Intervention de Vincent Descoeur

Réunion du mercredi 20 octobre 2021 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Descoeur, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la conduite et au pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » :

Le programme 217 est le programme support de la réalisation des politiques publiques du ministère de la transition écologique, du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et du ministère de la mer. Il comprend ainsi la quasi-totalité de la masse salariale des ministères chargés des questions environnementales. C'est un programme essentiel car derrière chaque politique en faveur de la transition écologique, il y a des femmes et des hommes pour la mettre en œuvre.

Pour cette dernière année de la législature, les crédits du programme 217 s'élèvent à 2,88 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2,92 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Les crédits sont en très légère augmentation, d'environ 1 %, par rapport à l'année dernière. La hausse ne reflète toutefois pas la politique menée ces dernières années. En effet, malgré une légère augmentation des dépenses de personnel, les effectifs du pôle ministériel relevant du programme 217 sont en baisse, puisque le plafond d'emplois est réduit de 348 équivalents temps plein (ETP) en 2022. À quelques mois des élections présidentielles et législatives, il paraît intéressant de faire le bilan des moyens qu'a consacrés le Gouvernement au déploiement des politiques de développement durable.

Si l'on remonte jusqu'en 2017, le constat est sans appel : les crédits du programme 217 montrent une diminution continue du nombre d'agents chargés de mettre en œuvre la transition écologique. Entre 2017 et 2021, les réductions d'effectifs ont concerné plus de 1 000 postes par an. Elles ont même dépassé les 2 000 ETP en 2020. Au cours du quinquennat, les effectifs de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » ont chuté de 13,54 % : 5 549 emplois au service des politiques de développement durable ont été supprimés. Les différents niveaux d'administration ont été touchés ; les services départementaux, épargnés par l'effort de réduction des effectifs en 2022, ont été lourdement mis à contribution au cours du quinquennat, alors qu'ils se trouvent au plus près du terrain et de nos concitoyens.

La diminution des effectifs contraste avec l'objectif affiché de faire de la transition écologique une priorité. Dans quelle mesure peut-on décider de nouvelles politiques environnementales, sans s'assurer de disposer des moyens humains indispensables pour les déployer ? Certes, des efforts de rationalisation des effectifs et de réorganisation des services peuvent être utiles et sont souhaitables pour dégager des gains de productivité dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons. Le secrétariat général du pôle ministériel chargé des politiques de développement durable a entamé un travail important de révision des missions. Nous saluons ses efforts, qui visent à rationaliser le fonctionnement des services et à améliorer la productivité. Cette politique semble toutefois atteindre ses limites. Le pôle ministériel est non seulement celui qui fournit, depuis plus de dix ans, le taux d'effort le plus important en termes de schéma d'emplois, mais également celui qui connaît le plus grand nombre de transformations et d'évolutions de périmètre.

Face à l'urgence écologique, il paraît difficile de continuer à faire plus et mieux avec moins. Surtout, le ministère de la transition écologique est un ministère spécifique, qui comprend une forte composante scientifique. Son action repose sur des métiers à forte technicité, qui doivent être préservés. Il faut maintenir la capacité des agents du ministère à fournir une expertise indépendante de haut niveau, sur des sujets de plus en plus complexes. Certaines missions, comme les études sur les ouvrages d'art, ne doivent pas être systématiquement déléguées à des bureaux d'études privés.

La situation des directions interdépartementales des routes (DIR) illustre les limites de la baisse continue des effectifs du programme 217 : leurs effectifs ont diminué de 11,5 % depuis 2017. La diminution concerne des agents chargés de l'exploitation et de l'entretien de ce réseau national, dont le linéaire n'a pourtant pas évolué. Les DIR seront particulièrement mises à contribution l'année prochaine avec un effectif en baisse de 365 ETP, soit près de deux fois plus que les diminutions des années précédentes. La réduction des effectifs en 2022 suscite des interrogations, au moment où l'article 6 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 3DS », envisage le transfert aux départements de certaines routes nationales.

Le programme 217 finance par ailleurs trois autorités administratives indépendantes : la Commission de régulation de l'énergie (CRE), la Commission nationale du débat public (CNDP) et l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA). Au cours des dernières années, elles ont fait face à un accroissement notable de leur charge de travail. La CRE s'est ainsi vue confier deux nouvelles missions aux très forts enjeux budgétaires et opérationnels pour la période 2020 à 2021 : le traitement du contentieux de masse lié à la contribution au service public d'électricité (CSPE) et la renégociation des contrats photovoltaïques signés entre 2006 et 2010. Or le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 n'a pas prévu d'octroyer des crédits supplémentaires à la CRE pour financer l'accroissement des dépenses de personnel liées à ces deux missions, que cette commission estime à 1 million d'euros.

L'ACNUSA joue un rôle majeur dans la réduction des nuisances aéroportuaires, en particulier sonores, auxquelles 1,2 million de personnes sont exposées en France. Le PLF pour 2022 ne lui accorde que 11 ETP alors qu'elle pouvait compter sur 12 ETP auparavant. Dans une période où il convient d'accompagner la reprise des activités aéroportuaires tout en réduisant leur incidence sur la santé et l'environnement, la réduction des moyens de l'ACNUSA constitue un mauvais signal.

Enfin, le programme 217 comprend deux opérateurs, l'École nationale des ponts et chaussées (ENPC) et l'École nationale des travaux publics de l'État (ENTPE). Après plusieurs années de baisse, leur subvention pour charges de service public est stable et leur schéma d'emplois nul pour 2022. Leur ministère de tutelle, celui de la transition écologique, peine toutefois à les accompagner financièrement dans leur développement. Cela est regrettable car la réussite de la transition écologique suppose de renforcer l'attractivité et les moyens de ces deux écoles, chargées de former des ingénieurs rompus aux questions posées par l'urgence climatique. Aucune des deux écoles ne bénéficie de la politique de soutien budgétaire à l'enseignement supérieur et à la recherche prévue par la loi de programmation de la recherche.

Dans cet avis, je dresse aussi un premier bilan des conséquences de la crise sanitaire sur l'environnement de travail des agents chargés de la mise en œuvre des politiques de transition écologique.

La crise sanitaire a bouleversé en profondeur les modes de travail du personnel et l'organisation des services. Le télétravail a concerné plus de 60 % des agents du pôle ministériel en avril 2020 ainsi que pendant les phases de reconfinement de l'automne 2020. Un projet d'accord relatif au télétravail à l'échelle ministérielle est en cours de négociation avec les organisations syndicales. Les travaux doivent aboutir d'ici la fin de l'année.

Le développement du travail à domicile suppose d'adapter les outils numériques et les systèmes d'information. Or les moyens ont été contraints ces dernières années. L'ampleur des travaux à conduire pour améliorer les services et les infrastructures numériques explique l'augmentation du budget informatique de 10 millions d'euros en 2022, une adaptation indispensable qu'il conviendra de poursuivre dans les prochaines années.

Par ailleurs, la mise à disposition d'outils informatiques ne suffit pas : un accompagnement spécifique des agents doit être organisé. Outre les conditions matérielles, le travail à distance soulève des questions relatives aux notions de travail en équipe et de management à distance, sans oublier le droit à la déconnexion.

Le programme 217 est d'abord celui des femmes et des hommes chargés de déployer les politiques de développement durable, dont je salue l'implication au quotidien. Ces agents font face à des missions de plus en plus nombreuses et complexes, ainsi qu'à des diminutions d'effectifs et à des réorganisations permanentes de leurs services. La crise sanitaire a mis en lumière leur capacité d'adaptation et de résilience.

Au vu de l'inadéquation entre les crédits alloués et les ambitions affichées en matière de développement durable, et en raison de la baisse drastique et inexpliquée des effectifs des DIR, j'émets un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.