Intervention de Nicolas Turquois

Réunion du mercredi 27 mai 2020 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicolas Turquois :

Que le groupe La France insoumise profite de la situation de détresse des familles en difficulté pour alimenter le feu de la contestation me pose vraiment question. Nous avons vu, ces dernières semaines, des images extrêmement troublantes qui montrent des files d'attente interminables devant les locaux des associations d'aide alimentaire. La crise sanitaire a malheureusement entraîné dans son sillage des conséquences désastreuses pour de très nombreuses familles déjà fragiles.

Au nom du groupe du Mouvement démocrate et apparentés (Modem), je remercie le Gouvernement pour tous les dispositifs exceptionnels qui ont été mis en place : ils ont permis à de nombreuses familles de résister durant le confinement. Je pense aux chèques-services pour les personnes sans domicile, aux chèques d'urgence alimentaire pour les foyers les plus en difficulté, à l'aide exceptionnelle de solidarité ou encore au fonds d'urgence pour soutenir les associations d'aide alimentaire. La réaction des pouvoirs publics a été forte. Il conviendra de s'interroger, lors de l'examen du projet de loi de finances, sur l'évolution et l'éventuelle pérennisation des dispositifs mis en œuvre durant la crise.

Profiter des situations terribles que vivent certaines familles pour supposer une inaction du Gouvernement est pour moi tout à fait incompréhensible. Je dois dire aussi que je suis assez agacé par le vide de cette proposition de loi. Au-delà du chèque alimentaire, les articles 2 et 3 laissent de côté tous les débats qui ont eu lieu lors de l'adoption de la loi ÉGALIM. Ces articles de la proposition de loi sont faciles, complaisants et révoltants ! Il est bien plus délicat de proposer des éléments opérationnels, de long terme mais réellement efficaces. Mon groupe préfère faire confiance aux interprofessions et aux filières ancrées dans les territoires, qui sont les mieux à même de s'organiser face à des acteurs plus gros et, en définitive, plus forts. La bonne démarche serait d'analyser les éléments qui ont bloqué les regroupements afin d'adapter les dispositions votées il y a bientôt deux ans.

Le seul point sur lequel nous pourrions être d'accord est l'organisation d'une conférence annuelle entre les parties prenantes, mais selon des modalités différentes de ce que vous proposez. Il faut le faire d'une manière permettant de retrouver l'esprit des états généraux de l'alimentation, de continuer le dialogue entre tous les acteurs, de dresser un état des lieux en ce qui concerne les prix, ce qui est déjà prévu, et de s'accorder sur l'évolution des coûts de production, mais absolument pas dans la perspective de définir des prix planchers. On ne peut pas fixer à l'avance le prix de la baguette de pain.

Je suis particulièrement agacé par les textes qui n'ont pas d'autre objet que de faire de la démagogie. Le groupe Modem serait favorable à une proposition de loi relative à l'agriculture à condition qu'elle ait de la substance à propos des interprofessions, de l'agro-écologie et des aides aux agriculteurs. Les évolutions les plus puissantes sont celles qui reposent sur la conviction. Le confinement a notamment eu le mérite de développer largement la télémédecine, qui est particulièrement indispensable dans les zones rurales, de faire découvrir le télétravail, très utile pour les salariés résidant loin du lieu d'exercice de leur activité, et surtout de faire prendre conscience à nos concitoyens de l'importance d'acheter des produits alimentaires français, voire locaux. Le confinement a réussi à faire en deux mois ce que des politiques publiques n'avaient pas pu obtenir en plusieurs années.

Voilà les changements en profondeur que nous devrions proposer en tant que parlementaires, voilà notre rôle de responsables politiques : il s'agit d'utiliser la crise exceptionnelle que nous vivons pour transformer notre société, en cohérence avec les territoires et les citoyens, et non de proposer de vieilles solutions médiatiquement faciles mais particulièrement dangereuses.

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