Commission des affaires économiques

Réunion du jeudi 28 mai 2020 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CFDT
  • partiel
  • télétravail

La réunion

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La commission des affaires économiques a procédé à l'audition de M. Laurent Berger, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

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Je souhaiterais en préambule rendre hommage à M. Claude Goasguen, qui nous a quittés ce matin. Je salue la mémoire d'un homme de convictions, qui a toujours fait son travail de député aussi bien que possible.

Monsieur le secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), vous avez la parole.

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Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT

Cette crise a mis en lumière des réalités sociales telles que la persistance voire l'accroissement des inégalités, la nécessité de services publics répondant aux besoins des citoyens et la vulnérabilité d'un certain nombre de citoyens et de travailleurs. Elle a aussi montré que nous pouvions travailler différemment.

Cette crise a aussi mis en lumière des réalités économiques. Elle a tout d'abord révélé l'absence de filière stratégique au niveau national et européen ainsi que la dépendance des entreprises à la puissance publique. Elle a aussi montré la capacité de certaines entreprises à faire évoluer leur modèle de production pour faire face à l'urgence. Cette crise a également souligné l'importance des industries de l'art de vivre, dont les citoyens comme les entreprises ont été privés.

Il faudra se souvenir que nos amortisseurs sociaux ont fonctionné et fait preuve d'une capacité d'adaptation insoupçonnée. Si les protections sociales ont parfois montré des failles, elles ont aussi affiché leur solidité.

Je ne reviendrai pas sur les inégalités de travail que cette crise a provoquées entre ceux qui étaient en chômage partiel, ceux qui étaient en télétravail, et ceux qui étaient en première ligne et complètement exposés.

Je retiendrai plutôt que cette crise a mis en exergue la nécessité de se parler, de négocier, de discuter. Les entreprises qui ont été les plus à même de faire face à cette crise sont celles où le dialogue social et le dialogue économique ont pu se développer correctement.

La sortie de crise nécessitera des mesures pour répondre aux situations d'urgence et assurer notamment la protection des personnes les plus fragilisées. Les chiffres du chômage sont là pour nous rappeler la difficulté de la tâche.

Dans ce contexte, la CFDT propose de continuer à protéger les salariés dans la reprise d'activité. Il sera également nécessaire de valoriser le travail, qui a trop souvent été ignoré et dont l'utilité nous a été rappelée durant ce confinement.

Pendant cette crise, le soutien de l'État aux entreprises a été important. Il faut veiller à ne pas précipiter la fin des mesures de soutien sans solutions alternatives. Il pourrait s'agir, plutôt que de procéder à des licenciements massifs, de privilégier le dialogue social et la formation pour sauvegarder les emplois.

Cette crise provoquera un choc sur l'emploi, mais aussi sur le travail. Je suis persuadé que le télétravail sera un sujet central dans les semaines et les mois à venir.

Outre le traitement des situations d'urgence, il faudra s'interroger sur le pacte social que nous sommes capables de reconstruire dans notre pays pour articuler les enjeux économiques, sociaux, et environnementaux. Cette crise pourrait même être vue comme une opportunité de s'interroger sur la transition écologique et ses conséquences en termes d'emploi et d'évolution de notre modèle productif.

Les réponses qui seront apportées à ces interrogations devront associer les citoyens, les acteurs économiques, etc., sinon, cette crise débouchera sur une crise démocratique.

La situation à venir sera difficile et favorisera les postures et les commentateurs, d'autant plus que cette crise est totalement inédite et qu'il n'existe aucune réponse toute faite. Nous devrons donc faire fonctionner l'intelligence collective au plus près des réalités, dans les entreprises, en fixant un cap clair.

Le risque serait de vouloir centraliser des solutions toutes faites. Il faut au contraire renforcer le dialogue social, voire conditionner certaines aides à la qualité de ce dialogue social.

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Le gouvernement a déclaré la semaine dernière qu'il était temps de créer une nouvelle branche de la Sécurité sociale pour couvrir le risque de la perte d'autonomie. Ce cinquième risque serait financé à hauteur de 0,15 point de CSG dès 2024. Je souhaiterais connaître, Monsieur le secrétaire général, les positions de principe de la CFDT par rapport à cette proposition en faveur du grand âge et de son financement.

Les salariés en télétravail à domicile sont aussi parmi ceux qui ont continué à travailler pendant le confinement. Pour la plupart, ce n'était pas leur choix, mais celui de leur employeur. Certains souhaitent néanmoins poursuivre le télétravail, à temps plein ou à temps partiel. Or, le télétravail n'est pas un droit du salarié. Comment accompagner demain la généralisation souhaitée et progressive du télétravail ? Sur quelles bases la CFDT souhaite-t-elle établir les droits et les devoirs de chacun ?

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Nous sortons de la crise sanitaire pour entrer dans une crise économique qui s'accompagnera d'une crise sociale majeure.

Cette crise sociale touchera plus particulièrement les centaines de milliers de jeunes qualifiés et diplômés qui arriveront sur le marché du travail et se heurteront à un mur. Quelles sont les propositions formulées par votre organisation pour accompagner au mieux cette génération de jeunes qui rencontrera de grandes difficultés ?

Par ailleurs, pensez-vous que télétravail doive faire l'objet de négociations dans chaque entreprise ? Doit-il s'institutionnaliser ?

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J'ai rendu il y a un an, avec ma collègue Carole Grandjean, un rapport relatif au socle européen des droits sociaux. Nous avions formulé dans ce rapport plusieurs propositions pour renforcer ce socle européen. Cette pandémie nous oblige à nous interroger sur une refonte de nos perspectives économiques, environnementales, industrielles, mais aussi sociales. Mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux est un prérequis indispensable pour surmonter la crise économique.

Plusieurs dirigeants européens promeuvent un nouveau mécanisme de redistribution entre États membres. La crise actuelle deviendrait-elle un nouvel élan pour l'Europe sociale ?

Quels seraient selon vous les effets de levier via le socle européen des droits sociaux ? Ce socle peut-il contribuer au projet européen et le rendre incontournable ?

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Monsieur le secrétaire général, en tant que président de la Confédération européenne des syndicats (CES), avez-vous à nous apporter des propositions originales du mouvement syndical ?

Quelle est par ailleurs votre réaction à la proposition du Premier ministre néo-zélandais de rouvrir le débat du partage du travail dans cette période de chômage massif annoncé ?

Le basculement vers les métiers d'avenir que nous promet la transition écologique doit être une priorité. Il suppose un effort de formation et une flexibilité extraordinaires. Est-ce possible en conservant nos institutions actuelles ? Est-ce possible avec les droits et devoirs tels qu'ils existent dans le code du travail ?

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Depuis mi-mars, le dispositif de chômage partiel est au cœur du soutien aux entreprises. Or à compter du 1er juin, la prise en charge par l'État et l'UNEDIC diminuera. La période qui s'ouvre est cruciale. Un désengagement trop hâtif pourrait transformer le chômage partiel en chômage. Quelles sont vos préconisations pour une évolution du niveau de prise en charge par l'État à court et moyen termes ? Les partenaires sociaux ont-ils été consultés sur ce sujet ?

S'agissant de l'UNEDIC, la prolongation des droits et l'augmentation attendue du chômage auront-elles des répercussions sur l'entrée en vigueur de la réforme de l'assurance chômage et sur son contenu ?

Par ailleurs, la question de la conciliation entre la sécurité sanitaire des salariés et l'activité économique se pose avec acuité. La protection des salariés est-elle assurée ? Existe‑t‑il des secteurs où se concentrent les difficultés ?

Le recours au télétravail a été massif, mais organisé dans l'urgence. Comment lutter contre les abus ? Comment évaluer la durée du travail ? Préconisez-vous des ajustements législatifs ?

Enfin, vous avez formulé des propositions dans le cadre du Pacte du pouvoir de vivre. Comment entendez-vous peser dans le débat sur notre modèle économique ?

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Je voudrais d'abord saluer l'engagement de la CFDT pour démontrer que le travail et l'écologie peuvent aller de pair. Une mobilisation générale est nécessaire pour organiser la résilience du modèle français dans un contexte d'emballement climatique. La CFDT a pris position pour une conférence de transformation écologique et sociale. Avez-vous eu des échanges avec le président de la République et le Premier ministre sur une telle perspective ?

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La crise économique sera importante. Si je vous ai bien compris, vous proposez un choix entre le chômage et la formation. J'aurais souhaité que vous précisiez votre point de vue. De même j'aimerais bien obtenir des éléments complémentaires concernant votre vision sur le temps de travail.

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Dans ce contexte de crise, il sera impossible de redresser l'économie sans les salariés. Leurs représentants doivent occuper une place centrale dans les décisions pour l'avenir des entreprises. J'ai pourtant l'impression que les salariés seront les premières victimes de cette crise. Des fermetures de sites sont ainsi évoquées chez Renault ou chez Arcelor Mittal. Partagez-vous ce sentiment que certains groupes utilisent la crise actuelle comme un outil pour casser l'emploi ? Comment contrer cette dérive ?

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Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT

La crise sanitaire a nécessité un soutien massif aux entreprises et aux travailleurs par l'intermédiaire du chômage partiel et de dispositifs de soutien à des populations spécifiques.

Nous faisons maintenant face à une augmentation massive du chômage et à des difficultés économiques dans les entreprises. Il y aura ensuite ce que nous serons capables de construire.

Nous entrons dans une période où nous devrons gérer de grosses difficultés. Les choix qui seront faits devront rechercher un nouvel équilibre entre les dimensions économique, sociale et écologique.

La situation des métiers du grand âge me rappelle janvier 2018 et les rassemblements des salariés que nous avions organisés. Aucune solution ne pourra être trouvée sans un investissement massif. Dans un contexte de difficultés d'emploi, il faut rappeler que plusieurs dizaines de milliers d'emplois sont nécessaires dans les métiers du grand âge. Cela implique néanmoins une professionnalisation, une reconnaissance et un financement.

L'idée d'une cinquième branche de la Sécurité sociale est bonne, mais les moyens restent insuffisants. Il faudra donc les augmenter, ce qui imposera des choix collectifs. La CFDT valide cette cinquième branche de la Sécurité sociale qu'elle revendiquait. Cependant, sa mise en œuvre doit être plus rapide et intervenir avant 2024.

Quant au télétravail, il a été bien vécu par certains, beaucoup plus durement par d'autres. Les enfants étaient parfois présents, l'équipement informatique et les conditions de travail n'étaient pas toujours adaptés. Cette période doit nous enseigner que le télétravail est un mode d'organisation du travail qui ne saurait cependant être exclusif. Nous avons besoin de relations sociales qui nourrissent le goût du travail. Si le télétravail a aussi pu apparaître comme un moyen d'articuler différemment son temps, il s'est parfois accompagné d'une perte de repères et d'une charge de travail excessive. Il doit être régulé. Pour être bien vécu, le télétravail doit faire l'objet de négociations dans les entreprises. Il devra aussi respecter certaines conditions, notamment en termes de relation hiérarchique. Le rôle du manager n'est pas identique selon qu'il s'exerce en présentiel ou à distance. Des garde-fous devront aussi être instaurés pour articuler les temps sociaux. Il faudra néanmoins veiller à ce que le télétravail ne soit pas motivé par la réduction des coûts. Nous devrons être vigilants car je crains que la question de la qualité du travail disparaisse derrière les problématiques d'emploi.

Par ailleurs, lors des reprises d'activité, il faudra éviter que des tensions ne naissent entre ceux qui ont télétravaillé et ceux qui ont été obligés d'être présents. Je ne vous cache pas que des travailleurs en présentiel n'ont pas toujours bien vécu d'être managés à distance par des cadres se trouvant dans leur résidence secondaire.

Je suis moi aussi très inquiet pour les 750 000 jeunes qui arrivent sur le marché du travail. La solution miracle n'existe pas et nous devrons être intelligents et innovants. De nombreux jeunes arriveront sans ressources ni droits en termes d'indemnisation. La question d'un revenu de solidarité active (RSA) jeune couplé avec un accompagnement très fort vers l'insertion dans la vie professionnelle doit donc être posée. Des aides aux entreprises pour qu'elles poursuivent leurs efforts en matière d'apprentissage ne sont pas non plus à écarter. Je n'ai aucun tabou, sauf celui d'une insertion qui passerait par une baisse de droits. Il faut réagir très vite, c'est la raison pour laquelle nous avons appelé à cette mobilisation pour l'emploi.

Concernant l'Europe, le socle européen des droits sociaux fait partie du programme de la Commission européenne. Je m'en réjouis, mais un travail de persuasion est encore nécessaire pour que cette orientation constitue un nouvel élan.

Par ailleurs, en tant qu'Européen et syndicaliste convaincu, je ne peux que me féliciter de la mise en avant de la solidarité intra-européenne. La mutualisation et l'investissement collectif sont des mesures appropriées dans la situation actuelle. Rien n'est cependant acquis.

Vous m'avez interrogé sur les propositions originales du mouvement syndical. Je n'en connais qu'une, c'est la capacité à s'engager dans la négociation collective. Je regrette d'ailleurs qu'en France, comparativement aux pays qui nous entourent, il soit si difficile d'obtenir un engagement des acteurs. La verticalité n'est pas toujours une qualité.

Concernant le Pacte pour le pouvoir de vivre, nous proposons notamment une conférence de transformation économique, sociale et environnementale. Ces trois enjeux doivent être réarticulés. Aucune réponse ne nous a été apportée pour l'instant sur la tenue de cette conférence, mais nous l'espérons d'ici l'été. Il est indispensable de s'engager dans une logique de transformation de notre modèle.

Sur le temps de travail, il n'y a pas besoin de toucher à la durée légale du travail. Ce serait une grave erreur. Si vous voulez modifier le code du travail, renforcez plutôt les moyens des représentants du personnel. Nous pensons néanmoins qu'il est possible d'innover sur le temps de travail. C'est ainsi que nous prônons un compte épargne temps universel qui permettrait de gérer différemment son temps tout au long de sa carrière.

Nous ne devons par ailleurs pas être naïfs. L'ajustement du temps de travail sera discuté dans les entreprises, à la hausse comme à la baisse. Dès lors que ces accords seront majoritaires, ils devront s'imposer. Il n'appartient pas au législateur de décider du bonheur de tout le monde partout et tout le temps. Je ne crois pas que le « monde d'après » se décide à Paris et en petit comité. Il dépendra de la capacité d'initiative de tous, éventuellement accompagnée d'impulsions données au niveau national.

Une vraie rénovation thermique des logements, telle que nous la demandons depuis des années, aurait un coût élevé, mais représenterait un véritable gisement d'emplois. La rénovation thermique des logements privés contribuerait également à réduire les inégalités. Cette rénovation thermique que nous appelons de nos vœux nécessite une impulsion nationale, mais ne peut être mise en œuvre de manière centralisée. Elle doit être déployée par les acteurs locaux. C'est un choix politique.

Je me suis battu pour que la prise en charge du chômage partiel par l'État et l'UNEDIC ne soit pas réduite. Je souhaite par ailleurs que ce chômage partiel soit conditionné à la conclusion d'accords de proximité de l'emploi. J'ajoute que si les partenaires sociaux ont été consultés sur ce sujet, la concertation sociale mérite elle aussi d'être déconfinée.

La protection de la santé des salariés lors de la reprise d'activité a pu être assurée correctement dans beaucoup d'entreprises, mais dans d'autres, les employeurs ont cru qu'ils pouvaient décider seuls de l'adaptation des postes de travail. Je rappelle que ceux qui connaissent le mieux un travail sont ceux qui l'exercent à leur poste de travail. Les craintes des salariés restent fortes, mais elles varient beaucoup d'une entreprise à une autre.

Concernant la formation des salariés, il existe des opérateurs qui sont prêts à relever le défi de la formation massive. J'en citerai deux, l'AFPA et le CNAM. Ce ne sera néanmoins possible qu'à condition d'y consacrer les moyens et les financements nécessaires.

Évidemment, l'économie ne pourra se redresser sans les acteurs de l'entreprise que sont les travailleurs. Je crois que cette crise offre l'opportunité de mieux partager le pouvoir dans les entreprises et d'associer plus significativement les travailleurs au choix de l'entreprise.

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Très récemment, vous avez formulé 15 mesures à mettre en place dès la fin du confinement. La proposition numéro 9 impose une conditionnalité écologique et sociale à l'octroi d'aides publiques aux grandes entreprises. Or, si de grandes entreprises adaptent leur stratégie aux obligations environnementales et climatiques, d'autres y sont plus réticentes. Que préconisez-vous pour ces dernières ? Par ailleurs, que préconisez-vous pour adapter votre proposition d'écoconditionnalité à des entreprises dont le métier est forcément polluant ?

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La crise sanitaire entraîne une crise économique sans précédent. Dans les semaines et les mois à venir, la question de la préservation des compétences sera primordiale pour les entreprises. Dans de nombreux secteurs de pointe, la formation et la montée en compétences des salariés demandent plusieurs années. Dès lors, ne serait-il pas envisageable de créer un ambitieux programme autour du dispositif existant du détachement ? Une entreprise en difficulté souhaitant conserver ses salariés les détacherait dans des structures publiques ou privées locales pour développer de nouveaux pôles d'excellence. Grâce à un mécanisme de compensation, le processus serait bénéfique pour l'entreprise qui garderait de précieuses compétences et pour la structure d'accueil qui pourrait en disposer temporairement. Je souhaiterais connaître votre position sur cette idée et plus largement sur l'enjeu de la préservation des compétences.

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La crise liée à la pandémie de Covid-19 a mis en lumière des emplois féminisés utiles, mais mal reconnus. Dans ce contexte, la secrétaire d'État Marlène Schiappa a présenté 15 mesures pour revaloriser ces métiers qui étaient en première ligne dans la lutte contre la maladie. À la CFDT, quelle place accordez-vous à ce sujet que la crise a fait ressortir ? Quelles sont vos propositions pour favoriser l'émancipation économique des femmes et quelles sont vos solutions face à la précarité de trop nombreuses salariées ?

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Le 25 mai, le Gouvernement a lancé un cycle de concertation destiné à repenser durablement et profondément notre système de santé. La CFDT Santé Sociaux participera aux travaux qui seront menés dans ce cadre. En l'absence d'aménagement et d'adaptabilité des 35 heures, quelles solutions concrètes proposez-vous pour répondre au défi de la refondation urgente et nécessaire du système de santé ?

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Cette crise a été un révélateur des rôles sociaux essentiels assurés par des métiers très féminisés. Ces métiers sont pourtant assez peu reconnus parce qu'ils ont toujours été pratiqués par des femmes. Monsieur le secrétaire général, alors que la crise impose à la société de se réinventer, que proposez-vous pour revaloriser ces métiers féminisés ? Seriez-vous prêt à une refonte globale de la cotation des métiers et des compétences pour en finir avec les discriminations de genre de notre société ?

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Monsieur le secrétaire général, à la suite de mes deux collègues qui ont parlé de la place des femmes, j'aurai une première question. À quand une femme à la tête d'un syndicat ?

Par ailleurs, vous avez évoqué des aides conditionnées au dialogue social. Pourriez‑vous apporter des précisions à ce sujet ?

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Monsieur le secrétaire général, je pense comme beaucoup que le monde du travail doit sortir renforcé de cette crise et que les vieilles recettes (moins de charges, plus de travail, etc.) ne sont pas adaptées. Comment la CFDT envisage-t-elle de passer outre ces vieilles recettes dans les entreprises qui ne se distinguent pas par la qualité de leur dialogue social ?

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Je me permettrai d'ajouter une question. Quand vous regardez la masse des dépenses publiques, identifiez-vous des priorités et des économies potentielles ?

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Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT

L'État et l'UNEDIC ne peuvent prendre en charge la moitié des travailleurs du privé. Il faut pouvoir conditionner les aides aux entreprises. Il pourrait ainsi être envisagé de réserver la prise en charge au titre du chômage partiel aux seules entreprises ayant signé un accord fixant les conditions de la pérennité de l'emploi et de la qualité du travail.

Je pense que le bénéfice des aides accordées aux entreprises ne doit pas dépendre d'un cadre législatif strict, mais plutôt de la capacité des entreprises à développer du dialogue social. Dans de nombreux pays européens, les orientations des entreprises sont conditionnées à l'existence d'un accord social dans l'entreprise. Je rappellerai simplement que les accords « de Robien » et les premières lois « Aubry » sur les 35 heures conditionnaient l'aide aux entreprises à la conclusion d'un accord sur le temps de travail. Cette conditionnalité n'est donc pas nouvelle.

Dans un contexte rendu anxiogène par une crise sociale sous-jacente, ce serait une erreur que les acteurs locaux ne soient ni responsabilisés, ni intéressés à agir pour préserver l'emploi et améliorer la situation des salariés. C'est la raison pour laquelle les aides liées au chômage partiel doivent être conditionnées à des objectifs de maintien de l'emploi.

Il en est de même sur la question primordiale de l'environnement. Un certain nombre d'aides doivent être conditionnées à l'inscription dans la transition écologique. Ce serait une grave erreur de ne pas faire évoluer notre modèle productif pour y intégrer la question environnementale.

La puissance publique doit développer une vision stratégique de ces enjeux sociaux et environnementaux et conditionner son soutien à l'économie en conséquence.

Sur la préservation des compétences, la proposition de M. Lagleize fait partie des mesures à considérer pour aider les grands donneurs d'ordre à faire face à une situation difficile. Tout ce qui favorise le maintien dans l'emploi mérite d'être étudié.

Il faudra aussi s'interroger sur le devenir d'apprentis qui ne seront pas conservés par leur entreprise. C'est un gâchis de compétences à éviter.

Par ailleurs, pendant cette période de crise, les métiers qui ont eu la plus forte utilité sociale sont aussi les moins reconnus. Ce sont aussi des métiers très féminisés. Cela illustre les dysfonctionnements profonds de notre marché du travail. La réponse à cette situation est législative, mais elle doit aussi passer par des contraintes et des sanctions, notamment pour les entreprises où l'égalité salariale n'est pas respectée. Un changement culturel est nécessaire mas il doit s'accompagner d'actions concrètes pour ces métiers féminisés. Ainsi, par exemple, les salariés de ces secteurs doivent pouvoir accéder à un emploi à temps plein lorsqu'elles le souhaitent. Des négociations doivent être engagées au plus vite pour que les grilles de classifications des branches concernées soient revues et que ces métiers soient enfin reconnus.

J'ajouterai qu'il me semble nécessaire de renforcer le poids des salariés dans l'entreprise. Au moment où les restructurations vont se multiplier, une redéfinition de la gouvernance des entreprises serait utile. Sinon, les conflits se multiplieront.

À propos des priorités à fixer, c'est tout l'enjeu de la conférence environnementale et sociale que nous préconisons. Concernant le financement, il ne serait pas anormal que les entreprises les moins touchées par la crise contribuent plus que celles qui en ont souffert.

De la même manière, la contribution des pays européens pourrait être examinée à l'aune de leur politique fiscale et des possibilités d'optimisation fiscale qu'ils offrent. Plus globalement, une réflexion sur la fiscalité est souhaitable. Oui, les plus aisés doivent contribuer davantage au bien commun. La CFDT l'assume.

Dans un contexte de taux bas, un recours à l'endettement pourrait aussi permettre d'investir dans une économie soutenable.

Si nous ne sommes pas capables de redéfinir un autre modèle de développement en gérant l'urgence, le risque démocratique sera très élevé. La montée des inégalités sociales et l'absence de perspectives favorisent la montée de l'extrême droite, en France, mais aussi dans toute l'Europe.

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Merci beaucoup. Votre intervention a été utile, complète et très claire.