et à leur articulation avec le plan de relance, aux contrats de transition écologique et au réseau France Services. Vous présentez aussi l'ANCT, sa situation, ses missions et ses limites, ainsi que les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain et Territoires d'industrie. Je ne pense pas qu'il faille privilégier une logique descendante. Au contraire, il convient de promouvoir une ingénierie d'émergence de projets singuliers, car je pense que l'innovation viendra des territoires. Dans ma circonscription de la Côte-d'Or, je suis parvenue à faire signer l'un des premiers contrats de transition écologique de France et j'ai participé activement à la labellisation Territoires d'industrie des bassins industriels de cette partie de la Bourgogne.
En tant que rapporteure du projet de loi pour l'Assemblée nationale, j'ai contribué à la création de l'ANCT, dont je suis aujourd'hui une administratrice. Vous indiquez que le plafond d'emplois de l'agence sera rehaussé de treize équivalents temps plein travaillés (ETPT), pour atteindre 336 postes. La semaine dernière, la ministre nous assurait qu'il y aurait un rehaussement supplémentaire, ce qui permettrait de se donner pour ambition de porter à plus de 800 le nombre de projets pilotés en interne ou en externe par l'ANCT. C'est bien, mais ce sont en réalité des milliers de projets que nous devons susciter. Surtout, nous devons penser la cohésion des territoires dans sa globalité.
Merci, madame la rapporteure pour avis, pour votre présentation des crédits relatifs à l'aménagement du territoire : il s'agit d'enjeux particulièrement importants pour le quotidien de nos concitoyens.
L'augmentation des crédits dédiés à l'aménagement du territoire est à saluer. Les territoires ont été particulièrement sollicités pour la gestion de la crise sanitaire et vont continuer à l'être : un soutien et un accompagnement importants doivent donc leur être accordés. Pourtant, contrairement à la promesse d'une augmentation significative qui avait été faite, les moyens directement dévolus à l'ANCT sont en baisse, et cela alors même que, comme Mme la rapporteure pour avis le souligne, il existe encore des territoires fragiles, et bien souvent démunis pour répondre aux appels à projets. Les représentants des collectivités territoriales déplorent, d'une part, le manque d'informations dont ils disposent concernant le rôle de l'agence, d'autre part, de ne pas être suffisamment associés à son action, laquelle appellerait, selon eux, plus de moyens humains. Je note également que pour sa fonction de soutien aux collectivités territoriales en matière d'ingénierie, les crédits n'évoluent pas en 2022. L'indicateur du programme relatif au soutien des collectivités en demande d'ingénierie pour accélérer les projets spécifiques fait apparaître 400 projets accompagnés en 2021 et une cible à 500 en 2022 et 2023. Ce nombre paraît faible en regard des 25 000 communes de moins de 1 000 habitants, seuil de population en dessous duquel les moyens d'ingénierie sont souvent très limités.
L'augmentation des crédits alloués au programme 162 « Interventions territoriales de l'État » est une bonne nouvelle, notamment celle des crédits de l'action 08 « Volet territorialisé du plan national d'action chlordécone » destinée à la Martinique et à la Guadeloupe. Les actions menées en matière de détection et de réparation sont évidemment essentielles. Toutefois, une réflexion globale sur les pratiques à l'origine de ce type de problèmes nous semble indispensable, et les financements devraient être davantage orientés vers le soutien à la transition vers des pratiques plus respectueuses de l'environnement et de la santé humaine. Idem pour la lutte contre les algues vertes en Bretagne ; d'ailleurs, la Cour des comptes, dans un récent rapport, recommande de redéfinir les outils d'incitation au changement des pratiques agricoles dans le cadre de la révision de la politique agricole commune.
Je m'associe aux commentaires positifs émis sur les deux programmes, dont les crédits sont en hausse – ce qui est à saluer, surtout en cette période post-covid où nos territoires ont plus que jamais besoin d'accompagnement.
Je voudrais faire quelques remarques sur des sujets qui concernent les outre-mer. Tout d'abord, je vous remercie, madame Laurianne Rossi, de les avoir mentionnés dans votre rapport pour avis. Les contrats de convergence et de transformation sont un outil nouveau pour nos territoires. Je souhaiterais vous interroger sur la non-consommation des crédits, que l'on nous oppose souvent. Outre la fixation de stratégies et d'objectifs, il faudrait déployer une ingénierie commune pour faciliter la consommation des crédits dans les outre-mer.
S'agissant du plan Chlordécone, je note effectivement un progrès quant au niveau des crédits, mais est-on à la hauteur pour ce qui est de leur consommation ?
Concernant la nouvelle génération de CPER, notamment leur volet « mobilité », vous mentionnez des reports de crédits. Qu'est-ce qui les justifie ? Faut-il mettre cela aussi sur le dos de la crise sanitaire ? N'existe-t-il pas des difficultés spécifiques à ces contrats ?
Enfin, n'y aurait-il pas intérêt à généraliser des dispositifs tels que le plan Littoral 21 à l'ensemble des communes littorales ? Il me paraît important de construire ensemble une stratégie nationale cohérente en matière d'accompagnement des territoires littoraux.
Merci, madame la rapporteure pour avis, pour la qualité de votre travail. Le groupe UDI et Indépendants se félicite des efforts accomplis en faveur des territoires, notamment les territoires ruraux et les petites villes, qui ont plus que jamais besoin de soutien. Nous saluons donc les 20 millions d'euros supplémentaires inscrits au programme 112 pour renforcer l'ingénierie, essentielle au programme Petites villes de demain, ainsi que l'enveloppe de 36 millions d'euros allouée au financement des maisons France Services. Le projet de loi de finances double en outre la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité, portée à 20 millions d'euros, et augmente le nombre de petites communes pouvant en bénéficier. Il met l'accent sur le logement et l'hébergement, avec notamment 33 millions d'euros supplémentaires pour le premier. Pouvez-vous nous indiquer à quelles actions cette somme sera dédiée ?
Nous appelons toutefois votre attention sur la persistance de certains points délicats. Ainsi, de multiples problèmes touchent le secteur du logement. Le Gouvernement a beau se féliciter des efforts accomplis en matière de rénovation énergétique, on est encore loin du compte. La situation actuelle ne peut perdurer : elle est socialement et environnementalement inacceptable. Il n'est pas concevable que notre pays compte encore 4,8 millions de passoires thermiques. Consécutivement aux confinements, les inégalités en matière d'accès au logement ne cessent de faire la une de l'actualité. On est en train de créer une France à deux vitesses, et l'écart se creuse entre ceux qui peuvent investir, parfois même à plusieurs reprises, dans un bien immobilier et ceux qui sont contraints de rester locataires à vie, souvent en payant des loyers trop élevés ou en résidant dans des habitats énergivores, voire indécents. Pour couronner le tout, la construction de logements neufs reste insuffisante : il est oublié, le choc d'offre promis par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique !
Je voudrais revenir sur le programme Petites villes de demain. J'en compte cinq dans ma circonscription. Il s'agit d'un programme fondamental mais qui soulève quelques questions concernant la nature des actions soutenues et leur financement. Certaines d'entre elles semblent ainsi être le recyclage d'autres financements. Y a-t-il réellement de nouveaux avantages ?
Le financement des chefs de projet est fondamental pour les petites communes. Le manque de visibilité au-delà de deux ans sur le financement des maisons France Services pose un problème. C'est une vision pluriannuelle qu'il nous faudrait, afin de sécuriser les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui accueillent des maisons France Services. En outre, il serait bon d'adapter chacune à sa fréquentation.
Monsieur Thibault Bazin, les dispositifs « Pinel » et « Denormandie » ne font pas partie des programmes que nous avons à examiner aujourd'hui. Néanmoins, je soulève moi-même dans mon rapport la question de l'efficacité des dispositifs cités, en soulignant l'insuffisance des indicateurs de suivi et d'évaluation. Si ces dispositifs sont de toute évidence une réussite, puisque les territoires s'en emparent, nous disposons d'un retour insuffisant concernant leur efficacité économique et socioterritoriale.
J'évoque aussi dans mon rapport la question des bourgs-centres non retenus parmi les Petites villes de demain. Cela renvoie à ce que je disais tout à l'heure au sujet de cette logique très ascendante qui consiste, pour les collectivités, à devoir candidater à des dispositifs. Certaines ne sont pas suffisamment outillées pour le faire, ni même parfois informées des appels à manifestation d'intérêt ou des appels à candidature – c'est d'ailleurs ce que vous souligniez, madame Chantal Jourdan. Il en a été fait mention lors des auditions, aussi bien par l'ANCT que par les associations de collectivités.
Madame Maina Sage, nous vous préciserons ultérieurement si les crédits pour l'outre-mer, notamment ceux du plan Chlordécone, ont été sous-consommés. En revanche, il y a bien une sous-consommation chronique des crédits des CPER dans les précédentes générations de contrats. Le rapport l'indique en page 9, chiffres à l'appui. Selon les régions, la consommation varie de 50 % pour le volet « mobilité multimodale », à 99 % pour le volet « emploi ». Cette sous-consommation, que mes prédécesseurs avaient déjà pointée, a été évoquée en commission. Les parlementaires doivent y être d'autant plus attentifs que les montants des CPER ont été doublés pour les années qui viennent.
Le plan Littoral 21, qui figure bien dans le programme 162, est un contrat spécifique entre l'État et la région Occitanie.
Monsieur Guy Bricout, les 33 millions d'euros du programme Logement d'abord que vous évoquez et les opérations de rénovation sont inclus dans le volet relatif à la transition écologique de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », dont le rapporteur pour avis est M. Christophe Arend.
Mon rapport souligne également la nécessité de se projeter au-delà de 2022 pour le programme Petites villes de demain et le financement des maisons France Services. De longues discussions ont été menées avec les opérateurs auditionnés. Présents dans les maisons France Services et finançant le dispositif, ils ont fait part de leur inquiétude quant au financement à plus long terme et à la capacité à mobiliser d'autres acteurs, puisque le bouquet de services publics a vocation à s'élargir et à associer les collectivités. Il reste à déterminer dans quelle mesure on sera capable d'élargir l'offre à d'autres opérateurs. La ministre a indiqué la semaine dernière qu'elle travaille sur un financement pluriannuel et plus large du réseau.
La commission en vient à l'examen des crédits.
Article 20 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CD60 de Mme Marjolaine Meynier-Millefert.
Cet amendement vise à donner aux collectivités territoriales les moyens d'assurer une bonne qualité de l'air dans les écoles, en installant des systèmes de ventilation mécanique efficaces. Depuis 2018, celles-ci ont une obligation de surveiller la qualité de l'air dans les établissements scolaires, les crèches ou les centres de loisirs. Entre avril et octobre, j'ai participé à un tel relevé avec d'autres élus de ma circonscription : nous avons constaté que sans système de ventilation efficace, il ne suffit pas d'ouvrir les fenêtres pour obtenir une bonne qualité de l'air dans les classes. Il faut travailler sur ces sujets, qui sont très sensibles en période de pandémie. Plus largement, une bonne qualité de l'air a un impact mesuré sur la concentration, l'apprentissage et la santé des enfants. Or les élus locaux n'ont pas les moyens d'investir aussi lourdement dans de tels équipements, pourtant très importants. Il s'agit donc d'un amendement d'appel.
Je souscris à votre préoccupation et je connais votre engagement en faveur de l'amélioration de la qualité de l'air. Le programme 112 n'est malheureusement pas l'outil budgétaire adéquat, puisqu'il porte essentiellement sur des crédits contractualisés. L'amendement semble relever de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » qui n'entre pas dans le périmètre de notre saisine pour avis. Je vous invite donc à retirer cet amendement et à le redéposer en vue de la séance publique.
L'objectif de cet amendement est certes louable mais l'opération budgétaire visant à enlever 50 millions d'euros à l'aide à l'accès au logement est contestable, tant ses crédits sont nécessaires. Il serait intéressant de travailler avec les caisses d'allocations familiales (CAF) qui accompagnent financièrement les acteurs dans les projets de rénovation et de construction neuve, de manière à introduire des bonus financiers dans les cahiers des charges car il existe parfois des défauts d'usage. Au-delà de la qualité environnementale, il faut promouvoir la qualité d'usage des bâtiments. En outre, l'entretien est un enjeu. Les opérateurs qui ont construit les bâtiments ne sont parfois pas les mêmes que ceux qui les entretiennent.
Les budgets d'aide de l'État aux collectivités territoriales sont très élevés depuis 2017, s'agissant notamment des travaux de rénovation des écoles. La thématique pourrait être évoquée dans les commissions DETR (dotation d'équipement des territoires ruraux) et donner lieu à une information des préfets, afin de préciser aux maires que de tels travaux seront éventuellement éligibles.
Je retire l'amendement mais il faudra rechercher un nouveau moyen pour remédier à ce problème. À l'heure actuelle, la ventilation et la qualité de l'air, si importantes pour les écoles, ne sont pas perçues comme étant liées aux thématiques des commissions DETR.
L'amendement II-CD60 est retiré.
Amendement II-CD54 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Par cet amendement, nous réaffirmons notre opposition au projet Montagne d'or et dénonçons les doubles discours consistant à l'abandonner pour le reprendre ensuite, sous une forme prétendument plus acceptable sur le plan environnemental. Le projet reste néfaste pour la Guyane, plus grande réserve de biodiversité de notre pays. En l'état ou révisé, il finirait par détruire plus de 1 500 hectares de ce territoire, pour exploiter à court terme un minerai dont on n'a que faire. Il faut sortir de l'hypocrisie et que le Gouvernement se prononce clairement pour l'abandon définitif, sans ambiguïté, des projets d'extraction en Guyane.
C'est un amendement d'appel, pour permettre à ses auteurs de réitérer leur opposition au projet. Il ne permet pas d'atteindre l'objectif fixé puisque l'action 10 du programme 162 s'inscrit dans un cadre contractuel, négocié entre l'État, la collectivité de Guyane et les intercommunalités. Elle présente les moyens nécessaires à la mise en œuvre du contrat. Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CD55 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Cet amendement vise à accroître le montant des crédits du programme 162 pour l'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne ». Comme vous, monsieur Loïc Prud'homme, j'ai pris connaissance du rapport de la Cour des comptes sur la politique publique de lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne. Il faut tenir compte de ses recommandations. La Cour et le tribunal administratif ne préconisent toutefois pas d'augmenter le budget du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV). La Cour appelle l'État à définir des indicateurs de performance plus précis et pertinents, pour évaluer l'incidence du plan et renforcer les contraintes réglementaires dans certaines zones. Le préfet mène des concertations préalables à l'élaboration d'un acte réglementaire en ce sens. La démarche avait d'ailleurs commencé avant l'arrêt du tribunal. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CD52 de M. Jean-Hugues Ratenon.
Cet amendement a pour objet de redonner de l'air aux organismes HLM que vous avez asphyxiés, notamment en renforçant leurs ressources. La situation est catastrophique : plus de 10 millions de personnes sont logées par des organismes HLM en France, mais 1,7 million de ménages sont toujours demandeurs d'un logement social. Le chiffre monte à plus de 2,2 millions si l'on comptabilise les demandeurs déjà logés dans le parc social, c'est-à-dire des foyers qui demandent une mutation d'un logement à un autre. Le manque d'encadrement des loyers dans le secteur privé est une des raisons de cette augmentation des besoins. Il est proposé de puiser dans les ressources du programme 112 pour augmenter la construction de logements sociaux et atteindre l'objectif de construction de 250 000 logements. Seuls 87 500 logements ont été agréés en 2020, pour un objectif de 110 000. Nous sommes donc en dessous des objectifs que le Gouvernement avait assignés, qui sont eux-mêmes insuffisants par rapport à la demande de nos concitoyennes et concitoyens pour un logement social accessible et de bonne qualité.
La thématique et les crédits sur lesquels porte l'amendement ne relèvent pas du champ de notre commission et n'entrent pas dans le cadre de notre saisine pour avis. Je vous invite à retirer l'amendement, pour le redéposer en séance publique. À défaut, avis défavorable.
L'amendement II-CD52 est retiré.
Amendement II-CD53 de M. Éric Coquerel.
Cet amendement alerte sur les limites du dispositif MaPrimeRénov' et proteste contre les moyens insuffisants consacrés à la rénovation thermique des bâtiments. Il faut donner des moyens pour rénover les 4,8 millions de passoires thermiques dans lesquelles sont logés principalement des ménages modestes. Depuis janvier, tous les propriétaires occupants, quels que soient leurs revenus, et, depuis juillet 2021, les propriétaires bailleurs, peuvent accéder à la prime.
Comme la Cour des comptes l'a noté, le dispositif ne réduit pas la précarité énergétique des propriétaires modestes, mais soutient le marché de la rénovation énergétique. Or la prime est surtout utilisée pour des travaux simples – changement de chaudière, isolation de fenêtres – dont l'efficacité énergétique n'est pas quantifiable et qui n'améliorent pas le confort thermique global des bâtiments. L'amendement pointe ces faiblesses et réoriente les crédits afin que les ménages les plus modestes bénéficient de rénovations avec un reste à charge supportable, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Le dispositif MaPrimeRénov' est doté de 2 milliards d'euros de crédits dans le projet de loi de finances pour 2022. Il semble donc exagéré d'affirmer que les moyens dédiés sont insuffisants.
La prime est rattachée à un programme de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », non au programme que vous souhaitez abonder par cet amendement. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, avis défavorable.
Les 2 milliards de crédits sont bien insuffisants, si les experts du secteur disent qu'il en faut trois ou quatre fois plus.
La commission rejette l'amendement.
Suivant la rapporteure pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » non modifiés.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 19 octobre 2021 à 18 h 15
Présents. - M. Christophe Arend, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, Mme Yolaine de Courson, Mme Chantal Jourdan, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Sandra Marsaud, Mme Sophie Métadier, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Alain Perea, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, Mme Maina Sage, Mme Nathalie Sarles, M. Jean-Marie Sermier, M. Sylvain Templier, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusé. - M. Bruno Bonnell
Assistait également à la réunion. - M. Thibault Bazin