Intervention de Philippe Martinez

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT :

Mon avant-propos économique portait sur les questions industrielles, mais je vais vous répondre au sujet des services publics et de l'hôpital.

Concernant la fiscalité des entreprises, je ne vais pas énumérer les nombreuses aides dont ces dernières bénéficient depuis longtemps. J'ai insisté sur la nécessité de contrôler ces aides. Les élus du personnel dans les entreprises réclament de la transparence sur l'utilisation de ces aides mais ils n'ont jamais de réponse. Ces aides servent souvent à augmenter la productivité et à réduire les effectifs. Renault va toucher cinq milliards d'euros d'aides publiques, mais le président de Renault a annoncé 4 500 suppressions d'emplois. Il ne s'agit pas de licenciements secs, mais de 4 500 personnes en moins. Depuis dix ans, Renault a supprimé 23 500 emplois, malgré les aides publiques et une participation de l'État à son capital. En 2019, Renault a versé un milliard d'euros à ses actionnaires, soit plus de 20 % du montant de l'aide qui va lui être octroyée. Ces aides publiques à fonds perdu permettent de délocaliser, pour aller profiter des conditions de travail et des conditions législatives dans des pays tels que la Turquie, le Brésil, l'Iran, l'Inde, etc.

Le modèle social français a été beaucoup décrié mais cette période si particulière a montré qu'un modèle social basé sur la solidarité, et non sur la charité, c'est une donnée importante. Pour préserver ce modèle, les salariés comme les employeurs doivent payer des cotisations sociales. Or, en matière d'exonérations de cotisations sociales, l'État a beaucoup fait pour les entreprises, qui versent des dividendes conséquents à leurs actionnaires.

J'ai l'habitude d'entendre dire, et une certaine presse s'en fait le relais, que lorsqu'il y a un problème en France, voire dans le monde, c'est de la faute de la CGT, qui est par ailleurs taxée de conservatisme. C'est un point de vue. Pour ma part, j'écoute toujours les salariés, et il n'existe pas de problème entre la base et le sommet de la CGT. Je comprends les salariés, y compris quand ils sont confrontés à des choix difficiles dans leur entreprise. Et quand on est au sommet, on propose des alternatives.

Concernant l'intéressement, c'est une solution, mais cela ne doit en aucun cas remplacer un salaire digne et décent qui permet de vivre et sur lequel on paie des cotisations. D'ailleurs, les plus grands gagnants des accords d'intéressement sont bien souvent les employeurs.

La troisième question concernait l'enjeu des services publics et de l'hôpital, et cette question est essentielle. Certains ont découvert pendant la crise que des lits et même des hôpitaux sont fermés, et que les soignants sont mécontents… Toutefois ces problèmes ne sont pas nouveaux. Désormais, il faut des réponses concrètes aux demandes des personnels soignants. Or, on leur parle à nouveau de réduction des dépenses, de fermetures de lits, de réductions d'effectifs, etc., alors qu'une nouvelle politique de santé est nécessaire, la vraie question étant de savoir si la santé dans un pays est une dépense ou un investissement.

Il faut arrêter tous les plans de fermetures d'hôpitaux et de suppressions de lits. Il faut revoir, y compris dans les territoires, la notion d'hôpital de proximité. Il faut revoir la politique d'emploi et les effectifs de l'hôpital public. Les besoins sont chiffrés à 100 000 emplois, et il faut y ajouter les besoins des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et de tout le secteur médico-social. L'objectif du Ségur de la santé ne doit pas être d'évoquer les problèmes, mais de les résoudre. La colère gronde, et les soignants ont l'impression que l'on s'est moqué d'eux.

À Sandouville, un accord du groupe Renault a été signé par toutes les parties, sauf la CGT, au début de la crise sanitaire. Il y était proposé aux salariés de rendre leurs congés pour le maintien de l'emploi. Cet accord révèle une volonté de faire passer la reprise d'activité avant la préservation de la santé des salariés. Ce qui s'est passé à Sandouville comme dans une autre usine du côté de Metz, c'est que les directions ont décidé unilatéralement des mesures sanitaires à prendre pour protéger les salariés, sans discussion.

Ce qui montre que la CGT est ouverte, Monsieur Villani, c'est qu'elle travaille depuis dix mois avec Attac et Greenpeace. Depuis, le petit groupe s'est élargi, et nous avons récemment formalisé un texte qui s'intitule Plan de sortie de crise, qui a été adopté par 19 organisations du monde associatif, des ONG et des syndicats, avec leurs différences parfois importantes. La CGT a fait preuve d'esprit d'ouverture en privilégiant ce qui rassemble, plutôt que de discuter de ce qui oppose. Cette démarche commune est intéressante dans la situation que connaît notre pays, et nous allons la poursuivre, parce que la question est de savoir comment conjuguer l'urgence sociale et l'urgence climatique.

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