Intervention de Patrice Anato

Réunion du mardi 5 décembre 2017 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Anato, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est une nouvelle étape dans le processus qui doit permettre à Paris et à la France d'accueillir, pour la première fois depuis cent ans, les jeux Olympiques d'été en 2024.

Lors de l'attribution de ces jeux à Lima le 13 septembre dernier, la France s'était engagée auprès du Comité international olympique (CIO) à adopter, dans les plus brefs délais, une « loi olympique » afin de fixer le cadre juridique nécessaire à l'organisation de cet événement mondial. Ce projet de loi contient donc des dispositions très variées, qui vont de la lutte contre le dopage aux questions de publicité en passant par l'urbanisme. C'est ce dernier sujet, qui fait l'objet des articles 6 à 13, qui nous intéresse aujourd'hui au regard des compétences de notre commission. Mais, avant d'entrer dans le détail de ces articles, je souhaiterais évoquer devant vous les enjeux économiques et territoriaux généraux relatifs à l'organisation de ces jeux Olympiques.

À de multiples égards, l'organisation d'un tel événement constitue un défi inédit pour la France. Onze millions de spectateurs venus du monde entier sont attendus au cours de l'été 2024. À titre de comparaison, 2,8 millions de billets ont été vendus lors de la coupe du monde de football en 1998. Ce défi de taille est une chance formidable pour promouvoir l'image et le savoir-faire de la France à l'étranger, ainsi que pour stimuler son activité économique lors des sept prochaines années. À terme, les retombées économiques et touristiques de l'événement pourraient être considérables et s'élever à dix milliards d'euros.

Pour les territoires qui accueilleront les différents sites de compétition, les jeux Olympiques et Paralympiques doivent également être un accélérateur d'investissement au service de la population locale. Le choix du département de la Seine-Saint-Denis pour accueillir le village olympique, le village des médias et le nouveau centre aquatique est, à ce titre, particulièrement symbolique. Dans ce territoire marqué par un chômage à 18 % et de fortes disparités sociales et spatiales, les jeux devraient laisser un héritage durable en termes de renouvellement urbain, d'équipements publics et de développement économique. Ces différents sites ont été choisis et conçus afin que les aménagements et les constructions réalisées pour les JO soient réutilisés, après les jeux, au bénéfice des populations locales.

Le site du village olympique, qui s'inscrit pleinement dans le projet de développement urbain de l'intercommunalité Plaine Commune, sera ainsi reconverti en véritable quartier intégré au reste de l'agglomération. Les bâtiments construits pour héberger les athlètes seront transformés en 2 200 logements familiaux, dont 40 % de logements sociaux, et 900 chambres en résidences étudiantes. Un peu plus de 100 000 m2 seront, par ailleurs, reconvertis en bureaux, commerces et zones d'activités. Il en sera de même pour la construction du village des médias au Bourget et à Dugny, qui permettra, après les jeux, la création d'environ 1 500 logements, d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), de commerces et d'équipements scolaires. Au-delà de la Seine-Saint-Denis, tous les territoires qui accueilleront les jeux bénéficieront d'investissements conséquents en faveur des équipements sportifs locaux. Une enveloppe de cent millions d'euros est, en effet, prévue pour créer ou rénover des équipements de proximité qui seront utilisés comme sites d'entraînement par les athlètes pendant les jeux.

L'organisation des jeux et les travaux nécessaires à la rénovation ou à la construction de certains sites représentent une chance pour l'emploi et les entreprises françaises, en particulier celles situées en Île-de-France. Selon l'étude d'impact et les acteurs que nous avons auditionnés, environ 250 000 emplois pourraient être créés en lien avec l'organisation des jeux durant les sept prochaines années. Les entreprises concernées relèvent, en premier lieu, du secteur du bâtiment, mais aussi de la fabrication de mobiliers et du secteur touristique et événementiel.

Pour saisir cette chance, les entreprises locales doivent s'y préparer dès maintenant et s'organiser pour répondre au mieux aux différents appels d'offres qui seront lancés, en se regroupant et en accélérant les efforts de formation. À ce titre, lors de son audition, le délégué interministériel aux jeux Olympiques et Paralympiques, M. Jean Castex, a annoncé qu'un plan de formation était en cours d'élaboration avec Pôle emploi et des représentants des employeurs et des syndicats. En outre, des clauses d'insertion sociale pourraient utilement être inscrites dans les différents appels d'offres des maîtres d'ouvrage afin de réserver une part minimale des heures travaillées à des personnes éloignées de l'emploi et accompagnées par des structures d'insertion par l'activité économique. À ce sujet, je vous proposerai tout à l'heure un amendement visant à inscrire dans la loi une disposition similaire à celle applicable à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), pour que tous les maîtres d'ouvrage qui interviendront dans les différents chantiers des sites olympiques inscrivent une telle clause dans leurs appels d'offre.

J'en viens aux dispositions du titre II qui concernent l'urbanisme et le logement. Elles ont été élaborées de manière partenariale entre l'État, les différentes collectivités territoriales concernées et le futur Comité d'organisation des JO (COJO), dans le but de donner tous les outils nécessaires aux différents porteurs de projet qui interviendront dans l'organisation des jeux pour livrer à bonne date, et dans les meilleures conditions possibles, les infrastructures olympiques.

Le premier objectif de ces simplifications est de gagner du temps. Un délai de six ans pour programmer et construire les différents équipements peut paraître suffisamment long. Il est, en réalité, très court pour les opérations d'envergure comme le village olympique, le village des médias et le centre aquatique, d'autant plus que les six premiers mois de l'année 2018 seront consacrés à la mise en place du cadre juridique et de la gouvernance de l'organisation des jeux.

L'article 6 prévoit ainsi que tous les projets nécessaires à l'organisation des jeux, à l'exception des expropriations, donneront lieu à une participation électronique du public au lieu d'une enquête publique. La procédure de la participation électronique, prévue à l'article L. 123-19 du code de l'environnement, présente, en effet, les mêmes garanties de transparence que l'enquête publique, sans toutefois être entourée des mêmes formalités de procédure, qui pourraient entraîner des glissements de calendriers en cas de recours contentieux. Étant donné l'ampleur des projets et leur résonance auprès du public, l'article 6 du projet de loi propose, toutefois, de renforcer spécifiquement la procédure de la participation électronique en confiant la réalisation de la synthèse des observations déposées par le public à des garants nommés par la Commission nationale du débat public (CNDP).

Dans le même esprit, l'article 8 ouvre la possibilité aux porteurs de projet de recourir à la procédure intégrée pour le logement (PIL), créée par une ordonnance de 2013. Cette procédure facilite la mise en compatibilité accélérée des documents d'urbanisme et permet l'adaptation concomitante de plusieurs plans ou schémas de rang supérieur, dans un délai maximum de neuf mois, au lieu de dix-huit mois en moyenne.

Le second objectif de ces dispositions est de garantir la reconversion du village olympique et du village des médias en quartiers mixtes, mélangeant logements sociaux, logements libres et locaux commerciaux.

Lors de leur audition, les élus de Seine-Saint-Denis nous ont indiqué vouloir éviter deux écueils : que ces futurs quartiers se transforment en cité-dortoir ou qu'ils participent à la gentrification de territoires populaires, évinçant ainsi les populations locales de l'accès aux logements construits. Pour garantir que certains logements construits pour les jeux seront ensuite reconvertis en logements sociaux, l'article 12 prévoit donc une procédure particulière permettant aux organismes HLM de louer au COJO, pendant la durée des jeux, les locaux qu'ils auront précédemment acquis ou construits et de n'appliquer que postérieurement à ces jeux les règles de la convention signée avec l'État relatives aux plafonds de ressources et de loyers.

Pendant la durée des jeux, près de 5 000 logements existants et vacants, destinés d'ordinaire à des étudiants et répartis sur environ 34 résidences universitaires, pourraient également être mobilisés afin de satisfaire des besoins spécifiques d'hébergement. L'article 13 prévoit donc une dérogation spécifique, du 1er juillet au 1er octobre 2024, pour autoriser les propriétaires de ces logements à les louer au COJO. Lors des auditions, des interrogations sont nées entre la date limite du 1er octobre, prévue à cet article, et le calendrier des rentrées universitaires qui, le plus souvent, ont lieu dès la mi-septembre. Dans ces conditions, des étudiants risqueraient d'avoir des difficultés à trouver un logement pour le mois de septembre 2024. Je partage cette préoccupation, même si je rappelle que cette date ne constitue qu'une limite légale qui n'a pas nécessairement vocation à être exploitée. Les jeux Paralympiques s'achèvent, en effet, le 15 septembre 2024 et mobiliseront beaucoup moins d'hébergements que les jeux Olympiques. Je n'ai donc pas déposé d'amendement sur ce point, dans l'attente de précisions de la part du Gouvernement sur le nombre de chambres qui pourraient être concernées au mois de septembre. Je pense également qu'une coordination étroite entre les universités et le COJO dans la gestion de la mobilisation des logements étudiants permettra, le temps venu, de prévenir toute difficulté à ce sujet.

Je termine ma présentation en évoquant une proposition qui me semble pertinente et novatrice : celle de créer un permis de construire à double objet. Pour assurer la reconversion des constructions réalisées pour le village olympique et le village des médias, certains travaux seront, en effet, nécessaires. En théorie, deux permis de construire devront donc être délivrés, l'un avant les jeux et l'autre après, ce qui retardera probablement la reconversion des sites au bénéfice des populations locales. Je souscris donc à une proposition, formulée par certaines collectivités territoriales lors de leur audition, consistant à inventer, à l'occasion de la préparation des jeux, un nouveau type de permis de construire à double objet. Celui-ci autoriserait en même temps deux versions successives d'une même construction, en version JO et en version post-JO. Cette procédure permettrait de sécuriser les deux utilisations du futur bâtiment et de réduire la possibilité de recours contentieux en fusionnant deux arrêtés en un seul. J'ai donc déposé un amendement en ce sens, que je vous invite à soutenir dans quelques instants.

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