Intervention de Philippe Martinez

Réunion du jeudi 11 juin 2020 à 15h00
Commission des affaires économiques

Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT :

Je le connaissais depuis très longtemps. Je vais essayer de reprendre mes esprits.

Je voudrais redire à Mme Beaudouin-Hubiere ce que j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises : ma conception du syndicalisme, c'est de convaincre, mais pas en bousculant, en insultant ou en molestant. Je suis pour le débat démocratique. Il y a des formes d'action où on brûle des pneus ou des palettes. Je ne suis pas sûr que c'est ce qui pollue le plus la planète. Attaquons-nous d'abord à ce qui se passe dans la forêt amazonienne. Je tenais à le redire devant vous : la CGT et moi condamnons régulièrement ce genre de pratiques.

À propos de dialogue social, les politiques ont une légitimité électorale, mais les organisations syndicales ont aussi une légitimité que leur donnent les salariés. Il est nécessaire de faire évoluer la démocratie sociale, et cela renforcera le dialogue social, dont nous sommes partisans, à condition que les règles du jeu évoluent. À titre d'exemple, c'est toujours le MEDEF qui propose des textes, les négociations ont toujours lieu au MEDEF, et en fin de compte, les organisations syndicales ne peuvent se positionner — en ajoutant des virgules ou des points virgule — que sur un texte émanant du patronat. Dans le cadre d'un dialogue social et d'une véritable démocratie sociale, nous proposons que l'on puisse discuter d'un texte présenté par des organisations syndicales.

Il y avait une question sur le partage du travail. Le sens de l'Histoire, c'est de travailler moins, et la CGT revendique que la référence hebdomadaire du temps de travail soit de 32 heures. Pour l'instant, il est inimaginable d'ouvrir une négociation sur les 32 heures, parce que c'est le patronat qui impose les règles et les conditions du dialogue social, ainsi que les sujets à évoquer. Dans le dialogue social, le Gouvernement ne doit pas avoir de parti pris. Lors de la négociation sur l'assurance chômage, par exemple, nous avons été confrontés à un Gouvernement qui a voulu imposer le résultat qu'il voulait obtenir à la fin. C'est une conception du dialogue social, mais ce n'est pas celle de la CGT : on ne nous impose pas une réponse obligatoire avant que la négociation ait commencé.

Dans le domaine nucléaire, la CGT est très démocratique. Quand la CGT discute avec Greenpeace, des militants CGT ont les cheveux qui se dressent sur la tête. Je n'ai pas caché que le nucléaire est un sujet de discorde ou de différence fondamentale avec Greenpeace. Pour l'instant, l'énergie nucléaire reste une énergie propre, mais elle pose un certain nombre de questions, et il est nécessaire d'intensifier la recherche. À Flamanville, les problèmes de l'EPR ne sont pas liés à la qualité des salariés, mais bien à des politiques de l'entreprise (sous-traitance excessive, externalisations, etc.).

Ce que la CGT propose, c'est que la part du nucléaire dans la production d'énergie diminue, non pas en fermant des centrales, mais en augmentant la part du renouvelable, de ce que l'on appelle le mix énergétique.

Nous arrivons à la question plus qu'essentielle de la place des femmes dans le travail et hors du travail. Dans toutes les entreprises, il faut faire en sorte qu'à qualification égale le salaire soit égal, ce qui n'est pas encore le cas, et que les métiers très féminins aient les mêmes niveaux de qualification et de reconnaissance de qualifications que les métiers très masculins. Il faut donc qu'à qualification égale et à diplôme égal, le niveau des rémunérations soit le même. Et vous nous avez donné une très bonne idée sur la nécessité de conditionner des aides au respect non pas de l'index du Gouvernement, parce que nous le critiquons et le contestons, mais au respect d'un index fiable.

J'ai dit qu'en 2019, Renault a versé un milliard d'euros de dividendes. Quelques mois après, ce sont les citoyens qui vont lui donner cinq milliards pour licencier 4 500 personnes. Avec ce projet de suppressions d'emploi, l'action Renault a augmenté de 5 %. C'est le monde d'avant, celui des licenciements boursiers. Si c'est le modèle d'économie de marché que vous proposez, je ne partage pas votre point de vue. En revanche, si l'on réduit les marges sur les ventes d'automobiles pour favoriser le volume et favoriser l'emploi, cela fait moins d'argent pour les actionnaires, mais plus d'argent pour l'emploi, pour la recherche, pour l'évolution des voitures. Cette conception de l'économie de marché, nous l'acceptons, mais ce n'est pas la conception qu'expriment vos propos. À quoi sert l'entreprise ? À qui ? Au service de qui ? Ce sont de vraies questions, et je pense qu'il faut se les poser.

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