Intervention de Jean-Dominique Senard

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean-Dominique Senard, président-directeur général du groupe Renault :

Afin de redresser le groupe Renault, ainsi que l'alliance internationale dont il fait partie, nous avons pris des décisions complexes, dans le respect des personnes et des organisations : il n'y aura aucun licenciement sec, ni aucune souffrance sociale.

Pour faire face à la crise du covid-19, nous avons conclu avec un pool de cinq banques une convention d'ouverture de crédits d'un montant maximum de 5 milliards d'euros, dont 4,5 garantis par l'État. Elle a vocation à financer les besoins de liquidités du groupe. Je veux être clair : il s'agit d'un prêt bancaire, que Renault entend rembourser sans utiliser un euro des contribuables français. En contrepartie de la garantie de l'État, nous avons pris trois engagements : le non‑versement des dividendes à nos actionnaires, le paiement de nos fournisseurs en temps et en heure et le maintien de nos engagements CO2 pour 2020.

Au mois de février, avant le début de la pandémie, nous avions par ailleurs construit un plan d'économie qui est vital pour la pérennité de l'entreprise. Il pose les bases de l'industrie de demain, une industrie compétitive et innovante, qui contribuera au rayonnement de la France et au déploiement d'une mobilité durable pour tous.

Le groupe hérite d'une situation dégradée. Sa stratégie, fondée sur la course aux parts de marché – donc aux volumes – pariait sur une forte augmentation du marché mondial, qui n'a pas eu lieu, si bien que nous avons une surcapacité de production structurelle, que l'effondrement des ventes dû à la crise du covid-19 a aggravée. L'entreprise ne supporte plus le poids de ses frais fixes. Sans plan d'économie, c'est l'avenir du groupe, celui des hommes et des femmes qui y travaillent, qui est en jeu.

Nous avons donc défini un plan de réduction de nos coûts fixes de plus de 2 milliards d'euros sur trois ans, auquel toutes les régions et toutes les fonctions du groupe vont contribuer. Hors de France, nous avons suspendu plusieurs projets d'extension de capacités. Nous devons aussi réduire les coûts de l'énergie et de l'ingénierie et redimensionner nos capacités industrielles. Ces évolutions se feront dans le cadre du dialogue social, entre les représentants des salariés et les équipes de la direction de Renault.

Notre stratégie est cohérente avec les objectifs du plan de soutien du Gouvernement car elle repose, depuis longtemps, sur trois grands piliers : la transition écologique, la valorisation du site France et l'alliance avec Nissan et Mitsubishi.

S'agissant, premièrement, de la transition écologique, Renault est pionnier et leader dans le véhicule électrique : ZOE reste la référence et nous produisons de nouveaux modèles. Malgré l'ampleur de la crise, nous maintenons nos objectifs CO2 pour 2020 et nous prévoyons de quadrupler la production de véhicules électriques d'ici 2024. Renault est aussi le leader du recyclage des véhicules. Nous allons faire de Flins, dont le site est très favorable, un écosystème de l'économie circulaire en y transférant les activités du site de Choisy-le-Roi. Le leadership de Renault dans ce domaine n'est pas assez connu : nous allons le valoriser.

Le deuxième pilier, c'est le site France. La France est depuis toujours le cœur d'expertise et de savoir-faire industriel du groupe : 75 % de nos dépenses de recherche et développement y sont réalisées et nous achetons pour 6 milliards d'euros à nos fournisseurs français. Nous avons un projet offensif et pérenne, organisé autour de pôles d'activité stratégiques : l'électrique, l'utilitaire, l'innovation à forte valeur ajoutée et l'économie circulaire. Pour améliorer la compétitivité du site France, nous prévoyons de localiser le maximum de productions en France. Le moteur de 100 kW qui devait être produit en Chine sera par exemple rapatrié à Cléon. Nous allons créer un pôle d'excellence du véhicule électrique et utilitaire dans le Nord, autour des sites de Douai et Maubeuge. Le premier se prépare à accueillir la nouvelle plateforme électrique de l'alliance en 2021. Maubeuge, qui a une expertise dans la fabrication de véhicules utilitaires légers, produit la Kangoo électrique. Le technocentre de Guyancourt, enfin, restera une forteresse technologique et concentrera les activités de recherche et développement sur les technologies à plus forte valeur ajoutée : électrification, transport intelligent, connectivité, 4G et 5G.

Le troisième pilier, c'est l'Alliance, qui est au cœur de la stratégie du groupe depuis vingt ans, même si elle a connu des hauts et des bas. Depuis mon arrivée, nous avons renoué un lien de confiance avec nos partenaires japonais. Nous nous sommes adaptés pour passer d'une stratégie de volume à une stratégie d'efficacité, qui nous permettra de redresser notre profitabilité. Nous avons identifié des leaders dans chaque pays et dans chaque technologie : c'est le modèle « leader follower ». Il s'agit de renforcer la standardisation pour réduire les coûts, de développer les technologies d'avenir et de définir des régions de référence pour améliorer la complémentarité de nos groupes.

Renault est un groupe mondial mais son cœur et ses racines sont français : il sera un acteur majeur, comme acheteur et comme employeur, pour la filière automobile française. Malgré la crise, je suis très confiant pour l'avenir du groupe. Si les conditions sont réunies, la consommation peut reprendre rapidement. L'échange entre l'État, les entreprises et les partenaires sociaux sera une clé majeure pour sortir de cette crise.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.