Avant de parler de l'avenir, il faut regarder dans le rétroviseur. Les problèmes que nous rencontrons durant cette crise en matière économique et sociale, et ceux que nous allons rencontrer existaient déjà auparavant. Il faut veiller à ce que certaines entreprises ne se servent pas du prétexte de la crise sanitaire, qui est réelle, pour accélérer des projets qui étaient dans les tiroirs. On a beaucoup parlé de Renault, mais les problèmes de Renault ne sont pas liés à la crise du Covid-19 : ils existaient déjà avant. Dans le secteur du commerce, beaucoup d'enseignes connaissaient des problèmes avant la crise, qui n'a fait que les accélérer.
Tous les secteurs d'activité n'ont pas subi cette crise sanitaire de la même façon, et certains ont même gagné beaucoup d'argent durant la crise. Dans l'industrie agroalimentaire, avec 50 % de salariés présents, la production atteint 95 % de son niveau habituel. Malgré des effectifs réduits, la productivité a augmenté, et les conditions de travail se sont donc dégradées.
Tous les secteurs n'ont pas été touchés de la même façon. Les secteurs les plus touchés sont ceux de la restauration et de l'hôtellerie, dont l'activité était nulle, alors que l'activité de la finance et des banques tournait pratiquement à 100 %. Méfions-nous des moyennes, elles cachent parfois de grandes disparités. Malgré une chute importante des ventes d'automobiles, les ventes de Porsche se sont accrues de 25 % pendant la crise sanitaire.
À l'avenir, certains secteurs vont continuer à être fortement perturbés, et nous discutons avec le Gouvernement de la nécessité de maintenir le chômage partiel pour un certain nombre de salariés. Il faudrait par exemple conserver les mesures de chômage partiel pour des secteurs tels que la culture ou l'animation en matière de sport.
Pour la reprise économique, des mesures doivent être prises, et il faut faire en sorte que toutes les aides soient conditionnées au maintien de l'emploi : il ne faut pas que l'argent public serve à détruire l'emploi.
Le troisième aspect, c'est qu'il ne faut pas être sur la défensive. Il faut évidemment défendre l'emploi et défendre l'activité, mais n'est-ce pas l'occasion, y compris moralement, de lancer de grands projets ? La CGT dispose de quelques dossiers d'entreprises qui ne demandent qu'à redémarrer si l'État les soutient. C'est le cas, entre autres, d'une papeterie qui recycle le papier journal. Cette très vieille industrie est tournée vers l'avenir et elle conjugue industrie et environnement.
Il est nécessaire de réfléchir sur le secteur de l'automobile, qui a besoin d'une intervention publique. Cela permettrait à Renault par exemple de produire à nouveau des véhicules en France. Actuellement, les modèles d'entrée de gamme de Renault ne sont pas fabriqués en France, alors que l'usine turque de Renault a un taux d'engagement de 130 %.
Une intervention de l'État est nécessaire dans plusieurs secteurs. Elle doit favoriser les relocalisations en France. La CGT porte chez Renault un projet de fabrication d'un petit véhicule électrique à moins de 10 000 €. Chez Airbus, avant la crise, il y avait dix ans de carnets de commande. J'ai cru comprendre qu'il y a 10 % de commandes en moins ; il reste donc neuf ans de carnets de commandes. Il est nécessaire d'examiner cette situation, sachant que ce genre de problématiques peut toucher le textile ou d'autres industries.
Il faut utiliser les investissements publics en France pour développer des emplois. Les investissements en France sont publics à hauteur de 40 %. Ils pourraient servir à accélérer la rénovation des logements. Un tel projet intéresse le bâtiment mais aussi d'autres activités industrielles.