…nous a permis d'écouter l'ensemble du monde agricole au cœur de la crise. Une des propositions que nous avons formulées est de mener une campagne visant à sortir de l' agribashing par une remise en valeur du rôle de l'agriculture et de l'alimentation dans la production de solutions pour la santé des personnes et de la planète. C'est dans cet état d'esprit que nous devons nous placer et qu'il faut entendre l'originalité de la proposition de loi. L'agriculture, par ses multiples fonctions stratégiques, en matière de climat, de biodiversité et de souveraineté – ou plutôt de sécurité – alimentaire, ne pourra jamais être un secteur économique comme les autres : elle a besoin d'une régulation, d'un dialogue avec la puissance publique, parce qu'elle concerne des biens communs importants pour la dignité des personnes et la planète. L'alimentation ne sera jamais une simple marchandise.
Mon groupe défend depuis des années la réalisation d'efforts de régulation à travers cinq propositions : une nouvelle génération de traités, l'organisation des marchés au sein de l'Union européenne, une fabrique des prix coopérative, à l'échelle nationale, une politique de réforme foncière garantissant le renouvellement des générations, la première richesse étant celle des hommes, et enfin une politique permettant aux consommateurs de peser sur l'organisation du marché. La crise du covid-19 doit notamment être le moment d'une accélération pour la haute valeur environnementale, en tant que récit commun à la société et à l'agriculture.
Nous disons oui au chèque que vous voulez instaurer. Nous avions déposé un amendement au projet de loi de finances rectificative qui visait à mobiliser en urgence 150 millions d'euros. Cette proposition a été refusée mais nous notons que des efforts ont été réalisés par le Gouvernement. Le présent texte permet de rouvrir le débat. Nous déposerons en séance publique des amendements visant à améliorer la mesure que vous proposez – il faut une concertation avec l'ensemble des parties prenantes – mais nous soutiendrons une disposition spécifique et exceptionnelle.
C'est d'abord par un revenu décent que nous devons donner aux plus modestes la possibilité d'avoir la même nourriture de qualité que les autres. Le combat mené à titre expérimental avec le mouvement ATD Quart Monde va dans ce sens. Il n'est pas question de chèques ou d'aide alimentaire, mais de dignité, de solutions cuisinées ou achetées d'une manière responsable. La disposition envisagée aujourd'hui est donc une solution d'urgence, et non durable.
En situation de crise, la construction de prix maximaux me paraît également intéressante. On a évité le pire parce qu'il y a eu un dialogue : tout le monde – le Gouvernement, les syndicats et toutes les parties prenantes – a réalisé un effort et la situation n'a pas flambé, mais le risque est réel. L'alerte est là.
En ce qui concerne les prix minimaux pour les producteurs, je préfère, dans la lignée de la loi « Sapin 2 », dont j'ai eu l'honneur d'être rapporteur pour avis et qui a été en partie améliorée par la loi ÉGALIM – mais pas suffisamment pour faire face aux oligarchies de la grande distribution et de l'agroalimentaire –, qu'il y ait une construction dans le cadre d'interprofessions, en lien avec les AOP et par bassins de vie. Il y a un manque en ce qui concerne les sanctions et les AOP. Tout est dans la loi : la profession a une part de responsabilité, je tiens à le dire – le temps n'est pas à la démagogie.