Intervention de Philippe Mauguin

Réunion du mercredi 29 juillet 2020 à 9h35
Commission des affaires économiques

Philippe Mauguin :

Je suis honoré d'être aujourd'hui devant vous. Lorsque j'ai été nommé à la tête de l'INRA en 2016, j'avais plusieurs objectifs : lancer un plan d'action ambitieux pour l'innovation, définir une stratégie internationale, renforcer la coopération avec l'enseignement supérieur, et renouveler la stratégie scientifique de l'établissement, ce qui impliquait selon moi de passer par un rapprochement avec l'IRSTEA – nous sommes finalement allés jusqu'à la fusion. L'INRAe est aujourd'hui le premier organisme mondial spécialisé sur le continuum entre agriculture, alimentation et environnement. La fin de mon mandat a été marquée par la crise du covid-19, au cours de laquelle les agents de l'INRAe ont fait preuve d'une mobilisation exceptionnelle.

Dans le contexte actuel – climatique, environnemental, démographique –, le défi majeur est de savoir comment nourrir 10 milliards d'habitants en 2050. C'est ce qui a guidé l'élaboration de mon programme pour ce nouveau mandat, car nous sommes attendus sur plusieurs sujets : sécurité alimentaire, gestion des ressources naturelles, accompagnement des acteurs dans les transitions à venir. Mon ambition est double : conforter le leadership scientifique de l'INRAe au niveau mondial et transférer l'innovation vers la société. Pour ce faire, je vois quatre grandes orientations.

La première, c'est la définition d'une nouvelle stratégie de recherche, à l'échelle du nouvel établissement. Elle doit elle-même s'articuler autour de quatre grands défis. Premièrement, il convient d'aider les acteurs sociaux à s'adapter aux changements globaux (climat, biodiversité, risques naturels) : l'INRAe, par exemple, doit pouvoir convertir les scénarios du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) en cartes d'opportunités et de risques pour nos filières. Deuxièmement, il faut accélérer la transition agroécologique, tout en maintenant la compétitivité des filières et le revenu des agriculteurs. Troisièmement, il importe de promouvoir une bioéconomie fondée sur la gestion circulaire et durable des ressources naturelles, notamment l'eau, et aller vers une économie décarbonée. Enfin, l'expérience planétaire que nous venons de vivre nous pousse à adopter une approche globale pour la santé, dans l'esprit du programme One Health. L'INRAe doit renforcer sa recherche sur les zoonoses, mais aussi promouvoir une alimentation saine et équilibrée : il est déjà l'un des leaders mondiaux de la recherche sur le microbiote intestinal.

La deuxième grande orientation consiste à renforcer les liens de l'INRAe avec le monde universitaire, en allant vers une programmation commune des investissements et des recrutements. La loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR) peut nous donner l'occasion de le faire. Il faut renforcer le rayonnement de l'INRAe en Europe, grâce au futur programme-cadre « Horizon Europe » et au Green Deal. Nous avons déjà créé un consortium de recherche avec vingt organismes européens sur la réduction des produits phytosanitaires en agriculture : il est important que la France ne soit pas seule. Au niveau mondial, je propose de créer un réseau des grands acteurs de la recherche agronomique et alimentaire. Nous allons par ailleurs intensifier notre collaboration en Afrique avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

L'innovation et son transfert constituent la troisième orientation. L'INRAe a créé avec l'assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), présidée par M. Sébastien Windsor, et l'association réunissant les instituts techniques agricoles (ACTA) une cellule « Recherche innovation transfert ». Nos premiers travaux portent sur les produits phytosanitaires mais l'objectif est d'envisager toutes les innovations utiles aux agriculteurs et de les rendre disponibles sur une base de données interactive. Nous avons été labellisés par la French Tech pour piloter un consortium de start-ups spécialisées dans l'agroalimentaire. Nous voulons également développer la recherche participative, en faisant dialoguer les scientifiques avec des agriculteurs, des citoyens, des organisations de consommateurs. L'INRAe, enfin, a un rôle d'expertise publique, en France et au niveau international – auprès du Parlement européen, de la Commission européenne, de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO, et de la Banque mondiale.

La quatrième orientation concerne le management : c'est essentiel, puisque l'INRAe est un nouvel établissement. Mon projet est d'être au plus près des équipes, notamment des collègues de l'ex-IRSTEA, pour garantir la réussite de la fusion. Pour ce faire, je propose de m'appuyer sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE) : l'INRAe pourrait être le premier organisme de recherche français à bénéficier d'une labellisation « Développement durable et responsabilité sociétale », comme il a été le premier à être labellisé pour la parité et la lutte contre les discriminations. Nos agents attendent que nous nous appliquions ce que nous prônons dans nos recherches.

S'agissant de la méthode, nous travaillons à un nouveau plan stratégique « INRAe 2030 ». Nous avons consulté les personnels – il y a eu plus de 3 000 participants – et nous consultons maintenant les partenaires sociaux et économiques. Le plan stratégique sera soumis au conseil scientifique, puis au conseil d'administration. S'il est adopté, nous pourrons le décliner dans tous les schémas scientifiques des départements et des centres.

Ce que je souhaite, c'est que ce bel établissement fasse progresser les connaissances au niveau mondial de manière libre et audacieuse tout en répondant aux attentes concrètes des acteurs sociaux et économiques.

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