Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du mardi 21 juillet 2020 à 17h30
Commission des affaires économiques

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement :

Je prends mes fonctions dans un contexte particulier de renforcement de notre ambition écologique et de souhait d'un nouveau partenariat avec les territoires. Le ministère du logement a ainsi été intégré dans celui de la transition écologique. Ce ministère plein est compétent pour répondre aux enjeux écologiques, économiques – soutien à la filière de l'immobilier –, mais aussi sociaux – hébergement d'urgence, lutte contre le « sans-abrisme » et contre l'habitat indigne. Ayant animé, dans mes anciennes fonctions, une centaine de contrats de transition écologique, je suis également très attachée à la logique territoriale. La politique du logement nécessite un partenariat étroit avec les élus locaux pour des objectifs de politique publique en matière de logement, de construction et d'hébergement. Trois priorités guideront mon action : l'amélioration de la qualité des logements et des bâtiments, le développement d'une offre de logements abordables pour tous et la préservation du cadre de vie.

La crise sanitaire a agi comme un révélateur des conditions de logement dans notre pays. Elle a mis en exergue les inégalités liées au logement et au cadre de vie. Avec le confinement, la question de la qualité de vie à domicile s'est posée avec une nouvelle insistance. Je salue l'implication et la résilience de tous les acteurs du logement et de l'hébergement pendant cette période : les services déconcentrés de l'État, les opérateurs, les associations dans le champ de l'hébergement, les bailleurs sociaux et tous les acteurs des services d'entretien et de maintenance, qui sont restés mobilisés.

La crise économique qui s'est ajoutée à cette crise sanitaire a touché durement le secteur du bâtiment et de la construction. Au plus fort de la crise, le taux d'activité des chantiers était inférieur à 10 %. Nous avons beaucoup travaillé à leur reprise, avec la publication des guides de l'OPBTP et un approvisionnement en masques. Dans ce secteur, les prêts garantis par l'État ont bénéficié à 70 000 entreprises, le fonds de solidarité à 400 000 petites entreprises et le chômage partiel à 1,5 million de salariés. Dans le seul secteur du logement, la Caisse des dépôts et consignations a mobilisé 8,5 milliards d'euros pour acquérir 40 000 logements en vente à l'état futur d'achèvement (VEFA) et a proposé, avec Action Logement, des aides au redémarrage des chantiers de logement social et des aides aux locataires. Grâce à la réactivité du Gouvernement et des parlementaires, plusieurs ordonnances ont été adoptées pendant l'état d'urgence sanitaire, pour adapter le droit à la situation de crise. Cela a permis que 95 % des chantiers aient rouvert au 29 juin, dont 78 % selon un fonctionnement normal. La question de l'incidence de la crise pour la suite reste posée, mais il est essentiel que l'activité ait redémarré.

Dans ce contexte, les trois priorités que j'ai mentionnées plus haut seront au cœur de la définition du plan de relance pour les secteurs du logement, de la construction et de l'urbanisme, d'au moins 100 milliards d'euros dont le tiers en faveur de la transition écologique. Il sera présenté à la rentrée, après concertation avec les partenaires sociaux et les collectivités territoriales. Au moins 5 milliards d'euros seront consacrés aux secteurs du logement et du bâtiment, en particulier pour la rénovation énergétique. Élément majeur de la transition énergétique, elle constitue l'un des piliers du plan de relance comme vecteur de reprise économique, pourvoyeur d'emplois locaux et moyen de lutte contre la précarité, contre les factures trop élevées pour les ménages modestes, contre le froid et l'humidité, mais aussi pour le confort, la dignité et la santé de nos concitoyens. Cette ambition a été définie dans la stratégie bas carbone publiée pendant la crise : elle vise la rénovation de l'ensemble du parc au niveau basse consommation à horizon 2050.

Jusqu'ici, les déclarations d'intention des gouvernements successifs n'ont pas toujours été suivies d'effet. Nous pouvons nous féliciter d'avoir passé un premier pallier de massification de la rénovation en 2019, grâce à la mobilisation des certificats d'économies d'énergie, les CEE, qui ont permis d'accompagner plus d'un million de ménages pour isoler leurs combles ou leur plancher, ou changer leur chaudière. C'est à peu près trois fois ce qui avait eu lieu les années précédentes. L'an dernier, 110 000 chaudières au fioul ont été changées et l'ANAH a dépassé son objectif de 75 000 logements rénovés.

La loi ELAN de 2018 puis la loi Énergie Climat de 2019 ont introduit de nouvelles dispositions coercitives, comme la régulation des loyers en cas de logement énergivore ou l'obligation de réduction des consommations énergétiques dans le parc tertiaire, qui vont avec les chantiers d'accompagnement et d'incitation. La loi Énergie Climat fixe un objectif visant la rénovation de l'ensemble des passoires thermiques d'ici à 2028, en s'appuyant sur des mesures d'abord informatives puis contraignantes. Les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat, très allantes s'agissant des questions de rénovation ou de lutte contre l'artificialisation des sols, ont montré que nous étions dans la bonne voie. Les citoyens proposent même d'aller plus loin. Ces points seront abordés dans les groupes de travail créés par le Gouvernement et associant des parlementaires, et le Premier ministre a annoncé un projet de loi pour l'automne.

Plusieurs chantiers structurants, souvent d'ordre réglementaire, sont en cours pour continuer d'asseoir les bases de l'accélération de la rénovation énergétique des bâtiments : la fiabilisation et l'opposabilité du diagnostic de performance énergétique (DPE), l'intégration d'un critère de performance énergétique dans la définition de la décence du logement, l'encadrement renforcé du label « reconnu garant de l'environnement » (RGE). Nous avons aussi lancé, le 1er janvier, « Ma Prime Rénov ». Cette aide plus ciblée, qui remplace le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), rencontre un réel succès avec 60 000 dossiers déposés, 45 000 déjà instruits et une rallonge budgétaire de 100 millions d'euros dans le PLFR 3. En 2021, nous accentuerons cette ambition en dédiant plus de moyens de mobilisation des CEE, en étendant Ma Prime Rénov à tous les propriétaires occupants et bailleurs, et en ciblant un effort spécifique de simplification et de financement vers les copropriétés.

Je soutiendrai également les autres priorités d'intervention de ce ministère dans l'habitat, en particulier l'adaptation des logements au vieillissement dans le plan Autonomie.

Mon deuxième objectif vise à agir résolument en faveur du développement d'une offre de logements abordables pour le plus grand nombre, là où sont les besoins. Pour le développement du parc locatif social, nous ferons en sorte que le nombre de logements locatifs sociaux agréés se maintienne cette année, malgré les difficultés, au-dessus de 100 000 comme c'est le cas depuis 2014. Il s'agit notamment de loger au plus près de leur emploi les travailleurs clés, qui ont été aux avant-postes pendant la crise. Ce n'est ni acquis, ni impossible. Un pilotage resserré de l'exécution de la programmation est engagé dès cet été. C'est tout particulièrement nécessaire pour les produits les plus sociaux, comme les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI).

Je serai attentive à ce que les collectivités territoriales respectent les obligations de la loi SRU. Nous arrivons à l'échéance triennale et au début des procédures contradictoires. Je serai dans le partenariat avec les collectivités qui souhaitent progresser, mais j'appliquerai le droit dans toute sa rigueur à celles qui ne sont pas au rendez-vous de cette exigence sociale.

Je souhaite aussi encourager le développement d'une offre de logements à loyer maîtrisé, complémentaires du parc social et du parc à loyer libre. Cette action nécessite un investissement accru des grands acteurs institutionnels du logement, notamment ceux qui dépendent de l'État, que je mobiliserai en ce sens. Cette politique passe aussi par des actions de remise de logements vacants sur le marché, de lutte contre l'habitat indigne et d'amélioration du parc privé dégradé. Nous poursuivrons le plan « Initiative copropriétés », doté de 2,7 milliards d'euros pour dix ans pour rénover 56 000 logements dans les copropriétés parmi les plus dégradées de France. Une nouvelle étape sera franchie avec la publication, avant la fin septembre 2020, de l'ordonnance prévue par l'article 198 de la loi ELAN, qui permettra de simplifier les polices administratives pour lutter contre l'habitat indigne sans modifier la répartition des compétences entre État et collectivités. Nous mènerons aussi une politique de lutte contre l'exclusion et de mise à l'abri des plus fragiles. Je tiens d'ailleurs à témoigner mon engagement dans la politique du « Logement d'abord », qui porte ses fruits et permet de sortir dignement les personnes de la rue vers un logement pérenne et adapté. Je la porterai avec les collectivités, les associations et les bailleurs sociaux pour m'efforcer de réduire durablement le « sans-abrisme » et proposer, enfin, des solutions décentes aux personnes concernées. Je m'engagerai aussi dans des opérations de mise à l'abri, afin de proposer aux personnes à la rue un toit, un accompagnement et un lien social.

Troisième et dernière priorité, la lutte contre l'artificialisation des sols sera accélérée afin de préserver notre cadre de vie. Au regard de sa population, le territoire français est environ 15 % plus artificialisé que celui de l'Allemagne et 57 % plus que celui du Royaume-Uni ou de l'Espagne, au rythme d'un département tous les huit ans ou de 20 000 à 30 000 hectares de surface naturelle par an. Aussi avons-nous constitué un groupe de travail, avec des parlementaires, pour réfléchir aux moyens d'instaurer une véritable sobriété foncière, en renforçant l'exigence des conditions d'ouverture à l'urbanisation et en cherchant à utiliser davantage le foncier déjà artificialisé. La dimension culturelle est essentielle : il faut arriver à proposer d'autres formes de logements que l'alternative entre le centre-ville et le quartier pavillonnaire. Nous aurons aussi besoin de nous appuyer sur un travail de réhabilitation des friches commerciales, industrielles et militaires. Nous avançons également avec les propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qui feront l'objet de travaux communs.

Enfin, la lutte contre l'étalement urbain devra participer à la revitalisation des cœurs de ville. L'ANAH continue à se mobiliser dans des dispositifs contractuels locaux. Ce partenariat est même appelé à se développer dans le cadre de nouveaux outils et programmes créés par le Gouvernement.

En somme, mon action vise à faire de la relance du pays un levier en faveur de l'amélioration de la qualité des logements et des bâtiments, notamment de leur efficacité énergétique, et du développement d'une offre de logements abordables pour le plus grand nombre, dans un cadre de vie préservé. Je serai à votre écoute, et j'aimerais trouver le mode de travail partenarial qui nous permettra de faire avancer ces sujets ensemble.

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