Intervention de François-Michel Lambert

Réunion du mardi 25 janvier 2022 à 17h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert, rapporteur :

Je constate que personne ne remet en question la nécessité de prendre des mesures pour faire face à cette pollution.

Mme Riotton partage les constats mais considère que la proposition de loi ne répond pas aux évolutions structurelles. Or elle vise précisément à opérer un changement structurel, comme le fit l'interdiction des véhicules à moteur thermique à partir de 2040. L'interdiction de fabriquer du plastique à partir de la ressource très abondante et peu coûteuse qu'est le pétrole entraînera une production à base de plastiques recyclés et biosourcés, avec des surcoûts. Au passage, la proposition de loi n'a pas vocation à favoriser le recours aux plastiques biosourcés. Celui-ci doit être mieux encadré, tout comme doit l'être de manière plus générale tout usage des produits des terres agricoles à d'autres fins que l'alimentation – c'est d'ailleurs ce que nous avons décidé au sujet des importations de produits entraînant la déforestation.

Que le plastique doive sortir de notre consommation, je l'entends bien. Or, en 2010, l'industrie textile indiquait déjà avoir utilisé 30 millions de tonnes de coton et autant de polyester, entre autres plastiques. En 2030, l'usage du coton n'aura pas progressé, mais celui du polyester passera à 72 millions de tonnes, soit une multiplication par 2,4 en vingt ans. Pour l'instant, on est donc dans la surconsommation de plastique ; les taux de croissance annuelle, jusqu'à 7 %, de cette industrie le démontrent.

Cette proposition de loi ne s'oppose absolument pas à la loi AGEC qui prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040. Bien au contraire, elle va aider à accélérer, puisqu'elle ne remet pas en question les objectifs et ajoute davantage de contraintes.

Il ne faut pas une écologie verticale, dites-vous. La remarque pourrait être appliquée à d'autres mesures qui ont été votées et que j'ai soutenues, et dont les résultats sont extrêmement positifs : l'interdiction des véhicules à moteur thermique, l'arrêt des centrales à charbon ou la prohibition de l'importation de produits qui entraînent des déforestations. Mais le temps nous manque ! Mon engagement sur ces sujets remonte à mon premier mandat de député. Il était alors impossible d'en parler. Nous avons néanmoins pu avancer lors de la précédente législature et accélérer au cours de celle-ci – mais la catastrophe en a fait autant.

J'ai procédé à presque vingt-cinq auditions. Les deux acteurs qui se sont opposés à cette proposition de loi sont Plastics Europe – le lobby de l'industrie du plastique – et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique.

M. Michel Vialay remarque que toutes les politiques menées jusqu'à présent n'empêchent pas la fuite de plastique. C'est exactement ce que je démontre.

Sur le fait de s'en tenir à une mesure nationale, je pourrais lui donner raison, mais à un moment donné il faut commencer. Nous l'avons fait avec les véhicules à moteur thermique ou les importations de produits contribuant à la déforestation.

Il n'y a en effet pas d'étude d'impact : c'est un point qu'il faudra améliorer.

Je salue l'abstention du groupe LR, que je comprends comme positive.

Pour rédiger cette proposition de loi, je me suis appuyé sur des travaux que j'avais précédemment menés et le rapport de M. Philippe Bolo et de la sénatrice Mme Angèle Préville, qui, elle, la soutient et ne dit pas qu'elle rate sa cible. Vous laissez entendre, monsieur Bolo, que la proposition de loi encourage la substitution des polymères issus du pétrole par ceux issus de la biomasse. Ce ne sera pas le cas pour deux raisons. La première est qu'il sera plus coûteux de produire du plastique à partir de la biomasse et du recyclage, ce qui entraînera une diminution considérable de la production de plastique. La seconde est qu'il faudra renforcer le contrôle de l'usage des terres agricoles à d'autres fins que l'alimentation. Encore une fois, cette proposition de loi complète les autres lois récemment adoptées.

On me dit encore qu'elle ne prendrait pas en considération les fuites de plastique. Précisément, l'interdiction de quelques articles en plastique comme les pailles, piques à steak ou les couverts, n'empêche pas qu'elles croissent plus que jamais. Le Président de la République a annoncé des investissements colossaux pour faire des plastiques recyclés la principale source des plastiques de demain, avec plus de 1 milliard d'euros consacrés à deux sites de production dès 2025. Mais le plastique qui sera produit par ces usines chimiques sera beaucoup plus cher que celui fabriqué directement à partir de pétrole. C'est ce changement systémique que demandent tous les scientifiques.

Faut-il recourir à la loi pour organiser des états généraux sur la question des emballages ? On pourrait en effet s'en passer et confier leur organisation à la CNDP. Mais il faut agir et donner une impulsion que nous pourrons confirmer lors de l'examen du texte en séance publique, le vendredi 4 février. L'urgence est là. Un tel débat contribuera à atteindre l'objectif d'interdiction des emballages plastiques à usage unique en 2040.

Quant à renforcer l'ADEME et travailler avec les éco-organismes, je relève que ces derniers ne concernent pas tous les usages du plastique et qu'il existe donc des lacunes. Une Agence nationale du plastique serait plus efficace, à l'image de l'Office français de la biodiversité (OFB) qui couvre l'ensemble du spectre de la biodiversité et résulte de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Mme Chantal Jourdan a souligné le poids économique de l'industrie du plastique. Il ne faut pas le nier, mais le plastique ne disparaîtra pas, c'est sa production qui se transformera. Si l'industrie française prend de l'avance en abandonnant la production de masse et en se spécialisant dans la performance et la qualité, elle se mettra à l'abri de la concurrence des pays qui font du dumping social et environnemental. Elle créera aussi plus de valeur, et donc sécurisera ses implantations en France.

Je le répète, l'Agence nationale du plastique s'inspire de l'AFB, dont j'ai accompagné la création lors de la précédente législature et qui était soutenue par l'actuelle ministre de la transition écologique. À l'époque, cette agence avait été décriée, mais elle a fait la démonstration de son utilité. C'est tout le sens de la création d'une Agence nationale du plastique qui permettrait de mettre les efforts en commun au sein d'une organisation unique, plutôt que d'avoir des organismes disparates et de batailler pour augmenter de manière marginale le nombre de salariés qui s'occupent du plastique au sein de l'ADEME.

Je remercie M. Jean-Michel Clément d'avoir souligné qu'il s'agissait de s'inscrire dans une trajectoire de sobriété. Tous les scientifiques disent que nous n'y sommes pas et que l'on assiste à un phénomène de substitution. La multiplication par 2,4 en vingt ans du polyester utilisé dans l'industrie textile témoigne qu'on ne se préoccupe pas de la biodiversité. Sachant que le tonnage de plastique utilisé par cette industrie est deux fois supérieur à celui employé pour l'emballage, s'attaquer à ce dernier est certes indispensable, mais pas suffisant. Tel est bien le sens de cette proposition de loi.

Comme le relève Mme Riotton, il faudra prévoir des dérogations afin de continuer à produire du plastique à partir de pétrole pour des usages indispensables à la santé ou à la sécurité – j'ai déposé des amendements à cet effet.

M. Jean-Michel Clément a estimé que cette proposition de loi constituait une alerte. La présence de nombreux collègues pour l'examen de celle-ci – alors que l'activité parlementaire est très dense – montre que nous en sommes tous conscients. C'est le message que nous pourrons retenir à l'issue des débats.

Je partage les inquiétudes de M. Jimmy Pahun s'agissant de certains décrets et de la vigilance nécessaire. Celle-ci a besoin d'espaces où s'exercer, et les états généraux de l'emballage en sont un. Ils permettront aux responsables politiques, aux industriels, aux consommateurs et aux organisations non gouvernementales (ONG) de se rencontrer et de décider collectivement. Je le remercie de soutenir la création de l'Agence nationale du plastique.

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