Intervention de Jean-Dominique Senard

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 10h00
Commission des affaires économiques

Jean-Dominique Senard, président-directeur général du groupe Renault :

On a trop laissé traîner la question des sous-traitants. La clef, à court terme, est un partenariat aussi approfondi que possible, qui est déjà largement en cours – je regarde très attentivement la politique d'achat du groupe. Il existe un déficit majeur de compétitivité chez nos fournisseurs français. En acceptant cette situation, le donneur d'ordres transpose le problème chez lui… On pourrait réaliser un travail sur les impôts de production, même si c'est délicat, notamment pour les élus locaux. Par ailleurs, la taille des fournisseurs est souvent insuffisante pour assurer leur compétitivité – vous connaissez la question, classique, de la couverture des frais fixes par les volumes. Il va falloir traiter ce problème, comme d'autres pays l'ont fait, en particulier l'Allemagne. C'est compliqué car on a affaire à des personnes, à des familles, qui ont leur entreprise dans leur cœur et dans leurs tripes. Malgré le travail extraordinaire qui est réalisé, les entreprises n'ont pas toujours la taille ni les ressources nécessaires : il faut donc faciliter les regroupements. Cela peut être une solution, y compris dans les domaines les plus sensibles. Il ne sert à rien, sinon à causer du malheur, d'engloutir de l'argent pour maintenir le statu quo.

Vous avez évoqué la Fonderie de Bretagne. Si j'avais des réponses à tout, je serais content de vous en faire part, mais on ne peut pas demander une coconstruction et souhaiter que le patron ait des solutions toutes faites : permettez-moi de m'en tenir à la logique du dialogue social. Cette société n'a pas vocation à rester dans le groupe Renault, mais nous ferons tout notre possible pour aider les équipes concernées à trouver un avenir professionnel positif.

J'aimerais pouvoir vous dire quand le groupe Renault parviendra à se redresser. Nous faisons ce qu'il faut pour aller dans le bon sens – il y a une certaine urgence à agir… Le plan que j'ai exposé est assez offensif, mais ce n'est pas le futur plan stratégique de Renault, qui sera probablement publié à la fin de l'année ou au début de l'année prochaine. Nous y travaillerons avec le nouveau directeur général, M. Luca de Meo. Il s'agira notamment d'établir notre stratégie en ce qui concerne les marques et les projets d'avenir dans le cadre de l'Alliance. Nous y verrons alors plus clair sur le moment où Renault pourra reprendre le dessus. Nous allons tout faire pour y parvenir le plus vite possible.

Des start-up travaillent déjà avec le groupe, notamment sur les technologies innovantes, et nous allons continuer à associer, voire à intégrer, des entreprises qui peuvent nous apporter une force supplémentaire.

En ce qui concerne la production de Renault hors de France, j'ai la responsabilité de faire évoluer la situation, mais ce n'est pas une raison pour abandonner le monde extérieur. Une de nos forces est d'avoir le groupe Dacia ou le groupe Avtovaz, en Russie, où nous avons des parts de marchés considérables. Je ne vais certainement pas remettre en cause notre dimension internationale. Pour autant, un mouvement de fond a été engagé, puisque nous avons pris la décision de suspendre tous les projets d'extension de capacités au Maroc et en Roumanie et d'organiser des rapatriements, notamment des boîtes de vitesse depuis la Slovénie. Par ailleurs, nous réfléchissons à une réorganisation de nos lignes de production en Russie afin de les rendre plus efficientes. Tout a été passé au peigne fin.

Nous émettons le signal, très fort, que l'objectif est de rendre l'ensemble de nos sites compétitifs, y compris en France. Rapatrier à Cléon le projet de moteur électrique que nous devions réaliser en Chine n'est pas qu'un symbole. Je défends avec passion la création de deux grands pôles d'excellence à Flins et dans les usines du Nord. En rendant nos sites compétitifs en France, nous allons y attirer des véhicules supplémentaires. Il n'est pas possible que nos sites soient à ce point sous-utilisés : aucun industriel au monde ne pourrait rester sans réagir face à une telle situation. Nous pouvons gagner si nous nous y mettons tous. Il n'est pas très facile de faire bouger un bateau de la taille de Renault, surtout dans le cadre d'une alliance telle que la nôtre, mais nous sommes en train d'y arriver.

S'agissant du label Origine France garantie, je ne suis pas capable de vous répondre pour le moment. Il faudrait regarder les conditions prévues, mais je ne pense pas qu'il y aurait de grandes difficultés.

Voilà ce que je pouvais vous dire. Je l'ai fait, je vous prie de me croire, avec une sincérité absolue, sans rien vous cacher.

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