Intervention de Laurent Berger

Réunion du jeudi 28 mai 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT :

L'État et l'UNEDIC ne peuvent prendre en charge la moitié des travailleurs du privé. Il faut pouvoir conditionner les aides aux entreprises. Il pourrait ainsi être envisagé de réserver la prise en charge au titre du chômage partiel aux seules entreprises ayant signé un accord fixant les conditions de la pérennité de l'emploi et de la qualité du travail.

Je pense que le bénéfice des aides accordées aux entreprises ne doit pas dépendre d'un cadre législatif strict, mais plutôt de la capacité des entreprises à développer du dialogue social. Dans de nombreux pays européens, les orientations des entreprises sont conditionnées à l'existence d'un accord social dans l'entreprise. Je rappellerai simplement que les accords « de Robien » et les premières lois « Aubry » sur les 35 heures conditionnaient l'aide aux entreprises à la conclusion d'un accord sur le temps de travail. Cette conditionnalité n'est donc pas nouvelle.

Dans un contexte rendu anxiogène par une crise sociale sous-jacente, ce serait une erreur que les acteurs locaux ne soient ni responsabilisés, ni intéressés à agir pour préserver l'emploi et améliorer la situation des salariés. C'est la raison pour laquelle les aides liées au chômage partiel doivent être conditionnées à des objectifs de maintien de l'emploi.

Il en est de même sur la question primordiale de l'environnement. Un certain nombre d'aides doivent être conditionnées à l'inscription dans la transition écologique. Ce serait une grave erreur de ne pas faire évoluer notre modèle productif pour y intégrer la question environnementale.

La puissance publique doit développer une vision stratégique de ces enjeux sociaux et environnementaux et conditionner son soutien à l'économie en conséquence.

Sur la préservation des compétences, la proposition de M. Lagleize fait partie des mesures à considérer pour aider les grands donneurs d'ordre à faire face à une situation difficile. Tout ce qui favorise le maintien dans l'emploi mérite d'être étudié.

Il faudra aussi s'interroger sur le devenir d'apprentis qui ne seront pas conservés par leur entreprise. C'est un gâchis de compétences à éviter.

Par ailleurs, pendant cette période de crise, les métiers qui ont eu la plus forte utilité sociale sont aussi les moins reconnus. Ce sont aussi des métiers très féminisés. Cela illustre les dysfonctionnements profonds de notre marché du travail. La réponse à cette situation est législative, mais elle doit aussi passer par des contraintes et des sanctions, notamment pour les entreprises où l'égalité salariale n'est pas respectée. Un changement culturel est nécessaire mas il doit s'accompagner d'actions concrètes pour ces métiers féminisés. Ainsi, par exemple, les salariés de ces secteurs doivent pouvoir accéder à un emploi à temps plein lorsqu'elles le souhaitent. Des négociations doivent être engagées au plus vite pour que les grilles de classifications des branches concernées soient revues et que ces métiers soient enfin reconnus.

J'ajouterai qu'il me semble nécessaire de renforcer le poids des salariés dans l'entreprise. Au moment où les restructurations vont se multiplier, une redéfinition de la gouvernance des entreprises serait utile. Sinon, les conflits se multiplieront.

À propos des priorités à fixer, c'est tout l'enjeu de la conférence environnementale et sociale que nous préconisons. Concernant le financement, il ne serait pas anormal que les entreprises les moins touchées par la crise contribuent plus que celles qui en ont souffert.

De la même manière, la contribution des pays européens pourrait être examinée à l'aune de leur politique fiscale et des possibilités d'optimisation fiscale qu'ils offrent. Plus globalement, une réflexion sur la fiscalité est souhaitable. Oui, les plus aisés doivent contribuer davantage au bien commun. La CFDT l'assume.

Dans un contexte de taux bas, un recours à l'endettement pourrait aussi permettre d'investir dans une économie soutenable.

Si nous ne sommes pas capables de redéfinir un autre modèle de développement en gérant l'urgence, le risque démocratique sera très élevé. La montée des inégalités sociales et l'absence de perspectives favorisent la montée de l'extrême droite, en France, mais aussi dans toute l'Europe.

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