Nous allons innover et faire une présentation à deux voix. Il n'y a plus aucun couac entre nous et on a donc pensé que notre présentation harmonieuse pourrait correspondre à notre souhait pour la refondation de l'Europe.
Mme la présidente, merci d'avoir pris l'initiative de ce groupe de travail au sein de la Commission. Comme vous l'avez dit, nous avons beaucoup travaillé, ma collègue Mme Gomez-Bassac et moi-même. Mes chers collègues, lorsqu'on évoque les débats qui agitent l'ensemble des opinions publiques européennes, y compris à l'occasion des élections nationales, force est de reconnaître que la question européenne redevient une question centrale. L'Europe est de retour, et nous ne pouvons que nous en satisfaire, notamment au sein de cette Commission des affaires européennes. J'illustrerai mon propos ainsi :
- le référendum de 2016 sur le Brexit, dont le résultat nous a certes désolés, mais qui était au centre du débat ;
- les élections présidentielle et législative en France en 2017 où le candidat Emmanuel Macron et les candidats aux législatives ont mis l'Europe au centre de leur campagne ;
- les négociations pour la formation du gouvernement allemand, qui ont fait émerger l'Europe comme un point de négociation, pour ne pas dire de friction, notamment entre la CDU et le FDP.
Pourtant ces questions sont souvent traitées de biais dans les débats politiques nationaux. Nous avons trop pris l'habitude, pour reprendre l'expression consacrée, de nationaliser les succès et d'européaniser les échecs. Vous connaissez cette antienne, sorte de fil rouge : lorsque les opinions parlent d'Europe, y compris dans notre pays, « c'est la faute à Bruxelles ». Toutes nos difficultés viendraient de Bruxelles, présentée comme une machinerie froide, lointaine, technocratique, éloignée des préoccupations des citoyens. Même s'il y a une part de vérité dans cette description, il ne faudrait tout de même pas oublier qu'à Bruxelles – et à Strasbourg, cher collègue Thierry Michels – il y a un Parlement européen avec des élus au suffrage universel. Ce sont tout de même aussi les gouvernements nationaux, les ministres, les chefs d'État, qui prennent les décisions.
Il y a une autre attitude sur l'Europe : pour reprendre l'expression du négociateur en chef de la Commission européenne sur le Brexit, M. Michel Barnier, c'est « L'Europe du silence », « l'Europe honteuse », « l'Europe qui rase les murs ». Le débat européen peut aussi être confisqué par des discours simplistes, ou par ceux qui font de leur hostilité à l'Europe leur miel électoral, pour ne pas dire leur commerce électoral. Ou bien le désir d'Europe est confisqué par les experts, les initiés, les convaincus, qui parlent d'Europe entre eux, dans un langage souvent compris d'eux seuls et pas des citoyens.
À l'issue des travaux de notre groupe de travail, nous pensons que l'on peut sortir de cette situation et que l'on peut inverser cette tendance. Au-delà du sujet des conventions démocratiques stricto sensu, nous avons pu échanger avec un grand nombre d'interlocuteurs en France et dans d'autres États membres et nous avons partagé avec eux notre confiance, notre optimisme, mais aussi – osons le mot – notre enthousiasme sur l'avenir de l'Union européenne. Sans être des eurobéats, nous sommes des eurolucides. Oui, nous pensons que les citoyens européens doivent se réapproprier le projet européen et qu'il faut inventer de nouvelles modalités d'association des citoyens à ce projet.
Nous pensons que les conventions démocratiques, annoncées par le Président de la République au Congrès au mois de juillet dernier et confirmées par le discours de la Sorbonne, peuvent être le cadre approprié pour ce changement. Pour définir avec autant de précision que possible les facteurs-clés de succès et les écueils à éviter, notre groupe de travail a décidé d'entendre un vaste ensemble de représentants de la société civile, des syndicats aux fédérations étudiantes, des universités aux associations telles que les Restos du Coeur ou la Fondation Abbé Pierre. Bien sûr, les chercheurs, les think tanks, les associations de collectivités territoriales, comme l'Association des Départements de France et l'AMF, ou encore les mouvements proeuropéens ont également contribué aux réflexions dont ce rapport fait la synthèse.
Enfin, le projet des conventions étant éminemment européen, il vise à associer de manière concomitante un ensemble aussi large que possible d'États membres. Nous ne souhaitons pas que les conventions démocratiques se tiennent uniquement en France. C'est pour porter la bonne parole, mais aussi recueillir celle de nos interlocuteurs européens, que nous nous sommes déplacés dans cinq États membres, ainsi qu'à Bruxelles. Nous nous sommes également entretenus, en marge de la COSAC à Tallinn, avec sept délégations parlementaires issues d'États membres dans lesquels nous n'étions pas allés. C'est donc forts de ces quatre-vingts rencontres, avec près de trois cents personnes, que nous venons vous présenter le résultat de nos travaux.